Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 45

Date de la décision : 2017-04-28

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

United Artists Corporation and Danjaq, LLC, une coentreprise, et Danjaq, LLC

 

Opposantes

et

 

Fabergé Limited

Requérante

 

 

 



 

1 341 907 pour la marque de commerce FROM RUSSIA WITH LOVE

 

Demande

Contexte

  • [1] Le 2 avril 2007, Fabergé Limited (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce FROM RUSSIA WITH LOVE (la Marque) sur la base d’un emploi projeté au Canada, en liaison avec les produits suivants, tels que révisés [Traduction] :

Métaux précieux et leurs alliages et bijoux, bagues, bracelets faits ou plaqués de métaux précieux, horlogerie et instruments chronométriques, nommément montres, horloges, chaînes de montre, bracelets de montre et montres pendentifs; pierres précieuses; pierres précieuses brutes et semi-ouvrées; pierres précieuses polies; pierres artificielles (précieuses et semi-précieuses); articles semi-finis faits de pierres précieuses pour la fabrication de bijoux; bijoux, bijoux de fantaisie, boutons de manchettes; ornements faits de métaux précieux ou de pierres précieuses; contenants faits de métaux précieux ou de pierres précieuses; figurines et objets d’art faits de pierres précieuses; argenterie, nommément figurines en argent et objets d’art en argent.

  • [2] United Artists Corporation and Danjaq, LLC, une coentreprise, et Danjaq, LLC (les Opposantes) allèguent que la Marque crée de la confusion avec l’enregistrement de la marque de commerce no LMC 717 211, également pour la marque de commerce FROM RUSSIA WITH LOVE, mais en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

Programmes de jeu informatique à codage magnétique; logiciels de jeux informatiques multimédias et interactifs sur des cassettes, des cartouches, des bandes et des CD-ROM; cartes magnétiques codées; cassettes et cartouches de jeux informatiques et de jeux vidéo adaptées pour utilisation avec un téléviseur; matériel informatique et logiciels de jeux informatiques multimédias et interactifs; cartouches, cassettes, programmes et bandes de jeux informatiques.

  • [3] Les Opposantes allèguent également que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la demande pendante pour la marque de commerce FROM RUSSIA WITH LOVE, laquelle a été produite au Canada par United Artists Corporation and Danjaq, LLC, une coentreprise, avant la date de production de la demande de la Requérante, et qui avait déjà été employée et/ou révélée au Canada par les Opposantes en liaison avec les produits visés par l’enregistrement des Opposantes ainsi qu’avec des horloges, des instruments d’horlogerie et des instruments chronométriques. Les Opposantes soulèvent également trois autres motifs d’opposition à l’encontre de la demande : i) la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec les produits visés par la demande; ii) la Requérante ne pouvait pas avoir été convaincue qu’elle avait droit d’employer la marque de commerce étant donné l’emploi antérieur et/ou la révélation antérieure de la marque de commerce FROM RUSSIA WITH LOVE ainsi que des marques de commerce JAMES BOND 007 qui ont été employées au Canada et partout dans le monde en liaison avec un large éventail de produits; et iii) la Marque ne distingue pas réellement, ni n’est adaptée à distinguer les produits de la Requérante de ceux des Opposantes.

  • [4] Pour les raisons exposées ci-dessous, j’estime que cette opposition doit être rejetée.

Dossier

  • [5] Les Opposantes ont produit leur déclaration d’opposition le 22 novembre 2011. La Requérante a produit sa contre-déclaration le 19 janvier 2012.

  • [6] Les Opposantes ont produit une copie certifiée de l’enregistrement no 717 211 comme preuve partielle, et l’affidavit de David S. Pope comme preuve principale. Par voie d’une lettre du Bureau datée du 4 décembre 2015, l’affidavit de M. Pope a été retourné aux Opposantes en vertu de l’article 44(5) du Règlement sur les marques de commerce (DORS/96-195) parce que M. Pope ne s’est pas présenté au contre-interrogatoire.

  • [7] La Requérante a produit comme preuve l’affidavit de Kevin Mutch, directeur du service juridique de la Requérante. M. Mutch a été contre-interrogé concernant son affidavit, et la transcription de son contre-interrogatoire ainsi que ses réponses aux engagements font partie du dossier.

  • [8] Les Opposantes n’ont produit aucune preuve en réponse.

