Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 13

Date de la décision : 2017-02-13
[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

 

Twin River Law LLP

Partie requérante

et

 

Continental Capital Investments Inc. / Continental Investissements Capital Inc.

Propriétaire inscrite

 

 

 

 

LMC725,878 pour la marque de commerce FULLUM

 

Enregistrement

[1]  Le 24 juillet 2014, à la demande de Twin River Law LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Arrow Manufacturing Incorporated (l’Inscrivante), qui était alors la propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC725,878 de la marque de commerce FULLUM (la Marque).

[2]  La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits suivants [Traduction] : « Ceintures, accessoires en cuir, nommément portefeuilles, carnets, sacs à main, trousses de toilette, serviettes, portefeuilles et breloques porte-clés; bretelles, bijoux et jarretelles. »

[3]  L'avis enjoignait à la propriétaire inscrite de fournir une preuve établissant que la Marque a été employée au Canada, en liaison avec les produits spécifiés dans l'enregistrement, à un moment quelconque entre le 24 juillet 2011 et le 24 juillet 2014. Si la Marque n'avait pas été ainsi employée, la propriétaire inscrite devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]  La définition pertinente d'« emploi » en liaison avec des produits est énoncée à l'article 4(1) de la Loi, lequel est libellé comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]  Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement pendant la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co et al (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[6]  Comme je l'explique ci-dessous, le 7 octobre 2014, le registraire a porté au registre un changement dans la propriété de l'enregistrement au profit de Continental Capital Investments Inc. / Continental Investissements Capital Inc. (la Propriétaire).

[7]  En réponse à l'avis du registraire, la Propriétaire a fourni l’affidavit de son président, Andrew Chelminski, souscrit le 20 février 2015, et l’affidavit d’Andréanne Muzzo-Bédard, une employée de l’agent de marques de commerce de la Propriétaire, Guy & Muzzo Inc., souscrit le 19 février 2015. Aucune des parties n'a produit de représentations écrites et la tenue d'une audience n'a pas été sollicitée.

La preuve de la Propriétaire

[8]  Dans son court affidavit, M. Chelminski atteste que la Propriétaire a acquis la Marque du syndic de faillite de l’Inscrivante le 8 novembre 2013. Une copie du protocole d'entente relatif à la vente et l’achat établissant les modalités de l’acquisition est jointe comme pièce A à son affidavit.

[9]  M. Chelminski affirme que la Propriétaire a été incapable d’obtenir une preuve d’emploi de la Marque auprès du syndic de faillite de l'Inscrivante ou d'obtenir la « collaboration » des anciens administrateurs de l'Inscrivante. Cependant, M. Chelminski affirme que la Propriétaire elle-même [Traduction] « s'est efforcée » de reprendre l’emploi de la Marque depuis le 8 novembre 2013. Plus particulièrement, il affirme que la Propriétaire a [Traduction] « entrepris des négociations avec Custom Leather Inc. au cours du mois de décembre 2014 » et que ces négociations sont [Traduction] « en rapport direct avec » la Marque. Il affirme également que la Propriétaire a l’intention d’employer la Marque [Traduction] « elle-même ou par l'entremise d'un licencié » en liaison avec tous les produits visés par l’enregistrement et [Traduction] « a l’intention de reprendre l’emploi de la Marque au cours des six (6) prochains mois ».

[10]  Quant à l’affidavit de Mme Muzzo-Bédard, cette dernière présente les résultats de diverses recherches dans Internet qu’elle a menées pour obtenir des renseignements au sujet de l’emploi antérieur de la Marque par l’Inscrivante. Plus précisément, Mme Muzzo-Bédard joint les pièces suivantes à son affidavit :

  • La pièce 1 est composée d’instantanés d’écran et d’imprimés montrant les pages des résultats de recherches obtenus dans Google pour « fullum belts » [ceintures fullum] et « fullum handbags » [sacs à main fullum], ainsi que de deux pages Web qui, atteste Mme Muzzo-Bédard, ont été trouvées dans le cadre de ces recherches. Les diverses pages contiennent des mentions de « Fullum & Holt » à côté d’images de sacs à main et de ceintures. Sur la plupart des produits illustrés, la marque de commerce n'est pas lisible. Cependant, sur une image en gros plan, la Marque est partiellement visible sur ce qui semble être un fermoir de sac à main. Je souligne que l’un des imprimés contient un article tiré de la page Web wwww.frontrowmag.com, qui indique que « Fullum & Holt » est une entreprise de « leather goods » [produits en cuir] dont les « handbags and belts » [sacs à main et ceintures] étaient disponibles « at Ogilvy (in Quebec) and Holt Renfrew (across Canada) » [chez Ogilvy (au Québec) et Holt Renfrew (à travers le Canada)] en mars 2010.

