Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2017 COMC 28

Date de la décision: 2017-03-07

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45

 

Goudreau Gage Dubuc S.E.N.C.R.L./LLP

Partie requérante

et

 

Aliments La Bourgeoise Inc.

 

Propriétaire inscrite

 

 

 



LMC752,154 pour MONAMORE

Enregistrement

Le dossier

[1]  Le 27 mai 2015, à la demande de Goudreau Gage Dubuc S.E.N.C.R.L./LLP (la Partie requérante), le registraire a envoyé l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Aliments La Bourgeoise Inc. (la Propriétaire inscrite), titulaire de l’enregistrement no LMC752,154 pour la marque de commerce MONAMORE (la Marque).

[2]  Cet avis enjoignait la Propriétaire inscrite de fournir un affidavit ou une déclaration solennelle démontrant que sa Marque a été employée au Canada à un moment quelconque entre le 27 mai 2012 et le 27 mai 2015 (la période pertinente), en liaison avec les produits spécifiés dans l’enregistrement, à savoir des « Aliments, nommément entrées et hors-d’œuvre enrobés et panés; hors-d’œuvre au fromage, fondues au fromage, bâtonnets de fromage », et, dans la négative, la date à laquelle la Marque a été employée pour la dernière fois et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.

[3]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire inscrite a produit un document intitulé « DÉCLARATION SOLENNELLE » signé par son président Martin Roy le 20 juillet 2015 devant le « témoin » Jacques Roy (ci-après parfois référé le « Document Roy »).

[4]  Seule la Partie requérante a produit des représentations écrites et participé à une audience.

Analyse

[5]  Il est bien établi que l’objet et la portée de l’article 45 de la Loi est de prévoir une procédure simple, sommaire et expéditive visant à débarrasser le registre du « bois mort »; c’est pourquoi le test applicable est peu exigeant. Comme l’a affirmé le juge Russell dans Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp (2004), 31 CPR (4th) 270 (CF), à la p. 282 :

[traduction] Nous savons que l’objet de l’article 45 est de débarrasser le registre du « bois mort ». Nous savons que la simple affirmation par le propriétaire de l’emploi de sa marque de commerce ne suffit pas et que le propriétaire doit « indiquer » quand et où la marque a été employée. Il nous faut des éléments de preuve suffisants pour être en mesure de nous former une opinion en vertu de l’article 45 et d’appliquer cette disposition. Également, nous devons maintenir le sens des proportions et éviter la preuve surabondante. Nous savons également que le genre de preuve exigée varie d’une affaire à l’autre, en fonction d’une gamme de facteurs tels que la nature du commerce et les pratiques commerciales du propriétaire de la marque de commerce.

[6]  Dans le présent cas, l’article 4(1) de la Loi définit l’emploi en liaison avec des produits comme suit :

Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les colis dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[7]  Ce qui m’amène à passer en revue la preuve produite par la Propriétaire inscrite.

[8]  M. Roy déclare dans le Document Roy, deux choses :

-  « Que la [Marque] a été utilisée en 2013 et 2014 dans le cadre d’un projet concernant : des hors-d’œuvre au fromage, enrobés et panés, fondues au fromage, bâtonnets de fromage pour présentation à un client ayant des succursales partout au Canada »; et

-  « [Qu’il] fai[t] cette déclaration solennelle la croyant en toute conscience vraie et sachant qu’elle a la même force et le même effet que si elle était faite sous serment. »

[9]  Une photocopie couleur de ce qui semble être un emballage d’une boîte d’hors-d’œuvre « FETA & OLIVE » arborant la Marque est jointe au Document Roy, sans aucune forme de présentation ou référence.

[10]  Lors de l’audience, la Partie requérante a fait valoir que la preuve produite par la Propriétaire inscrite ne rencontre pas les critères énoncés plus haut pour établir l’emploi de la Marque pendant la période pertinente, tant sur la forme que sur le fond.

[11]  Je suis d’accord.

L’admissibilité du Document Roy

[12]  Considérant dans un premier temps la forme de la preuve soumise par la Propriétaire inscrite, je conviens avec la Partie requérante que le Document Roy ne remplit pas les conditions requises pour être considéré comme une déclaration solennelle, pour les raisons qui suivent.

[13]  En vertu de l’article 41 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC (1985), ch C-5 (la Loi sur la preuve), une déclaration solennelle doit être faite devant :

Tout juge, notaire public, juge de paix, juge de la cour provinciale, recorder, maire ou commissaire autorisé à recevoir les affidavits destinés à servir dans les tribunaux provinciaux ou fédéraux, ou autre fonctionnaire autorisé par la loi à faire prêter serment en quelque matière que ce soit […] [Mon emphase]

[14]  Cette déclaration doit également être faite selon la formule stipulée dans ce même article de loi « pour attester soit l’exécution d’un écrit, d’un acte ou d’une pièce, soit la vérité d’un fait, soit l’exactitude d’un compte rendu par écrit ».

