Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 47

Date de la décision : 2017-04-28
[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS

 

 

Association canadienne du médicament générique

 

Opposante

et

 

Boehringer Ingelheim Pharma GmbH & Co. KG

Requérante

 

 

 



 

1,291,973 pour la marque de commerce Handihaler 3D-II Dessin

1,291,974 pour la marque de commerce Handihaler 3D-II Dessin

 

Demandes

Introduction

[1]  Le 28 février 2006, la Requérante a produit la demande d'enregistrement no 1,291,973 à l'égard de la marque de commerce Handihaler 3D-II Dessin (Marque 1) et la demande no 1,291,974 à l'égard de la marque de commerce Handihaler 3D-II Dessin (Marque 2). Dans ses deux demandes, la Requérante revendique la priorité sur la base de la demande allemande no 305 51 046.0/10, produite le 29 août 2005.

[2]  Les demandes visent toutes deux des produits décrits comme des [Traduction] « instruments et appareils pour l'inhalation de préparations pharmaceutiques, nommément inhalateurs à des fins thérapeutiques; inhalateurs pour l'administration de médicaments pour le traitement des maladies respiratoires, vendus avec les préparations pharmaceutiques pour le traitement des maladies respiratoires » et des services décrits comme la [Traduction] « tenue d'études cliniques pour les préparations pharmaceutiques ».

[3]  Les marques sont reproduites ci-dessous :

Handihaler 3D-II Design Marque 1  Handihaler 3D-II Design Marque 2

[4]  Les demandes contiennent toutes deux la description suivante [Traduction] : « La marque de commerce est constituée du gris appliqué à la surface visible de l'inhalateur, mis à part le joint circulaire et le bouton de déclenchement rectangulaire, qui sont verts, comme le montrent les dessins ci-joints. Les deux dessins représentent la marque de différents points de vue. »

[5]  À première vue, la principale différence entre la Marque 1 et la Marque 2 est que la Marque 1 montre l'inhalateur en cause en position ouverte, alors que la Marque 2 le montre en position fermée. Cependant, à l'audience, la Requérante a expliqué qu'un [Traduction] « bec » a été ajouté à ses inhalateurs à un certain moment. Étant donné que le [Traduction] « bec » n'était pas présent initialement, la demande no 1,291,974 pour la Marque 2, qui est fondée sur l’emploi au Canada depuis au moins aussi tôt que le 15 janvier 2003, montre l'inhalateur en position fermée. La demande no 1,291,973 pour la Marque 1, en revanche, montre l'inhalateur en position ouverte, de manière à ce que le [Traduction] « bec » soit visible, et elle est fondée sur un emploi projeté. Bien que la preuve n'en traite pas de manière détaillée, cette modification a été mentionnée lors du contre-interrogatoire des déposants de la Requérante.

[6]  L'Opposante s'est opposée aux deux demandes. De manière générale, on peut considérer que les motifs d'opposition sont fondés sur : i) l'article 38(2)a) de la Loi et diverses allégations portant que les demandes ne sont pas conformes aux exigences techniques énoncées à l'article 30 de la Loi; ii) l'article 38(2)b) de la Loi et diverses allégations portant que les marques ne sont pas enregistrables; et iii) l'article 38(2)d) de la Loi et diverses allégations portant que les marques ne sont pas distinctives. Les motifs d'opposition sont nombreux et détaillés.

[7]  Il suffit qu'un seul des motifs de l'Opposante soit accueilli pour que l'Opposante obtienne gain de cause, et le motif fondé sur l'absence de caractère distinctif a été accueilli dans les deux cas. En conséquence, pour les raisons exposées ci-dessous, les oppositions sont toutes deux accueillies.

Historique du dossier

[8]  Les demandes pour les marques ont toutes deux été annoncées aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 20 octobre 2010.

[9]  Le 21 mars 2011, l'Opposante a produit des déclarations d'opposition à l'encontre des deux demandes. Le 5 août 2011, la Requérante a produit et signifié des contre-déclarations à l'égard des deux oppositions et a demandé que certains paragraphes soient retranchés des déclarations d'opposition. L'Opposante a subséquemment demandé la permission de produire deux premières déclarations d'opposition modifiées le 12 octobre 2011. Dans une lettre datée du 3 novembre 2011, le registraire a fait savoir que les motifs d'opposition présentés dans les premières déclarations d'opposition modifiées qui avaient été contestés par la Requérante constituaient des motifs d'opposition adéquats et étaient suffisamment détaillés pour permettre à la Requérante d'y répondre. Conséquemment, la demande de la Requérante de retrancher certains paragraphes a été rejetée et la permission de produire les premières déclarations d'opposition modifiées a été accordée.

[10]  Le 21 février 2012, la Requérante a demandé la permission de produire des contre-déclarations modifiées et la permission a été accordée. Le 15 mars 2012, l'Opposante a ensuite demandé la permission de produire deux secondes déclarations d'opposition modifiées et, dans une lettre datée du 10 mai 2012, la permission a une fois de plus été accordée. Le 17 septembre 2013, la Requérante a demandé la permission de produire des contre-déclarations modifiées. Dans ses contre-déclarations modifiées, la Requérante a demandé qu'une décision interlocutoire soit rendue quant au caractère suffisant de certains paragraphes des secondes déclarations d'opposition modifiées datées du 15 mars 2012. Dans une lettre datée du 6 décembre 2013, le registraire a accordé à la Requérante la permission de produire ses contre-déclarations modifiées et a informé cette dernière que, conformément à la pratique courante du registraire, le caractère suffisant de l'argumentation présentée dans les secondes déclarations d'opposition modifiées serait évalué à l'étape de la décision.

[11]  En conséquence, ce sont les secondes déclarations d'opposition modifiées datées du 15 mars 2012 et les contre-déclarations modifiées datées du 17 septembre 2013 qui prévalent dans les présentes procédures.

  • [12] Les parties ont toutes deux produit une preuve et des contre-interrogatoires ont été menés.

  • [13] Les parties ont également toutes deux produit un plaidoyer écrit.

  • [14] Une audience a été tenue le 14 décembre 2016 et les parties y étaient toutes deux présentes. Il convient de souligner que l'Opposante a abandonné les motifs d'opposition fondés sur l'article 30h) de la Loi (alinéa 3d) des déclarations d'opposition (dans leur version modifiée)) et sur l'article 12(1)b) de la Loi (alinéa 4b) des déclarations d'opposition (dans leur version modifiée)).

Aperçu de la preuve

  • [15] À l'appui de ses oppositions, l'Opposante a produit les affidavits des personnes suivantes :

  • Dr Sat Sharma (médecin), assermenté le 5 mars 2012 – il traite des troubles respiratoires, des inhalateurs et de ce que la couleur et la forme indiquent aux patients, à lui-même et aux autres médecins;

  • M. Joseph Lum (pharmacien), assermenté le 4 mars 2012 – il traite des divers inhalateurs qui sont disponibles au Canada et de la façon dont ils sont transférés des fabricants aux pharmaciens, puis aux patients, et expose son point de vue quant à ce que la forme et/ou la couleur des inhalateurs signifient pour les pharmaciens et les patients;

  • M. Matthew Powell (agent de brevets), assermenté le 5 mars 2012 – sa preuve a trait à divers brevets associés à la Requérante; il présente en outre son opinion quant aux aspects du [Traduction] « dispositif d'administration de médicament HandiHaler® » de la Requérante qui sont visés par les revendications de ces brevets; et

  • Mme Paulette Howes (technicienne juridique) assermentée le 5 mars 2012 (le premier affidavit Howes) – elle fournit des renseignements concernant les recherches qu'elle a effectuées au sujet d'inhalateurs et de produits apparentés dans le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques (CPS), des copies certifiées des historiques des dossiers des demandes pour la Marque 1 et la Marque 2, et des copies de divers enregistrements de dessins industriels visant des dispositifs de type inhalateur.

Le Dr Sharma, M. Lum et M. Powell ont tous trois été contre-interrogés et les transcriptions de leur contre-interrogatoire, ainsi que les réponses aux engagements, ont été versées au dossier.

[16]  À l'appui de ses demandes, la Requérante a produit les affidavits des personnes suivantes :

·  Dr Alan Kaplan (médecin), assermenté le 9 août 2013 – il traite du médicament SPIRIVA®, qui est associé aux inhalateurs de la Requérante, de son utilisation dans le traitement des troubles respiratoires et de ce que la couleur et la forme du dispositif indiquent aux patients, à lui-même et aux autres médecins;

·  M. Ywe Looper (directeur des Affaires juridiques de Boehringer Ingelheim (Canada) Ltd./Ltée – l'affiliée canadienne et sous-licenciée de la Requérante), assermenté le 9 août 2013 – il fournit des renseignements généraux sur la Requérante et ses inhalateurs, ainsi que sur ses ventes et ses activités promotionnelles au Canada;

·  Mme Michelle Maynard (inhalothérapeute), assermentée le 8 août 2013 – elle fournit des renseignements sur les inhalateurs de la Requérante, décrit ses interactions avec les patients et indique ce que la couleur et/ou la forme signifient pour elle et ses patients, ainsi que pour les autres professionnels de la santé, y compris les inhalothérapeutes et les médecins; et

·  M. Patrick Zachar (pharmacien), assermenté le 8 août 2013 – il traite du médicament SPIRIVA® de la Requérante, des inhalateurs de la Requérante, de leur utilisation dans le traitement des troubles respiratoires et de ce que la couleur et la forme du dispositif indiquent aux patients, à lui-même et aux autres pharmaciens.

Les quatre déposants ont été interrogés et les transcriptions de leur contre-interrogatoire ont été versées au dossier.

[17]  De plus, la Requérante a également produit une copie certifiée de sa demande pour la Marque 1 relativement à l'opposition visant la demande no 1,291,973, et une copie certifiée de sa demande pour la Marque 2 relativement à l'opposition visant la demande no 1,291,974.

[18]  Comme preuve en réponse dans les deux procédures, l'Opposante a produit l'affidavit de Mme Paulette Howes, assermentée le 12 janvier 2015 (le second affidavit Howes). Mme Howes a été contre-interrogée et la transcription de son contre-interrogatoire a été versée au dossier. Son affidavit fournit des renseignements au sujet d'un document intitulé « What is COPD » [Qu'est-ce que la MPOC?] et d'un document intitulé « DIN/PIN Detail » [Détails relatifs au numéro d'identification du médicament (DIN)/numéro d'identification du produit (NIP)] obtenus dans le cadre d'une recherche effectuée sur le site Web du Drug Benefit e-Formulatory [formulaire électronique de prestations pharmaceutiques] de l'Ontario. De plus, elle fournit des renseignements au sujet de documents se rapportant au SPIRIVA® qu'elle a obtenus sur le site Web du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB).

[19]  J'ai examiné l'ensemble de la preuve. Cependant, je n'en présenterai pas de résumé aux présentes. J'aborderai plutôt, dans mon analyse, les aspects de la preuve que j'estime être les plus pertinents au regard des questions dont je suis saisie.

Fardeau de preuve

[20]  Dans une procédure d’opposition, le requérant a le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'opposant a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298].

Analyse

[21]  Bien qu'ils ne soient pas identiques, les allégations, la preuve et les arguments se rapportant à chacune des demandes sont très similaires. Je commencerai par examiner la demande no 1,291,974 pour la Marque 2, qui est fondée sur l’emploi au Canada.

Demande no 1,291,974 (Marque 2)

[22]  Selon la Requérante, la question qui est [Traduction] « véritablement » au cœur de cette opposition est celle du caractère distinctif. Je suis également de cet avis et, par conséquent, j'estime approprié de commencer mon analyse par l'examen du motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif.

Article 38(2)d) de la Loi – Absence de caractère distinctif

Allégations

[23]  De manière générale, l'Opposante allègue que la Marque 2 n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi [voir le paragraphe 5 de la déclaration d'opposition (dans sa version modifiée)]. L'Opposante expose ensuite les faits sur lesquels elle fonde cette allégation, aux alinéas 5a) à p) de la déclaration d'opposition. Comme je l'ai indiqué précédemment, la Requérante a contesté le contenu d'un certain nombre de ces paragraphes dans sa contre-déclaration modifiée produite le 17 septembre 2013, et a demandé qu'une décision interlocutoire soit rendue à cet égard. Dans une lettre datée du 6 décembre 2013, la Requérante a été informée que le registraire examinerait la question du caractère suffisant des allégations à l'étape de la décision dans la présente procédure, compte tenu du fait qu'une preuve avait déjà été produite. Étant donné que cet examen est effectué à l'étape de la décision, je dois considérer les allégations conjointement avec la preuve produite pour déterminer si la Requérante a connaissance de la preuve qu'elle doit faire [Novopharm Ltd c AstraZeneca AB (2002), 2002 CAF 387 (CanLII), 21 CPR (4th) 289 (CAF); Novopharm Ltd c Ciba-Geigy Canada Ltd (2001), 2001 CAF 296 (CanLII), 15 CPR (4th) 327 (CAF)].

[24]  Il est clair, au paragraphe 5 de la déclaration d'opposition (dans sa version modifiée), que l'Opposante allègue, en vertu de l'article 38(2)d) de la Loi, que la Marque 2 n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi (c.-à-d. qu'elle ne distingue pas et n'est pas adaptée à distinguer les produits ou services de la Requérante de ceux de tiers). Bien que certaines des allégations de fait formulées à l'appui de ce motif (voir les alinéas 5a) à p) de la déclaration d'opposition (dans sa version modifiée)) puissent être qualifiées d'alambiquées, de superflues ou d'insuffisamment détaillées, il est clair que l'Opposante allègue l'absence de caractère distinctif en partant du principe que les consommateurs pertinents n'associeraient pas la marque à la source des produits et services visés par la demande et, à mon sens, elle a présenté suffisamment de faits pertinents à l'égard de cette allégation dans la déclaration d'opposition modifiée. À cet égard, je souligne la présence de ce qui suit :

·  À l'alinéa 5b) de la déclaration d'opposition (dans sa version modifiée), l'Opposante allègue qu'en temps normal, les produits de la Requérante arborent un certain nombre d'éléments d'identification, dont i) SPIRIVA®, ii) HandiHaler®, iii) Boehringer Ingelheim, iv) le nom générique du médicament et d'autres, de sorte que, dans la mesure où les consommateurs identifient les produits ou services de la Requérante en se fondant sur l'apparence, ce sont ces éléments d'identification qui servent à distinguer les produits et services en question et que, en l'absence de ces éléments d'identification, les produits vides ou vierges ou l'offre de services sans mention du nom de la Requérante ou de ses licenciées ne distinguent pas et ne peuvent pas distinguer les produits ou services de la Requérante de ceux de tiers;

·  À l'alinéa 5c) de la déclaration d'opposition (dans sa version modifiée), l'Opposante allègue que la couleur, la forme et/ou la taille des produits de la Requérante sont indicatives de l'ingrédient actif, de la formulation, de la dose, de la fréquence de dosage, de l'effet ou de l'usage thérapeutiques ou, encore, d'un moyen d'administration ou d'un mécanisme pour l'administration d'un médicament à inhaler, et qu'elles ne sont pas indicatives de la source;

·  À l'alinéa 5d) de la déclaration d'opposition (dans sa version modifiée), l'Opposante allègue que, dans le cas des patients, la couleur, la forme et/ou la taille sont des éléments qui, lorsqu'ils sont utilisés conjointement avec les produits ou services de la Requérante, servent à déterminer quand ou comment les produits et services doivent être utilisés ou à indiquer leur effet thérapeutique. L'Opposante fournit ensuite des exemples pour illustrer ses propos et affirme que les patients n'associent pas la couleur, la forme ou la taille de leurs inhalateurs à une source spécifique.

