Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 46

Date de la décision : 2017-04-28

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

2900319 Canada Inc.

Partie requérante

et

 

Dollar General Corporation

Propriétaire inscrite

 

 

 

 

LMC785,040 pour la marque de commerce DOLLAR GENERAL

Enregistrement

[1]  Le 21 octobre 2014, à la demande de 2 900 319 Canada Inc. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Dollar General Corporation (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC785,040 de la marque de commerce DOLLAR GENERAL (la Marque).

[2]  La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec des [traduction] « Services de magasin de détail d'articles populaires ».

[3]  L'avis enjoignait à la Propriétaire de fournir une preuve établissant que la Marque avait été employée au Canada en liaison avec les services spécifiés dans l'enregistrement à un moment quelconque entre le 21 octobre 2011 et le 21 octobre 2014. Dans le cas où la Marque n'avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons du défaut d'emploi depuis cette date.

[4]  La définition pertinente d'« emploi » en liaison avec des services est énoncée à l'article 4(2) de la Loi, comme suit :

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[5]  Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l'emploi dans le cadre de la procédure prévue à l'article 45 soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu'il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n'en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des services spécifiés dans l'enregistrement au cours de la période pertinente.

[6]  En ce qui concerne les services, l’affichage d’une marque de commerce dans l’annonce est suffisant pour satisfaire aux exigences de l’article 4(2), du moment que le propriétaire de la marque de commerce offre et est prêt à exécuter ces services au Canada [Wenward (Canada) Ltd c Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (COMC)]. Autrement dit, l'annonce au Canada ne suffit pas à elle seule pour établir l'emploi; à tout le moins, les services doivent être offerts pour pouvoir être exécutés au Canada. À titre d’exemple, l’emploi d’une marque de commerce dans l’annonce au Canada de services offerts uniquement aux États-Unis ne satisfait pas aux dispositions de l’article 4(2) de la Loi [Porter c Don the Beachcomber (1966), 48 CPR 280 (C de l'É)].

[7]  En réponse à l'avis du registraire, la Propriétaire a fourni l'affidavit de sa directrice principale du commerce électronique, Linda Tilt, souscrit le 15 mai 2015. Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites; cependant, seule la Propriétaire était représentée à l'audience qui a été tenue le 27 janvier 2017.

La preuve de la Propriétaire

[8]  Dans son affidavit, Mme Tilt affirme que la Propriétaire exploite des magasins de détail depuis 1939 et exploite actuellement plus de 11 700 de ces magasins aux États-Unis. Elle affirme également que, depuis 2011, la Propriétaire exploite un site Web de commerce électronique à l’adresse www.dollargeneral.com. Mme Tilt précise que la Propriétaire offre [Traduction] « des produits comme des aliments, des collations, des produits de beauté et de santé, des accessoires de nettoyage, des vêtements de base, des articles de ménage et des articles saisonniers » dans ses magasins de détail et sur son site Web.

[9]  Mme Tilt atteste que, au cours de la période pertinente, le site Web a reçu environ 184 586 visiteurs [Traduction] « inscrits comme résidant au Canada » selon l’« analytique Web » de la Propriétaire. Elle fournit également une ventilation par région, qui indique que les visiteurs provenaient de chacune des provinces et de chacun des territoires du Canada.

Preuve de vente à des Canadiens

[10]  Mme Tilt soutient que la Propriétaire a vendu des produits sous la Marque à des résidents du Canada dans la pratique normale du commerce au cours de la période pertinente. Elle explique que ces ventes ont été faites par l’intermédiaire du site Web, qu’elle décrit comme permettant aux résidents du Canada d’examiner les renseignements sur les produits, le prix et la disponibilité; de consulter les renseignements sur les commandes en ligne; d’acheter des produits; et de porter ces achats sur des cartes de crédit.

[11]  À titre d’illustration, Mme Tilt fournit, en pièces B‑1 et B‑2 de son affidavit, divers instantanés montrant [Traduction] « les étapes franchies par un résident du Canada pour effectuer un achat au détail... sur le site Web de Dollar General ». Mme Tilt atteste que les mêmes étapes étaient en place au cours de la période pertinente. La plupart des instantanés présentés sont tirés du site Web : ils comprennent des pages Web proposant des produits en vente et des pages Web affichant des formulaires en ligne pour l’inscription des détails concernant le paiement et l’expédition.

[12]  Je souligne que la première page Web en pièce B‑1 présente une gamme de produits de différentes catégories et comporte une fonction de recherche. Cette page Web affiche également des liens vers des caractéristiques particulières du site Web, avec des titres comme « GET COUPONS » [OBTENIR UN COUPON] « Tips & Ideas » [Conseils et idées] et « GET RECIPES » [OBTENIR DES RECETTES]. D’autres pages Web en pièce B‑1 présentent des produits particuliers, et comportent une image des produits, la description des produits ainsi que des listes de produits semblables.

[13]  Mme Tilt souligne que les Canadiens qui font des achats sur le site Web étaient en mesure de fournir une adresse de facturation canadienne en sélectionnant une province ou un territoire canadien dans le menu déroulant du formulaire de facturation en ligne. En effet, le formulaire illustré dans les instantanés produits en pièce comporte un menu déroulant de pays, qui comprend le Canada, et un menu déroulant de provinces et territoires canadiens (en plus des États américains). Le formulaire comprend également un champ pour inscrire un [Traduction] « code ZIP/postal ».