  • La pièce 2 est composée d’instantanés d’écran tirés de l'Internet Archive à l'adresse www.archive.org, montrant des pages Web archivées du site www.fullumandholt.com datant de novembre 2013, juin 2013, décembre 2011 et août 2008. Les trois premiers instantanés montrent des gros plans de boucles de courroies ou de ceintures, sous les titres « FULLUM », « FULLUM&HOLT » et « FH ». Le dernier instantané montre les coordonnées de Fullum & Holt.

  • La pièce 3 est un imprimé des détails de l'entreprise de l’Inscrivante tiré de la base de données du Registraire des entreprises du Québec. Je souligne que « FULLUM », « FULLUM AND HOLT » et « FULLUM ET HOLT » figurent dans la liste des noms commerciaux de l’Inscrivante.

Analyse – Emploi de la Marque pendant la période pertinente

[11]  D’emblée, je souligne que ni M. Chelminski ni Mme Muzzo-Bédard ne prétend avoir une connaissance personnelle de l’emploi de la Marque au Canada pendant la période pertinente.

[12]  Par conséquent, les pages Web jointes comme pièces à l’affidavit de Mme Muzzo-Bédard relèvent, pour la plupart, du ouï-dire et ne sont pas particulièrement probantes. Au mieux, on peut supposer que certains des [Traduction] « sacs à main » et « ceintures » de marque FULLUM étaient offerts en vente en ligne pendant la période pertinente, bien qu’il n’y ait aucune preuve que l’un ou l’autre de ces produits ait été expédié à des clients canadiens.

[13]  Quoi qu’il en soit, je ne dispose d’aucune preuve d’un transfert de l’un quelconque des produits visés par l’enregistrement, que ce soit en liaison avec la Marque ou autrement. En l'absence de plus amples détails ou même de représentations de la part de la Propriétaire, je ne suis pas disposé à tirer quelque inférence que ce soit qui me permettrait de conclure que la Marque a été employée dans la pratique normale du commerce pendant la période pertinente en liaison avec l’un quelconque des produits visés par l’enregistrement.

[14]  Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a établi l'emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l'enregistrement au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Analyse - Circonstances spéciales

[15]  En l'absence d'une preuve d'emploi de la Marque, la question qui se pose est celle de savoir si, aux termes de l'article 45(3) de la Loi, il existait des circonstances spéciales justifiant ce défaut d'emploi.

[16]  En règle générale, le défaut d’emploi doit être sanctionné par la radiation, mais il peut être fait exception à cette règle lorsque le défaut d’emploi est attribuable à des circonstances spéciales [Scott Paper Ltd c Smart & Biggar, 2008 CAF 129, 65 CPR (4th) 303].

[17]  Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été démontrée, le registraire doit en premier lieu déterminer la raison pour laquelle la marque de commerce n’a pas été employée pendant la période pertinente. En second lieu, le registraire doit déterminer si les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)]. Les circonstances spéciales sont des circonstances ou des raisons qui sont inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles [John Labatt Ltd c The Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst)].

[18]  S'il détermine que les raisons du défaut d'emploi constituent des circonstances spéciales, le registraire doit encore déterminer si ces circonstances justifient la période de défaut d'emploi. Cette détermination repose sur l’examen de trois critères : 1) la durée de la période pendant laquelle la marque n'a pas été employée; 2) la question de savoir si les raisons du défaut d'emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et 3) la question de savoir s'il existe une intention sérieuse de reprendre l'emploi de la marque à court terme [selon Harris Knitting Mills, supra].

[19]  L’intention de reprendre l’emploi à court terme doit être corroborée par un [Traduction] « fondement factuel suffisant » [NTD Apparel Inc c Ryan, 2003 CFPI 780, 27 CPR (4th) 73 (CF 1re inst), au paragraphe 26; voir aussi Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst)].

[20]  Ces critères sont tous trois pertinents, mais la satisfaction du deuxième critère est essentielle pour conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [selon Scott Paper, supra].

[21]  En l’espèce, la Propriétaire n’a pas produit de représentations et la preuve fournie ne se rapporte pas directement aux raisons du défaut d’emploi de la Marque pendant la période pertinente. Il est probable, par contre, que les raisons du défaut d’emploi soient liées à la faillite de l’Inscrivante.

[22]  Cependant, il est bien établi que, de façon générale, des conditions de marché défavorables ne sont pas le genre de raisons inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles à l'origine d'un défaut d’emploi que l’on considère comme des circonstances spéciales [voir à titre d’exemple Harris Knitting Mills, supra; et John Labatt, supra]. Les faillites sont des conséquentes parfois malheureuses, parfois nécessaires de conditions de marché défavorables. Il s’ensuit donc qu'un défaut d’emploi dû à la faillite d’un propriétaire de marque de commerce ne constitue pas, en soi, une raison de défaut d’emploi qui équivaut à une circonstance spéciale [voir également MG Icon LLC c Les Ventes Universelles SH Inc, 2012 COMC 256].