·  À l'alinéa 5j) de la déclaration d'opposition (dans sa version modifiée), l'Opposante allègue que, dans la pratique normale du commerce, les produits de la Requérante sont ou seront placés à l'intérieur de boîtes ou d'emballages en carton et que, par conséquent, les produits eux-mêmes ne sont pas visibles pour les consommateurs au moment de l'achat. L'Opposante affirme que les boîtes arborent les marques de commerce SPIRIVA® et/ou HandiHaler® de la Requérante, qui sont apposées sous la forme d'étiquettes et/ou d'inscriptions sur les boîtes, et que, par conséquent, au moment du transfert, la marque (c.-à-d. la couleur/la forme et/ou la taille) des produits ne sera pas visible et ne pourra pas servir à indiquer une source en particulier. En ce qui concerne les services, l'Opposante affirme que la marque peut uniquement être indiquée au moyen d'étiquettes et/ou d'inscriptions, de sorte que toute annonce relative à des études cliniques devrait obligatoirement comprendre une étiquette et/ou une inscription ainsi que le nom de la Requérante ou de ses distributeurs ou licenciés pour que les consommateurs puissent connaître la source. L'Opposante soutient en outre que rien ne prédispose les consommateurs à assimiler à la source l'une quelconque des caractéristiques que sont la couleur, la forme et/ou la taille et que, par conséquent, la marque n'est pas et ne pourra jamais être distinctive; et

·  À l'alinéa 5n) de la déclaration d'opposition (dans sa version modifiée), l'Opposante allègue qu'il est pratique courante au Canada pour les fabricants de produits pharmaceutiques d'apposer des inscriptions ou des étiquettes sur leurs produits (y compris les inhalateurs) et d'emballer ces derniers dans des boîtes. Les consommateurs sont donc habitués de trouver plusieurs éléments d'information sur l'extérieur des boîtes contenant les produits et/ou sur les produits eux-mêmes, y compris le nom de marque du produit, ainsi que d'autres inscriptions. L'Opposante affirme que, sans l'aide de cette information, les consommateurs ne peuvent pas identifier la source et ne l'identifient pas. Dans ses allégations, l'Opposante indique qu'elle appuie cette affirmation sur les produits pharmaceutiques (y compris les inhalateurs) inscrits dans le CPS et auprès de la CNP et de la CSCP qui sont énumérés aux annexes « A » à « D » de la déclaration d'opposition (dans sa version modifiée) et sont représentatifs de cette pratique.

[25]  La Requérante a contesté ces paragraphes au motif, principalement, que l'Opposante n'a pas indiqué le pourquoi derrière ses diverses affirmations. À titre d'exemple, la Requérante affirme que l'Opposante n'a pas indiqué pourquoi les consommateurs se fonderaient sur d'autres éléments d'identification plutôt que sur la marque pour distinguer les produits et services de la Requérante de ceux de tiers, pourquoi la marque serait indicative des ingrédients actifs, de l'effet thérapeutique, etc., ou pourquoi des éléments autres que ceux revendiqués comme constituant la marque de commerce seraient nécessaires pour indiquer la source. Dans une certaine mesure, le pourquoi me semble implicite dans l'argumentation de l'Opposante et j'estime qu'il n'est pas nécessaire que l'Opposante avance des hypothèses quant au raisonnement qui sous-tend les allégations contenues dans son argumentation. Une argumentation adéquate doit seulement alléguer les faits pertinents, et non la preuve que la partie a l'intention de présenter pour établir ces faits [Pepsico Inc et Pepsi-Cola Canada Ltd. c. le Registraire des marques de commerce, 22 C.P.R. (2d) 62 (CF 1re inst.)]. Quoi qu'il en soit, la preuve en l'espèce remédie à toute lacune que pourraient comporter les allégations.

[26]  Dans la mesure où l'Opposante allègue l'absence de caractère distinctif en partant du principe que les consommateurs pertinents des produits et services de la Requérante n'associeraient pas les marques à la source de ces produits et services, je suis convaincue qu'elle a adéquatement invoqué des faits pertinents à l'appui de ce motif. Je suis également convaincue qu'elle a fourni suffisamment de renseignements pour permettre à la Requérante d'y répondre.

[27]  Puisque j'axerai mon analyse sur cet aspect du motif fondé sur l'absence de caractère distinctif, je n'aborderai pas les autres préoccupations soulevées par la Requérante relativement à ce motif.

Date pertinente

[28]  Il est généralement admis que la date pertinente pour évaluer un motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif est la date de production de la déclaration d’opposition, en l'espèce le 21 mars 2011 dans le cas de la version originale (le 12 octobre 2011, dans le cas de la première version modifiée, et le 15 mars 2012, dans le cas de la seconde version modifiée) [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317, au para 25 (CF)]. Aucune des parties n'a présenté d'observations détaillées à savoir quelle est la date pertinente pour l'appréciation de ce motif lorsque la déclaration d'opposition a été modifiée (c.-à-d. la date de production de la déclaration d'opposition originale ou la date de production de la déclaration d'opposition modifiée). Or, rien ne dépend de cette différence de dates en l'espèce. Si la date applicable était la date ultérieure, cela n'aurait pas d'incidence sur mes conclusions en l'espèce.

Le droit

[29]  Selon l'article 2 de la Loi, le qualificatif « distinctive », relativement à une marque de commerce, s'entend d'une marque de commerce qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des produits ou services de tiers, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

[30]  Trois conditions doivent être remplies pour établir qu'une marque distingue des produits : 1) la marque et les produits et/ou services doivent être liés; 2) le propriétaire bénéficie de cette liaison entre la marque et son produit, et fabrique et vend le produit; 3) la liaison permet au propriétaire de la marque de distinguer son produit de ceux de tiers [Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1985), 7 CPR (3d) 254, à la p 270; conf par (1987), 17 CPR (3d) 289 (CAF)].

[31]  La question de savoir si une marque de commerce est distinctive est une question de fait qui doit être tranchée au regard du message que la marque transmet aux consommateurs ordinaires [Novopharm Ltd c Bayer Inc (1999) [2000] 2 CF 553 au para 70]. Le groupe pertinent de consommateurs de produits et de services pharmaceutiques comprend les médecins, les pharmaciens et les patients [Ciba-Geigy Canada Ltd c Apotex Inc (1992), [1992] 3 RCS 120, au para 110 (CSC)].

[32]  Les consommateurs doivent rattacher ou associer la marque de commerce à la source des produits ou services. Une marque est distinctive quand elle permet aux consommateurs pertinents de distinguer les produits ou services associés à la source de ceux de tiers, en se fondant sur la source qu'identifie la marque de commerce [Glaxo Group Limited c Apotex Inc 2010 CAF 313, au para 7, confirmant Apotex Inc c Registraire des marques de commerce et Glaxo Group Limited 2010 CF 291].

[33]  Dans Apotex (supra), le juge Barnes présente ce que le juge Russell, dans Pfizer Products Inc c Association canadienne du médicament générique 2015 CF 493 CanLII, a qualifié de résumé hautement pertinent de la jurisprudence dans le domaine des marques de commerce pharmaceutiques et d'évaluation éloquente des difficultés qui surviennent lorsque l'apparence d'un produit est revendiquée comme marque de commerce à part entière. J'estime que Apotex, ainsi que la décision rendue dans Pfizer, laquelle cite abondamment la décision du juge Barnes dans Apotex, sont très instructives en l'espèce.

[34]  Dans Apotex (supra), le juge Barnes a été appelé à évaluer le caractère distinctif d'un inhalateur violet en forme de disque qui, lorsqu'il est prescrit à des fins médicales, contient un médicament sous forme de poudre sèche (propionate de fluticasone et xinafoate de salmétérol) pour le traitement de l'asthme et de la maladie pulmonaire obstructive chronique. Comme en l'espèce, lorsqu'il était remis au public, l'inhalateur était contenu dans une boîte sur laquelle étaient apposées des étiquettes arborant les marques de commerce « Advair » et « Diskus » et l'inhalateur était étiqueté de façon similaire. De même, comme en l'espèce, la marque elle-même (c.-à-d. telle que visée par la demande), qui était constituée de la forme de l'inhalateur et de deux couleurs violettes complémentaires, n'était pas assortie d'un nom commercial ni d'une étiquette.

[35]  Je reproduis ci-dessous un certain nombre de paragraphes tirés de la décision du juge Barnes [Traduction] :

[11] Dans l’arrêt Kirkbi AG c. Gestions Ritvik Inc., 2005 CSC 65 (CanLII), [2005] 3 R.C.S. 302, la Cour suprême du Canada a reconnu à nouveau qu’une marque est un symbole du rapport entre la source d’un produit et le produit lui-même, « afin qu’idéalement les consommateurs sachent ce qu’ils achètent et en connaissent la provenance » (paragraphe 39).

[12] J’ajouterais à cela que l’article 2 de la Loi définit une marque de commerce comme une marque employée par une personne pour distinguer des marchandises. Il faut voir dans les mots de cette définition davantage qu’une observation passive ou irrésolue de la provenance possible des marchandises.

[13] À mon avis, il ne suffit pas de montrer que l’apparence d’un produit peut constituer une vérification secondaire de l’identité du produit ou qu’elle peut amener une personne à se demander si le produit attendu a été correctement délivré. Ce qu’il faut, c’est que les médecins, les pharmaciens et les patients rattachent la marque à une source unique et par là utilisent la marque pour manifester leurs décisions de prescrire, de délivrer ou d’acheter tel produit plutôt qu’un autre. Pour constituer le caractère distinctif, il ne suffit pas d’un jugement approximatif sur la provenance, ni d’ailleurs d’une conception qui est simplement sans équivalent sur le marché et est reconnue comme tel : voir la décision Royal Doulton Tableware Ltd. c. Cassidy’s Ltée (1985), [1986] 1 C.F. 357, pages 370 et 371, 1 C.P.R. (3d) 214 (C.F. 1re inst.). Le fait qu’un médecin ou un pharmacien puisse spontanément tenir pour acquise la provenance d’un inhalateur discoïdal de couleur violette à l’occasion d’un dialogue thérapeutique avec un patient ne suffit pas non plus à établir le caractère distinctif.

[14] Il ne fait aucun doute que la couleur et la forme peuvent aider à distinguer les produits d’un fabricant par rapport à ceux d’un autre. La forme et la couleur peuvent aussi influer considérablement sur le comportement du consommateur. Néanmoins, une marque qui est fondée sur la couleur et la forme d’un produit sera probablement une marque faible : voir la décision Novopharm c. Bayer Inc., précitée, au paragraphe 77. Il n’est pas non plus facile de prouver que l’apparence ou l’habillage d’un produit est devenu distinctif : voir l’arrêt AstraZeneca AB c. Novopharm Ltd. (2003), CAF, au paragraphe 26, 24 C.P.R. (4th) 326.

[16] Je reconnais avec GSK qu’il n’y a rien de foncièrement répréhensible dans une marque qui consiste, pour un produit, en une association particulière de formes et de couleurs. Il existe évidemment des marques notoirement connues fondées sur des associations de formes et de couleurs. Cependant, s’agissant d’un marché où les décisions d’achat sont habituellement prises par des professionnels, ou sur l’avis de professionnels, le caractère distinctif d’une telle marque dans le commerce sera naturellement plus difficile à établir. S’il en est ainsi, c’est parce que, ainsi que l’établit le poids de la preuve que j’ai devant moi, les médecins et les pharmaciens ne sont pas fortement influencés par ces attributs et n’ont aucune raison évidente de les associer à une source commerciale unique ou à une provenance unique. Dans la mesure où le consommateur ultime trouve de l’agrément dans une décision d’achat, il sera largement influencé aussi par les conseils reçus du médecin et du pharmacien (sans oublier l’étiquette) et, sans aucun doute, par l’association du produit à telle ou telle appellation notoirement connue.

[17] Il importe aussi de se rappeler que le consommateur ne verrait jamais la marque GSK qu’à la faveur d’une étiquette et compterait sans doute largement sur les renseignements imprimés avant de tirer des conclusions sur l’origine du produit. C’est là une observation qu’avait faite le juge Heery dans l’arrêt Cadbury Schweppes Ltd. c. Darrell Lea Chocolate Shop, [2008] FCA 470 (C.F. Australie), paragraphes 64 et 65 :

64. L’emploi du violet est inséparable du mot « Cadbury » – le violet n’est jamais employé isolément [100]. Le fait que le violet n’a jamais été employé sans le mot « Cadbury » ne semble pas être contesté; voir le jugement antérieur, paragraphes [82] à [87].

 

65. Les témoins experts de Cadbury ont dit que cela ne présentait aucune pertinence. Je ne partage pas leur avis. Le témoin expert de Cadbury appelé à témoigner au procès antérieur, le professeur Roger Layton, professeur émérite de marketing à l’Université des Nouvelles-Galles du Sud, a clairement considéré l’association de la marque à la couleur comme un élément important de la perception du consommateur; voir le jugement antérieur, paragraphes [77] et [78]. Pour des raisons assez évidentes, le consommateur ne se voit jamais offrir, au point de vente, un produit Cadbury, de couleur violette ou non, sans que le nom Cadbury n’apparaisse bien en évidence. Le consommateur ordinaire et raisonnable doit certainement en avoir conscience lorsqu’on lui propose le produit Darrell Lea censément trompeur.

 

Si le consommateur de confiseries au chocolat est vu comme suffisamment intelligent pour prendre une décision sur l’identité d’un produit en se fiant à une étiquette, le consommateur de produits pharmaceutiques l’est certainement tout autant.

