Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 40

Date de la décision : 2017-04-27
[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

Merial LLC

Opposante

et

 

Cross Vetpharm Group Limited

Requérante

 

 

 



 

1,672,450 pour la marque de commerce EPRIMECTIN

 

Demande

Contexte

[1]  Le 11 avril 2014, la Requérante a produit la demande d'enregistrement no 1,672,450 pour la marque de commerce EPRIMECTIN (la Marque). La demande pour la Marque est fondée sur un emploi projeté en liaison avec des préparations et substances pharmaceutiques vétérinaires, nommément des anthelminthiques.

[2]  L'Opposante est l'ancienne propriétaire de l'enregistrement canadien no LMC515,588 de la marque de commerce EPRINEX, qui vise des préparations vétérinaires antiparasitaires. Par suite d'une cession, l'enregistrement est maintenant inscrit au nom de Merial, Inc.

[3]  La demande pour la Marque a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 24 décembre 2014 et l'Opposante s'y est opposée par la voie d'une déclaration d'opposition produite le 25 mai 2015. Les motifs d'opposition sont fondés sur les articles 30i), 12(1)b), 12(1)c), 12(1)d), 16(3)a) et 2 (absence de caractère distinctif) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi).

[4]  Le 17 juillet 2015, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie chacune des allégations contenues dans la déclaration d'opposition.

[5]  Comme preuve à l'appui de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Guillermo Lopez (directeur national d'une société affiliée à l'Opposante), souscrit le 11 novembre 2015, et l'affidavit de Dane Penney (recherchiste en marques de commerce à l'emploi de l'agent de l'Opposante), souscrit le 16 novembre 2015. Aucun des déposants n'a été contre-interrogé.

[6]  La Requérante n'a produit aucune preuve à l'appui de sa demande.

[7]  Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux présentes à l'audience qui a été tenue.

Fardeau de preuve

[8]  La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298].

Motif d’opposition rejeté sommairement

Article 30i)

[9]  À l'audience, l'Opposante a concédé qu'elle ne s'était pas acquittée de son fardeau de preuve à l'égard de ce motif d'opposition. Je suis de cet avis également. La demande renferme une déclaration portant que la Requérante est convaincue d'avoir droit d'employer la Marque, comme l'exige l'article 30i) de la Loi. Il a été statué que lorsqu'un requérant a fourni la déclaration exigée, un motif d'opposition fondé sur cet article ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p 155]. La simple connaissance de l'existence de la marque de commerce d'un opposant ne peut pas, en soi, servir de fondement à une allégation selon laquelle un requérant ne pouvait pas être convaincu de son droit à l'emploi d'une marque [Woot, Inc c WootRestaruants Inc Les Restaurants Woot Inc 2012 COMC 197 (CanLII)]. En conséquence, ce motif d'opposition est rejeté sommairement.

Analyse

[10]  Six motifs d'opposition restent à trancher en l'espèce. Trois sont fondés sur des allégations liées à la confusion et trois ne le sont pas. Je me pencherai en premier lieu sur les motifs liés à la confusion.

Motifs d'opposition fondés sur la confusion

Article 12(1)d)

[11]  L'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable parce qu'elle crée de la confusion avec la marque de commerce EPRINEX (LMC515,588), qui est enregistrée pour emploi en liaison avec des préparations vétérinaires antiparasitaires.

  • [12] La date pertinente pour évaluer un motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[13]  J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter le registre et je confirme que cet enregistrement existe bel et bien [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. Bien que l'enregistrement soit maintenant inscrit au nom de Merial, Inc., par suite d'une cession qui a été portée au registre à son nom subséquemment à la production de la preuve et des plaidoyers écrits des parties, cela n'empêche pas l'Opposante d'invoquer cet enregistrement à l'appui de son motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) [voir l'article 17 de la Loi].

  • [14] L'Opposante s'est donc acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l'égard de ce motif. L'Opposante s'étant acquittée de son fardeau de preuve, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l'Opposante.

