Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 30

Date de la décision : 2017-03-17

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

 

AFD China Intellectual Property Law Office

Opposante

et

 

AFD CHINA INTELLECTUAL PROPERTY LAW (USA) OFFICE, INC.

Requérante

 

 

 



 

1,541,370 pour la marque de commerce AFD

 

Demande

[1]  En 2002, le cabinet d'avocats spécialisés en droit de la propriété intellectuelle AnXinFonDa, situé en Chine, a été fondé par Xia Zheng. À la fin de 2004, AnXinFonDa a décidé d’élargir ses activités de commercialisation en Amérique du Nord. Pour ce faire, le cabinet et Lynn Wang ont conclu une entente commerciale en vertu de laquelle Mme Wang aurait recours aux services d'AnXinFonDa comme agent chargé du dépôt pour représenter ses clients nord-américains auprès de l'Office d'État de la propriété intellectuelle de la Chine. À l’issue de discussions entre Mme Zheng et Mme Wang, il a été décidé qu'AnXinFonDa devait être abrégé en AFD pour le public nord-américain. En 2004, AnXinFonDa a été abrégé en AFD et a été renommé AFD China Intellectual Property Law Office (AFD China ou l’Opposante). Mme Wang a par la suite constitué en personne morale AFD China Intellectual Property Law (USA) Office, Inc. (la Requérante). Par la suite, la relation entre l’Opposante et la Requérante s’est dégradée et, en 2007, l’Opposante a avisé Mme Wang qu’elle mettait fin à l’entente de coopération entre les parties.

[2]  La demande en l’espèce pour la marque de commerce AFD (la Marque) a été produite le 26 août 2011 par la Requérante. L'Opposante s'est opposée à cette demande pour différents motifs, y compris les suivants : i) la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada; ii) la Requérante ne pouvait pas être convaincue d'avoir droit d'employer la Marque au Canada; iii) la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque parce que, à la date de production, elle créait de la confusion avec la marque de commerce AFD employée par l’Opposante au Canada; et iv) la Marque n'est pas distinctive de la Requérante.

[3]  Pour les raisons énoncées ci-dessous, je conclus que cette demande doit être repoussée puisque la Requérante n'a pas démontré que la Marque la distingue. J’estime également que cette demande doit être repoussée puisque la Requérante n’a pas démontré qu’elle était convaincue d'avoir droit d'employer la Marque au Canada à la date de date de production.

Contexte

[4]  Le 26 août 2011, la Requérante a produit une demande pour la Marque fondée sur i) son emploi de la Marque au Canada en liaison avec des services juridiques depuis le 30 janvier 2005 et ii) son emploi et son enregistrement de la Marque aux États-Unis. La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 4 juillet 2012.

[5]  Le 30 août 2012, l'Opposante s'est opposée à la demande. Les motifs d'opposition sont résumés ci-dessous.

(a)  La demande n'est pas conforme à l'article 30b) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), parce que la Requérante n'a pas employé la Marque au Canada en liaison avec les Services.

(b)  La demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30i) de la Loi, parce que la Requérante ne pouvait pas être convaincue d'avoir droit d'employer la Marque au Canada en liaison avec les Services en raison de sa connaissance i) de l’emploi et la révélation antérieurs de la Marque par l’Opposante et ii) de son rôle à titre d’agent de l’Opposante en Amérique du Nord et du fait que tout emploi de la Marque était fait au nom de l’Opposante.

(c)  La Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque suivant l'article 16(1)a) de la Loi parce que, à la date de dépôt de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce AFD de l'Opposante, employée et révélée antérieurement au Canada.

(d)  La Marque n’est pas distinctive suivant l’article 2 de la Loi, parce qu’elle n’est pas adaptée à distinguer et ne distingue pas véritablement les Services des services de l’Opposante compte tenu i) de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce AFD de l’Opposante et ii) de la liaison de la Marque avec l’Opposante.

Bien que l’Opposante ait demandé l’autorisation de modifier sa déclaration d'opposition pour ajouter comme motif d’opposition une contestation de la revendication d’emploi et d’enregistrement à l’étranger de la Requérante, cette autorisation n’a pas été accordée et cette revendication demeure incontestée.

[6]  La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l'Opposante.