[14]  La pièce B‑1 comprend également des imprimés de deux courriels de la part de la Propriétaire – le premier confirmant une commande et l’autre confirmant une expédition –, ainsi qu’un imprimé du site Web d’UPS montrant les renseignements sur le suivi des expéditions. D'après l’adresse de facturation, il semble que ces documents aient été envoyés à un client canadien.

[15]  Selon ces pièces, il semble évident que la Propriétaire ne livre ses produits qu’à des adresses aux États-Unis. En effet, lors de l’audience, la Propriétaire a admis qu’elle n'a pas expédié de produits au Canada au cours de la période pertinente.

[16]  Cependant, dans son affidavit, Mme Tilt indique que les clients pouvaient tout de même faire livrer leurs achats au Canada par l’intermédiaire d’un transbordeur comme Bongo International, qui s’occupe de l’expédition internationale d’achats au détail. Plus particulièrement, Mme Tilt fournit, comme pièce C à son affidavit, une facture/un bordereau de marchandises en date de septembre 2013 pour divers produits que la Propriétaire a expédiés à Bongo International pour un client ayant une adresse de facturation canadienne. De plus, comme pièce D, Mme Tilt joint une page du site Web de Bongo International, qui décrit les services de réception et d’expédition de colis qu'offre l’entreprise aux [Traduction] « acheteurs internationaux », y compris aux acheteurs canadiens qui font des achats sur des sites de vente au détail américains.

[17]  Mme Tilt atteste que les ventes au détail en ligne des produits DOLLAR GENERAL à des [Traduction] « résidents du Canada » au cours de la période pertinente dépassaient 5 000 $ US. Elle précise que ces ventes étaient faites à des clients ayant une adresse de facturation canadienne ou une adresse courriel « .ca ». À l’appui, elle joint comme pièce E à son affidavit, environ 20 factures/bordereaux de marchandises, datant de la période pertinente, montrant des ventes de divers produits par la Propriétaire à des clients ayant une adresse de facturation canadienne. Bien qu’un des bordereaux de marchandises montre une adresse d’expédition canadienne, la Propriétaire a admis à l'audience qu’il s’agit d’une anomalie et que l’adresse ne s’inscrivait pas dans ses destinations d’expédition. Je souligne également que certains des bordereaux comprennent un « message » personnalisé pour le destinataire, comme des souhaits d’anniversaire, dont la signification sera expliquée ci-dessous.

[18]  Comme preuve supplémentaire des ventes par la Propriétaire à des clients canadiens, Mme Tilt fournit, comme pièces F et G à son affidavit, des tableaux de ventilation internes énumérant divers produits vendus au cours de la période pertinente, accompagnés des dates d’expédition, des renseignements sur l'emplacement du destinataire ainsi que les adresses de facturation et de courriel du client. Le document en pièce F énumère des produits vendus à des clients ayant une adresse de facturation canadienne; le document en pièce G énumère les produits vendus à des clients ayant une adresse de courriel .ca.

[19]  Je souligne que la Marque figure dans l’ensemble des pièces précédentes, notamment au haut de chaque page Web et de chaque courriel, ainsi que sur les bordereaux de marchandises.

Preuve d’« interactivité supplémentaire » avec des Canadiens

[20]  Outre sa preuve en ce qui concerne les ventes, Mme Tilt fournit des exemples de ce qu’elle décrit comme une [Traduction] « interactivité supplémentaire » entre la Propriétaire et des Canadiens qui consultent le site Web de la Propriétaire.

[21]  D’abord, Mme Tilt joint comme pièce H à son affidavit, six courriels de la part du Service de soutien à la clientèle de la Propriétaire en réponse à des questions de personnes ayant une adresse canadienne. Mme Tilt confirme que chaque question a été envoyée par l'intermédiaire du site Web. Tous les courriels sont datés de la période pertinente et mentionnent « Customer Support at www.dollargeneral.com » [Soutien à la clientèle à www.dollargeneral.com]. Essentiellement, tous les courriels indiquent que la Propriétaire n’expédie qu’aux États-Unis, mais accepte les paiements par cartes de débit et de crédit [Traduction] « en provenance de plus de 80 pays ». Dans l'un des courriels, on ajoute que tous les prix indiqués sur le site Web sont en dollars américains et que les articles sont offerts en vrac.

[22]  Ensuite, comme pièce I à son affidavit, Mme Tilt joint un instantané intitulé « Welcome to the DG Email program! » [Bienvenue au programme de courriels de DG!] Mme Tilt atteste que ce message de [Traduction] « bienvenue » est envoyé aux consommateurs qui s’inscrivent pour recevoir des courriels promotionnels de la part de la Propriétaire. Elle atteste que, au cours de la période pertinente, environ 1 300 personnes ayant une adresse courriel .ca se sont inscrites pour recevoir ces courriels. Le message indique que les participants pourront profiter des promotions suivantes : « Current Ads » [annonces courantes], « Coupons », « Online Sales » [ventes en ligne] et « many other savings opportunities » [plusieurs autres occasions d'économiser].