[15]  En l’occurrence, Jacques Roy, en sa simple qualité de « témoin », ne peut être considéré comme une personne habilitée à recevoir la soi-disant déclaration solennelle de Martin Roy. Qui plus est, le Document Roy ne respecte pas la formule stipulée à l’article 41 de la Loi sur la preuve en ce que M. Roy ne déclare pas « solennellement » les faits y allégués.

[16]  Je conviens avec la Partie requérante que ces irrégularités ne sont pas que de simples détails techniques dont le registraire peut faire abstraction. Bien que la procédure sous l’article 45 soit de nature administrative et sommaire, il n’en demeure pas moins que la preuve produite doit être sous la forme d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle au sens de l’article 41 de la Loi sur la preuve. Cette formalité vise à s’assurer de la véracité de son contenu d’autant plus que la Partie requérante ne peut contre-interroger son auteur [voir 88766 Canada Inc c 167407 Canada Inc, 2010 TMOB 167 au paragraphe 16].

[17]  Il convient de noter à cet égard que la Partie requérante s’était objectée à l’admissibilité du Document Roy dans ses représentations écrites. Malgré qu’elle ait été ainsi avisée, la Propriétaire inscrite n’a pas tenté de corriger la situation.

[18]  Étant donné que la preuve soumise par la Propriétaire inscrite n’est pas présentée sous la forme requise d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle, je dois conclure que cette situation équivaut à un défaut de fournir la preuve demandée.

[19]  En terminant sur ce point, j’ajouterai que la photocopie couleur jointe au Document Roy n’est référencée nulle part dans celui-ci, en plus de n’avoir pas été authentifiée.

[20]  Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, je conviens avec la Partie requérante que je n’ai d’autre choix que de radier l’enregistrement.

[21]  Si le Document Roy s’était avéré admissible, j’aurais tout de même conclu que l’emploi de la Marque pendant la période pertinente n’a pas été démontré, pour les raisons qui suivent.

L’emploi de la Marque démontré par le Document Roy

[22]  Je conviens avec la Partie requérante que les affirmations de M. Roy posent problème pour plusieurs raisons.

[23]  Bien que M. Roy affirme que la Marque « a été utilisée » par la Propriétaire inscrite, il n’est pas possible de déterminer dans quelle mesure la Marque a effectivement été « employée » au sens de l’article 4(1) de la Loi.

[24]  M. Roy fait référence à l’emploi de la Marque « dans le cadre d’un projet » pour « présentation à un client ». La Partie requérante questionne à juste titre ce que cela signifie.

[25]  Étant donné le sens courant des mots « projet » et « présentation », je conviens avec la Partie requérante que l’on ne peut conclure à l’emploi de la Marque au sens de l’article 4(1) de la Loi pendant la période pertinente. La terminologie employée par M. Roy ne permet aucunement d’inférer qu’il y a eu vente ou transfert de propriété des produits décrits par celui-ci dans la pratique normale du commerce. Il semble plutôt s’agir de simples propositions d’affaires.

[26]  La Partie requérante note à cet égard avec justesse que le Document Roy ne fournit aucun chiffre de vente, ni aucune facture à l’appui de quelque transaction que ce soit. Elle note également que la photocopie couleur de ce qui semble être un emballage identifie la place d’affaires de la Propriétaire inscrite comme étant basée dans la municipalité de « Saint-Nicolas (Québec) », alors que pareille municipalité est devenue en 2002 un district de la ville de « Lévis  (Québec)». La Partie requérante soumet que le registraire peut prendre connaissance d’office de ce fait. Elle soumet qu’il est plus que douteux que pareil emballage n’ait pas été modifié plus de 10 ans après le changement de nom de la municipalité de Saint-Nicolas. J’estime que ces soumissions ne sont pas sans mérite.

[27]  Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, j’estime que la Propriétaire inscrite ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait aux termes de l’article 45 de la Loi de démontrer l’emploi de la Marque en liaison avec les produits décrits dans l’enregistrement pendant la période pertinente. Le contenu du Document Roy s’apparente à une simple affirmation d’emploi de la Marque. Il ne démontre pas comment la Marque a été employée par la Propriétaire inscrite au sens de l’article 4(1) de la Loi pendant la période pertinente. De plus, la Propriétaire inscrite n’a fourni aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le non-emploi de la Marque pendant la période pertinente.


 

Disposition

[28]  Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera radié.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L’AUDIENCE: 2017-02-14

 

COMPARUTIONS

 

Aucune comparution  POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

 

Chantal Desjardins  POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

AGENTS AU DOSSIER

 

Aucun agent  POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

 

Goudreau Gage Dubuc S.E.N.C.R.L./LLP  POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

 

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