[7]  L’Opposante a produit comme preuve l’affidavit de Stephen Yang et l’affidavit de Graham Honsa, qui joint une copie de l’historique du dossier de la demande. La Requérante a produit comme preuve l’affidavit de Lynn Wang. M. Yang et Mme Wang ont tous deux été contre-interrogés au sujet de leur affidavit et la transcription, les pièces et les réponses aux engagements ont été versées au dossier. Comme preuve en réponse, l'Opposante a produit un deuxième affidavit de Stephen Yang (affidavit en réponse Yang). Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux présentes à l'audience qui a été tenue.

Dates pertinentes et fardeau de preuve

[8]  Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

·  articles 38(2)a) et 30 – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p 475];

·  articles 38(2)c) et 16(1) – la date de premier emploi revendiquée dans la demande [article 16(1) de la Loi]; et

·  articles 38(2)d) et 2 – la date de production de la déclaration d'opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317, à la p 324 (CF)].

[9]  Avant d'examiner les motifs d'opposition, j'estime nécessaire de rappeler certaines exigences techniques en ce qui concerne i) le fardeau de preuve dont doit s'acquitter un opposant, soit celui d'étayer les allégations contenues dans sa déclaration d'opposition et ii) le fardeau ultime qui incombe à un requérant, soit celui d'établir sa preuve.

[10]  En ce qui concerne le point i) ci-dessus, l’opposant doit s’acquitter du fardeau de preuve d’établir les faits sur lesquels il appuie les allégations contenues dans sa déclaration d’opposition : John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298. La présence d’un fardeau de preuve imposé à l’opposant à l’égard d’une question donnée signifie que, pour que la question soit considérée, la preuve doit être suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de ladite question. En ce qui concerne le point ii) susmentionné, le requérant doit s’acquitter du fardeau ultime de démontrer que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, ainsi que l’allègue l’opposant (mais uniquement à l’égard des allégations relativement auxquelles l’opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve initial). Le fait que le fardeau ultime incombe au requérant signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l’encontre du requérant.

Preuve

[11]  Par souci de lisibilité seulement, je me penche sur la preuve de la Requérante avant de me pencher sur la preuve de l’Opposante.

Preuve de la Requérante – Affidavit de Mme Wang

[12]   La preuve de Mme Wang porte qu’elle et le cabinet d'avocats chinois spécialisés en droit de la propriété intellectuelle AnXinFonDa ont conclu une entente commerciale qui permettrait à Mme Wang d'avoir recours aux services d'AnXinFonDa comme agent de dépôt pour offrir des services de dépôt en Chine pour les clients nord-américains de Mme Wang (para 6). Mme Wang joint une copie de l’entente de coopération signée le 29 novembre 2005, laquelle indique que la Requérante et l’Opposante sont des entreprises indépendantes et que, au cours de la phase initiale de coopération, la Requérante est tenue de [Traduction] « dire en toute honnêteté aux clients approchés les situations respectives de la Partie A et de la Partie B et quelle est leur relation de coopération... » (pièce G).

[13]  Au cours de ces discussions, Mme Zheng, la fondatrice d’AnXinFonda, et Mme Wang ont convenu du nom AFD (para 7; pièce A). Mme Wang a constitué la Requérante en personne morale (para 10, pièce E) et a avisé les clients de son cabinet d'avocats canadiens qu’elle faisait affaire avec un nouveau cabinet d'avocats chinois spécialisés en droit de la propriété intellectuelle (pièce C). À titre d’exemple, Mme Wang joint comme pièce C à son affidavit une lettre adressée à Borden Ladner Gervais LLP comprenant le texte suivant [Traduction] :

·  « Mon nouveau cabinet – AFD China Intellectual Property Law Office, à l’instar d’Ansen [l’ancien cabinet de Mme Wang], est situé en Chine, et je continuerai d’exercer à partir de Portland… »

·  « Par conséquent, je suis convaincue que nous pouvons continuer à répondre à tous vos besoins professionnels. Leur site Web est www.afdip-usa.com. »

·  « Si vous désirez continuer à travailler avec moi sur ces dossiers, je vous ferai parvenir un formulaire à signer afin d’effectuer la transition vers le nouveau cabinet chinois auquel je me joins. Une fois les formulaires signés et reçus, AFD et moi continuerons à offrir des services de dépôt et de traitement des dossiers. »

[14]  La preuve de Mme Wang porte que la Requérante payait à des agents en Asie, y compris l’Opposante, une partie des honoraires perçus par la Requérante auprès de ses clients nord-américains (para 13). Finalement, Mme Wang affirme dans son affidavit qu’il n’y a eu aucune discussion ou entente portant qu’AnXinFonDa était propriétaire de la Marque ou qu’elle en détenait les droits, que ce soit en Chine, en Amérique du Nord ou ailleurs dans le monde (para 14). La preuve de Mme Wang porte également que la Requérante pouvait transférer du travail à d’autres agents (para 13).