[23]  Je souligne que le message de bienvenue invite les destinataires à [Traduction] « télécharger l’application Dollar General ». Mme Tilt explique que les clients peuvent télécharger cette application sur leurs appareils mobiles pour [Traduction] « faire des achats de détail » auprès de la Propriétaire. Elle atteste qu’environ 2 500 [Traduction] « nouveaux utilisateurs au Canada » ont téléchargé l’application au cours de la période pertinente. Elle joint comme pièce J à son affidavit deux instantanés de l’application. Le premier instantané montre la politique de confidentialité, alors que le second montre un écran intitulé « FASHION AT DOLLAR GENERAL » [LA MODE DE DOLLAR GENERAL], au-dessus de plusieurs options de menu, dont les boutons « Shop » [Magasiner], « current ads » [annonces courantes], « SEE ALL STYLES » [DÉCOUVRIR TOUS LES STYLES], « MOBILE COUPONS » [COUPONS MOBILES] et « DG DIGITAL COUPONS » [COUPONS NUMÉRIQUES DG].

[24]  De plus, Mme Tilt explique que le site Web de la Propriétaire est doté d’une fonction de localisation de magasins qui permet aux clients canadiens d’inscrire leur code postal ou leur ville pour trouver le magasin DOLLAR GENERAL le plus près. Elle atteste que 83 des magasins de détail de la Propriétaire se situent à moins de 16 kilomètres de la frontière canado-américaine et que plusieurs résidents canadiens ont visité ces magasins au cours de la période pertinente. Elle fournit une liste de ces 83 magasins en pièce K de son affidavit. Plus précisément, comme pièce L, elle fournit une carte de la région environnante de Niagara Falls, montrant des marqueurs d’emplacement des magasins DOLLAR GENERAL dans cette région.

[25]  Pour illustrer le fonctionnement du localisateur de magasins, joint comme pièce M se trouve un imprimé d’une page Web qui, atteste Mme Tilt, montre les résultats obtenus lorsque « Windsor, Ontario » est inscrit dans le localisateur de magasins. La page Web énumère 21 magasins ayant une adresse au Michigan, et comprend une carte avec des marqueurs d’emplacement des magasins les plus près de la frontière Detroit-Windsor. Mme Tilt confirme que la fonction de localisation de magasins était en place au cours de la période pertinente.

[26]  Encore une fois, je souligne que la Marque figure dans l’ensemble de ces pièces. À titre d’exemple, « DOLLAR GENERAL » figure au haut du message de [Traduction] « bienvenue » du programme de courriels promotionnels de la Propriétaire, au haut des écrans de l’application mobile, et dans l’entête de la page Web du localisateur de magasins.

Analyse

[27]  En l’espèce, je suis disposé à admettre que, au cours de la période pertinente, la Marque figurait dans l’annonce et l’exécution des services de la Propriétaire. Cependant, comme l’a concédé la déposante, la Propriétaire n’exploite pas de magasins [Traduction] « traditionnels » au Canada. La question est alors celle de savoir si la Propriétaire a exécuté, ou annoncé et était en mesure d'exécuter, les services visés par l'enregistrement au Canada. Autrement dit, il faut déterminer si les activités présentées dans la preuve sont équivalentes à l’exécution des [Traduction] « services de magasin de détail d'articles populaires » visés par l’enregistrement au Canada.

[28]  Dans leurs observations, les deux parties font valoir que Lapointe Rosenstein LLP c The West Seal, Inc, 2012 COMC 114, 103 CPR (4th) 136 présente une approche appropriée pour savoir si certaines activités constituent des services de magasins de détail en l’absence d’un magasin traditionnel au Canada.

[29]  Dans West Seal, le registraire indique que, pour que les activités d’un détaillant en ligne corroborent un enregistrement pour des services de magasin de détail, la combinaison de ces activités doit démontrer [Traduction] « un certain degré d’interactivité avec d’éventuels clients canadiens afin de permettre de conclure à l’existence d’un avantage suffisant pour les Canadiens justifiant le maintien de cet enregistrement » [au paragraphe 27; voir également MJB Marketing Inc c Provide Gifts, Inc, 2013 COMC 46, 113 CPR (4th) 440 au paragraphe 30].

[30]  Cependant, comme je l’explique ci-dessous, les parties appliquent cette approche de façon différente aux faits en l’espèce.

Point de vue de la Partie requérante

[31]  Le point de vue principal de la Partie requérante semble être que les activités de la Propriétaire ne justifient pas le maintien d'un enregistrement canadien pour des services de magasin de détail, puisque les activités ne permettent pas aux clients de prendre possession de leurs achats au Canada.

[32]  À cet égard, la Partie requérante cite MJB Marketing pour appuyer la prémisse portant qu'il semblerait fondamental que les services d’un [Traduction] « magasin de détail » comprennent la possibilité pour une personne de prendre livraison ou possession de ses achats. Dans cette décision, le registraire a dit qu’on pourrait difficilement soutenir que des clients qui entrent dans un magasin traditionnel au Canada où différents produits sont exposés à sa vue et où il peut faire un choix avec l’aide du personnel sur place, sans toutefois pouvoir, au final, prendre possession du produit acheté ou, à tout le moins, le faire livrer chez lui, ont fait affaire avec un détaillant [MJB Marketing, supra, au paragraphe 29].

[33]  À l’appui également, la Partie requérante mentionne plusieurs décisions mettant en cause des enregistrements pour des services de magasin de détail, dans lesquels le propriétaire inscrit n’exploitait pas de magasins [Traduction] « traditionnels » au Canada. Comme l’a souligné la Partie requérante dans ses représentations, ces décisions présentaient généralement des éléments de preuve portant que les propriétaires livraient ou étaient en mesure de livrer leurs produits au Canada au cours de la période pertinente.