  • [9] Seules les Opposantes ont produit un plaidoyer écrit, mais les parties étaient toutes deux représentées à l’audience qui a été tenue.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

  • [10] La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Les Opposantes ont toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst) à la p 298].

  • [11] Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

  • articles 38(2)a)/30e) et i) – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p 475];

  • articles 38(2)b)/12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 à la p 422 (CAF)];

  • articles 38(2)c)/16(3)a) et b) – la date de production de la demande [voir l’article 16(3)]; et

  • articles 38(2)d)/2 – la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317, à la p 324 (CF)].

Motifs d’opposition rejetés sommairement

Non-conformité – article 30e)

  • [12] Les Opposantes ont allégué que la demande n’est pas conforme à l’article 30e) en ce que la Requérante n’a pas l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec les produits visés par la demande. L’article 30e) de la Loi exige qu’un requérant fasse une déclaration portant qu’il a l’intention d’employer la marque de commerce visée par la demande au Canada, lui-même ou par l’entremise d’un licencié. La demande contient une telle déclaration. Elle est donc conforme aux exigences de l’article 30e) de la Loi, quant à la forme. Dans ce contexte, et parce qu’il n’y a au dossier aucune preuve donnant à penser que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque, les Opposantes ne se sont pas acquittées du fardeau de preuve initial qui leur incombait à l’égard de ce motif.

  • [13] En conséquence, ce motif d’opposition est rejeté sommairement.

Non-conformité – article 30i)

  • [14] Les Opposantes allèguent également que la demande n’est pas conforme à l’article 30i) en ce que la Requérante ne peut pas être convaincue qu’elle a droit d’employer la marque de commerce FROM RUSSIA WITH LOVE étant donné l’emploi antérieur et/ou de la révélation antérieure de la marque de commerce FROM RUSSIA WITH LOVE par les Opposantes en liaison avec un éventail de produits, ainsi qu’avec les marques de commerce JAMES BOND 007 qui ont été employées au Canada et partout dans le monde pour un large éventail de marchandises.

  • [15] Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée à l’article 30i), un motif d’opposition fondé sur cet article ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [Sapodilla Co c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (RMC) à la p 155]. Le simple fait de connaître l’existence de la marque de commerce d’un opposant ne peut pas, en soi, servir de fondement à une allégation selon laquelle un requérant ne pouvait pas être convaincu de son droit à l’emploi de la Marque [Woot Inc c Woot Restaurants Inc / Les Restaurants Woot Inc 2012 COMC 197]. La demande pour la Marque contient la déclaration exigée et rien dans la preuve n’indique qu’il s’agit d’un cas exceptionnel.

  • [16] En conséquence, ce motif d’opposition est également rejeté sommairement.

Absence de droit à l’enregistrement – article 16(3)b)

  • [17] Au titre de ce motif, les Opposantes allèguent que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce qu’à la date de production de cette demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce FROM RUSSIA WITH LOVE, laquelle faisait alors l’objet d’une demande pendante portant le no 1 249 949 et produite au Canada par les Opposantes.

  • [18] Un opposant ne peut pas invoquer une demande produite antérieurement si la demande n’était pas pendante à la date d’annonce de la marque visée par l’opposition : voir l’article 16(4) de la Loi. En l’espèce, la demande invoquée par les Opposantes pour la marque FROM RUSSIA WITH LOVE a été enregistrée le 23 juin 2008. Comme la demande n’était pas pendante à la date de l’annonce de la Marque de la Requérante (c.-à-d. le 22 juin 2011), ce motif est également rejeté sommairement.

Autres motifs d’opposition

Absence de droit à l’enregistrement – article 16(3)a)

  • [19] Les Opposantes allèguent au titre de ce motif que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce FROM RUSSIA WITH LOVE, laquelle avait déjà été employée ou révélée au Canada par les Opposantes et/ou le ou les prédécesseurs en titre des Opposantes en liaison avec les produits visés par l’enregistrement ainsi qu’en liaison avec des horloges, des instruments d’horlogerie et des instruments chronométriques.