  • [15] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi prévoit que l'emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

  • [16] Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC)].

Article 6(5)a) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

  • [17] À première vue, EPRINEX et EPRIMECTIN semblent être tous deux des mots inventés. On considère généralement que les marques de cette nature inventive possèdent un caractère distinctif inhérent plus fort que celles qui sont formées en totalité ou en partie de termes génériques, descriptifs ou suggestifs. Or, en l'espèce, je souligne que les produits liés à la marque de commerce EPRINEX sont décrits comme étant des [Traduction] « préparations vétérinaires antiparasitaires ». De même, les produits liés à la Marque sont décrits comme étant des [Traduction] « anthelmintiques ». J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter des définitions du dictionnaire et je confirme qu'un [Traduction] « anthelmintique » est un médicament ou un agent utilisé pour éliminer les vers parasites [voir la version en ligne du Canadian Oxford Dictionary (2 éd.)]. Les produits des parties sont donc très similaires, voire identiques.

  • [18] Cette considération est pertinente en ce que l'Opposante a produit une preuve pour démontrer qu'« eprinomectin » [éprinomectine] est le nom d'un ingrédient actif des préparations antiparasitaires qui sont commercialisées sous la marque de commerce EPRINEX [affidavit Lopez, pièces A et C; affidavit Penney, pièce A].

  • [19] La Marque étant essentiellement une contraction du terme « eprinomectin » [éprinomectine] (c.-à-d. que seul le « no » du milieu est absent), je ne considère pas qu'elle possède un caractère distinctif inhérent fort. Le préfixe EPRI dans la marque de commerce EPRINEX pourrait également être perçu comme une référence à [Traduction] « l'éprinomectine » et on peut donc considérer qu'il est également assez suggestif et qu'il manque de caractère distinctif. Cela étant dit, le caractère distinctif inhérent de la marque EPRINEX demeure plus fort que celui de la Marque.

  • [20] Une marque de commerce peut aussi acquérir un caractère distinctif en devenant connue par la promotion ou l'emploi. La demande pour la Marque est fondée sur un emploi projeté, et je ne dispose d'aucune preuve indiquant que la Marque a été employée ou est devenue connue dans une quelconque mesure.

  • [21] En revanche, la preuve de l'Opposante donne à penser que la marque de commerce EPRINEX est devenue raisonnablement bien connue au Canada. Je résume ci-dessous certains des éléments de la preuve de l'Opposante à cet égard :

  • la marque de commerce EPRINEX est employée et annoncée de façon continue au Canada en liaison avec des préparations vétérinaires antiparasitaires depuis au moins aussi tôt que 1999 et la marque de commerce figure bien en vue sur l'emballage du produit [affidavit Lopez, para 6 et 7, et pièce A];

  • les ventes annuelles brutes des produits arborant la marque de commerce EPRINEX réalisées au Canada de 2008 à 2014 ont varié de 1 172 891 $ à 1 658 022 $ [affidavit Lopez, para 8]; et

  • la marque de commerce EPRINEX figure sur du matériel promotionnel qui a été distribué de façon continue aux clients et clients potentiels partout au Canada depuis que le produit a été vendu au Canada pour la première fois [affidavit Lopez, para 11, et pièce C].

[22]  Compte tenu de ce qui précède, j’estime que ce premier facteur, qui concerne à la fois le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues, favorise l'Opposante.

Article 6(5)b) : la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[23]  La demande pour la Marque est fondée sur un emploi projeté et la Requérante n'a produit aucune preuve d'emploi. En revanche, comme je l'ai indiqué ci-dessus, l'Opposante a produit une preuve de l'emploi de la marque de commerce EPRINEX au Canada depuis plusieurs années.

[24]  Par conséquent, ce facteur favorise également l'Opposante.