[ ]…

[19] Le caractère distinctif d’une marque fondé sur la couleur et la forme peut également être réduit par son association avec une appellation enregistrée. Lorsqu’un produit pharmaceutique est toujours employé en association directe avec une marque verbale notoirement connue, le risque de confusion dans l’esprit du consommateur sera réduit, sinon totalement absent, lorsqu’un produit analogue sera offert à la vente avec une marque différente. Le problème de l’association de marques a été examiné dans l’arrêt General Motors du Canada c. Moteurs Décarie Inc. (2001), 2000 CanLII 16083 (CAF), [2001] 1 C.F. 665, au paragraphe 34, 9 C.P.R. (4th) 368 (C.A.F.). Selon la Cour d’appel fédérale, l’emploi constant de la marque verbale revendiquée « Décarie » en association avec les mots « Moteurs » et « Motors » indiquait que l’emploi du seul mot « Décarie » constituait un emploi « faible, voire inexistant », qui n’avait pas acquis une notoriété propre.

[20] Je fais mien le point soulevé par le juge John Evans dans la décision Novopharm Ltd. c. Bayer Inc., précitée, au paragraphe 79, lorsqu’il écrivait qu’il n’est pas fatal à un enregistrement de marque de commerce que les consommateurs puissent avoir recours à d’autres moyens que la marque pour rattacher le produit à une source unique. Néanmoins, le juge Evans atténuait son propos en disant qu’il fallait quand même qu’il existe une preuve suffisante de l’aptitude de la marque à être ainsi reconnue par elle-même. Autrement dit, une marque fondée sur l’habillage ne saurait acquérir son caractère distinctif du seul fait qu’elle est employée en association avec une marque verbale distinctive.

[36]  Dans Apotex, le juge Barnes a conclu que la preuve établissait qu'aucun médecin ou pharmacien avisé ne se fonderait sur la couleur ou la forme d'un inhalateur pour exercer un jugement professionnel au sujet du produit et que peu de patients feraient un choix fondé exclusivement sur l'apparence d'un inhalateur non étiqueté [Apotex, supra, au para 33]. Lorsqu'une étiquette est présente, a-t-il souligné, les patients sont suffisamment outillés pour distinguer un produit d'un autre et pour prendre des décisions d'achat éclairées [Apotex, supra, au para 33]. Il a été déterminé que la couleur et la forme n'étaient pas les caractéristiques principales permettant à GSK de distinguer l'inhalateur Advair Diskus des produits de ses concurrents ou, plus important encore, les caractéristiques sur lesquelles les acheteurs fondaient leurs choix [Apotex, supra, au para 34]. Au paragraphe 35 de sa décision, le juge Barnes a conclu que, même si quelques patients peuvent faire un rapprochement entre l'apparence de la marque en question et une source unique, la preuve était insuffisante pour corroborer la prétention du Défendeur selon laquelle une [Traduction] « majorité » de patients feraient ce rapprochement.

[37]  Dans Pfizer (supra, au para 71), le juge Russell a indiqué que la formule utilisée au paragraphe 35 de la décision du juge Barnes donne à penser qu'il ne suffit pas d'établir que [Traduction] « quelques patients » ou même quelques médecins et pharmaciens, font le rapprochement entre l'apparence et la source. Il a en outre souligné qu'il n'existe pas de définition de la formule [Traduction] « une majorité de patients » et que la question de savoir s'il y a ou non une [Traduction] « majorité de patients » dépendra toujours du produit et du marché auquel ce dernier est destiné.

[38]  Commentant là encore la décision du juge Barnes dans Apotex, le juge Russell a également souligné que les formules [Traduction] « d'une manière significative » au para 5, « davantage qu’une observation passive ou irrésolue de la provenance possible » au para 12, « qu’une vérification secondaire pour l’identification d’un comprimé pharmaceutique » au para 21, « pas les attributs principaux » au para 34, donnent à penser que, bien qu'il puisse y avoir une certaine identification, il doit s'agir de quelque chose de plus qu'une observation passive ou irrésolue de la provenance possible [Pfizer, supra, au para 71].

[39]  Bien que l'apparence n'ait pas à être la [Traduction] « caractéristique principale » permettant d'identifier une source unique pour un produit, sous l'angle de la première impression, il est tout de même nécessaire d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que l'apparence est reconnue comme un indicateur de la source [Pfizer, supra, aux para 72 et 107]. Dans Novopharm Ltd c Bayer Inc (1999), 3 CPR (4th) 305 (CF 1re inst), conf par 9 CPR (4th) 304 (CAF), le juge Evans affirme ce qui suit [Traduction] :

Quatrièmement, il n'est pas fatal à une demande que les consommateurs puissent aussi avoir recours à d'autres moyens que la marque pour identifier le produit à une seule source. Ainsi, bien que les pharmaciens se fient principalement au nom de marque et à d'autres indices d'identification apparaissant sur les bouteilles et l'emballage contenant le produit, ou à l'inscription sur les comprimés, laquelle ne fait pas partie de la marque, s'il ressort, selon certains éléments de preuve, qu'ils reconnaissent aussi, d'une manière significative, le produit par son apparence (à l'exception des marques inscrites sur le comprimé, parce qu'elles ne font pas partie de la marque), cette preuve peut suffire à établir le caractère distinctif de la marque.

[40]  Dans Pfizer, le juge Russell a confirmé que pour évaluer le caractère distinctif de l’apparence d’un comprimé pharmaceutique, il faut déterminer si la preuve établit que la marque est reconnue [Traduction] « d’une manière significative » parmi un ou plusieurs groupes de [Traduction] « consommateurs ordinaires » [Pfizer, supra, au para 82]. À cet égard, le juge Russell affirme que [Traduction] « […] pour décider si l’on a établi un degré significatif de distinctivité [sic], il est nécessaire de considérer le groupe tout entier […] je ne relève aucune indication claire dans les décisions et les arrêts que le mot « et », ou tout autre terme, exige que le caractère distinctif soit établi séparément pour chaque sous-groupe de ces consommateurs » [Pfizer, supra, au para 82].

La preuve

[41]  L'Opposante allègue que l'apparence des inhalateurs de la Requérante (en l'absence de toute inscription ou d'autres indices connexes) n'est pas distinctive (c.-à-d. indicative de la source) et qu'elle serait plutôt associée à l'effet thérapeutique, à la fréquence ou au type de médicament. L'Opposante allègue que, dans la pratique normale du commerce, les consommateurs des inhalateurs de la Requérante se fonderont toujours sur d'autres indices (p. ex. le nom de l'ingrédient actif, le nom du médicament (SPIRIVA®), d'autres marques de commerce (HandiHaler®), le DIN, le nom du fabricant, etc.) qui figurent sur les emballages, les étiquettes ou les inhalateurs eux-mêmes, pour identifier le produit ou sa source. L'Opposante affirme qu'il en irait de même lors de la prestation des services.

[42]  D'après mon examen de la preuve (décrite ci-dessous), l'Opposante a présenté une preuve admissible suffisante (voir, par exemple, l'affidavit Lum, aux para 10 à 14, 16 à 20, 25, 32 à 36, 59 à 62 (pièce R), 63 à 66, 70 à 74 (pièces S et T), 75 à 80, et 82 à 92) et l'affidavit Sharma, aux para 19 à 22 (pièce B), 23 et 24, 46, 53, 57, 59, 68, 72 à 74, 76 et 77) pour me permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de son motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif, pour ce qui est des produits. Par conséquent, je suis convaincue que l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait en l'espèce à l'égard des produits. En ce qui concerne les services, puisqu'il semble clair à première vue que, dans le cadre d'études cliniques, la marque serait employée pour administrer le médicament, et que les mêmes questions se posent, il s'ensuit que, si l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve initial à l'égard des produits, elle s'est également acquittée de ce fardeau à l'égard des services.

[43]  La question qui se pose maintenant est donc de savoir si la Requérante, selon la prépondérance des probabilités, a établi que la source est reconnue d'après l'apparence par les patients, les médecins et/ou les pharmaciens d'une manière significative, en gardant à l'esprit les principes de droit exposés en détail ci-dessus et le fait que le caractère distinctif n'a pas à être établi séparément pour chacun de ces sous-groupes du groupe de consommateurs pertinent.

[44]  Je commencerai par me pencher sur ce que révèle la preuve au sujet des inhalateurs en général. J'examinerai ensuite ce que nous dit la preuve sur les inhalateurs de la Requérante en particulier et sur la façon dont cette dernière emploie les Marques 1 et 2 et en fait la promotion sur le marché. Enfin, je m'intéresserai à ce que révèle la preuve en ce qui concerne les perceptions que les patients, les médecins et les pharmaciens ont des inhalateurs de la Requérante.

Question préliminaire

[45]  D'entrée de jeu, je souligne que les parties ont toutes deux soulevé des préoccupations quant à la fiabilité de certains témoignages des témoins.

[46]  La Requérante conteste l'affidavit de M. Lum parce que ce dernier a souscrit des affidavits dans des affaires pharmaceutiques impliquant des marques de commerce par le passé et qu'il a été rémunéré pour préparer son affidavit. La Requérante soutient qu'il est partial et que son affidavit est suspect parce qu'une partie de son contenu est tirée d'affidavits qu'il a préparés antérieurement. Je souligne qu'en contre-interrogatoire, M. Lum a reconnu avoir souscrit des affidavits dans des procédures concernant Celebrex et Advair. On lui a demandé s'il s'est fondé sur l'un ou l'autre de ces affidavits pour préparer son présent affidavit et il a reconnu avoir utilisé son CV et des renseignements généraux, qui ont nécessité certaines mises à jour, ainsi que la structure générale et certains renseignements tirés d'un tableau contenu dans une pièce, qui ont également nécessité certaines mises à jour, mais que, en dehors de cela, il est parti [Traduction] « pratiquement de zéro » [transcription Lum, Q 13]. Il affirme que les renseignements de base utilisés pour l'affidavit Advair sont présents, mais que, dans l'ensemble, ils ont été passablement modifiés [transcription Lum, Q 13].

[47]  La Requérante conteste également l'affidavit du Dr Sharma et affirme que le Dr Sharma est partial. À cet égard, la Requérante a fait observer que le Dr Sharma a, lui aussi, été rémunéré pour préparer son affidavit. De plus, la Requérante a attiré mon attention sur la Q 147 de la transcription Sharma, en réponse à laquelle le Dr Sharma indique qu'il réprouve la pratique consistant à ajouter la mention « do not substitute » [ne pas remplacer] sur une ordonnance, et qui fait en sorte que le médicament prescrit ne peut pas être remplacé par un médicament générique. Je souligne que dans Ciba-Geigy Canada Ltd c Novopharm Ltd (1994), 56 CPR (3d) 289 (CF 1re inst), aux p 309 et 310, le juge Rothstein a reconnu que certains médecins et pharmaciens pouvaient être guidés par une certaine loyauté. Lorsque des déclarations sont exagérées ou ne sont pas raisonnablement fondées sur les qualifications du déposant, cela influe sur leur valeur probante.

[48]  L'Opposante conteste le témoignage du Dr Kaplan et, en particulier, fait observer que ce dernier a fait partie d'un comité de conférenciers pour Boehringer Ingelheim, a siégé à des comités consultatifs pour cette même société et a pris part à des essais cliniques liés à SPIRIVA®. Ces faits influent également sur la valeur probante et je reconnais qu'en raison de ses liens étroits avec l'Opposante, le Dr Kaplan peut avoir un niveau de connaissance de la Marque 1 et de la Marque 2 différent de celui des médecins en général [Pfizer, supra, aux para 113, 177 et 185].

[49]  En ce qui concerne M. Looper, l'Opposante souligne qu'il est un employé de la Requérante. De plus, l'Opposante souligne qu'en contre-interrogatoire, M. Looper a admis que l'enregistrement de la Marque 1 et de la Marque 2 serait profitable à la fois pour sa société et pour lui-même à titre d'employé de la société. Il a également admis avoir rencontré les témoins de la Requérante à des fins de préparation en vue de leurs contre-interrogatoires. L'Opposante soutient que, dans ce contexte, son témoignage n'est pas impartial. Bien que cela puisse être vrai pour certaines parties de son témoignage, je suis disposée à accorder un poids approprié aux renseignements factuels fournis dans son affidavit en ce qui concerne la Requérante, ses ventes et ses activités promotionnelles. Je ferai cependant abstraction de tout témoignage s'apparentant à une opinion.

[50]  En ce qui concerne M. Zachar, l'Opposante est critique face à son témoignage, car bien que ce dernier affirme dans son affidavit que ses opinions sont [Traduction] « représentatives de celles de la plupart des pharmaciens qui fournissent le produit HandiHaler et Spiriva », lorsqu'il a été interrogé au sujet des procédures minutieuses que suivent les pharmaciens, il a indiqué qu'il ne pouvait pas [Traduction] « parler pour les autres pharmaciens » [affidavit Zachar, au para 22; transcription Zachar, page 50]. Bien que la critique de l'Opposante ne soit pas dénuée de fondement, je souligne que cette affirmation semble avoir été faite dans le contexte limité d'une discussion sur les diverses vérifications auxquelles il procède lorsqu'il fournit des médicaments, et je souligne également que le témoignage de M. Zachar à cet égard semble concorder avec celui de M. Lum.

[51]  En ce qui concerne Mme Maynard, l'Opposante fait valoir qu'à titre d'inhalothérapeute, elle ne fait pas partie du groupe de consommateurs pertinent. Bien que cela puisse être vrai, parce que les inhalothérapeutes peuvent seulement aider les patients à utiliser les inhalateurs une fois qu'ils ont été prescrits, fournis ou achetés, j'estime que son témoignage est tout de même pertinent dans la mesure où il fournit une preuve anecdotique quant au point de vue des patients.

Inhalateurs

[52]  L'asthme et la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) sont les deux principaux troubles médicaux dont souffrent les patients qui utilisent des inhalateurs. L'asthme est une obstruction bronchique réversible associée à une inflammation sensible aux stéroïdes. La MPOC est traditionnellement une obstruction bronchique qui n'est que partiellement réversible et le plus souvent consécutive au tabagisme [affidavit Sharma, au para 20; affidavit Kaplan, aux para 19 et 24; affidavit Zachar, au para 6].

[53]  Aux paragraphes 23 et 40 de son affidavit, le Dr Sharma explique qu'il existe deux principaux types d'inhalateurs qui administrent le médicament à inhaler de façons différentes. Le premier, l'aérosol-doseur, a généralement la forme d'une botte et l'ingrédient actif qui se trouve en suspension dans un propulseur en aérosol est expulsé au moment où le patient inspire. Le second, l'inhalateur à poudre sèche, a généralement une forme arrondie et l'ingrédient actif est extrait de l'inhalateur et distribué dans les poumons du patient lorsque ce dernier l'aspire par inhalation. Les aérosols-doseurs peuvent être difficiles à manipuler et doivent parfois être utilisés conjointement avec une aérochambre pour faciliter la coordination de la respiration et améliorer la synchronisation [affidavit Kaplan, au para 34; affidavit Lum, aux para 26 et 29].