[34]  Plus précisément, la Partie requérante mentionne dans ses représentations les décisions Law Office of Philip B Kerr c Face Stockholm Ltd (2001), 16 CPR (4th) 105 (COMC) et Grafton-Fraser Inc c Harvey Nichols and Company Limited, 2010 COMC 218, 89 CPR (4th) 394.

[35]  Dans Face Stockholm, le registraire a conclu que le propriétaire inscrit offrait ses produits par l’intermédiaire de son site Web et qu’un client canadien pouvait commander ces produits à partir du Canada. L’élément clé qui a permis de confirmer que les [Traduction] « services de magasin de vente au détail de cosmétiques et de produits de beauté » du propriétaire étaient exécutés au Canada semble être l’existence de factures portant le nom du propriétaire et attestant que des produits du propriétaire avaient été livrés au Canada.

[36]  Inversement, dans Harvey Nichols, malgré la preuve portant que des Canadiens avaient visité le site Web de vente au détail du propriétaire inscrit au cours de la période pertinente, l'enregistrement pour des [Traduction] « services de grand magasin de vente au détail » (et produits connexes) a été radié, en partie en raison de l’absence de preuve d’achat ou de livraison au Canada pendant la période pertinente. En tirant cette conclusion, le registraire a souligné que les instantanés tirés du site Web du propriétaire ne contenaient aucun indice qui permette de conclure que les services de grand magasin de vente au détail étaient offerts aux consommateurs canadiens, par exemple, l’affichage des prix en dollars canadiens, de coordonnées au Canada ou pour les Canadiens, ou de la politique et des renseignements d’expédition de produits au Canada.

[37]  La Partie requérante mentionne également la décision antérieure Cassels, Brock & Blackwell c Sharper Image Corp (1990), 33 CPR (3d) 198 (COMC). Dans cette décision, selon des facteurs tirés en partie de la décision semblable rendue par la Cour fédérale dans Saks & Co c Canada (Registraire des marques de commerce) (1989), 24 CPR (3d) 49 (CF 1re inst), le registraire a énoncé de la façon suivante les facteurs pertinents qui permettent d'établir l’exécution de services de vente au détail au Canada [Traduction] « depuis » les États-Unis [au paragraphe 5] :

·  le détaillant a répondu à des commandes postales et téléphoniques depuis le Canada;

·  le détaillant a annoncé des marchandises au Canada en faisant parvenir des catalogues à des clients canadiens;

·  il y avait un numéro sans frais permettant aux Canadiens d’acheter les marchandises par téléphone;

·  les marchandises et services du détaillant ont été annoncés régulièrement au Canada au moyen de magazines largement distribués au Canada; et

·  le détaillant a veillé lui-même à assurer la livraison au Canada des articles commandés.

[38]  Comme l’a souligné la Partie requérante dans ses représentations, ces facteurs ont été appliqués à un scénario de vente au détail en ligne dans West Seal, supra. Dans cette décision, le registraire a examiné ces facteurs à la lumière des décisions Face Stockholm et Harvey Nichols, et a déterminé que le facteur clé semble être le fait que [Traduction] « le détaillant a veillé lui-même à assurer la livraison au Canada des articles commandés ».

[39]  La Partie requérante souligne que, en l’espèce, la Propriétaire ne livre au Canada aucun produit acheté. En ce qui concerne la preuve de la Propriétaire portant que ses clients peuvent faire livrer leurs achats au Canada par l’intermédiaire d’un transbordeur comme Bongo International, la Partie requérante fait valoir que [Traduction] « cet aspect des “services de magasin de détail d'articles populaires” relève de la responsabilité du client ».

[40]  En ce qui concerne toute [Traduction] « interactivité supplémentaire » entre la Propriétaire et des clients au Canada, la Partie requérante met en doute la force probante de cette preuve. Plus précisément, la Partie requérante formule plusieurs commentaires suggérant que la preuve n’établit pas d’interactivité avec des clients canadiens. La Partie requérante fait également valoir que les services de la Propriétaire [Traduction] « ne sont que des activités d’autopromotion » qui ne « respectent pas la définition de “services de magasin de détail d'articles populaires” au Canada ».

[41]  À ce titre, la Partie requérante soutient que la preuve n’établit pas une [Traduction] « interactivité entre [la Propriétaire] et un consommateur canadien qui soutiendrait l'établissement de l’emploi de la marque de commerce en liaison avec les services [visés par l'enregistrement] dans la pratique normale du commerce ».

Le point de vue de la Propriétaire

[42]  À l’audience, la Propriétaire a confirmé et concédé qu’elle ne fournit pas et n’organise pas de services de livraison au Canada des produits achetés par l'intermédiaire de son site Web, pas plus qu’elle ne le faisait au cours de la période pertinente. Cependant, la Propriétaire soutient que cette livraison ou cet arrangement n’est pas nécessaire, dans les faits et selon la loi, pour qu’une marque de commerce soit employée en liaison avec des services de magasin de détail au Canada.

[43]  À cet égard, la Propriétaire soutient en premier lieu que le fait de permettre à un client d’organiser sa propre livraison par l’intermédiaire d’un transbordeur tiers équivaut à fournir ou à organiser des services de livraison au Canada, puisque le client est en mesure de profiter entièrement de l’achat et de la livraison sans avoir à sortir du Canada. La Propriétaire soutient que le fait d’accorder un [Traduction] « poids exagéré » à des facteurs comme le mode de livraison précis ou le responsable de la livraison [Traduction] « restreint de façon inappropriée et inutile la méthode commerciale qu'a choisi une entreprise pour l’exécution de tels services ».