Articles 6(5)c) et d) : le genre de produits, de services ou d'entreprises; la nature du commerce

[25]  S'agissant des facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) de la Loi, l'appréciation de la probabilité de confusion aux termes de l'article 12(1)d) de la Loi repose sur la comparaison de l'état déclaratif des produits qui figure dans la demande pour la Marque avec l'état déclaratif des produits qui figure dans l'enregistrement invoqué par l'Opposante [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF) et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[26]  Comme je l'ai indiqué précédemment, les [Traduction] « préparations vétérinaires antiparasitaires » visées par l'enregistrement de la marque de commerce EPRINEX et les [Traduction] « préparations et substances pharmaceutiques vétérinaires, nommément anthelminthiques » décrites dans la demande pour la Marque semblent être très similaires, voire identiques.

[27]  Les produits liés à la marque de commerce EPRINEX sont vendus directement à des cliniques vétérinaires et/ou des vétérinaires de pratique privée [affidavit Lopez, para 8]. La Requérante n'a produit aucune preuve en ce qui concerne le genre de son entreprise ou la pratique normale de son commerce. Toutefois, compte tenu du genre étroitement apparenté des produits des parties, il est raisonnable de conclure qu’il y aurait un recoupement dans leurs voies de commercialisation.

[28]  Par conséquent, les facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) favorisent également l'Opposante.

Article 6(5)e) : le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[29]  Il est bien établi que, lorsqu'il s'agit de déterminer le degré de ressemblance entre des marques de commerce, il faut considérer les marques de commerce dans leur ensemble et éviter de les placer côte à côte pour les comparer et relever les similitudes ou les différences entre leurs éléments constitutifs. Il faut également s'abstenir de décomposer les marques.

[30]  Dans Masterpiece, la Cour suprême a fait observer que, même si le premier mot d'une marque de commerce est souvent l'élément le plus important pour établir le caractère distinctif [Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)], il est préférable, lorsqu'il s'agit de comparer des marques entre elles, de se demander d'abord si l'un des aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique [Masterpiece, supra, au para 49].

[31]  En outre, s'il est généralement admis que le premier élément d'une marque est souvent le plus important pour distinguer des marques entre elles, l'importance de ce facteur diminue si le premier élément est suggestif ou descriptif [Sky Solar Holdings Co., Ltd. c Skypower Global, 2014 COMC 262 (CanLII), aux para 48 à 50; Health4All Products Limited c The Nutraceutical Medicine Company Inc, 2012 COMC 194 (CanLII), aux para 61 et 62; International Business Machines Corporation c Loris Technologies Inc, 2013 COMC 136 (CanLII), au para 70; Reno-Dépôt c Homer TLC Inc (2009), 2010 COMC 11 (CanLII), au para 58].

[32]  En l'espèce, les marques des parties sont toutes deux formées d'un seul mot, qui commence par le préfixe EPRI. Étant donné que le préfixe EPRI peut être associé à l'ingrédient actif [Traduction] « éprinomectine » des produits des parties ou être reconnu comme étant une référence à ce dernier, je ne considère pas cet aspect de l'une ou l'autre des marques des parties comme étant particulièrement frappant ou unique. Chacune des marques est essentiellement formée dans son ensemble d'un mot inventé comportant un élément suggestif. Il est vrai qu'elles présentent certaines similitudes dans la présentation, le son et les idées qu'elles suggèrent du fait de la présence du préfixe « epri ». Cependant, leurs suffixes diffèrent substantiellement. Le suffixe « nex » et le suffixe « mectin » sont très différents sur les plans de la présentation et du son. Bien que la présence du préfixe suggestif « epri » entraîne une certaine ressemblance, j'estime que lorsqu'on considère les marques dans leur ensemble, l'importance de cette ressemblance est atténuée par la différence entre les suffixes des marques des parties.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[33]  Lorsque j'ai appliqué le test en matière de confusion, j'ai considéré que ce dernier tenait de la première impression et du souvenir imparfait. Après examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, malgré le caractère distinctif inhérent et acquis supérieur de la marque EPRINEX, la période pendant laquelle elle a été en usage, le genre similaire, voire identique, des produits et la possibilité de recoupement entre leurs voies de commercialisation, j'estime que, globalement, les différences entre les marques des parties sont suffisantes pour faire pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante quant à la confusion. Les différences entre les marques en cause attribuables à leur second élément respectif (c.-à-d. NEX et MECTIN), et l'importance réduite de leur premier élément EPRI, tendent à atténuer la ressemblance entre les marques des parties. Je suis d'avis que le consommateur ordinaire ne serait pas porté, sous le coup de la première impression, à penser que les produits liés à EPRINEX proviennent de la même source que ceux liés à EPRIMECTIN, ou l'inverse. J'estime donc qu'il n'y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce des parties.