[54]  Pour décider du type d'inhalateur qu'il convient de prescrire à un patient, le Dr Sharma tient compte de facteurs tels que l'âge du patient et sa capacité pulmonaire. Il cherche également à savoir si le patient utilise déjà un inhalateur et s'il le fait correctement. À titre d'exemple, si un patient utilise un inhalateur en forme de botte, il observe la technique du patient et, si celle-ci est adéquate, il continue de lui prescrire ce type d'inhalateur. Si elle ne l'est pas, il lui prescrit plutôt un inhalateur à poudre sèche de forme arrondie [affidavit Sharma, au para 35]. De façon similaire, le Dr Kaplan tient compte, lui aussi, de la capacité du patient à utiliser les différents types d'inhalateurs lorsqu'il prescrit un médicament [transcription Kaplan, Q 184].

[55]  Le Dr Kaplan mentionne les deux types d'inhalateurs cités par le Dr Sharma, mais affirme qu'il existe également un troisième type d'inhalateur, le HandiHaler® qui contient le médicament SPIRIVA®. Il le décrit comme un dispositif plutôt circulaire ayant une forme oblongue, qui s'ouvre en son centre pour accueillir une capsule de médicament et qui est muni d'un couvercle qui s'ouvre d'un côté à l'aide d'un levier lorsque le patient veut l'utiliser [affidavit Kaplan, au para 34].

[56]  Le Dr Kaplan et le Dr Sharma reconnaissent également tous deux qu'il existe aussi différentes catégories d'inhalateurs. Il y a, premièrement, les inhalateurs [Traduction] « de secours » ([Traduction] « bêta-agonistes à action brève ») qui, sauf une possible exception plus récente (Zenhale), sont de couleur bleue et peuvent avoir aussi bien une forme de botte qu'une forme arrondie [affidavit Kaplan, au para 33; affidavit Sharma, au para 46; transcription Sharma, Q98]. Un exemple de cette première catégorie est le Ventolin qui, comme l'a confirmé le Dr Kaplan, est un bronchodilatateur à action brève que les patients appelleraient leur [Traduction] « inhalateur de secours » ou leur [Traduction] « inhalateur bleu » [transcription Kaplan, Q 114 et 115]. Ils sauraient qu'il s'agit de l'inhalateur bleu qu'ils prennent en cas de symptômes aigus [transcription Kaplan, Q 120 à 126]. Même si les patients peuvent parfois se tromper, c'est ainsi que les médecins leur apprennent à distinguer leurs inhalateurs les uns des autres [transcription Kaplan, Q 272]. M. Lum fournit des renseignements similaires au sujet des inhalateurs bleus dans son affidavit [affidavit Lum, au para 32].

[57]  Deuxièmement, il y a les inhalateurs [Traduction] « de maintien » ou « de contrôle », qui sont utilisés dans le cadre d'un traitement de maintien ou de contrôle à long terme. Les inhalateurs [Traduction] « de contrôle » contiennent des stéroïdes à inhaler qui permettent de contrôler le trouble médical et peuvent avoir des effets durables. Les inhalateurs [Traduction] « de maintien » améliorent véritablement l'évolution sous-jacente de la maladie. Cependant, leurs effets s'estompent progressivement lorsque le patient cesse de les utiliser. Exception faite du bleu, ces inhalateurs [Traduction] « de maintien » et « de contrôle » sont généralement de couleurs variées (p. ex. vert, brun, orange ou violet) [affidavit Sharma, aux para 23 et 46]. En contre-interrogatoire, le Dr Kaplan a confirmé qu'un patient pourrait suivre un traitement conjuguant le SPIRIVA® (un anticholinergique à action prolongée) et un bêta-agoniste à action brève comme le Ventolin et qu'il saurait qu'il doit prendre l'inhalateur bleu lorsqu'il est en difficulté et l'inhalateur gris-vert une fois par jour, tous les jours, à des fins de maintien [affidavit Kaplan, Q 129 à 132; transcription Lum, Q 96].

[58]  Selon le Dr Sharma, les inhalateurs de maintien sont verts (p. ex. Atrovent (en forme de botte) et SPIRIVA®) et les inhalateurs de contrôle sont bruns/orange/rouges/violets et verts (p. ex. Serevent, Oxeze, Advair, Symbicort). Le Serevent et l'Oxeze sont des [Traduction] « bêta-agonistes à action prolongée » et sont de couleur verte (p. ex. vert menthe/turquoise). Le Serevent est offert à la fois dans un inhalateur en forme de botte et un inhalateur arrondi (l'inhalateur en forme de botte a cessé d'être fabriqué en 2006). L'Oxeze est offert dans un inhalateur arrondi. L'Advair est offert dans des inhalateurs de couleur mauve aussi bien en forme de botte qu'arrondis et le Symbicort est offert dans un inhalateur arrondi de couleur brune/orange/rouge. [affidavit Sharma, aux para 23 et 46; transcription Kaplan, Q 262]. En contre-interrogatoire, le Dr Sharma a reconnu qu'un inhalateur vert pouvait être soit un inhalateur de contrôle soit un inhalateur de maintien [transcription Sharma, Q 187].

[59]  Le Dr Kaplan reconnaît également que l'Atrovent, le Serevent et le Salmeterol sont verts [affidavit Kaplan, au para 38], mais indique qu'il ne décrirait pas l'inhalateur du SPIRIVA® comme étant vert, mais plutôt comme étant [Traduction] « principalement gris » avec « quelques parties vertes qui lui confèrent une couleur et une apparence visuelle uniques » [affidavit Kaplan, au para 38]. En contre-interrogatoire, M. Lum a également confirmé que les inhalateurs verts sont généralement utilisés à titre préventif [transcription Lum, Q 240 à 242].

[60]  Des copies de pages tirées des éditions de 2003, 2005, 2006 et 2011 du Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques (CPS), qui montrent des exemples des différents types d'inhalateurs qui étaient disponibles ces années-là, sont jointes à l'affidavit du Dr Sharma comme pièces C à F. Le CPS est un ouvrage de référence général qui fournit de l'information sur les produits pharmaceutiques vendus au Canada, comme la dose et d'autres renseignements relatifs aux prescriptions. Je souligne que des copies de pages tirées des éditions de 2003, 2005, 2006 et 2011 du CPS sont également jointes comme pièces A à D au premier affidavit Howes, et comme pièces D à I à l'affidavit Lum. M. Lum fournit également des renseignements au sujet des divers types d'inhalateurs dans son affidavit [affidavit Lum, aux para 37 à 42].

[61]  Un tableau de référence présentant un résumé des caractéristiques de certains des dispositifs d'inhalation par voie orale utilisés pour la gestion de la MPOC et de l'asthme est joint à l'affidavit du Dr Sharma comme pièce I. Le Dr Sharma explique que ce tableau est affiché sur son mur et qu'il l'utilise parfois pour montrer aux patients les différents types d'inhalateurs et pour que les patients lui montrent quel inhalateur ils ont utilisé par le passé. Je souligne qu'aucun des inhalateurs montrés en pièce I ne présente la même combinaison de forme/couleur que l'inhalateur du SPIRIVA®. Le Dr Kaplan a indiqué dans son affidavit que la forme de l'inhalateur du SPIRIVA® était et est encore unique [affidavit Kaplan, para 23], et je souligne qu'en contre-interrogatoire, le Dr Sharma a reconnu qu'il n'avait connaissance de l'existence, sur le marché, d'aucun autre inhalateur ayant exactement la même forme que l'inhalateur du SPIRIVA® [transcription Sharma, Q 168 à 170].

  • [62] En contre-interrogatoire, le Dr Sharma a été interrogé à savoir s'il connaissait des sociétés fabriquant un inhalateur gris [transcription Sharma, Q 139 à 143]. Il a mentionné Atrovent, Beclovent, Pulmicort et des versions antérieures d'inhalateurs de stéroïdes, qui ont tous une forme de botte. En contre-interrogatoire, M. Zachar a confirmé qu'il avait connaissance de l'existence d'au moins trois inhalateurs gris utilisés pour le traitement de la MPOC qui sont maintenant disponibles sur le marché, en plus de l'inhalateur du SPIRIVA® [transcription Zachar, Q 224 et 225].

  • [63] Après examen de la preuve, je suis convaincue que les inhalateurs [Traduction] « de secours » sont généralement de couleur bleue et que les inhalateurs [Traduction] « de maintien » et « de contrôle » se présentent généralement sous d'autres combinaisons de formes/couleurs variées. Bien que la preuve démontre que les inhalateurs de maintien sont verts (au moins en partie), elle démontre également que certains inhalateurs de contrôle le sont aussi. Ainsi, à la différence des inhalateurs [Traduction] « de secours », il n'est pas aussi clair qu'il existe une tendance émergente en ce qui concerne la couleur verte.

  • [64] Malgré le fait que d'autres inhalateurs verts, gris et de forme [Traduction] « plutôt arrondie » sont présents sur le marché, dans l'ensemble, je suis convaincue que l'inhalateur du SPIRIVA® est unique en ce qui concerne sa combinaison de couleur/forme. Je suis également convaincue que les médecins et les patients (même s'ils ne le font pas toujours correctement) se fondent sur la couleur pour distinguer les inhalateurs à utiliser à des fins de secours des inhalateurs à utiliser à des fins de contrôle ou de maintien à plus long terme. En outre, la preuve dont je dispose établit que lorsqu'il faut choisir entre différents types d'inhalateurs, la forme peut être une considération pertinente pour déterminer quel type d'inhalateur prescrire à un patient (c.-à-d. en forme de botte ou d'une autre forme).

Les activités de la Requérante

[65]  Les renseignements relatifs à la Requérante et à sa promotion et son emploi de la Marque 1 et de la Marque 2 sur le marché canadien se trouvent principalement dans l'affidavit Looper.

[66]  M. Looper est le directeur des Affaires juridiques de Boehringer Ingelheim (Canada) Ltd./Ltée (« BI Canada »), l'affiliée et la sous-licenciée canadienne de la Requérante [para 1 à 4]. M. Looper explique que BI Canada détient une sous-licence de l'Opposante [sic] (BI) l'autorisant à distribuer, à promouvoir et à commercialiser le produit SPIRIVA® au Canada [para 5]. Il affirme que BI garde le contrôle sur les caractéristiques et la qualité du produit SPIRIVA® et des dispositifs HandiHaler® qui sont vendus au Canada par l'entremise de BI Canada [para 5].

[67]  M. Looper explique que les marques de commerce HandiHaler 3D-II Dessin (Marque 1 et Marque 2) sont constituées de la couleur grise appliquée à la surface et de la couleur verte et de la forme du produit d'inhalateur de BI, appelé le dispositif de marque HandiHaler®, qui contient le produit SPIRIVA® de BI [aux para 6 à 8]. Un spécimen des marques telles qu'elles sont appliquées au dispositif HandiHaler® ainsi que de tous les emballages connexes fournis aux acheteurs au Canada sont joints comme pièce A à son affidavit [au para 8].

[68]  Je souligne que l'inhalateur lui-même présente la marque de commerce HandiHaler® et le nom de la Requérante [affidavit Looper, au para 8, pièce A; transcription Looper, Q 98]. En contre-interrogatoire, M. Looper a confirmé que, à sa connaissance, aucun inhalateur [Traduction] « vierge » (c.-à-d. sans ces inscriptions) n'a été vendu au Canada [transcription Looper, Q 82 à 85]. Tous les dispositifs vendus présentent la marque de commerce HandiHaler®, le nom de la Requérante et son adresse [transcription Looper, Q 193 et 194].

[69]  L'emballage du produit d'inhalateur (une boîte) présente la marque de commerce HandiHaler®, le nom Boehringer Ingelheim et le nom de la sous-licenciée de la Requérante. Il présente également la marque de commerce SPIRIVA® et fournit le nom générique (bromure de tiotropium monohydraté) et les renseignements relatifs au dosage du médicament. HandiHaler® est identifié comme étant une marque de commerce sur l'inhalateur, et HandiHaler® et SPIRIVA® sont tous deux identifiés comme étant des marques de commerce sur la boîte. La Marque 1 et la Marque 2 ne sont pas identifiées comme étant des marques de commerce sur l'inhalateur, et ni la Marque 1 ni la Marque 2 ne figurent sur la boîte, pas plus qu'on peut les voir à travers celle-ci. Un feuillet est également fourni avec l'emballage et contient des renseignements détaillés se rapportant au produit SPIRIVA® et à l'utilisation du dispositif HandiHaler®. Bien qu'il présente des images du dispositif HandiHaler®, le dispositif n'est pas présenté en couleur.

[70]  M. Looper affirme que le dispositif HandiHaler® a été offert en vente pour la première fois au Canada en liaison avec le produit SPIRIVA® à la fin de 2002 et au début de 2003. Selon M. Looper, il s'agissait du seul inhalateur gris et vert sur le marché canadien à l'époque et il demeure le seul. Il affirme que la combinaison de la couleur et de la forme est complètement différente de celle de tous les autres inhalateurs sur le marché aujourd'hui et depuis au moins les 11 dernières années [au para 9]. En contre-interrogatoire, le Dr Sharma a reconnu qu'il existe d'autres inhalateurs de couleur grise sur le marché, mais que la forme du dispositif d'inhalation du SPIRIVA® est unique [transcription Sharma, Q 169].

[71]  Au paragraphe 10, M. Looper explique que le SPIRIVA® est administré aux patients sous forme de capsule contenant la poudre de bromure de tiotropium en inhalation à l'aide du dispositif HandiHaler®. Le SPIRIVA® est employé pour traiter la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), une maladie pulmonaire qui englobe la bronchite chronique, l'emphysème ou les deux affections. Une copie de l'actuelle monographie du produit SPIRIVA® est jointe comme pièce « B » à l'affidavit de M. Looper. Elle comporte trois parties. La partie III est reproduite sous la forme d'un dépliant de renseignements à l'intention du patient, qui fait partie de l'emballage contenant le dispositif HandiHaler®. Une copie du dépliant est jointe comme pièce « C ». Le dépliant contient des instructions sur la manière d'utiliser le SPIRIVA® à l'aide du dispositif HandiHaler® et il comporte des images. Le dispositif illustré dans les images ne comporte aucune inscription et il est uniquement présenté en noir et blanc. Il n'est pas identifié comme étant une marque de commerce.

[72]  Au paragraphe 11, M. Looper explique que le dispositif HandiHaler® est commercialisé au Canada sous les formes suivantes : i) un dispositif seulement; ii) une boîte comprenant le dispositif HandiHaler® et 30 capsules de SPIRIVA®; et iii) une boîte comprenant le dispositif HandiHaler® et 10 capsules de SPIRIVA®. Une boîte de capsules de recharge de SPIRIVA® sans le dispositif HandiHaler® est également commercialisée, mais les capsules doivent être utilisées avec le dispositif HandiHaler®.