[20]  Ce motif d’opposition est fondé sur une revendication de droits antérieurs, et pour que ce motif d’opposition soit accueilli, les Opposantes doivent établir l’existence de ces droits. Plus particulièrement, le fardeau initial qui incombe aux Opposantes consiste à établir l’« emploi » ou la révélation de leur marque de commerce en liaison avec les produits allégués avant la date de production de la demande pour la Marque. La question de savoir s’il y a eu « emploi » au sens de l’article 4 de la Loi consiste à tirer une conclusion de droit qui doit reposer sur une évaluation des éléments de preuve. Les Opposantes doivent également démontrer qu’elles n’avaient pas abandonné leur marque à la date de l’annonce de la Marque de la Requérante [article 16(5)].

  • [21] L’article 4 de la Loi définit ce en quoi consiste l’« emploi » d’une marque de commerce. La portion pertinente en l’espèce figure au paragraphe 4(1), qui est libellé comme suit :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les colis dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

  • [22] Comme je l’ai souligné précédemment, la seule preuve au dossier produite par les Opposantes est une copie certifiée de l’enregistrement no LMC717,211 pour la marque de commerce FROM RUSSIA WITH LOVE. Si un opposant ne produit qu’une copie de son enregistrement, le registraire ne présumera que d’un emploi minimal de la marque de commerce de l’opposant [voir Entre Computer Centers, Inc c Global Upholstery Co (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC)]. Par conséquent, le simple fait de produire une copie certifiée de l’enregistrement de la marque FROM RUSSIA WITH LOVE ne suffit pas pour permettre aux Opposantes de s’acquitter du fardeau de preuve qui leur incombe au titre de ce motif.

  • [23] À l’audience, l’agent des Opposantes a soutenu que celles-ci pouvaient s’acquitter du fardeau de preuve initial qui leur incombe au moyen de la preuve de la Requérante, à savoir l’affidavit de M. Mutch. Comme je l’ai souligné précédemment, M. Mutch est directeur du service juridique de la Requérante. Les extraits les plus pertinents de l’affidavit de M. Mutch sont les suivants [Traduction] :

Réponse à l’affidavit de David S. Pope

3. J’aborde premièrement l’affidavit de M. David S. Pope, daté du 29 juin 2012 (l’Affidavit). Toute allégation contenue dans l’Affidavit que je n’aborderai pas précisément ici doit être considérée comme ayant été niée.

...

23. Au paragraphe 34 de son affidavit, M. Pope mentionne une gamme de montres fabriquées par Swatch, affichant différents titres de films de James Bond, y compris FROM RUSSIA WITH LOVE, dont 1 700 unités ont été vendues au Canada. Selon ce que je connais de la vente de bijoux et de montres, je crois qu’il ne s’agit pas d’un volume de ventes important et j’estime que ces ventes ne suffiraient pas pour que les consommateurs croient que la marque de commerce RUSSIA WITH LOVE désigne l’Opposante comme point d’origine commerciale d’une montre arborant la marque.

...

35. Je souligne que les montres fabriquées par Swatch arborant le titre du film FROM RUSSIA WITH LOVE et figurant dans la pièce I de l’affidavit de M. Pope sont vendues au prix de détail de 40 £, alors que le prix de détail d’une montre de marque FABERGE varie de 10 000 £ à 30 000 £. Un exemple de montres fabriquées par la Requérante, qui comprend le prix de détail, figure est joint à dans la pièce 9.

  • [24] L’agent des Opposantes fait valoir que les déclarations susmentionnées de M. Mutch doivent être considérées comme un aveu ou une reconnaissance du fait que des montres arborant la marque FROM RUSSIA WITH LOVE ont été vendues par les Opposantes au Canada.

[25]  Par ailleurs, la Requérante soutient que les Opposantes ne peuvent pas invoquer la preuve de la Requérante pour s’acquitter de leur fardeau de preuve au titre du motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a), et ce, pour les raisons suivantes :

  • comme M. Mutch n’a pas une connaissance personnelle des ventes de montres des Opposantes, cette preuve constitue du ouï-dire;
  • cette preuve n’est pas fiable puisque les déclarations sur lesquelles sont fondées les déclarations de M. Mutch n’ont pas été présentées à la Commission et M. Mutch n’a pas pu être contre-interrogé à leur égard; et
  • la seule raison pour laquelle l’Opposante invoque cette preuve, c’est que M. Pope ne s’est pas présenté au contre-interrogatoire – il n’était donc pas nécessaire pour l’Opposante d’invoquer cette preuve à l’appui de leur dossier.