[34]  En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est rejeté.

Articles 16(3)a) et 2 – Absence de droit à l'enregistrement/absence de caractère distinctif

[35]  L'Opposante allègue que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque aux termes de l'article 16(3)a) de la Loi parce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce EPRINEX. L'Opposante allègue également que la Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi parce qu'elle ne distingue pas et n'est pas adaptée à distinguer les produits de la Requérante des produits liés à la marque de commerce EPRINEX, ou des produits et services de tiers dans le domaine de la pharmaceutique vétérinaire.

[36]  À l'audience, la Requérante a affirmé que, puisque l'enregistrement de la marque EPRINEX n'est plus inscrit au nom de l'Opposante, cette dernière ne devrait pas pouvoir invoquer l'emploi antérieur d'EPRINEX par sa licenciée à l'appui de ces motifs d'opposition [voir l'article 17 de la Loi].

[37]  Les dates pertinentes pour évaluer la probabilité de confusion dans le contexte de motifs fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement et l'absence de caractère distinctif sont, respectivement, la date à laquelle la Requérante a produit sa demande [article 16(3)a) de la Loi] et la date de l'opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 2004 CF 1185 (CanLII), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[38]  Abstraction faite des questions de propriété, je souligne que la différence entre les dates pertinentes en l'espèce n'a aucune incidence significative sur la détermination de la probabilité de confusion entre les marques de commerce. Mes conclusions ci-dessus quant à la probabilité de confusion aux termes de l'article 12(1)d) s'appliquent également dans le contexte de ces dates pertinentes antérieures.

[39]  En conséquence, ces motifs d'opposition sont également rejetés.

Motifs d'opposition non fondés sur la confusion

Article 2 (absence de caractère distinctif)

Les positions des parties

La position de l'Opposante

[40]  L’Opposante allègue que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi. L'Opposante affirme que la Marque est dépourvue de caractère distinctif inhérent du fait de la nature descriptive du terme EPRIMECTIN dans le contexte d'anthelmintiques vétérinaires. L'Opposante soutient que le consommateur ordinaire de préparations vétérinaires anthelmintiques percevrait la Marque comme une référence à la présence [Traduction] « d'éprinomectine » dans les produits de la Requérante et non comme un indicateur de la provenance des produits de la Requérante. L'Opposante est d'avis que l'orthographe d'EPRIMECTIN ressemble tellement étroitement à l'orthographe d'EPRINOMECTIN que les consommateurs ne le percevraient pas comme un indicateur de provenance, mais plutôt comme une référence à l'ingrédient actif contenu dans le produit anthelmintique de la Requérante.

La position de la Requérante

[41]  La Requérante n'a pas traité de ce motif d'opposition en détail dans son plaidoyer écrit ou à l'audience. De manière générale, la position que semble défendre la Requérante est que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve initial et que ce motif d'opposition s'en trouve mis en doute.

Droit

[42]  L'article 2 de la Loi prévoit qu'une marque de commerce est distinctive si elle distingue véritablement les produits ou services de son propriétaire de ceux de tiers, ou est adaptée à les distinguer ainsi.

[43]  La date pertinente pour évaluer un motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif est la date de production de la déclaration d'opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, supra]. Le caractère distinctif doit être déterminé du point de vue de l'utilisateur ordinaire des produits en question et la marque de commerce doit être considérée dans sa globalité et sous l'angle de la première impression [Molson Breweries c John Labatt Ltd [2000] 3 CF 145].