[44]  Quoi qu’il en soit, la Propriétaire soutient également que des ventes au Canada, avec ou sans livraison, ne sont même pas nécessaires au maintien d’un enregistrement pour des services de magasin de détail, lorsque les services fournis à des Canadiens en ligne offrent un [Traduction] « degré d’interactivité » et un avantage suffisants en eux-mêmes.

[45]  À l’appui, la Propriétaire cite TSA Stores, Inc c Canada (Registraire des marques de commerce), 2011 CF 273, 91 CPR (4th) 324, infirmant 2010 COMC 9, CarswellNat 581. Dans TSA Stores, la Cour fédérale a infirmé en partie la décision du registraire de radier diverses marques de commerce SPORTS AUTHORITY en liaison avec des services de magasins de détail. Bien que le propriétaire inscrit exploite un site Web de vente au détail, il n’y avait aucune preuve portant que le propriétaire vendait ses produits à des clients canadiens. Néanmoins, la Cour a conclu que des Canadiens utilisaient et profitaient des caractéristiques du site Web. Plus précisément, la Cour a mentionné les descriptions de produits détaillées, les directives pour trouver des produits appropriés, les renseignements sur l'entretien des produits, le glossaire spécialisé et le localisateur de magasins par l'intermédiaire du site Web. La Cour a affirmé que la consultation du site Web de vente au détail du propriétaire [Traduction] « s’apparente à une visite sur place d’un magasin et revient à discuter avec un vendeur bien informé ». Par conséquent, la Cour a conclu que l’affichage d’une marque de commerce en liaison avec ces [Traduction] « services de magasin de détail accessoires » constituait un emploi en liaison avec des services de magasin de détail au Canada [au paragraphe 21].

[46]  En l’espèce, la Propriétaire est d’avis que la combinaison de services offerts par l’intermédiaire de son site Web et de son application mobile offre une interactivité [Traduction] « suffisante » avec les Canadiens ainsi qu'un avantage pour eux, justifiant le maintien d'un enregistrement à l’égard de services de magasin de détail au Canada. Plus précisément, la Propriétaire fait valoir que son site Web offre une [Traduction] « expérience de services de magasin de détail », qui donne aux visiteurs la possibilité d’acheter des produits. À l’audience, la Propriétaire a soutenu que, compte tenu de sa preuve de ventes réelles à des Canadiens par l’intermédiaire du site Web, les arguments en l’espèce en faveur du maintien de l’enregistrement sont dans les faits plus solides que dans TSA.

[47]  La Propriétaire attire également l’attention sur ses autres formes [Traduction] d’« interactivité » avec des Canadiens. À cet égard, la Propriétaire cite TSA et Kraft Ltd c Registraire des marques de commerce, [1984] 2 CF 874, pour appuyer la proposition selon laquelle il faut donner aux services une interprétation large et généreuse, sans établir de distinction entre des services [Traduction] « principaux » ou « accessoires »; du moment que des Canadiens tirent avantage de cette activité, il s’agit d’un service. La Propriétaire souligne les [Traduction] « avantages » suivants que son site Web et son application mobile offrent au Canada :

  • La possibilité d’acheter des produits. Pour démontrer que ce service vise des interactions avec des clients canadiens, la Propriétaire souligne l’inclusion des provinces et territoires canadiens, entre autres mentions du Canada, dans son formulaire en ligne où il faut inscrire une adresse de facturation.

  • La possibilité d’envoyer un message personnalisé ou tout autre message au destinataire des produits achetés.

  • La possibilité de trouver le magasin américain le plus près. À cet égard, la Propriétaire souligne qu’il est possible d’inscrire des villes et des codes postaux canadiens dans le localisateur de magasins du site Web.

  • La possibilité d’obtenir des descriptions de produits et des recommandations sur des produits connexes et semblables à l’aide de la fonction de recherche du site Web.

  • La possibilité d’obtenir d’autres renseignements, par exemple des [Traduction] « annonces sur les économies courantes », des « conseils et des idées pour économiser », des « conseils économiques » et des recettes.

  • La possibilité de trouver et d’imprimer des coupons.

  • La possibilité de correspondre par courriel avec le Service de soutien à la clientèle de la Propriétaire.

  • La possibilité de s’inscrire au programme de courriels promotionnels et de télécharger une application d’achats mobile. La Propriétaire soutient que la preuve d’inscriptions et de téléchargements par des Canadiens à cet égard constitue [Traduction] « une preuve solide et probante que ce sont des services de magasin de détail... qui s’appliquent clairement au profit de Canadiens ».

[48]  À l’audience, la Propriétaire a également attiré l’attention sur la preuve de consultation du site Web, portant que les visiteurs provenaient de chacune des provinces et de chacun des territoires du Canada au cours de la période pertinente, comme élément supplémentaire qui distingue et renforce sa cause.