[26]  Je conviens avec la Requérante que les Opposantes ne peuvent pas invoquer la preuve de M. Mutch pour s’acquitter du fardeau de preuve qui leur incombe au titre du motif fondé sur l’article 16(3)a), et ce, pour chacune des raisons fournies par la Requérante. Même si j’avais pu m’appuyer sur cette preuve, je n’aurais pas été convaincue qu’elle suffisait pour satisfaire au fardeau des Opposantes au titre de ce motif, puisque je ne dispose d’aucune preuve de la façon dont la marque FROM RUSSIA WITH LOVE a été révélée ou employée en liaison avec des montres par les Opposantes en vertu de l’article 4(1) de la Loi.

[27]  Dans mon examen de cette question, j’ai également considéré les commentaires suivants formulés par l’ancienne membre de la Commission, Jill Bradbury, dans la décision Ronald and Nancy Mallette c Maritime Imports Inc, 2010 COMC 204, au para 23 [Traduction] :

Je ne connais aucune décision portant qu’un opposant peut s’acquitter du fardeau que lui impose l’alinéa 16(3)a) à l’aide de la preuve soumise par le requérant. Il est vrai que, pour l’application de certains motifs d’opposition, à savoir les motifs fondés sur les alinéas 30b) ou 30e), l’opposant peut invoquer la preuve du requérant pour satisfaire à son fardeau initial. Cependant, cette exception s’applique dans ces cas parce que les faits sur lesquels repose l’emploi de sa marque par le requérant, ou son intention de l’employer, sont particulièrement bien connus du requérant [voir Brasserie Labatt Ltée c. Brasseries Molson, Société en nom collectif (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F.1re inst.); Molson Canada c. Anheuser-Busch Inc. (2003), 29 C.P.R. (4th) 315 (C.F.1re inst.); Canadian National Railway Co. c. Schwauss (1991), 35 C.P.R. (3d) 90, p. 94 (C.O.M.C.); et Green Spot Co. c J.B. Food Industries (1986), 13 C.P.R. (3d) 206, p. 210 et 211 (C.O.M.C.)]. De toute évidence, ce raisonnement ne saurait s’appliquer à la preuve d’emploi par l’opposant. Je ne vois pas pourquoi le fardeau initial de l’opposant devrait être aussi léger sous le régime de l’alinéa 16(3)a) qu’il ne l’est en vertu des alinéas 30b) et 30e).

  • [28] Je rejette par conséquent le motif d’opposition fondé sur l’article16(3)a), parce que les Opposantes ne se sont pas acquittées du fardeau de preuve qui leur incombait.

  • [29] J’ajouterais que si je disposais d’une preuve au dossier de la part des Opposantes montrant que les Opposantes avaient employé ou révélé la marque de commerce FROM RUSSIA WITH LOVE au Canada avant la date pertinente pour ce motif en liaison avec des horloges, des instruments d’horlogerie et des instruments de chronométrie, ma conclusion concernant ce motif aurait pu être différente. À cet égard, mon analyse de la probabilité de confusion, et particulièrement du genre de produits et de la nature du commerce des parties, n’aurait pas été restreinte à l’état déclaratif des produits visés par l’enregistrement LMC717,211 de l’Opposante (comme dans le cas du motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement de la Marque dont il sera question plus loin), mais elle aurait également tenu compte du recoupement potentiel des autres produits des Opposantes et des produits visés par la demande.

Absence de caractère distinctif – article 38(2)d)

  • [30] Au titre de ce motif, les Opposantes allèguent que la Marque ne distingue pas réellement, ni n’est adaptée à distinguer les produits en liaison avec lesquels son emploi est projeté des produits des Opposantes.

  • [31] Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard d’un motif fondé sur l’absence de caractère distinctif, un opposant doit démontrer que sa marque de commerce était devenue suffisamment connue au moment où la procédure d’opposition a été engagée pour faire perdre à la marque visée par la demande son caractère distinctif [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF) et Motel 6 Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44, (CF 1re inst), à la p 58].

  • [32] Comme je l’ai souligné précédemment, la seule preuve au dossier produite par les Opposantes est une copie certifiée de l’enregistrement de la marque de commerce FROM RUSSIA WITH LOVE. Le simple fait de produire un certificat d’enregistrement n’est pas suffisant pour permettre aux Opposantes de s’acquitter du fardeau de preuve initial qui leur incombe à l’égard d’un motif fondé sur l’absence de caractère distinctif [voir Rooxs Inc c Edit-SRL (2002), 23 CPR (4th) 265 (COMC)]. Par conséquent, ce motif d’opposition est également rejeté.