[73]  Le dispositif HandiHaler® et le SPIRIVA® sont distribués par l'entremise des grossistes, des pharmacies de détail, des pharmacies d'hôpitaux et des médecins. M. Looper explique que les grossistes commandent/achètent chacun des produits i) à iii) ainsi que les boîtes de recharges de SPIRIVA® directement auprès de BI Canada et que ceux-ci sont expédiés directement à partir de l'entrepôt de BI Canada aux entrepôts des grossistes dans tout le Canada. Les pharmacies de détail commandent/achètent les produits i) et ii) auprès de BI Canada ou de grossistes et les produits sont expédiés directement à partir de l'entrepôt respectif à la pharmacie de détail. Les pharmacies d'hôpitaux commandent/achètent les produits i) à iii), ainsi que les boîtes de recharges directement auprès de BI Canada, de grossistes ou du Réseau canadien de distribution pharmaceutique (RCDP), un distributeur tiers, et les produits commandés sont expédiés à partir de l'entrepôt respectif directement à la pharmacie de détail. Les médecins peuvent demander les produits i) ou ii) par écrit avec une copie de l'ordonnance du patient pour emploi à titre humanitaire (produit gratuit). Le produit iii) et les boîtes de recharges de SPIRIVA® sont fournis directement aux médecins par le personnel des ventes sur le terrain pour emploi comme échantillons. Les produits gratuits et les échantillons des médecins sont donnés par les médecins directement aux patients [au para 11].

[74]  Les chiffres de vente liés au dispositif HandiHaler® et au SPIRIVA® au Canada de 2003 à 2012 sont fournis au paragraphe 12 de l'affidavit de M. Looper. Je reproduis les chiffres ci-dessous. M. Looper indique que, bien que les chiffres incluent les capsules de SPIRIVA® vendues sans le dispositif HandiHaler®, le dispositif HandiHaler® est toujours employé lorsque les capsules de SPIRIVA® sont administrées. Il estime que quelque 35 % des ventes se rapportent aux boîtes de recharges comprenant des capsules de SPIRIVA® vendues sans le dispositif HandiHaler®. On ne sait pas exactement quelle partie des ventes, le cas échéant, se rapporte aux ventes du dispositif HandiHaler® lui-même. Il convient de souligner que, en contre-interrogatoire, M. Zachar a indiqué que, bien que sa pharmacie tienne quelques dispositifs HandiHaler® au cas où un client en briserait un, elle ne les vend pas, elle ne fait que les remettre [transcription Zachar, Q 178 à 180].

Année

Ventes approximatives

(en dollars canadiens)

Part de marché

(marché IMS R3)

2003

11,5 millions

1,97 %

2004

39,0 millions

6,03 %

2005

57,2 millions

7,92 %

2006

72,7 millions

9,60 %

2007

84,7 millions

12,54 %

2008

137,4 millions

14,69 %

2009

151,9 millions

14,81 %

2010

167,3 millions

15,85 %

2011

179,2 millions

16,16 %

2012

192,1 millions

16,90 %

 

[75]  Selon M. Looper, BI Canada a dépensé des ressources considérables en vue d'accroître la demande actuelle pour ses dispositifs HandiHaler® arborant la Marque 1 et la Marque 2 et employés pour administrer le médicament SPIRIVA® aux patients et pour les faire reconnaître, et ce, depuis au moins aussi tôt que 2004 [para 13]. Les dépenses reliées à la promotion directe du SPRIIVA® et des dispositifs HandiHaler® et à la sensibilisation des professionnels de la santé et des patients ont dépassé 50 millions de dollars entre 2003 et 2012 (les dépenses annuelles ont été fournies). M. Looper affirme que l'apparence de l'inhalateur constitue une caractéristique importante pour la promotion du produit auprès des professionnels de la santé, à qui s'adresse sa publicité au Canada, étant donné que la publicité directe auprès des patients n'est pas permise.

[76]  Les dépenses mentionnées ci-dessus englobent des activités comme le financement de programmes de sensibilisation à l'intention des médecins, la commandite d'exposés de médecins à l'occasion de conférences médicales, le coût de l'élaboration de matériel et de programmes destinés à améliorer la compréhension qu'ont les patients de la MPOC et leur gestion de cette maladie ainsi que de matériel de sensibilisation à la maladie à l'intention des patients, le financement de cliniques de spirométrie pour la MPOC dans les bureaux des médecins et autres activités. Les activités promotionnelles de la Requérante sont décrites aux paragraphes 13 et 14 de l'affidavit de M. Looper. Selon M. Looper, les chiffres qu'il a fournis n'incluent pas d'autres coûts promotionnels qui augmenteraient les chiffres de peut-être 50 %. Il ne précise pas à quoi sont liés ces coûts. Cependant, en contre-interrogatoire, il a indiqué que les grands coûts promotionnels seraient les coûts indirects et les salaires des représentants des ventes (l'infrastructure), et il a également mentionné des présentations de type média qui pourraient ne pas être incluses dans les coûts [transcription Looper, Q 245 à 250]. De plus, BI Canada investi aussi dans le financement de divers projets de recherche reliés à la MPOC. Les chiffres liés à ses subventions/dons pour de tels projets ont été fournis [au para 14].

[77]  Des copies de matériel promotionnel qui, selon M. Looper, présente la Marque 1 et la Marque 2, sont jointes comme pièce D. Il indique que ces copies présentent le genre de matériel qui aurait été distribué et rendu accessible pour promouvoir le produit SPIRIVA® depuis son lancement au Canada à la fin de 2002 et au début de 2003. La plus grande partie du matériel présente le dispositif HandiHaler® en position ouverte. Bien qu'il soit difficile de le voir, dans certains cas, le dispositif semble être de couleur blanche et/ou bleue, plutôt que verte/grise. En contre-interrogatoire, M. Looper n'a pas été en mesure de confirmer si ce sont ces couleurs que l'on voyait dans la copie originale des publicités [transcription Looper, Q 159 et 160]. Le nom de l'Opposante [sic] et la marque de commerce HandiHaler® figurent sur le dispositif présenté dans les publicités. La couleur/forme du dispositif n'est pas identifiée comme étant une marque de commerce dans les publicités. M. Looper a confirmé ce fait en contre-interrogatoire [transcription Looper, Q 162 à 165]. Il a également confirmé qu'il est probable que tout le matériel promotionnel du type illustré dans la pièce D présenterait les marques de commerce HandiHaler® et SPIRIVA®, et possiblement d'autres aussi [transcription Looper, Q 248 et 249].

[78]  Au paragraphe 16 de son affidavit, M. Looper répète que le dispositif HandiHaler®, auquel sont appliquées les Marques 1 et 2, qui sont constituées des couleurs grise et verte et de la forme précise revendiquées, est commercialisé et annoncé à grande échelle au Canada. M. Looper affirme ensuite que la couleur et la forme de l'inhalateur sont uniques et que les patients, les pharmaciens et les médecins associent la couleur et la forme de l'inhalateur au produit SPIRIVA® de BI administré à l'aide du dispositif HandiHaler®.

[79]  Il convient de souligner que, outre le fait que M. Looper n'indique pas comment il en est venu à connaître le rapprochement fait par les patients, les pharmaciens et les médecins, il semble affirmer qu'il s'agit d'un rapprochement entre les marques et le produit qui est administré à l'aide du dispositif, et non entre l'apparence et une source unique.

Preuve provenant des consommateurs pertinents

  • [80] Comme je l'ai déjà indiqué, le groupe pertinent de consommateurs de produits pharmaceutiques comprend les médecins, les pharmaciens et les patients [Ciba-Geigy Canada Ltd, supra, au para 110]. J'examinerai la preuve se rapportant à chacune de ces catégories de consommateurs pertinents ci-dessous.

Médecins

  • [81] La preuve à l’égard des perceptions des médecins se trouve principalement dans les affidavits Sharma et Kaplan.

[82]  Le Dr Sharma est un médecin pratiquant la médecine au Canada. Ses fonctions, son expérience, ses qualifications, ses activités, ses permis et les prix qu'il a reçus sont décrits aux para 1 à 18 de son affidavit. Une copie de son curriculum vitæ est jointe comme pièce A. Le Dr Sharma a une pratique médicale active en soins respiratoires à temps plein ainsi qu'une pratique externe à l'hôpital général de Saint-Boniface à Winnipeg, au Manitoba, où il voit régulièrement des patients. De 2003 à 2011, et au moment de souscrire son affidavit, le Dr Sharma avait environ 10 000 patients. Il voit environ 1 800 patients par année et environ 80 % des patients qu'il traite utilisent des inhalateurs [affidavit Sharma, aux para 26 à 29; transcription Sharma, Q 70].

[83]  Le Dr Sharma affirme que, compte tenu de son expérience médicale, y compris sa pratique médicale, son expérience en enseignement et ses postes d'administrateur à la Faculté de médecine de l'Université du Manitoba et à l'hôpital général de Saint-Boniface, de même que des conférences, des séminaires et des ateliers auxquels il participe et présente des exposés, et des documents, des textes et des articles électroniques qu'il examine et rédige, il a souvent l'occasion d'interagir avec d'autres médecins, notamment des pneumologues et des médecins de famille [au para 19].

  • [84] Selon le Dr Sharma, à l'occasion de ces rencontres, de nombreux sujets de discussion sont pertinents pour les patients et leurs médicaments et, par conséquent, il connaît les pratiques et les opinions de nombreux pneumologues et médecins de famille au Canada [para 19]. Il affirme que, comme il agit fréquemment à titre de conférencier, de nombreux pneumologues et médecins de famille partagent leurs préoccupations avec lui au sujet des soins prodigués aux patients, y compris les préoccupations à propos des médicaments, dont les inhalateurs (et les préoccupations/questions que les patients peuvent avoir à propos des différents types d'inhalateurs disponibles et de la manière de les utiliser). Il affirme en outre que ceci inclut autant les préoccupations des médecins eux-mêmes que les préoccupations de leurs patients, comme les rapporte leur médecin [au para 19].

  • [85] Le Dr Sharma affirme qu'il connaît particulièrement bien (compte tenu de son expérience professionnelle) les pratiques et les opinions des pneumologues et des médecins de famille à l'égard de l'asthme et de la MPOC [au para 20].

[86]  Le Dr Kaplan est un médecin compétent et autorisé dans la province de l'Ontario. Ses nombreuses activités professionnelles, sa vaste expérience et ses qualifications sont décrites en détail aux paragraphes 1 à 17 (et dans les pièces A à F) de son affidavit. Sa pratique actuelle en médecine familiale regroupe environ 2 500 patients, dont environ 20 % souffrent d'un trouble respiratoire quelconque, y compris la MPOC [affidavit Kaplan, au para 18]. Le Dr Kaplan voit environ 500 patients atteints de troubles respiratoires chaque année dans le cadre de sa propre pratique, en plus de 50 autres consultations environ dans le cadre de la pratique d'autres médecins. Il prescrit le SPIRIVA® environ deux fois par jour [affidavit Kaplan, au para 22].

  • [87] Lorsque le Dr Sharma rédige une ordonnance, il écrit le nom de la marque, jamais la couleur ou la forme et, lorsqu'il détermine le médicament à prescrire, la couleur et la forme d'un inhalateur n'entrent pas en ligne de compte dans sa décision, sauf dans la mesure où une forme pourrait être plus facile à utiliser pour un patient qu'une autre (c.-à-d. forme de botte par rapport à forme arrondie). L'apparence et le fabricant d'un médicament ne sont pas des facteurs considérés. Le Dr Sharma tient plutôt compte du diagnostic médical, de l'efficacité, de la sécurité et de la tolérabilité du médicament, et du coût [affidavit Sharma, aux para 62 à 64].

  • [88] Selon le Dr Sharma, les patients et les médecins n'associent pas la couleur, la forme et/ou la taille des inhalateurs à un fabricant ou à une source en particulier [affidavit Sharma, au para 24]. Il affirme qu'un médecin ne prescrirait jamais un inhalateur vierge en fonction de l'apparence de l'inhalateur sans faire référence à l'étiquette ou à l'emballage (qui comporterait des éléments d'identification, y compris le nom pharmacologique du médicament et/ou le nom commercial du produit d'inhalateur et le dosage). Si on leur montrait un inhalateur vierge, les médecins ne seraient pas en mesure d'identifier ce produit comme provenant d'un fabricant/source quelconque en particulier; une étiquette serait nécessaire [affidavit Sharma, au para 25].

  • [89] Le Dr Sharma affirme qu'il n'est pas en mesure d'identifier et qu'il ne tentera pas d'identifier l'un quelconque a) du médicament contenu dans un inhalateur, b) de l'inhalateur lui-même ou c) du fabricant ou de la source de l'inhalateur simplement par son apparence (c.-à-d. sa couleur et/ou sa forme). Il affirme que, sans les renseignements présentés sur l'étiquette et parfois sur l'inhalateur, il ne serait pas en mesure d'identifier l'inhalateur. Pour identifier un inhalateur et le médicament qu'il contient, il se référera toujours aux renseignements présentés sur l'étiquette apposée sur l'inhalateur et/ou sa boîte, y compris, par exemple, le nom de marque du médicament en poudre sèche (SPIRIVA®), l'ingrédient actif (bromure de tiotropium monohydraté), le dosage, le numéro d'identification du médicament (DIN) et le nom du fabricant (Boehringer Ingelheim) [affidavit Sharma, aux para 72 et 73].

  • [90] Comme le Dr Sharma est un spécialiste, les inhalateurs ne sont pas nouveaux pour la majorité de ses patients. Dans la plupart des cas, le médecin de premier recours de ses patients leur a déjà prescrit des inhalateurs [affidavit Sharma, au para 56]. Le Dr Sharma explique qu'il demande généralement aux patients d'apporter leurs inhalateurs et autres médicaments avec eux à leurs rendez-vous. Il affirme que, pour déterminer quel médicament est contenu dans un inhalateur, il regardera à la fois l'étiquette de pharmacie et l'étiquette du fabricant [affidavit Sharma, au para 57].

[91]  Cette preuve va à l'encontre de la preuve du Dr Kaplan. Le Dr Kaplan affirme qu'il associerait le médicament SPIRIVA® à la combinaison des couleurs grise et verte ayant la forme du dispositif HandiHaler, même si HandiHaler® n'apparaissait nulle part sur le dispositif ou l'étiquette. Il affirme que, si la mention HandiHaler® était absente sur le dispositif ou l'emballage, il ne le remarquerait pas [affidavit Kaplan, au para 27]. Selon le Dr Kaplan, la couleur et la forme représentent les principaux éléments permettant de distinguer le produit SPIRIVA® des autres produits et, en général, l'apparence est utilisée, de même que des indicateurs comme le nom du médicament, pour identifier les médicaments. Il considère que la couleur et la forme particulières donnent une indication du produit SPIRIVA® de l'Opposante [sic] et il utilise la couleur et la forme pour identifier le produit lorsqu'il prescrit et décrit le produit aux patients [affidavit Kaplan, para 28].