Preuve de l’Opposante – Affidavit de M. Yang

[15]  M. Yang est le directeur de la prospection et du soutien à la clientèle d’AFD China Intellectual Property LLC au Maryland (AFD USA) (affidavit Yang, para 1; contre-interrogatoire, Q 37 à 42) et est associé à l’Opposante depuis au moins le 1er juillet 2007 (para 1). La seule raison d’être d’AFD USA est d’aider l’Opposante à exercer ses activités et à soutenir la prospection et la clientèle (Q 43 à 55). M. Yang relève directement de Mme Zheng, la présidente de l’Opposante (Q 98), apporte du soutien à l’Opposante et lui sert de bureau américain (Q 83). L’Opposante a autorisé M. Yang à enregistrer AFD USA et à exercer ses activités au nom de l’Opposante (Q 91), et AFD USA et l’Opposante conviennent de ce qui doit être fait pour chaque projet (Q 93).

[16]  L’Opposante fait valoir que, puisque M. Yang n’est pas un employé de l’Opposante et ne participe aux activités d’AFD USA que depuis 2007, il n’a pas une connaissance directe et personnelle de la preuve pertinente. L'Opposante soutient qu’une importance réduite doit être accordée à l'affidavit de M. Yang.

[17]  Une importance réduite sera accordée aux parties non corroborées de la preuve de M. Yang qui traitent de faits matériels antérieurs à l’association de M. Yang avec l’Opposante. Cependant, en raison de son poste, il semble probable que M. Yang aurait eu accès aux documents d’entreprise de l’Opposante. Pour cette raison, il ne convient pas d’accorder à ces documents, ou à la preuve qu’ils corroborent, une importance réduite.

[18]  L’Opposante soutient également qu’une partie de la preuve de M. Yang se compose de conclusions et d’arguments juridiques (voir, par exemple, le para 65). J’en conviens et j’estime que ces paragraphes sont inadmissibles. Finalement, l’Opposante fait valoir que, en raison de diverses incohérences dans la preuve de M. Yang, une importance réduite doit être accordée à l’ensemble de sa preuve (plaidoyer écrit de la Requérante, para 10). J’estime que les incohérences dans la preuve de M. Yang ne sont pas si nombreuses et ne sont pas du genre à permettre de conclure que je dois accorder à l’ensemble de sa preuve une importance réduite.

[19]  La preuve de M. Yang porte que, en 2002, le cabinet d'avocats spécialisés en droit de la propriété intellectuelle AnXinFonDa a été fondé par Mme Zheng et a changé de nom en 2004 (para 17, 18 et 22). En 2009, l’Opposante était devenue le sixième plus grand cabinet de dépôts de demandes PCT en Chine; en 2011, il occupait le premier rang (para 35; pièces O-1 à O-3). Des représentants d’AFD ont rencontré des professionnels et des cabinets d'avocats spécialisés en droit de la propriété intellectuelle au Canada et tissé des relations d’affaires avec eux (para 37 à 40; pièces Q à S). Ces communications comprennent du papier à en-tête et des factures arborant la marque de commerce AFD Dessin reproduite ci-dessous (para 43, pièces F, G, L et S).

 

[20]  En ce qui concerne la preuve de M. Yang à propos de la relation entre l’Opposante et la Requérante, j’accepte sa preuve que la relation a pris fin en 2007 avec l’envoi de la lettre jointe à son affidavit comme pièce AA-1. En ce qui concerne les ententes conclues entre l’Opposante et la Requérante jointes comme pièces T et U1 à l’affidavit de M. Yang, celles-ci semblent avoir été remplacées par l’entente de coopération jointe à l’affidavit de Mme Wang.

Affidavit en réponse Yang

[21]  En ce qui concerne la preuve en réponse de M. Yang, j’estime que la preuve relative aux procédures américaines n’est pas pertinente aux motifs d’opposition; je n’examinerai pas davantage cette preuve.

Motifs d’opposition

[22]  J'examinerai d’abord le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif, puis le motif d’opposition fondé sur l'article 30i).