Non-enregistrabilité – article 12(1)d)

  • [33] Au titre de ce motif, les Opposantes allèguent que la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec leur marque de commerce déposée FROM RUSSIA WITH LOVE (enregistrement no LMC717,211).

  • [34] Comme je l’ai souligné précédemment, les Opposantes ont produit une copie certifiée de l’enregistrement de la marque FROM RUSSIA WITH LOVE. J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire et j’ai consulté le registre pour confirmer que cet enregistrement est en vigueur [Quaker Oats Co of Canada Ltd/Cie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. Les Opposantes se sont donc acquittées de leur fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif.

  • [35] Comme les Opposantes se sont acquittées du fardeau de preuve qui leur incombait, la Requérante doit donc établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque déposée FROM RUSSIA WITH LOVE.

  • [36] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

  • [37] Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même [voir, de manière générale, Mattel USA Inc c 3 894 207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC) et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC)].

Article 6(5)e) – degré de ressemblance entre les marques de commerce

  • [38] Dans la plupart des cas, le facteur dominant au moment de trancher la question de la confusion concerne le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent; les autres facteurs jouent un rôle secondaire dans l’ensemble des circonstances pertinentes [voir Beverley Bedding & Upholstery Co c Regal Bedding & Upholstering Ltd (1980), 47 CPR (2d) 145 CF 1re inst), conf. (1982), 60 CPR (2d) 70 (CAF)].

  • [39] Dans Masterpiece, supra, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur l’importance que revêt l’article 6(5)e) dans l’analyse relative à la probabilité de confusion au para 49 [Traduction] :

... il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu au para. 6(5) ... si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. Les autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires... En conséquence, certains prétendent que l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion.

  • [40] J’examinerai donc en premier lieu le facteur énoncé à l’article 6(5)e).

  • [41] Les marques de commerce des parties sont identiques. Ce facteur s’applique donc en faveur des Opposantes.

Article 6(5)a) – caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

  • [42] Comme je l’ai souligné précédemment, les marques de commerce des parties sont identiques. Ni l’une ni l’autre des marques de commerce n’ont une signification particulière dans le contexte des produits des parties. Par conséquent, j’estime qu’il est raisonnable de conclure que les marques de commerce des parties sont aussi distinctives l’une que l’autre et qu’elles possèdent un caractère distinctif inhérent assez élevé.

  • [43] Le caractère distinctif acquis d’une marque de commerce se rapporte au caractère distinctif qu’une marque de commerce a acquis par la promotion ou l’emploi.

  • [44] L’agent des Opposantes a soutenu que je pouvais admettre d’office la réputation des films de James Bond, y compris le film intitulé From Russia With Love. J’en conviens. Cependant, même si j’admettais d’office que le Canadien moyen connaît les films de James Bond, aucune preuve admissible n’a été produite pour établir l’emploi ou la réputation de la marque de commerce déposée FROM RUSSIA WITH LOVE en liaison avec les produits visés par l’enregistrement, y compris des logiciels de jeux informatiques et des articles connexes. Je ne suis donc pas à même d’évaluer la mesure dans laquelle la marque de commerce des Opposantes est devenue connue au Canada en liaison avec leurs produits visés par l’enregistrement.

  • [45] La seule preuve produite par la Requérante est l’affidavit Mutch. Bien que M. Mutch fournisse une preuve des demandes et des enregistrements de la Requérante pour la marque de commerce FROM RUSSIA WITH LOVE partout dans le monde, ainsi qu’une preuve du projet qu’a la Requérante d’employer la Marque au Canada, M. Mutch ne produit aucune preuve d’emploi ou de révélation de la Marque en liaison avec les produits visés par la demande au Canada.

  • [46] Compte tenu de ce qui précède, je dois conclure que ce facteur ne s’applique en faveur d’aucune des deux parties.

Article 6(5)b) – période pendant laquelle chaque marque a été en usage

  • [47] La Requérante n’a produit aucune preuve d’emploi de la Marque et, comme je l’ai souligné précédemment, l’existence de l’enregistrement me permet seulement de conclure à un emploi minimal de la marque de commerce déposée [voir Entre Computer Centers Inc, supra]. Au mieux, ce facteur ne s’applique donc que très légèrement en faveur des Opposantes.