  • [92] En contre-interrogatoire, on a demandé au Dr Kaplan s'il demanderait à voir les inhalateurs de ses nouveaux patients pour connaître ce qu'ils prennent déjà [transcription Kaplan, Q 143]. Il a confirmé qu'il le demanderait. On lui a ensuite demandé s'il regarderait l'étiquette apposée sur l'inhalateur pour connaître le médicament qu'il contient [transcription Kaplan, Q 145]. Sa réponse a été la suivante [Traduction] :

R  Je regarde l'inhalateur un peu dans son ensemble. Ce sera une combinaison de la forme, de la couleur, du genre de dispositif, s'il s'agit d'un inhalateur doseur ou d'un inhalateur de poudre sèche. Étant donné que je connais assez bien tous ces médicaments, surtout les anciens, je ne regarde pas nécessairement l'étiquette directement, sauf peut-être pour regarder les instructions parce que je ne les ai pas prescrits. Et même parfois, lorsque je les prescris, je regarde l'étiquette de pharmacie pour m'assurer que les instructions de la pharmacie sont correctes.

  • [93] On lui a par la suite posé la question suivante et il a répondu comme suit [Traduction] :

147.

Q  Et en tant que médecin prudent, ne voudriez-vous pas voir une inscription quelconque sur cet inhalateur pour connaître ce qu'il contient?

R  Encore une fois, comme il s'agit de médicaments que nous utilisons toujours chaque jour, et c'est ce que je fais -- je les enseigne, je présente les dispositifs, j'enseigne les dispositifs aux médecins, c'est généralement seulement la couleur et la forme qui me sautent aux yeux et je les reconnais ainsi.

  • [94] En contre-interrogatoire, on a demandé au Dr Kaplan quelle était sa pratique lorsqu'un patient n'apporte pas son inhalateur à un rendez-vous et comment il détermine le médicament qu'il prend. Il a indiqué qu'il fait une supposition éclairée en fonction de la couleur. Il essaie ensuite de consulter les dossiers de la pharmacie [transcription Kaplan, Q 155]. Lorsqu'on lui a demandé s'il prescrirait un médicament d'après le souvenir imparfait d'un patient, il a répondu ce qui suit [Traduction] :

156

R  Je ne peux pas dire, je ne l'ai jamais fait d'après le souvenir d'un patient. Si la personne est digne de confiance, je décris la forme de l'inhalateur ainsi que la couleur. Étant donné que ces couleurs sont toutes différentes pour des inhalateurs différents. Donc si la forme et la couleur correspondent et si le tout est logique, je pourrais, dans le contexte d'une situation critique dans laquelle je n'ai pas la possibilité de trouver ce qu'il prend exactement, je pourrais très bien m'appuyer sur la couleur et la forme.

  • [95] Cette preuve est incompatible avec la preuve du Dr Sharma, et je m'interroge à savoir si cette preuve dans son ensemble serait représentative des médecins (spécialistes ou autre) en général, si l'on considère la norme de diligence à laquelle on s'attendrait normalement d'une telle profession. Je souligne qu'elle semble également incompatible avec une partie du témoignage ultérieur que le Dr Kaplan a lui-même présenté à propos de l'inhalateur du SPIRIVA® [transcription Kaplan, Q 279], que je reproduis ci-dessous [Traduction] :

279.

Q  Maintenant, nous avons discuté du fait que vous connaissez assez bien ce dispositif et que vous y voyez inscrits HandiHaler et Boehringer Ingelheim. Si l'on vous fournissait ce dispositif et s'il avait la même couleur et la même forme et si Apotex Inc. y était inscrit, et non HandiHaler, d'où croiriez-vous que le dispositif proviendrait?

R  Apotex.

  • [96] Compte tenu de l'importance que le Dr Kaplan prétend accorder à la couleur/forme, plutôt qu'aux étiquettes et aux inscriptions, lorsqu'il identifie des médicaments, la réponse susmentionnée est quelque peu surprenante. Il est difficile de comprendre comment, à la vue d'un inhalateur portant l'inscription Boehringer Ingelheim, il ne la remarquerait pas et présumerait que Boehringer Ingelheim est la source en fonction de l'apparence de l'inhalateur, alors que, devant un inhalateur ayant la même apparence et portant l'inscription Apotex, il formulerait son hypothèse quant à la source en fonction du nom inscrit sur l'inhalateur.

  • [97] Les liens étroits qu'entretient le Dr Kaplan avec Boehringer Ingelheim m'amènent également à m'interroger sur la mesure dans laquelle ses opinions sont représentatives de celles des autres médecins. En contre-interrogatoire, il a reconnu qu'il a une vaste expérience du SPIRIVA® et du dispositif HandiHaler parce qu'il a participé aux études cliniques du médicament et qu'il a été rémunéré pour sa participation par l'Opposante [sic] [transcription Kaplan, Q 168]. Comme je l'ai déjà souligné, il a également été rémunéré pour des allocutions et a reçu du financement de Boehringer Ingelheim dans le passé [transcription Kaplan, Q 51 à 71]. De plus, il a siégé à des conseils consultatifs de la société et a été rémunéré pour ce faire [transcription Kaplan, Q 72 à 76]. Par conséquent, il connaît assez bien le fabricant du SPIRIVA® [transcription Kaplan, Q 169].

  • [98] En contre-interrogatoire, le Dr Kaplan a également affirmé qu'il travaille auprès de nombreuses sociétés pharmaceutiques différentes, pratiquement chaque société qui offre un produit respiratoire, et que, en raison de ses relations intimes avec ces sociétés, il est en mesure de ne pas confondre les différentes sociétés et ce qu'elles font [transcription Kaplan, Q 171]. Compte tenu du lien qu'entretient le Dr Kaplan avec les sociétés pharmaceutiques, et en particulier l'Opposante [sic] et ses inhalateurs du SPIRIVA®, il semble probable qu'il aurait eu un niveau de sensibilisation aux Marques 1 et 2 différent des médecins en général.

  • [99] En ce qui concerne le Dr Sharma, je souligne que, en contre-interrogatoire, on lui a demandé de décrire la couleur/forme d'un certain nombre d'inhalateurs (p. ex. Flovent, Serevent, Advair, etc.). Pour l'essentiel, il a pu identifier la couleur des inhalateurs et leur fabricant [transcription Sharma, Q 198 à 207]. On lui a ensuite posé la question suivante [Traduction] :

Q  Alors le paragraphe 52, s'il-vous-plaît. Vous dites : « Selon mon expérience, ni les médecins ni les patients ne considèrent que les inhalateurs proviennent d'un fabricant ou d'une source quelconque en particulier. On considère plutôt que les inhalateurs sont des dispositifs fonctionnels pour l'administration d'un médicament dans les poumons. » Je ne suis pas certain de comprendre exactement en quoi le fait qu'ils constituent des dispositifs fonctionnels se rapporte à la question de savoir si un médecin connaîtrait la société qui fabrique un inhalateur en particulier. Lorsque je vous ai posé ces questions tout à l'heure, vous sembliez n'avoir aucune difficulté à déterminer le fabricant d'un inhalateur en particulier…

R  Et bien, parce que dans mon cas, je fais de la recherche et je les connais beaucoup plus. Mais un médecin généraliste ou même bon nombre de mes collègues spécialistes peuvent ignorer les représentants des sociétés ou peuvent ne pas avoir autant de contact avec eux, comme les représentants ou les entreprises de détail. Ils connaîtraient donc seulement quel médicament est disponible pour traiter une maladie de même que la façon dont il fonctionne et les données qui le concernent. Et je suis certain que si l'on veut les voir, les noms sont sur, le nom du fabricant de la société est sur le produit.

  • [100] Je souligne que le Dr Kaplan a également reconnu que certains médecins ne rencontrent pas de représentants pharmaceutiques [transcription Kaplan, Q 182] et, selon le Dr Sharma, seul un petit nombre de médecins donneraient des échantillons. La plupart des hôpitaux n'autorisent absolument pas les échantillons et certaines cliniques ont des politiques visant à ne pas tenir d'échantillons. Dans ce contexte, le Dr Sharma affirme que bon nombre connaîtraient seulement à quelle fin l'inhalateur est utilisé, à quel mécanisme pathologique il correspond, rédigeraient une ordonnance et s'appuieraient sur le pharmacien pour informer le patient. Ils ne connaîtraient pas nécessairement la couleur/forme du SPIRIVA® [transcription Sharma, Q 209 à 218].

  • [101] Par conséquent, il semble que le Dr Kaplan et le Dr Sharma, pour une raison ou une autre, puissent tous deux posséder une meilleure connaissance que certains autres médecins quant à l'apparence des divers inhalateurs qui sont offerts aux patients, y compris l'inhalateur du SPIRIVA®.

  • [102] Quoi qu'il en soit, c'est de leur témoignage dont je suis saisie en l'espèce, et tout bien considéré, j'estime que la preuve ne permet pas d'établir que, pour les médecins, l'apparence des inhalateurs, et en particulier l'inhalateur du SPIRIVA®, donne une indication de la source d'une manière significative.

  • [103] Bien que le Dr Sharma et le Dr Kaplan puissent tous deux très bien connaître l'apparence des divers inhalateurs, y compris l'inhalateur du SPIRIVA®, et leur fabricant, cela ne démontre pas en soi qu'ils reconnaissent que l'apparence donne une indication de la source ou qu'ils l'y associent.

[104]  Le Dr Sharma affirme qu'il n'est pas en mesure d'identifier et qu'il ne tentera pas d'identifier le médicament contenu dans un inhalateur, l'inhalateur lui-même ou le fabricant ou la source de l'inhalateur simplement par son apparence (c.-à-d. sa couleur et/ou sa forme) [affidavit Sharma, au para 72]. Pour identifier un inhalateur, il se référera toujours aux renseignements présentés sur l'étiquette apposée sur l'inhalateur et/ou sa boîte, y compris, par exemple, le nom de marque du médicament en poudre sèche (SPIRIVA®), l'ingrédient actif (bromure de tiotropium monohydraté), le dosage, le numéro d'identification du médicament (DIN) et le nom du fabricant [affidavit Sharma, au para 73].

[105]  Lorsqu'on lui a demandé en contre-interrogatoire s'il associerait un inhalateur à deux tons de violet à un produit en particulier, il a répondu que non; il lui faudrait voir de quoi il s'agit [transcription Sharma, Q 105].

[106]  Lorsqu'il rédige une ordonnance, il écrit le nom de la marque, jamais la couleur ou la forme et, lorsqu'il détermine le médicament à prescrire, la couleur et la forme de l'inhalateur n'entrent pas en ligne de compte dans sa décision, sauf dans la mesure où une forme pourrait être plus facile à utiliser pour un patient qu'une autre (c.-à-d. forme de botte par rapport à forme arrondie). L'apparence et le fabricant d'un médicament ne sont pas des facteurs considérés. Le Dr Sharma tient plutôt compte du diagnostic médical, de l'efficacité, de la sécurité et de la tolérabilité du médicament, et du coût [affidavit Sharma, aux para 62 à 64].

  • [107] Même si les médecins n'utilisent pas l'apparence lorsqu'ils prescrivent des médicaments, cela ne signifie pas nécessairement que l'apparence n'a aucun caractère distinctif pour eux. Comme l'a souligné le juge Evans dans Novopharm, [supra, au para 82], même si les médecins et les pharmaciens sont des professionnels réglementés qui doivent prendre des décisions relatives à la prescription et à la délivrance de médicaments dans le cadre de leurs obligations professionnelles, et qui doivent s'appuyer ainsi sur d'autres indices, si la preuve démontre qu'ils ont aussi reconnu, d'une manière significative, le produit par son apparence (à l'exclusion des inscriptions), cela peut être suffisant pour établir le caractère distinctif de la marque.

  • [108] La preuve du Dr Sharma donne à penser que les médecins ne s'appuient pas sur l'apparence d'une manière significative pour reconnaître ou identifier un produit pharmaceutique ou un inhalateur en particulier.

  • [109] Bien que le Dr Kaplan semble accorder davantage d'importance à l'apparence, pour les raisons exposées ci-dessus, je m'interroge sur la mesure dans laquelle sa preuve serait représentative des médecins en général, compte tenu du degré de soin qu'on s'attendrait raisonnablement qu'un médecin exerce lorsqu'il prescrit ou identifie des médicaments et compte tenu de ses liens étroits avec Boehringer Ingelheim. De plus, comme je l'ai déjà indiqué, sa preuve n'est pas dépourvue d'incompatibilités.

  • [110] Dans l'ensemble, je ne suis pas convaincue que la preuve démontre que les médecins associeraient probablement, d'une manière significative, un inhalateur non identifié présentant la combinaison de couleur grise/verte et de forme de l'inhalateur du SPIRIVA® à une source unique, lorsqu'ils prescrivent des médicaments ou à tout autre moment.

Pharmaciens

  • [111] La preuve provenant des pharmaciens en l'espèce est fournie par M. Lum et M. Zachar.

  • [112] M. Lum est un membre agréé et actif de l'Ordre des pharmaciens de l'Ontario [affidavit Lum, au para 2]. Il exerce la profession de pharmacien depuis 1979. Depuis 1997, M. Lum est propriétaire associé d'une pharmacie Shoppers Drug Mart située à Oakville, en Ontario, et il y travaille comme pharmacien. La pharmacie délivre environ 60 inhalateurs par semaine [affidavit Lum, aux para 3 à 6]. M. Lum affirme que, compte tenu des nombreuses discussions qu'il a eues avec un grand nombre de patients, il connaît les perceptions générales des patients [affidavit Lum, au para 12]. De plus, il affirme que, compte tenu de son expérience au cours des 30 dernières années, il a également une bonne compréhension des opinions et des perceptions générales d'autres pharmaciens [affidavit Lum, au para 13]. M. Lum décrit en détail son expérience professionnelle, ses qualifications et les études qu'il a faites aux paragraphes 1 à 15 de son affidavit. Une copie de son CV est jointe comme pièce A à son affidavit.

  • [113] M. Zachar est un également un pharmacien compétent. Il exerce en tant que pharmacien-détaillant et directeur de pharmacie depuis 2006. Il travaille à l'heure actuelle comme directeur régional de pharmacie (nord et centre de l'Alberta) pour le compte de Rexall. Il supervise les activités de pharmacie dans 21 magasins. Son expérience professionnelle, ses qualifications et les études qu'il a faites sont décrites en détail aux paragraphes 1 à 5 de son affidavit.