[44]  Le caractère distinctif d'une marque de commerce est un principe fondamental qui est lié à la fonction même d'une marque de commerce, soit de distinguer les produits et services de son propriétaire de ceux de tiers (c.-à-d. d'indiquer la provenance des produits ou services) [Philip Morris Products SA c Imperial Tobacco Canada Ltd, 2014 CF 1237, au para 61]. La question de savoir si une marque de commerce est distinctive est une question de fait qui doit être tranchée au regard du message que la marque transmet aux consommateurs ordinaires [Apotex Inc c Canada (Registraire des marques de commerce), 2010 CF 291 (CF 1re inst); Novopharm Ltd c Bayer Inc (1999) 2 CF 553 (CF 1re inst), au para 70; conf par (2000), 9 CPR (4th) 304].

Preuve

[45]  À l'appui de sa position selon laquelle la Marque ne servirait pas d'indicateur de provenance pour les produits de la Requérante, l'Opposante a produit les affidavits Lopez et Penney.

[46]  M. Penney a effectué une recherche dans la Base de données sur les produits pharmaceutiques de Santé Canada en inscrivant le mot « eprinomectin » [éprinomectine] dans le champ de recherche « Ingrédient(s) actif(s) ». Comme pièce A, il a joint à son affidavit un imprimé de la page Web ainsi obtenue. L'imprimé concerne le produit EPRINEX. Il indique que l'ingrédient actif est [Traduction] « l'éprinomectine ». Selon cet imprimé, l'état actuel du médicament est « commercialisé » et la date de commercialisation originale est le 1er septembre 1998. Je souligne que dans ITV Technologies Inc c Wic Television 2003 CF 1056 (CanLII), la Cour fédérale a reconnu que le contenu tiré de sites Web officiels comme celui-ci pouvait constituer une preuve fiable et admissible.

[47]  L'Opposante a également produit une preuve pour démontrer que le terme « eprinomectin » [éprinomectine] est clairement apposé et figure bien en vue sur l'emballage des produits EPRINEX [affidavit Lopez, pièce A]. Selon M. Lopez, l'emballage montré en pièce A est demeuré le même à tous les égards pertinents et est utilisé de façon continue au Canada par l'Opposante ou un prédécesseur en titre depuis au moins aussi tôt que 1999 [affidavit Lopez, para 7]. Comme je l'ai indiqué précédemment, des chiffres de ventes et des factures concernant les produits EPRINEX et se rapportant aux années 2008 à 2015 ont été fournis à l'appui [affidavit Lopez, para 8 et 9, et pièce B]. Les ventes annuelles réalisées de 2008 à 2014 ont varié de 1 172 891 $ à 1 658 022 $ et les ventes cumulatives pour 2015 (jusqu'en septembre), étaient de 700 788 $ [affidavit Lopez, para 8].

[48]  Je suis convaincue à la lumière de la preuve susmentionnée que [Traduction] « l'éprinomectine » est un ingrédient actif des préparations vétérinaires antiparasitaires vendues au Canada sous la marque de commerce EPRINEX et que cela a toujours été indiqué bien en vue sur l'emballage de ces préparations.

[49]  Le reste de la preuve de l'Opposante est moins utile, car, pour l'essentiel, il est postérieur à la date pertinente pour l'évaluation de ce motif d'opposition ou provient d'une source non canadienne. J'en présenterai néanmoins un bref aperçu.

[50]  La pièce B de l'affidavit de M. Penney est un imprimé tiré du service en ligne PubMed de la National Library of Medicine des États-Unis. Il s'agit essentiellement d'un abrégé d'un article datant de novembre 1996 qui décrit les propriétés anthelmintiques de l'éprinomectine.