Articles 6(5)c) et d) – genre de produits, services ou entreprises, et nature du commerce

  • [48] En ce qui concerne l’article 6(5)c) de la Loi, le registraire doit examiner les produits énoncés dans la demande de la Requérante et dans l’enregistrement produit par les Opposantes, puisque ce sont ces produits qui déterminent les monopoles respectifs revendiqués par les parties par rapport à leurs marques de commerce [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); Miss Universe Inc c Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)].

  • [49] Par souci de commodité, je vais énumérer de nouveau les produits tels qu’ils figurent dans la demande produite par la Requérante, et les produits visés par l’enregistrement produit par les Opposantes.

  • [50] L’état déclaratif des produits que contient la demande de la Requérante est le suivant :

Métaux précieux et leurs alliages et bijoux, bagues, bracelets faits ou plaqués de métaux précieux, horlogerie et instruments chronométriques, nommément montres, horloges, chaînes de montre, bracelets de montre et montres pendentifs; pierres précieuses; pierres précieuses brutes et semi-ouvrées; pierres précieuses polies; pierres artificielles (précieuses et semi-précieuses); articles semi-finis faits de pierres précieuses pour la fabrication de bijoux; bijoux, bijoux de fantaisie, boutons de manchettes; ornements faits de métaux précieux ou de pierres précieuses; contenants faits de métaux précieux ou de pierres précieuses; figurines et objets d’art faits de pierres précieuses; argenterie, nommément figurines en argent et objets d’art en argent.

  • [51] Les produits visés par l’enregistrement produit par les Opposantes sont les suivants :

Programmes de jeu informatique à codage magnétique; logiciels de jeux informatiques multimédias et interactifs sur des cassettes, des cartouches, des bandes et des CD-ROM; cartes magnétiques codées; cassettes et cartouches de jeux informatiques et de jeux vidéo adaptées pour utilisation avec un téléviseur; matériel informatique et logiciels de jeux informatiques multimédias et interactifs; cartouches, cassettes, programmes et bandes de jeux informatiques.

  • [52] Les produits des parties diffèrent considérablement les uns des autres.

  • [53] En ce qui concerne les voies de commercialisation des parties, M. Mutch affirme que les voies de commercialisation habituelles pour les produits visés par la demande sont, selon son expérience, les bijouteries et magasins de montres, particulièrement les boutiques Fabergé, ainsi que des rayons de bijoux et de montres de grands magasins prestigieux comme Harrods [Mutch, para 32, et pièce 8]. Il affirme de plus que, comme la plupart des produits visés par la demande sont des produits de luxe, ils ciblent le consommateur haut de gamme et seraient offerts au public par des voies de commercialisation différentes de celles par lesquelles sont offerts les logiciels de jeux informatiques et les produits connexes des Opposantes.

  • [54] Lors du contre-interrogatoire, M. Mutch a confirmé que tous les produits visés par la demande ne sont pas des produits de luxe, puisque les produits visés par la demande comprennent aussi des bijoux de fantaisie qui auraient un prix de détail bien inférieur à celui des bijoux haut de gamme de la Requérante [Mutch, contre-interrogatoire, questions 168 et 169]. En outre, comme l’a mentionné l’agent des Opposantes, la demande de la Requérante n’est pas restreinte à une voie de commercialisation particulière. En l’absence de toute restriction dans les états déclaratifs des produits, le registraire ne peut pas prendre en considération le fait que la Requérante prévoit fournir la plupart de ses produits par l’entremise des boutiques Fabergé et de grands magasins prestigieux [voir Henkel Kommanditgesellschaft, supra, à la p 112; et Miss Universe, supra, aux p 390 à 392]. Quoi qu’il en soit, en l’absence de preuve du contraire, compte tenu des différences dans le genre des produits des parties, il est peu probable que les voies de commercialisation des parties se recoupent.

Autres circonstances de l’espèce

  • [55] L’agent des Opposantes soutient qu’une autre circonstance de l’espèce à examiner concerne leur réputation en liaison avec des marques de commerce et une série de films hollywoodiens de James Bond au Canada et partout dans le monde. L’agent des Opposantes maintient que cette réputation de la série de films en liaison avec une si vaste gamme de marchandises montre hors de tout doute qu’il relève de la zone d’expansion naturelle des Opposantes de viser le genre de produits en liaison avec lesquels la Requérante projette d’employer sa Marque. Plus particulièrement, l’agent des Opposantes soutient que les produits dérivés de films en lien avec le film de James Bond intitulé From Russia With Love pourraient englober les bijoux haut de gamme, comme certains des produits visés par la demande de la Requérante.