[114]  M. Lum et M. Zachar suivent tous deux un processus de délivrance semblable pour les inhalateurs, qui fait intervenir plusieurs étapes de vérification [affidavit Lum, aux para 75 à 81; affidavit Zachar, aux para 17 et 18; transcription Zachar, Q 79 à 96. Le processus débute avec une ordonnance et comporte les étapes suivantes :

·  les renseignements relatifs au patient et à l'ordonnance sont saisis dans un ordinateur;

·  une étiquette de pharmacie est générée, laquelle est vérifiée par rapport à l'ordonnance;

·  le médicament est comparé à l'ordonnance/étiquette de pharmacie; le pharmacien s'assure de l'exactitude du médicament en vérifiant la boîte (ingrédient actif, DIN, dosage);

·  le pharmacien ouvre ensuite la boîte et examine l'inhalateur et les capsules pour vérifier l'inhalateur, y compris les inscriptions, la couleur et la forme, et pour s'assurer que les bonnes capsules se trouvent dans la boîte;

·  l'étiquette de pharmacie est apposée sur la boîte.

  • [115] Par conséquent, lorsqu'un pharmacien ou une pharmacienne vérifie un inhalateur, il ou elle a déjà fait plusieurs vérifications pour identifier le produit [transcription Zachar, Q 96 et 97].

[116]  Selon M. Lum, ni les patients ni les pharmaciens ne tiennent compte de l'apparence (c.-à-d. la couleur, la forme et la taille) des dispositifs d'administration de médicament par inhalateur pour déterminer qu'ils proviennent d'une source quelconque en particulier. Ils les associent plutôt à l'usage thérapeutique de leur médicament. Par exemple, les inhalateurs bleus sont employés comme inhalateurs de secours, tandis que les autres sont employés à titre préventif [affidavit Lum, au para 18].

[117]  M. Lum affirme que, s'il voyait un inhalateur du SPIRIVA® sans étiquette ni inscription, il ne saurait pas quel médicament, le cas échéant, cet inhalateur était destiné à administrer, pas plus qu'il ne connaîtrait le fabricant du dispositif. Il affirme qu'il en serait de même pour les clients/patients [affidavit Lum, au para 20]. M. Lum affirme qu'il n'a jamais vu ou reçu un inhalateur quelconque de la part d'un fabricant qui ne comportait aucune inscription ou étiquette. Si un inhalateur ne présentait aucune étiquette ou inscription, il ne tenterait jamais de l'identifier et/ou d'identifier sa source uniquement en fonction de la forme, de la taille ou de la couleur de l'inhalateur [affidavit Lum, au para 73].

  • [118] M. Lum affirme qu'il identifierait seulement un inhalateur en examinant les étiquettes pour y repérer le nom de marque de l'inhalateur, le nom de l'ingrédient actif, le dosage, le DIN et le nom d'un fabricant quelconque. Il examine également la boîte de l'inhalateur pour y repérer les mêmes renseignements [affidavit Lum, au para 82]. Si les renseignements sont incomplets, par exemple, si un inhalateur ne comporte pas d'étiquette, il ne prendrait jamais le risque de tenter d'identifier l'inhalateur en fonction de la forme, de la couleur et/ou de la taille seulement. Dans le cas du SPIRIVA®, les seuls inhalateurs qu'il délivre sont ceux qui arrivent en pharmacie dans des boîtes scellées qui présentent le nom de marque de l'inhalateur, le nom de l'ingrédient actif, le dosage, le DIN et le nom du fabricant [affidavit Lum, Q 82 à 85].

  • [119] En contre-interrogatoire, M. Lum a affirmé que la couleur, la forme et la taille constituent des vérifications secondaires qu'un pharmacien peut faire lorsqu'il délivre un inhalateur, mais que les premières vérifications sont des vérifications plus objectives, comme le DIN, le nom véritable, en de rares occasions, le code universel des produits (CUP) [transcription Lum, Q 154]. Cependant, en contre-interrogatoire, il a affirmé que, en cas d'incohérence sur le plan de la couleur, il appellerait le fabricant pour lui demander des renseignements, car il voudrait s'assurer de l'exactitude de l'ordonnance [transcription Lum, Q 154 à 162].

  • [120] En revanche, M. Zachar affirme que la couleur et la forme constituent l'une des premières vérifications faites au moment de délivrer le produit Handihaler du SPIRIVA®. Il affirme que, si le SPIRIVA® était prescrit et si le dispositif repéré dans les faits sur les tablettes par le pharmacien n'était pas de couleur grise et verte et/ou de forme ovale, cela signalerait automatiquement, par exemple, que le mauvais médicament pourrait avoir été pris sur les tablettes [affidavit Zachar, au para 18]. Il affirme que l'apparence, l'étiquette, le nom sur l'ordonnance, les renseignements saisis dans l'ordinateur, le DIN, le dosage, etc. doivent tous être compatibles. Si un facteur quelconque donne à penser qu'un produit différent a été prescrit, le processus complet doit être examiné.

  • [121] Selon M. Zachar, parmi les facteurs appliqués pour assurer que le bon médicament est délivré, la couleur et la forme d'un inhalateur constituent la première vérification et la vérification la plus évidente qu'un pharmacien fait pour s'assurer que le bon médicament est donné au patient [affidavit Zachar, au para 19].

  • [122] En contre-interrogatoire, M. Zachar a confirmé que chaque inhalateur du SPIRIVA® qu'il a délivré venait dans une boîte sur laquelle était inscrit SPIRIVA®, de même que le nom chimique « tiotropium bromide » [bromure de tiotropium] et le nom du fabricant [transcription Zachar, Q 70 à 75]. Il a également confirmé que chaque inhalateur du SPIRIVA® portait l'inscription Handihaler®, de même que « Boehringer Ingelheim ».

  • [123] Lorsqu'on lui a demandé si une partie de ses vérifications consiste notamment à s'assurer que l'inhalateur porte toutes les bonnes inscriptions, comme « HandiHaler® » et « Boehringer Ingelheim », il a affirmé qu'il examine surtout la forme distinctive et la couleur [transcription Zachar, Q 99 à 102], mais qu'il [Traduction] « verrait » les autres inscriptions tandis qu'il examinerait la forme et la couleur [transcription Zachar, Q 101 et 102].

  • [124] M. Zachar et M. Lum semblent adopter une opinion différente sur la question de savoir si la couleur/forme d'un inhalateur est quelque chose qu'ils vérifieraient [Traduction] « en premier » ou [Traduction] « en deuxième » lorsqu'ils identifient un inhalateur. Cependant, cela semble être quelque chose dont ils tiendraient tous deux compte au moment de tenter d'identifier un inhalateur pour s'assurer qu'il s'agit du bon médicament.

  • [125] Ceci étant dit, ils vérifient également tous deux très certainement d'autres indicateurs, comme le nom de l'ingrédient actif ou le nom de marque lié au médicament. Ils ont tous deux confirmé qu'ils n'utiliseraient jamais la couleur et la forme comme seul moyen d'identifier le SPIRIVA® [transcription Zachar, aux pages 50 et 51; affidavit Lum, au para 73].

  • [126] Bien que M. Lum et M. Zachar puissent dans une certaine mesure tous deux s'appuyer sur la couleur et la forme pour identifier un inhalateur, la preuve dont je dispose n'indique pas clairement que l'un d'eux le fait d'une manière significative. Il semble plutôt qu'ils s'appuient davantage sur d'autres indices.

  • [127] En contre-interrogatoire, on a demandé à M. Zachar s'il remplirait une ordonnance pour du « tiotropium » si l'inhalateur du SPIRIVA® portait l'inscription « salbutamol », et il a affirmé qu'il serait étrange que le dispositif porte cette inscription et qu'il aurait à revérifier ses stocks [transcription Zachar, Q 102].

  • [128] En contre-interrogatoire, on a également demandé à M. Zachar ce qui suit [Traduction] :

113.

Q  Si vous aviez une boîte et la sortiez de votre armoire et s'il y était inscrit Apo-tiotropium et vous l'ouvriez et si ce n'était pas « HandiHaler », mais « Apotex Inc. » qui était inscrit sur l'inhalateur, d'où croiriez-vous que l'inhalateur proviendrait même s'il avait exactement la même apparence que le dispositif de Boehringer?

R  Le premier indice est que c'est le dispositif HandiHaler du Spiriva de Boehringer.

114

Q  Mais « Apotex » y est inscrit.

R  Si « Apotex » y est inscrit, j'imagine que ce serait Apotex.

  • [129] Cela donne à penser que, même pour les pharmaciens, d'autres indices comme le nom du fabricant l'emporteraient sur l'apparence de l'inhalateur du SPIRIVA® aux fins de l'identification de la source, ce qui donne à son tour à penser que la couleur et la forme donnent une moins bonne indication de la source. Le juge Barnes en est venu à cette même conclusion devant une preuve semblable dans Apotex [supra, au para 26].

  • [130] En contre-interrogatoire, on a également renvoyé M. Zachar au paragraphe 18 de son affidavit. Au paragraphe 18, il affirme que, si un autre inhalateur a été prescrit et si le dispositif repéré pour remplir l'ordonnance était gris, vert et de forme ovale, cela signalerait automatiquement que le mauvais médicament pourrait avoir été pris sur les tablettes. On lui a demandé si ce qu'il voulait dire par là est que, s'il cherchait, par exemple, du salbutamol et s'il prenait l'inhalateur du SPIRIVA®, il saurait qu'il aurait pris le mauvais médicament sur les tablettes. Il a confirmé que c'est là ce qu'il voulait dire [transcription Zachar, Q 122].

  • [131] À l'audience, l'Opposante a soutenu que cela donne à penser que la couleur et la forme donnent davantage une indication du médicament, et non de la source du médicament. Autrement dit, lorsque les pharmaciens voient une couleur/forme différente de celle qu'ils s'attendent à voir, ils craignent d'avoir le mauvais médicament, et non la mauvaise marque. J'en conviens et, là encore, je souligne qu'il ne ressort même pas clairement de la preuve qu'on s'appuie sur la couleur/forme d'une manière significative pour identifier un produit en particulier. La preuve dont je suis saisie semble plutôt indiquer que, pour les pharmaciens, le nom du fabricant ou le nom inscrit sur le médicament pourrait l'emporter au moment de formuler une hypothèse quelconque quant à savoir de quel produit il s'agit.

  • [132] Dans Pfizer [supra, au para 197], le juge Russell a indiqué que [Traduction] « [i]l ne suffit pas de dire que les pharmaciens savent de quoi le Viagra a l’air. Il faut prouver que les pharmaciens lient d’une manière significative l’apparence du produit (sans les inscriptions) à une source unique. Il me semble que, dans l’ensemble, cette preuve confirme [...] que si on lui montrait un comprimé bleu en forme de losange et dénué d’inscriptions, [un pharmacien] ne saurait pas de quoi il s’agit. [...] À mon avis, si l’on ignore ce qu’est un produit, on ne peut pas le rattacher à une source unique ».

  • [133] La même question est soulevée en l'espèce.

[134]  Dans l'ensemble, la preuve dont je dispose n'est pas suffisante pour établir que, sous l'angle de la première impression, les pharmaciens relient ou associent la couleur et la forme de l'inhalateur du SPIRIVA® (sans inscription ni autre indice) au produit ou à la source du produit d'une manière significative.

Patients

  • [135] Rien dans la preuve dont je suis saisie ne provient directement de patients. Je ne peux par conséquent que m'appuyer principalement sur la preuve anecdotique produite par les médecins et les pharmaciens pour évaluer ce que pourraient être les perceptions des patients.

  • [136] Le Dr Sharma affirme qu'aucun de ses patients n'a déjà associé son dispositif d'administration à un fabricant ou à une source en particulier. Selon le Dr Sharma, les patients ne se soucient pas du fabricant ou de la source de leurs médicaments ou même s'ils proviennent d'une source unique [affidavit Sharma, aux para 53 et 66]. M. Lum affirme également qu'il ne se rappelle pas que des patients aient déjà parlé du fabricant de leurs inhalateurs, y compris Boehringer Ingelheim, dans le contexte de la réception d'une ordonnance pour du SPIRIVA® [transcription Lum, Q 128 à 130 et 262].

  • [137] Ce dont les patients se soucient généralement, c'est pendant combien de temps ils doivent prendre un médicament, s'il y a des effets secondaires, si le médicament améliorera leur état, à quelle fréquence ils doivent le prendre, s'il doit être pris avant ou après un autre inhalateur, s'il peut être pris avec d'autres médicaments, etc. [transcription Zachar, Q 156; affidavit Lum, aux para 86 et 92; transcription Lum, Q 78 à 83]. En contre-interrogatoire, M. Zachar a confirmé que la plupart des patients ne se soucient pas du fabricant de leurs inhalateurs, et il se pourrait qu'un pharmacien occupé ne parle même pas du fabricant du produit [transcription Zachar, Q 198 et 199]. M. Lum affirme également que, selon son expérience, la plupart des patients se soucient rarement des sources de fabrication de leurs médicaments ou de leurs inhalateurs ou les connaissent rarement [affidavit Lum, au para 91].

[138]  Selon le Dr Sharma, dans la mesure où les patients connaissent l'apparence de leurs inhalateurs, ils associent l'apparence au calendrier de prise du médicament et à la thérapie (p. ex. l'inhalateur gris une fois par jour et l'inhalateur bleu de secours, ou bleu par opposition à une autre couleur) [affidavit Sharma, au para 77; transcription Sharma, Q 237]. Le Dr Sharma est d'avis que, à tout le moins, les patients utilisent la couleur pour distinguer l'inhalateur qu'ils doivent prendre lorsqu'ils ont des symptômes de celui qu'ils doivent prendre régulièrement [transcription Sharma, Q 237]. Autrement, il affirme qu'on ne leur apprend rien d'autre en ce qui concerne la forme ou la couleur. Le Dr Kaplan et M. Zachar ont également confirmé que c'est ainsi que les patients sont informés et que c'est ainsi qu'ils distinguent parfois leurs inhalateurs [transcription Kaplan, Q 272; transcription Zachar, Q 141]. M. Lum affirme que bon nombre de ses patients en sont également venus à associer l'apparence de leurs inhalateurs à l'effet thérapeutique ou au type d'inhalateur (c.-à-d. contrôle par opposition à secours) [affidavit Lum, aux para 88 et 89].

[139]  En contre-interrogatoire, M. Zachar a indiqué que certains patients ne connaissent même pas le nom des médicaments qu'ils prennent. Par exemple, certains croient que SPIRIVA® est le nom du médicament [transcription Zachar, Q 146 et 147]. Mme Maynard a également confirmé ce fait en contre-interrogatoire [transcription Maynard, Q 113 et 114]. Les patients désigneront parfois leur inhalateur du SPIRIVA® comme leur inhalateur gris et vert [transcription Zachar, Q 148 et 149], ce qui donne à penser que les patients relient l'apparence de leur inhalateur du SPIRIVA® au médicament qu'ils prennent, et non à sa marque ou à sa provenance.