Conclusion

[49]  Nonobstant les points de vue des parties, et bien que la décision n’ait été invoquée par aucune des parties, j'estime pertinents les commentaires suivants de la Cour fédérale dans UNICAST SA c South Asian Broadcasting Corporation Inc, 2014 CF 295, 122 CPR (4th) 409, une décision relative à une demande de radiation d’un enregistrement de la marque de commerce RED FM au titre de l’article 57 de la Loi :

[46] Comme la défenderesse l’a à juste titre précisé dans son mémoire, il existe [Traduction] « une importante distinction entre des services exécutés au Canada et des services exécutés à l’extérieur du Canada, peut-être pour des Canadiens ». Bien qu’il soit vrai que le paragraphe 4(2) prévoit qu’une « marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution […] de ces services », les tribunaux judiciaires et les tribunaux administratifs, dont la Commission des oppositions des marques de commerce, ont néanmoins ajouté que de tels services doivent effectivement être offerts à des Canadiens ou exécutés au Canada...

[47] Aller à l’encontre de cette interprétation logique du droit entraînerait des conséquences aberrantes et malheureuses, et il est impossible que telle ait été l’intention du législateur lorsqu’il a rédigé la Loi. Par exemple, si nous adoptons le point de vue de la demanderesse, n’importe quel titulaire de marque de commerce étranger pourrait demander et obtenir la radiation d’une marque de commerce canadienne authentique compte tenu d’un emploi antérieur sur le Web, même si ce propriétaire de marque de commerce n’avait, pour l’essentiel, rien à voir avec le Canada et n’était pas réellement présent au pays. Comment pourrait‑il être logique d’interpréter le régime législatif applicable d’une façon qui menace tous les propriétaires canadiens de marques de commerce de perdre leur marque de commerce au profit d’une marque de commerce n’ayant aucun lien avec le Canada? Faudrait‑il s’attendre à ce que les entreprises canadiennes se protègent contre toutes les entreprises du monde entier qui ont un site Web accessible au Canada? Cela serait‑il même possible? Il serait illogique et impossible d’adopter ce point de vue.

[48] Qui plus est, la défenderesse allègue à juste titre qu’une telle situation serait impensable si les rôles étaient inversés dans la présente affaire. Un propriétaire canadien d’une marque de commerce aurait‑il le droit de demander qu’un propriétaire étranger d’une marque de commerce cesse d’utiliser sa marque de commerce si la présence au Canada de ce propriétaire étranger se limitait à Internet? Plus particulièrement, si la Cour confirme la validité de la marque de commerce RED FM, la défenderesse pourrait‑elle alors demander à la demanderesse de cesser de diffuser en continu ses émissions en ligne, parce qu’il se pourrait que l’un des auditeurs soit Canadien? Encore une fois, cela est tout à fait absurde. La notion de l’exécution des services est essentielle.

[50]  Dans UNICAST, la partie demandant la radiation était une entreprise suisse qui prétendait offrir des services de radiodiffusion à des Canadiens par l’intermédiaire de son site Web. Pour déterminer si les [Traduction] « entreprises de radiodiffusion » de l’entreprise suisse étaient [Traduction] « exploitées – même en partie – au Canada », la Cour a tenu compte d’un certain nombre de critères dont celui de savoir si l’entremise ciblait activement des publics canadiens dans sa programmation en prenant, par exemple, des mesures pour attirer des auditeurs canadiens, outre le simple fait de diffuser sa programmation en continu en ligne. La Cour a également établi une distinction entre la [Traduction] « radiodiffusion » et la « transmission de son et de messages par terminaux d’ordinateurs aux Canadiens »; bien que les services de l’entreprise suisse au Canada ne constituent pas de la [Traduction] « radiodiffusion », ils constituent une [Traduction] « transmission de son et de messages ».

[51]  Bien que les services dans UNICAST ne soient pas parfaitement analogues aux actuels [Traduction] « services de magasin de détail d'articles populaires », j’estime pertinente en l’espèce la distinction faite par la Cour entre des services exécutés au Canada et ciblant activement des Canadiens et des services exécutés à l’extérieur du Canada, mais auxquels des Canadiens ont accès. Il semble également pertinent de distinguer l’exécution de [Traduction] « services de magasin de détail d'articles populaires » de, par exemple, la communication de renseignements concernant un magasin de détail d'articles populaires.

[52]  Appliquant l’approche de la Cour en l’espèce, compte tenu de la nature et de la finalité d’un magasin d’articles populaires, et compte tenu du fait que la Propriétaire n’expédie même pas ses produits au Canada, je peux difficilement inférer que la Propriétaire a exécuté des [Traduction] « services de magasin de détail d'articles populaires » au Canada au cours de la période pertinente. Je préfère l’idée que ces services ont été exécutés aux États-Unis, quoique pour des visiteurs canadiens.

[53]  Même s’il faut donner aux services une interprétation [Traduction] « large et généreuse », la jurisprudence reconnaît qu’une interprétation large des services présente des limites. Notamment, dans Boutique Limité Inc c Limco Investments, Inc (1998), 84 CPR (3d) 164, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il ne suffit pas d’offrir un remboursement ou d’accorder un crédit à des Canadiens pour des achats faits aux États-Unis pour justifier un enregistrement à l’égard de [Traduction] « services de vente au détail de vêtements pour dames » au Canada.

[54]  De plus, dans Supershuttle International, Inc c Fetherstonhaugh & Co, 2015 CF 1259, CarswellNat 8336, en confirmant la décision du registraire portant que des services de réservation et de vente de billets ne constituent pas des [Traduction] « services de transport terrestre de passagers d’aéroport », la Cour fédérale a reconnu que [Traduction] « les services devraient être interprétés de façon libérale », mais a souligné que [Traduction] « l'interprétation large des services a ses limites » [au paragraphe 39].