  • [56] Comme je l’ai souligné précédemment, aucune preuve admissible n’a été produite par les Opposantes pour établir que leur marque de commerce FROM RUSSIA WITH LOVE a été employée ou révélée au Canada en liaison avec quelque produit que ce soit. Au mieux, l’enregistrement des Opposantes me permet seulement de conclure à un emploi minimal de leur marque de commerce avec des logiciels de jeux informatiques et des produits connexes qui, je le souligne, ne sont pas de nature diversifiée.

  • [57] Sans preuve admissible d’emploi ou de révélation de la marque FROM RUSSIA WITH LOVE de la part des Opposantes, autres que l’enregistrement de la marque déposée, il ne me reste que ces faits que je suis disposée à admettre d’office. Comme je l’ai souligné précédemment, je suis disposée à admettre d’office la célébrité de la série de films hollywoodiens de James Bond, y compris le film de James Bond intitulé From Russia With Love. Je suis également disposée à admettre d’office que le consommateur moyen connaîtrait normalement les produits dérivés de films, c’est-à-dire qu’une vaste gamme de produits est souvent offerte sur le marché en liaison avec le nom d’un film bien connu. Cependant, même si j’admets d’office ces faits en particulier, il n’y a toujours pas suffisamment d’éléments de preuve en l’espèce pour démontrer que la zone d’expansion naturelle pour les logiciels informatiques des Opposantes et les produits connexes représentent la gamme de produits en liaison avec laquelle la Requérante projette d’employer sa Marque.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

  • [58] Après examen de l’ensemble des circonstances de l’espèce, je conclus qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce en cause. En tirant cette conclusion, je reconnais que les marques des parties sont identiques et que, dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce est le facteur le plus important dans l’examen de la question de la confusion [voir Beverley Bedding & Upholstery Co c Regal Bedding & Upholstering Ltd (1980), 47 CPR (2d) 145 (CF 1re inst), à la p 149, confirmée (1982), 60 CPR (2d) 70, (CAF) et Masterpiece, 416 NR 307, supra]. Je reconnais également la réputation associée au film From Russia With Love des Opposantes et le fait qu’il n’y a aucune preuve établissant que la Marque a été employée ou a acquis une quelconque réputation au Canada aux mains de la Requérante. Toutefois, l’argument portant que la série de films de James Bond des Opposantes est reconnue mondialement ne constitue pas un facteur suffisamment important pour rendre les différences entre les produits non pertinentes. Cependant, je ne suis pas en mesure de conclure que la réputation de la marque des Opposantes et les connaissances générales du consommateur moyen des produits dérivés de films sont suffisantes pour que, à la vue de la Marque dans le contexte des produits de la Requérante, ledit consommateur moyen serait susceptible de conclure que ces produits proviennent des Opposantes ou sont liés d’une quelconque manière aux Opposantes.

  • [59] L’agent des Opposantes a souligné à juste titre qu’il est possible que la confusion soit probable même lorsque les produits des parties n’appartiennent pas à la même catégorie générale [article 6(2)]. Cependant, tel qu’énoncé dans Mattel, supra, au paragraphe 71, [Traduction] « compte tenu du rôle et de la fonction des marques de commerce, [une différence entre les produits et services sera] en général [...] une considération importante ». À mon sens, la disparité entre les produits des parties est suffisante pour permettre à la Requérante de s’acquitter du fardeau ultime qui lui incombe. Il est peu probable que les consommateurs potentiels déduisent que les métaux précieux, les bijoux, les montres et les produits connexes de la Requérante liés à la Marque proviennent de la même source ou soit de quelque façon associée à la même source que celle des logiciels de jeux informatiques et produits connexes des Opposantes.

  • [60] Pour les raisons qui précèdent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est rejeté.

Décision

  • [61] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2017-04-24

COMPARUTIONS

Chantal Bertosa

POUR LES OPPOSANTES

 

Timothy C. Bourne

POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

Shapiro Cohen LLP

POUR LES OPPOSANTES

Ridout and Maybee

POUR LA REQUÉRANTE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.