[51]  La pièce C de l'affidavit de M. Penney est un imprimé tiré du site Web de la Food and Drug Administration des États-Unis qui montre une inscription pour EPRINEX et indique que le nom générique du médicament est [Traduction] « éprinomectine », dont l'emploi est indiqué pour le traitement et le contrôle des parasites. Selon cet imprimé, il a été approuvé le 9 août 1998.

[52]  Les pièces D à F de l'affidavit de M. Penney sont des imprimés de captures d'écran du site Web de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture. Il est fait mention de [Traduction] « l'éprinomectine ». De façon similaire, la pièce « G » est constituée d'un imprimé montrant les résultats de recherche obtenus sur le site Web du Merck Veterinary Manual [manuel vétérinaire de Merck] relativement au terme « eprinomectin » [éprinomectine].

[53]  Il convient de souligner que les recherches qui sous-tendent les pièces D à G ont été effectuées le 13 novembre 2015, soit après la date pertinente pour l'évaluation du motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif. Il est vrai que les recherches qui sous-tendent les pièces B et C ont, elles aussi, été effectuées après la date pertinente, mais il est fait mention de dates antérieures dans le contenu de ces pièces.

[54]  Il convient de souligner également qu'aucun des sites Web associés au contenu des pièces B à G ne semble être canadien et qu'aucune information quant à la mesure dans laquelle les consommateurs canadiens ont pu accéder à ces sites Web ou les consulter n'a été présentée en preuve. L'Opposante a abordé cette question à l'audience et a fait observer que ces pièces peuvent, à tout le moins, servir à corroborer la conclusion de fait selon laquelle [Traduction] « l'éprinomectine » existe et qu'il s'agit d'un anthelmintique. Je tends à être de cet avis également. Je souligne que l'information contenue dans ces pièces semble concorder avec le contenu de la pièce A, qui est tiré d'une source canadienne (c.-à-d. le site Web de Santé Canada).

[55]  La pièce H (onglets 1 à 9) est constituée d'imprimés et de captures d'écran de diverses pages Web que M. Penney a consultées sur Internet. Ces imprimés ont tous un point en commun : ils contiennent plusieurs exemples d'emploi du terme « eprimectin » (c.-à-d. la Marque), par opposition à l'emploi du terme « eprinomectin » [éprinomectine] dans le contexte de résultats de recherches effectuées dans des sites Web d'entreprises, des forums de discussion ou des abrégés d'articles ayant trait aux parasites. Dans tous ces cas, on ne sait pas très bien si ces emplois du terme « eprimectin » sont simplement le résultat d'une orthographe fautive du mot « eprinomectin » [éprinomectine], si l'ingrédient « eprinomectin » [éprinomectine] est parfois appelé « eprimectin », ou encore, si ces emplois font référence au produit « eprimectin » de la Requérante. À titre d'exemple, l'onglet 8 de la pièce H est une copie de deux pages d'un article intitulé « Comparative in vitro effect of artemether and albendazole on adult Toxocara canis » [Effet in vitro comparatif de l'arteméther et de l'albendazole sur le Toxocara canis adulte], datant de 2009. Cet article contient la phrase suivante [Traduction] : « Différents composés chimiques, tels que [...] l'eprimectin, ont été utilisés pour le traitement de ce parasite chez les chiens [...] ». L'onglet 4 de la pièce H semble être constitué des résultats d'une recherche de produit sur un site Web comportant une boutique en ligne. Sous l'entête « Eprinomectin » [éprinomectine], il est aussi fait mention d'« Eprimectin ».

[56]  La pièce I semble être une thèse publiée à Vienne en 2012, dans laquelle l'auteur réfère au produit EPRINEX comme étant de l'« eprimectin ».

[57]  Là encore, les pièces H et I ne semblent pas provenir de sources canadiennes et bon nombre des imprimés et des captures d'écran sont postérieurs à la date pertinente pour l'évaluation de ce motif d'opposition.