[55]  D’ailleurs, l’article 30 de la Loi porte que les services doivent être décrits dans les termes ordinaires du commerce et la question de savoir si une marque de commerce a été employée en liaison avec les services visés par l’enregistrement doit être tranchée en fonction des faits propres à chaque espèce [voir Express File Inc c HRB Royalty Inc, 2005 CF 542, 39 CPR (4th) 59]. Ainsi, il faut donner aux services visés par l’enregistrement leur signification habituelle et les interpréter conformément au sens commun.

[56]  En l’espèce, l’exigence portant que les clients sont en mesure de prendre livraison ou possession de leurs achats est cohérente avec le sens ordinaire des [Traduction] « services de magasin de détail d'articles populaires ». Selon moi, si une entreprise prétend fournir des [Traduction] « services de magasin de détail d'articles populaires » au Canada, le consommateur moyen s’attendra à pouvoir payer et recevoir ses produits au Canada. Si les produits ne sont obtenus qu’en se déplaçant aux États-Unis, ou par l’intermédiaire d’un agent de transit, alors les services de magasin de détail ne sont pas exécutés au Canada.

Ventes à des Canadiens

[57]  Comme je l’ai souligné ci-dessus, la Propriétaire fait valoir que le fait de permettre à des acheteurs canadiens d’organiser leur propre livraison par l’intermédiaire d’un tiers suffit pour conclure que des services de magasin de détail sont prêts à être exécutés au Canada. Cependant, même si j'admettais que les clients de la Propriétaire étaient en mesure de faire livrer leurs achats au Canada par l’intermédiaire d’un transbordeur au cours de la période pertinente, je ne dispose d’aucune preuve établissant qu’un transbordeur a agi comme agent de la Propriétaire ou était autrement lié à la Propriétaire au cours de cette période. Comme l’a soutenu la Partie requérante, la livraison de tout produit au Canada relève de la responsabilité du client canadien. Par conséquent, cet aspect du service de magasin de détail est exécuté par les clients eux-mêmes, avec ou sans l’aide d’un tiers, et non pas par la Propriétaire.

[58]  Ainsi, la question n’est pas de savoir comment ou par l’intermédiaire de qui la Propriétaire offre la livraison de produits au Canada, mais plutôt de savoir que la Propriétaire n’offre pas du tout de livraison de ses produits au Canada. À cet égard, la [Traduction] « méthode commerciale choisie » d’une entreprise est potentiellement au cœur de la question de savoir si l’entreprise exécute ou non, ou est en mesure d'exécuter ou non, ses services au Canada. En l’espèce, la Propriétaire a choisi d’offrir la livraison de produits uniquement aux États-Unis. Le fait que ses livraisons aux États-Unis puissent, sans la participation ou même sans la connaissance de la Propriétaire, éventuellement se retrouver au Canada n’est pas utile à la cause de la Propriétaire.

[59]  Ainsi, je ne suis pas disposé à admettre qu’une vente faite à un Canadien qui demande que son achat soit livré à un transbordeur aux États-Unis, ou qui demande qu’il soit livré à tout autre destinataire aux États-Unis, constitue l'exécution de services de magasin de détail d'articles populaires au Canada.

« Interactivité supplémentaire » avec des Canadiens

[60]  Comme je l’ai souligné ci-dessus, la Propriétaire fait valoir que, même en l’absence de livraison de produits au Canada, un enregistrement à l’égard de services de magasin de détail peut être maintenu lorsque le détaillant en ligne fournit d’autres formes [Traduction] d’« interactivité » et d’avantages pour les Canadiens. À cet égard, la Propriétaire est d’avis qu’il ne doit pas y avoir de distinction entre des services [Traduction] « principaux » ou « accessoires ».

[61]  Ce point de vue est fondé sur le passage suivant de Kraft [à 461] :

À mon avis, rien dans cette définition [tirée de l’article 4(2)] ne suppose que les « services » à l'égard desquels est établie une marque de commerce se limitent à ceux qui ne sont pas « accessoires » à la vente de biens. Kraft a fait valoir qu’elle offre un service en distribuant en grande quantité et au hasard des bons de réduction à des consommateurs qui, grâce à ces bons, peuvent se procurer ses produits à un prix réduit. Je ne vois pas de raison de dire qu’il ne s’agit pas d’un service et je ne trouve rien dans la Loi qui oblige le registraire à rejeter la définition que donne Kraft de ses services : « offrir des programmes de bons de réduction relativement à une gamme de produits alimentaires ».

[62]  Comme le démontre ce passage, la question dans Kraft était de savoir si le fait [Traduction] « d'offrir des programmes de bons de réduction relativement à une gamme de produits alimentaires » constituait un service, quoiqu’il était [Traduction] « accessoire » à la vente de produits alimentaires. Quoi qu'il en soit, la question n’était pas de savoir si l’offre de coupons constituait l’exécution de [Traduction] « services de magasin de détail ». L'idée dans Kraft portait qu'il n'est pas nécessaire d’établir une distinction entre des services [Traduction] « principaux » et des services [Traduction] « accessoires » pour déterminer ce qui constitue un « service » au sens de la Loi.

[63]  Ainsi, et selon les commentaires plus récents de la Cour fédérale dans UNICAST, l’argument portant que toute caractéristique potentiellement utile d’un site Web de vente au détail ou d’une application d’achats constitue l’exécution de services de magasin de détail n’est pas convaincant.