Caractère distinctif

[23]  L’Opposante soutient que la Marque n’est pas distinctive suivant l’article 2 de la Loi parce qu’elle n’est pas adaptée à distinguer et ne distingue pas véritablement les Services des services de l’Opposante compte tenu i) de la probabilité de confusion entre les marques de commerce et ii) de la liaison de la Marque avec l’Opposante.

[24]  J'estime que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve à l'égard du premier volet de ce motif d’opposition. L’Opposante soutient au paragraphe 2 de sa déclaration d'opposition qu’elle a employé la marque de commerce AFD en liaison avec des services juridiques, cependant, elle n’établit pas suffisamment l’emploi de la marque de commerce AFD pour s’acquitter de son fardeau de preuve. La preuve de l’Opposante établit plutôt son emploi de la marque de commerce AFD Dessin au Canada à la date pertinente. Comme j’estime que l’emploi de la marque de commerce AFD Dessin ne constitue pas un emploi de la marque de commerce AFD en raison des éléments supplémentaires figurant dans la marque de commerce AFD Dessin, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

[25]  En ce qui concerne le deuxième volet du motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif, comme AFD est l’élément dominant de la marque de commerce AFD Dessin de l’Opposante, et considérant la représentation qu’a faite la Requérante de la relation entre les parties, j’estime qu’il y a liaison entre la Marque et l’Opposante. Pour s’acquitter de son fardeau de preuve en ce qui concerne ce volet du motif d’opposition, cependant, l’Opposante doit établir que, au 30 août 2012 sa marque de commerce AFD Dessin était suffisamment connue pour qu’il y ait liaison avec la Marque. Dans Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd 2006 CF 657, aux para 33 et 34, la Cour fédérale a indiqué qu'une marque pouvait annuler le caractère distinctif d'une autre marque si elle était connue au moins à un certain point et si sa notoriété au Canada était importante, significative ou suffisante. La vente de produits ou de services au Canada n’est pas le seul facteur que l’on puisse invoquer à l’appui d’un motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif. Un tel motif peut également s'appuyer sur la preuve que la marque de commerce de l'Opposante est connue ou a acquis une notoriété soit par le bouche-à-oreille, soit par suite d'articles parus dans des journaux ou des magazines [Motel 6, Inc. c No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 CPR (2d) 44, à la p 58 (CF 1re inst)].

L'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve

[26]  D’après la preuve présentée ci-dessous, j’estime que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve d’établir que, au 30 août 2012, sa marque de commerce AFD Dessin était connue dans une mesure telle qu’elle pouvait faire perdre à la Marque son caractère distinctif.

·  La marque de commerce AFD Dessin de l’Opposante figure sur des lettres de l’Opposante indiquant l’entrée en phase nationale de demandes PCT au Canada et envoyées à divers cabinets d'avocats canadiens dont des cabinets comme Gowling Lafleur Henderson LLP et Borden Ladner Gervais LLP (affidavit Yang, pièce S).

·  La marque de commerce AFD Dessin de l’Opposante figure sur son site Web (affidavit Yang, pièce J-6).

·  Le nom commercial « AFD CHINA INTELLECTUAL PROPERTY LAW OFFICE » de l’Opposante figure dans des procurations remplies par des entreprises canadiennes (affidavit Yang, pièces Q et R). Même si, de toute évidence, les procurations n’illustrent pas l’emploi des marques de commerce AFD ou AFD Dessin, elles établissent que, à la date pertinente, l’Opposante avait des clients canadiens qui auraient compris que l’Opposante était autorisée à les représenter auprès de l'Office d'État de la propriété intellectuelle de la Chine.

La Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau ultime

[27]  Une marque de commerce est distinctive si les consommateurs l'associent à une source unique; si une marque de commerce est liée à plus d'une source, elle ne peut pas être distinctive [Moore Dry Kiln Co of Canada Ltd c US Natural Resources Inc, (1976), 30 CPR (2d) 40 (CAF), à la p 49]. Bien que la Requérante, dans sa contre-déclaration, soutienne que la Marque est distinctive à la date pertinente, la preuve de la Requérante ne le corrobore pas.