Conclusion

[58]  Étant donné que la demande pour la Marque est fondée sur un « emploi projeté » et que la Requérante n'a pas fourni la moindre preuve d'un emploi réel, il m'est impossible de conclure que la Marque a acquis un quelconque caractère distinctif. La question qui se pose en l'espèce est donc de savoir si la Marque est adaptée à distinguer les produits de la Requérante de ceux de tiers (c.-à-d. est-elle intrinsèquement distinctive?).

[59]  Pour déterminer si la Marque est distinctive en l'espèce, je dois évaluer le message que l'utilisateur ordinaire retiendrait à la vue d'EPRIMECTIN employé en liaison avec les anthelmintiques qui sont visés par la demande pour la Marque. Plus particulièrement, je dois déterminer si l'utilisateur ordinaire percevrait la Marque comme un indicateur de la provenance de ces produits.

[60]  Comme je l'ai indiqué précédemment, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque est distinctive. L'Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de son motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif [John Labatt, supra, à la p 298].

[61]  Je suis convaincue, à la lumière de la preuve dont je dispose, que l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l'égard de ce motif d'opposition. L'Opposante a présenté une preuve pour démontrer que l'EPRINOMECTIN [éprinomectine] est un ingrédient actif des anthelmintiques. Elle a également présenté une preuve pour démontrer qu'il est identifié comme tel de manière bien visible sur les produits anthelmintiques qui sont vendus au Canada depuis de nombreuses années. La Marque, c'est-à-dire EPRIMECTIN, est très similaire au terme EPRINOMECTIN [éprinomectine] aussi bien visuellement que phonétiquement, à tel point qu'elle pourrait être perçue comme une contraction ou une orthographe fautive de ce terme. À mon avis, la preuve corrobore la position de l'Opposante selon laquelle le consommateur ordinaire de préparations vétérinaires anthelmintiques percevrait la Marque comme une référence à la présence [Traduction] « d'éprinomectine » dans les produits de la Requérante, et non comme un indicateur de la provenance des produits de la Requérante, et cela est suffisant pour permettre à l'Opposante de s'acquitter de son fardeau de preuve initial en l'espèce.

[62]  Je souligne que les faits de la présente espèce sont assez semblables aux faits en cause dans Johnson & Johnson c Taro Pharmaceuticals Inc 1998 CanLII 18557 (COMC); Parlam Corp c CIBA Co (1961), 36 CPR 78 (C de l'É); et Canadian Hoescht Ltd c ICN Canada Ltd (1979) 54 CPR (2d) 139 (COMC). Ces affaires ont été portées à mon attention par l'Opposante à l'audience. Dans Johnson & Johnson, le membre Herzig avait suivi les décisions antérieures rendues dans Parlam et Hoescht et conclu que MICOZOLE appliqué à des préparations pharmaceutiques contenant du nitrate de miconazole ressemblait si étroitement au terme générique MICONAZOLE, tant visuellement que phonétiquement, qu'il en donnait une description claire et perdait tout caractère distinctif.

[63]  La Requérante n'a formulé aucun commentaire sur les affaires précitées ni à l'audience ni dans son plaidoyer écrit. De plus, elle n'a produit aucune preuve en l'espèce pour démontrer que la Marque a acquis un caractère distinctif par l'emploi ou pour corroborer sa prétention voulant que la Marque soit intrinsèquement distinctive. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau ultime en l'espèce. Il m'est donc impossible de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque est distinctive au sens de l'article 2 de la Loi.

[64]  En conséquence, ce motif d'opposition est accueilli.

Articles 12(1)b) et 12(1)c)

[65]  Étant donné que l'Opposante a déjà obtenu gain de cause relativement à un motif d’opposition, je n'examinerai pas ces autres motifs d'opposition en l'espèce.

Décision

[66]  Compte tenu de ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement selon les dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

______________________________

Lisa Reynolds

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : 2017-02-08

 

COMPARUTIONS

 

Mark Robbins  POUR L'OPPOSANTE

 

Lynda Conway  POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENTS AU DOSSIER

 

Bereskin & Parr  POUR L’OPPOSANTE

 

Kirby Eades Gale Baker  POUR LA REQUÉRANTE

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