[64]  À cet égard, je souligne en premier lieu que les tribunaux voient généralement d’un mauvais œil les activités commerciales symboliques conçues pour protéger les droits de propriété intellectuelle [voir, par exemple, Plough, supra, au paragraphe 10]. Par conséquent, un enregistrement ne devrait pas être maintenu à l’égard de [Traduction] « services de magasin de détail » du simple fait que les services en fait disponibles au Canada sont indirectement liés. Cela donnerait au propriétaire inscrit des droits de propriété industrielle et commerciale à l’égard de services qu’il n’exécute pas dans les faits au Canada, contrairement à l’approche adoptée par la cour fédérale dans UNICAST. Lorsqu'un propriétaire de marque de commerce qui exécute des services dans un autre pays souhaite obtenir et maintenir un enregistrement au Canada à l'égard de la même marque de commerce et en liaison avec les mêmes services, il doit généralement exécuter les services en question de la même manière au Canada; le simple fait de faire allusion aux services n'est pas suffisant [voir Stikeman Elliott LLP c Millennium & Copthorne International Ltd, 2015 COMC 231, CarswellNat 10512; et Fetherstonhaugh & Co c Supershuttle International, Inc, 2014 COMC 155, 128 CPR (4th) 469, confirmé par 2015 CF 1259, CarswellNat 8336].

[65]  Appliquant ces principes en l’espèce, je ne suis pas convaincu que [Traduction] l’« interactivité » de la Propriétaire avec des Canadiens offre un avantage suffisant sous la forme de [Traduction] « services de magasin de détail d'articles populaires » au Canada pour justifier le maintien de l’enregistrement en question.

[66]  À titre d’exemple, bien que les modes de paiement acceptés par la Propriétaire puissent cibler des clients canadiens, le fait d’offrir aux Canadiens la possibilité de choisir et de payer un produit en ligne ne constitue pas une exécution de services de magasin de détail au Canada. En l’espèce, la Propriétaire semble confondre la demande et le paiement d’un service avec l'exécution ou le fait de tirer avantage de ce service au Canada.

[67]  En effet, la décision de la Cour d’appel fédérale dans Boutique, supra, indique qu’il existe une distinction entre l’exécution réelle d’un service et des transactions financières liées au paiement du service. Comme je l’ai souligné ci-dessus, la Cour d’appel fédérale a conclu que le fait de prendre part à de telles transactions financières avec des Canadiens en ce qui concerne des achats aux États-Unis n’est pas suffisant pour justifier un enregistrement à l’égard de [Traduction] « services de vente au détail de vêtements pour dames » au Canada [aux paragraphes 15 et 16].

[68]  Dans un même ordre d’idées, la majorité des renseignements fournis à des Canadiens par l'intermédiaire du site Web et de l’application de la Propriétaire semblent être du contenu promotionnel, y compris des renseignements sur la nature et la disponibilité de divers aspects des services de la Propriétaire, de même que l’affichage et la description de produits disponibles pour l’achat, et pour la livraison aux États-Unis. En considérant ces renseignements comme des [Traduction] « avantages » sous la forme de services de magasin de détail, la Propriétaire semble confondre l'annonce de ses produits et services avec l’exécution réelle des services visés par l’enregistrement.

[69]  À titre d’exemple supplémentaire, en ce qui concerne le localisateur de magasins de la Propriétaire, je ne suis pas disposé à admettre que le fait de fournir des renseignements concernant la localisation de magasins traditionnels aux États-Unis constitue l’exécution de services de magasin de détail au Canada. De manière générale, cette activité informe les clients potentiels au sujet de l’endroit où ces services de magasin de détail d'articles populaires peuvent être obtenus aux États-Unis. Cela ne constitue pas l’exécution réelle des services eux-mêmes.

[70]  De plus, en ce qui concerne la fourniture de coupons, même si cette activité constituait un emploi de la Marque en liaison avec des [Traduction] « services de magasin de détail d'articles populaires », l’avantage des coupons de la Propriétaire n’est pas offert au Canada, puisque le client peut uniquement échanger ces coupons contre des produits aux États-Unis. Compte tenu de la nature des coupons, je ne suis pas disposé à admettre que le fait d’avoir accès aux coupons au Canada, pour des produits qui ne peuvent être obtenus qu’aux États-Unis, est suffisant pour soutenir un enregistrement à l’égard de [Traduction] « services de magasin de détail d'articles populaires » au Canada.

[71]  En résumé, dans la mesure où un client canadien tire une certaine forme [Traduction] d’« avantage » des autres caractéristiques [Traduction] d’« interactivité » du site Web et de l’application produits en preuve par la Propriétaire, je n'estime pas que ces caractéristiques, même en combinaison, offrent un avantage sous la forme de [Traduction] « services de magasin de détail d'articles populaires » au Canada qui justifierait le maintien de l’enregistrement en question.

[72]  Par conséquent, j'estime que la Propriétaire n'a pas établi l'emploi de la Marque en liaison avec les services visés par l'enregistrement au sens des articles 4(2) et 45 de la Loi. De plus, la Propriétaire n'a produit aucune preuve de circonstances spéciales justifiant ce défaut d'emploi.

Décision

[73]  Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

______________________________

Andrew Bene

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L’AUDIENCE : 2017-01-27

 

COMPARUTIONS

 

A. Kelly Gill  POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

 

Aucune comparution  POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

AGENTS AU DOSSIER

 

Gowling WLG (Canada) LLP  POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

 

Olivier Hunt  POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

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