[28]  Au contraire, l’emploi même par la Requérante de la marque AFD avant la dégradation de la relation d’affaires établit plutôt un lien avec les Services exécutés au moins en partie par l’Opposante. Je ne suis pas d’accord avec les observations de la Requérante faites aux para 24 et 25 de son plaidoyer écrit portant que la Requérante employait la Marque en son propre nom et que les clients de la Requérante ignoraient ce qui se passait [Traduction] « dans les coulisses » ou ne s’en préoccupaient pas, et que la Marque désignait bien la Requérante. Au contraire, la preuve même de la Requérante fournit des exemples qui lient de façon explicite les services qu’elle offrait avec l’Opposante sous la marque AFD. Par exemple :

·   La lettre de Mme Wang avisant qu’elle quittait son ancien cabinet (Ansen Patent Law Office) indique qu’elle va [Traduction] « s’associer à un cabinet d'avocats chinois spécialisés en droit de la propriété intellectuelle différent » et que « [son] nouveau cabinet – AFD China Intellectual Property Law Office... est situé en Chine, et [elle] continuer[a] d’exercer à partir de Portland ». Elle indique ensuite que, si le client désire qu'elle continue à travailler sur ces dossiers, elle leur fera parvenir un formulaire à signer afin d’effectuer la transition vers le nouveau cabinet et que, une fois les formulaires reçus, [Traduction] « AFD et [elle] continueront à offrir des services de dépôt et de traitement des dossiers. » (Affidavit Wang, pièce C).

·   Dans un diaporama présenté au Canada, elle atteste qu'elle est du cabinet de Portland de l’Opposante (affidavit Wang, pièce H).

·  Dans des bulletins électroniques, Mme Wang atteste qu'elle est une employée de l’Opposante et identifie l’adresse de l’Opposante comme étant l'adresse du cabinet de Beijing et l’adresse de la Requérante comme étant l'adresse du cabinet de Portland (affidavit Wang, pièce J).

[29]  Finalement, Mme Wang affirme que la Requérante n’a exercé ses activités que de 2005 à 2008 (contre-interrogatoire Wang, Q 97). Par conséquent, et compte tenu de l’emploi par l’Opposante de la marque de commerce AFD Dessin et des déclarations antérieures de la Requérante faites à des clients en ce qui concerne la liaison entre la Marque et l’Opposante, la Marque de commerce ne pouvait pas avoir acquis un caractère distinctif ou être devenue distinctive de la Requérante entre la résiliation de l’entente de coopération et la date pertinente.

[30]  Par conséquent, j'estime que la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque était distinctive des Services à la date pertinente. Le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est donc accueilli.

Motif d'opposition fondé sur l'article 30i)

[31]  Le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) porte en partie que la Requérante ne pouvait pas être convaincue d'avoir droit d'employer la Marque au Canada en liaison avec les Services en raison de son rôle à titre d’agent de l’Opposante en Amérique du Nord et du fait que tout emploi de la Marque était fait au nom de l’Opposante.

[32]  L'article 30i) exige que le requérant déclare dans sa demande qu'il est convaincu d'avoir droit d'employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les produits et services décrits dans la demande. La déclaration prévue à l'article 30i) est censée être la preuve que le requérant a produit sa demande de bonne foi [Cerverceria Modelo, S.A. de C.V. c Marcon (2008), 70 CPR (4th) 355 (COMC), à la p 366]. Lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée par l'article 30i), ce motif d'opposition ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu'il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p 155].

L'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve

[33]  J’estime que l’Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve par l’intermédiaire de sa propre preuve et de celle de Mme Wang. L’entente de coopération conclue entre les parties indique que Mme Wang peut inscrire la Requérante et [Traduction] « traiter pour [l’Opposante] de questions pertinentes à la propriété intellectuelle en Chine afin de mener à bien les affaires de l’agence et aider [l’Opposante] à approcher les clients » (affidavit Wang, pièce G). Aux fins de cette opposition, j’estime que ces faits relèvent du motif d’opposition tel qu'il est invoqué même si l’entente de coopération n'emploie pas le terme « agent » pour désigner la Requérante.