[23]  En l’espèce, les affidavits produits ne fournissent aucun renseignement en ce qui concerne les circonstances entourant la faillite de l’Inscrivante ou l’acquisition subséquente de la Marque par la Propriétaire. Il m'est donc impossible de conclure que les raisons du défaut d’emploi de la Marque constituent des circonstances spéciales.

[24]  Quoi qu’il en soit, même si j’admettais que la faillite de l’Inscrivante puisse être considérée comme une circonstance « inhabituelle, peu commune ou exceptionnelle », je ne suis pas convaincu qu'elle justifie la période de défaut d’emploi en l’espèce. À cet égard, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a satisfait aux critères énoncés dans Harris Knitting Mills.

[25]  Je souligne en premier lieu que, dans le cas d’une cession attribuable à une faillite comme en l’espèce, la date de cession peut être considérée comme la date pertinente aux fins du premier critère [voir GPS, supra]. De plus, on peut raisonnablement supposer qu'un nouveau propriétaire puise avoir besoin de temps pour prendre les arrangements nécessaires à l'emploi de la marque de commerce nouvellement acquise [voir Baker & McKenzie c Garfield’s Fashions Ltd (1993), 52 CPR (3d) 274 (COMC)].

[26]  Cependant, un propriétaire doit établir que les raisons de tout retard dans la reprise de l’emploi étaient indépendantes de sa volonté [selon Scott Paper, supra; voir également Morrison Brown Sosnovitch LLP c Jax and Bones Inc, 2014 COMC 280, CarswellNat 6252]. De plus, le propriétaire doit fournir des renseignements démontrant une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la marque dans un avenir rapproché [voir WIPG AG c Wico Distribution Corp (1999), 2 CPR (4th) 388 (COMC); et Arrowhead Spring Water, supra].

[27]  En l’espèce, bien que M. Chelminski mentionne un manque de « collaboration » de la part des anciens administrateurs de l’Inscrivante, il n’indique pas si ce manque de collaboration a eu une incidence sur la capacité de la Propriétaire à reprendre l’emploi de la Marque. De plus, à l’exception des négociations ayant eu lieu en décembre 2014, M. Chelminski ne mentionne aucun autre arrangement nécessaire à la reprise de l’emploi de la Marque. Il ne décrit pas non plus une difficulté précise empêchant la prise de tels arrangements. Par exemple, bien que les négociations susmentionnées n’aient commencé qu'un an après l’acquisition de la Marque, M. Chelminski ne fournit aucune explication quant à ce retard. En l’absence de détails, il m’est difficile de conclure que le retard dans la reprise de l’emploi de la Marque à la suite de l’acquisition était attribuable à des facteurs indépendants de la volonté de la Propriétaire.

[28]  De plus, la déclaration de M. Chelminski portant que la Propriétaire avait l’intention de reprendre l’emploi de la Marque est vague et non corroborée. Par exemple, bien que M. Chelminski affirme que la reprise de l’emploi est prévue dans les [Traduction] « six (6) prochains mois », il n’indique pas si cet échéancier concerne tous les produits visés par l’enregistrement ou si l’emploi commencera uniquement en liaison avec certains des produits visés par l’enregistrement, comme les sacs à main et les ceintures. Il n’indique pas non plus si la reprise de l’emploi de la Marque est prévue au Canada.

[29]  De plus, bien que M. Chelminski affirme que la Propriétaire a entrepris des négociations avec « Custom Leather Inc. », il n’indique pas quels produits ou services Custom Leather Inc. fournira pour permettre l’emploi de la Marque. De même, il ne révèle pas l’état de ces négociations à la date de son affidavit.

[30]  En l'absence de plus amples détails, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a démontré une intention sérieuse de reprendre l'emploi de la Marque à court terme au Canada en liaison avec les produits visés par l’enregistrement.

[31]  Compte tenu de ce qui précède, même si je devais conclure que la faillite de l’Inscrivante et l’acquisition subséquente de la Marque par la Propriétaire constituent en l'espèce des circonstances spéciales, je ne serais pas convaincu que les circonstances exposées dans la preuve justifient la période de défaut d’emploi.

[32]  Par conséquent, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a démontré l'existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque pendant la période pertinente au sens de l’article 45(3) de la Loi.

Décision

[33]  Compte tenu de tout ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, l'enregistrement sera radié selon les dispositions de l'article 45 de la Loi.

______________________________

Andrew Bene

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

Aucune audience tenue

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Guy & Muzzo Inc.  POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

Twin River Law LLP  POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

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