[34]  La Marque a été conçue conjointement par les parties, l’Opposante comme la Requérante ont inclus la Marque dans leur nom commercial, et la Requérante se présente elle-même comme étant affiliée à l’Opposante et comme agissant de concert avec elle pour aider les parties à obtenir des droits de propriété intellectuelle en Chine (affidavits Wang, pièces A, C, H et J). Compte tenu de ces faits, il s’agit d'un cas exceptionnel et l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve. J’estime que la situation en l’espèce correspond à la jurisprudence portant que les licenciés, les distributeurs et autres mandataires ne doivent pas être autorisés à usurper les marques de commerce de leurs mandants et qu’un tel comportement peut constituer le fondement d’un motif d’opposition fondé sur l’article 30i) [voir, par exemple, Super Seer Corp c 546401 Ontario Ltd (2000), 6 CPR (4th) 560 (COMC); Lifestyles Improvement Centers, LLP c. Chorney (2007), 63 CPR (4th) 261 (COMC); Biker Rights Organization (Ontario) Inc c Sarnia-Lambton Bikers Rights Organization Incorporated, 2012 COMC 189, au para 12].

La Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime

[35]  Je dois maintenant déterminer si la Requérante s'est acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de l'article 30i) de la Loi.

[36]  Même si Mme Wang peut avoir cru que la Requérante avait droit d’employer la Marque au Canada et que la demande en l’espèce comprend la déclaration portant que la Requérante était convaincue d'avoir droit d’employer la Marque, cela n’empêche pas l’Opposante d'obtenir gain de cause à l'égard de ce motif d’opposition. Le registraire se demandera plutôt s'il était raisonnable de la part de la Requérante d'être convaincue d'avoir ce droit [Lifestyles Improvement Centers, supra; Biker Rights Organization (Ontario), supra].

[37]  J'estime que la Requérante ne peut pas s’acquitter de son fardeau de démontrer qu’il était raisonnable de sa part de se déclarer convaincue d'avoir droit d’employer la Marque au Canada. Je tire cette conclusion puisqu’il existait une relation d’affaires entre la Requérante et l’Opposante et que, au cours de leur relation d’affaires, les clients de la Requérante au Canada ont été informés que les dépôts en Chine étaient traités par l’Opposante sous la marque AFD (affidavit Wang, pièce C). Finalement, Mme Wang se présentait elle-même comme étant associée au cabinet de l’Opposante ou, subsidiairement, qu’elle était de son cabinet de Portland (affidavit Wang, pièces H et J).

[38]  À l’audience, la Requérante a soutenu que les circonstances n’étaient pas exceptionnelles et a souligné ce qui suit :

·  La Requérante croyait qu’elle avait droit d’employer la marque de commerce compte tenu de la participation de Mme Wang à la création de la marque.

·  La Requérante exerçait ses activités de façon indépendante et ses clients ne présumeraient pas que l’emploi de la Marque était fait en vertu d’une licence.

·  La Requérante aurait pu choisir de faire appel à un autre cabinet d'avocats chinois pour répondre aux besoins juridiques de ses clients.

·   Malgré le fait que l’Opposante est un cabinet sophistiqué spécialisé en droit de la propriété intellectuelle, l’entente ne comprenait aucune déclaration de propriété de la Marque.

[39]  J’estime que ces circonstances, considérées individuellement ou collectivement, ne sont pas suffisantes pour me permettre de conclure que la Requérante ne pouvait pas croire raisonnablement qu'elle avait droit d’employer la Marque. Compte tenu de la relation d’affaires antérieure entre elle et l’Opposante, ainsi que du fait que ses clients ont été mis au courant que l’Opposante exerçait ses activités sous la marque AFD et qu’elle était l’entité représentant les clients auprès de l'Office d'État de la propriété intellectuelle de la Chine, à la date de production de la demande, il n’était pas raisonnable de la part de la Requérante de se déclarer convaincue d'avoir droit d’employer la Marque au Canada. Finalement, rien dans le temps écoulé entre la fin de la relation d’affaires entre la Requérante et l’Opposante en 2007 et la date de production de la demande en l’espèce ne suggère qu’il serait raisonnable de la part de la Requérante de se déclarer convaincue d'avoir droit d’employer la marque. Par conséquent, ce motif d'opposition est accueilli.

Autres motifs d’opposition

[40]  Comme j'ai déjà repoussé la demande pour deux motifs, je n'examinerai pas les autres motifs d'opposition.


Décision

[41]  Conformément aux pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande selon les dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

______________________________

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

DATE DE L’AUDIENCE : 2016-11-16

 

COMPARUTIONS

 

Susan D. Beaubien  POUR L'OPPOSANTE

 

Brendan Clancy  POUR LA REQUÉRANTE

 

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Macera & Jarzyna LLP  POUR L’OPPOSANTE

 

DLA Piper (Canada) LLP  POUR LA REQUÉRANTE

 

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