[140]  Pour certains patients, même le nom de marque lié au produit n'indique pas la source. La preuve indique (au moins en ce qui concerne les inhalateurs bleus de secours) que les patients associeront parfois le nom de marque de leur médicament au médicament lui-même, plutôt qu'à la source. Par exemple, les patients parleront de leur Ventolin (salbutamol fabriqué par GSK) alors que, dans les faits, ils prennent du salbutamol fabriqué par Apotex.

[141]  Le Dr Kaplan affirme que les conversations qu'il a tenues avec des patients l'amènent à conclure que la couleur et la forme représentent le premier moyen utilisé par les patients pour différentier divers produits d'inhalateur [affidavit Kaplan, para 29]. Au paragraphe 32 de son affidavit, le Dr Kaplan indique que, lorsqu'ils veulent continuer à prendre le médicament, les patients s'appuient sur les couleurs grise et verte et sur la forme de l'inhalateur du SPIRIVA® pour demander leur médicament. En contre-interrogatoire, il a confirmé que ce qu'il voulait dire par là est que les patients se présentent parfois lorsqu'ils n'ont plus de médicament sans nécessairement connaître le nom du médicament, de sorte qu'ils pourraient dire qu'il s'agit de [Traduction] « l'inhalateur gris et vert, celui que je prends une fois par jour » [transcription Kaplan, Q 193]. Là encore, cela donne à penser que les patients associent l'apparence de leurs inhalateurs au médicament qu'ils prennent ou à son calendrier de prise ou à son effet thérapeutique.

  • [142] Selon le Dr Sharma, les patients ne seraient pas en mesure d'identifier un inhalateur vierge comme provenant d'un fabricant/source quelconque en particulier et ils examineraient les renseignements présentés sur l'étiquette ou communiqueraient avec un médecin ou un pharmacien [affidavit Sharma, au para 25]. En contre-interrogatoire, M. Zachar a confirmé que, si un patient qui prend du SPIRIVA® ramenait le produit à la maison, ouvrait la boîte et voyait qu'il était rouge, il le ramènerait au pharmacien parce qu'il craindrait de ne pas avoir eu le bon médicament [transcription Zachar, Q 176]. La couleur contribue à assurer que les patients obtiennent le bon médicament [transcription Zachar, Q 177]. Mme Maynard a présenté un témoignage semblable sur ce point [transcription Maynard, Q 111 et 112].

[143]  Selon le Dr Sharma, les patients comprennent qu'un changement de couleur ou de forme d'un inhalateur peut signifier qu'un autre médicament leur a été remis, mais ils ne croiront pas qu'un changement de couleur ou de forme signifie un changement de fabricant ou de source [affidavit Sharma, para 76]. La preuve anecdotique de Mme Maynard étaye cette conclusion [affidavit Maynard, para 18] et je souligne que, en contre-interrogatoire, Mme Maynard a également confirmé qu'une autre couleur peut indiquer un mauvais médicament ou une mauvaise dose [transcription Maynard, Q 129 à 131]. M. Lum affirme que si l'apparence (c.-à-d. la couleur, la forme et/ou la taille) du médicament ou de l'inhalateur d'un patient était changée, le patient lui demanderait s'il y a eu une erreur ou lui demanderait de confirmer qu'un nouveau médicament (c.-à-d. un nouvel ingrédient actif) a été prescrit [affidavit Lum, au para 90].

[144]  Dans l'ensemble, la preuve donne à penser que les patients ne se soucient pas de la source de leurs inhalateurs. Ils se soucient surtout de ce à quoi ils servent, de leur fonctionnement, du dosage, des effets secondaires, etc. Dans la mesure où les patients accordent une importance quelconque à l'apparence (c.-à-d. la couleur, la taille ou la forme) de leurs inhalateurs, ils l'associent à leur médicament ou à son effet thérapeutique. La preuve n'établit pas que les patients associent l'apparence de leurs inhalateurs du SPIRIVA® à la source d'une manière significative.

Conclusion

[145]  Le requérant a le fardeau d'établir le caractère distinctif d'une marque dans une procédure d’opposition. Pour obtenir gain de cause en l'espèce, la Requérante devait présenter une preuve suffisante pour établir que, à la date pertinente, selon la prépondérance des probabilités, et sous l'angle de la première impression, de nombreux consommateurs (médecins, pharmaciens et patients) associaient l'inhalateur du SPIRIVA® (sans inscription) à une source de fabrication unique d'une manière significative. Encore une fois, il n'est pas nécessaire d'établir le caractère distinctif au sein de l'ensemble des trois groupes; la reconnaissance par de nombreux consommateurs appartenant à un groupe ou à une combinaison de ces groupes est suffisante [Pfizer, supra, au para 97]. En l'espèce, la preuve ne me convainc pas que la Requérante s'est acquittée de son fardeau de preuve.

[146]  La preuve donne à penser que la Requérante a eu des ventes substantielles et a engagé passablement de dépenses pour la promotion et la publicité. Cependant, des chiffres de vente impressionnants à eux seuls ne permettent pas à un requérant d'une marque de commerce de s'acquitter de son fardeau d'établir le caractère distinctif [Novopharm Ltd c Astra Aktiebolag (2000), 6 CPR (4th) 16, à la p 25 (CF); conf par 2001 CAF 296]. En outre, la publicité n'établit pas en soi le caractère distinctif de l'apparence [Pfizer, supra, au para 167].

[147]  Il n'y a aucune preuve que les dispositifs HandiHaler® ont déjà été vendus au Canada sans inscription. Tous les dispositifs vendus présentent la marque de commerce HandiHaler®, le nom de la Requérante et son adresse. De même, l'emballage des dispositifs HandiHaler® est constitué d'une boîte qui présente la marque de commerce HandiHaler®, le nom Boehringer Ingelheim, le nom de la sous-licenciée de la Requérante, la marque de commerce SPIRIVA®, le nom générique (bromure de tiotropium monohydraté) et les renseignements relatifs au dosage du médicament. HandiHaler® est identifié comme étant une marque de commerce sur l'inhalateur, et HandiHaler® et SPIRIVA® sont tous deux identifiés comme étant des marques de commerce sur la boîte. Cependant, la Marque 1 et la Marque 2 ne sont pas identifiées comme étant des marques de commerce sur l'inhalateur, et ni la Marque 1 ni la Marque 2 ne figurent sur la boîte.

[148]  Il n'y a rien sur le dispositif HandiHaler® lui-même, sur son emballage ou sur le feuillet qui l'accompagne qui indique que l'apparence de l'inhalateur donne une indication de la source. Rien ne donne à penser que l'apparence de l'inhalateur donne une indication d'autre chose que seulement ce que constitue le dispositif ou ce à quoi il ressemble.

[149]  Il en va de même de la publicité et du matériel promotionnel de la Requérante. M. Looper a confirmé qu'il est probable que tout le matériel promotionnel du type illustré dans les pièces jointes à son affidavit présenterait les marques de commerce HandiHaler® et SPIRIVA®, et que la couleur/forme des inhalateurs de la Requérante n'est pas identifiée comme étant une marque de commerce dans les publicités. De plus, je souligne que les pièces donnent principalement des instructions pour l'utilisation du dispositif HandiHaler® avec le médicament SPIRIVA® ou mentionnent les avantages thérapeutiques associés à l'utilisation du dispositif HandiHaler® et du médicament SPIRIVA®; l'accent n'est pas mis sur la source de l'inhalateur du SPIRIVA®.

[150]  Je ne suis pas convaincue que les ventes et la publicité de la Requérante en l'espèce ont donné lieu à un caractère distinctif, étant donné que les produits ont toujours été liés à d'autres marques de commerce et étant donné que le public pertinent ne semble pas avoir été sensibilisé au statut de marque de commerce des marques visées par les demandes. Je souligne que pratiquement aucun élément de preuve n'a été fourni relativement aux services de la Requérante.

[151]  Bien que je reconnaisse que l'apparence (c.-à-d. la combinaison couleur/forme) de l'inhalateur du SPIRIVA® soit unique, il a été établi qu'un dessin qui est simplement unique sur le marché et reconnu ainsi n'est pas suffisant pour constituer le caractère distinctif [Royal Doulton, supra, aux p 370 et 371].

[152]  Dans l'affaire Royal Doulton, supra, à la p 225 (CF 1re inst), la Cour fédérale explique qu'une marque de commerce peut être reconnue comme unique mais pas distinctive [Traduction] :

Il convient de remarquer qu'une marque de commerce distinctive est une marque qui relie, par exemple, des marchandises à un vendeur de manière à distinguer ses marchandises de celles des autres vendeurs. Elle n'est pas distinctive si elle distingue simplement le dessin d'une marchandise du dessin d'une autre marchandise même si un initié peut savoir que ces deux sortes de marchandises sont respectivement vendues par deux différents vendeurs. Une telle conception du caractère distinctif va à l'encontre de l'un des objets essentiels des marques de commerce qui vise à assurer à l'acheteur que les produits viennent d'une source bien précise dans laquelle il a confiance…

[153]  Dans Apotex, supra, au para 16, le juge Barnes a souligné que, s’agissant d’un marché où les décisions d’achat sont habituellement prises par des professionnels, ou sur l’avis de professionnels, le caractère distinctif d’une telle marque dans le commerce sera naturellement plus difficile à établir. S’il en est ainsi, c’est parce que les médecins et les pharmaciens ne sont pas fortement influencés par ces attributs et n’ont aucune raison évidente de les associer à une source commerciale unique ou à une provenance unique. Dans la mesure où le consommateur ultime trouve de l’agrément dans une décision d’achat, il sera largement influencé aussi par les conseils reçus du médecin et du pharmacien (sans oublier l’étiquette) et, sans aucun doute, par l’association du produit à telle ou telle appellation notoirement connue.

[154]  Cela ressort de la preuve dont je suis saisie. Lorsqu'un médecin rédige une ordonnance, il écrit le nom de la marque, jamais la couleur ou la forme et, lorsqu'il détermine le médicament à prescrire, la couleur et la forme d'un inhalateur n'entrent pas en ligne de compte dans sa décision, sauf dans la mesure où une forme pourrait être plus facile à utiliser pour un patient qu'une autre (c.-à-d. forme de botte par rapport à forme arrondie). L'apparence et le fabricant d'un médicament ne sont pas des facteurs considérés. Ce sont le diagnostic médical, l'efficacité, la sécurité et la tolérabilité du médicament, et le coût qui sont pris en considération. De même, les pharmaciens ne se soucient pas de la couleur ni de la forme lorsqu'ils déterminent le produit à délivrer, et les patients se préoccupent principalement de ce qu'est le médicament, de son fonctionnement, des effets secondaires, etc., et sont sans aucun doute fortement influencés par les décisions de leur médecin et de leur pharmacien.

[155]  Je reconnais que l'évaluation du caractère distinctif ne se limite pas aux décisions de prescription, de délivrance et d'achat. Cependant, même une appréciation plus large de la preuve, y compris l'identification en général, ne permet pas de conclure à l'existence d'un caractère distinctif auprès des consommateurs en l'espèce.

[156]  Il est difficile d'évaluer de manière faible ce que les patients ont dit, mentionné ou pensé en ce qui concerne l'inhalateur du SPIRIVA® de la Requérante à la date pertinente, étant donné qu'aucun dossier de patient n'a été produit et qu'aucun d'entre eux n'a été consulté ni mentionné par des témoins. Cependant, d'après la preuve dont je suis saisie, dans la mesure où des patients peuvent accorder une importance quelconque à l'apparence de l'inhalateur du SPIRIVA® de la Requérante, ils semblent l'associer au médicament lui-même et/ou à son usage thérapeutique. La preuve donne à penser que, pour les patients, l'apparence de l'inhalateur du SPIRIVA® ne donne pas une indication d'une source unique. Quant aux médecins, la preuve donne à penser que même ceux qui connaissent bien la couleur/forme de l'inhalateur du SPIRIVA® et son fabricant n'associent pas l'apparence de l'inhalateur à la source d'une manière significative, et on semble s'appuyer plus fortement sur d'autres indices (par exemple, l'ingrédient actif, le nom commercial, le nom du fabricant, le DIN, etc.) aux fins de l'identification sous l'angle de la première impression. Il en va de même pour les pharmaciens.

[157]  Le passage suivant des motifs du juge Russell dans Pfizer [supra, au para 182] est pertinent à la présente espèce [Traduction] :

Comme l’a fait remarquer le juge Barnes dans la décision Apotex, précitée, au paragraphe 13, « il ne suffit pas de montrer que l’apparence d’un produit peut constituer une vérification secondaire de l’identité du produit ou qu’elle peut amener une personne à se demander si le produit attendu a été correctement délivré ». De plus, une supposition fondée à l’égard de la source ne suffit pas pour constituer le caractère distinctif de la marque, pas plus que ne le fait un dessin qui est simplement unique sur le marché et reconnu comme tel : « [l]e fait qu’un médecin ou un pharmacien puisse spontanément tenir pour acquise la provenance d’un [comprimé bleu en losange] à l’occasion d’un dialogue thérapeutique avec un patient ne suffit pas non plus à établir le caractère distinctif [...] ».

[158]  La preuve en l'espèce ne démontre tout simplement pas que de nombreux patients, médecins et/ou pharmaciens associent l'apparence de l'inhalateur du SPIRIVA® (sans inscription) à la source d'une manière significative.

[159]  Dans Apotex [supra, au para 42], le juge Barnes a conclu sa décision en reprenant une décision antérieure du juge Dawson rendue dans Novopharm Ltd c AstraZeneca AB (2004), 2003 CF 212, dans laquelle le caractère distinctif d'une pilule rouge-brun était en cause. Dans le contexte des inhalateurs Advair, le juge Barnes a posé la question suivante [Traduction] : que signifie pour un médecin, un pharmacien ou un patient un inhalateur circulaire dépourvu d’étiquette et comportant deux tons de violet? La réponse [Traduction] : pas suffisamment pour qu’on puisse dire qu’il présente un caractère distinctif. Le juge Russell a posé une question semblable dans Pfizer [supra, au para 210] en ce qui concerne le Viagra, alors qu'il a demandé [Traduction] : que signifie pour un médecin, un pharmacien ou un patient une pilule bleue en forme de losange, dénuée de toute inscription? Le juge Russell en est venu à la même conclusion que le juge Dawson et le juge Barnes. Si l'on pose la même question à propos de l'inhalateur de forme sphérique vert/gris de la Requérante en l'espèce, je ne puis tirer une quelconque conclusion différente d'après la preuve dont je suis saisie. Je ne suis par conséquent pas en mesure de conclure que, selon la prépondérance des probabilités, la Marque 2 était distinctive des produits ou des services qui lui étaient liés à la date pertinente.

[160]  Par conséquent, le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif est accueilli.

Autres motifs d’opposition

[161]  Étant donné que l'Opposante a obtenu gain de cause sur le fondement de l'absence de caractère distinctif et qu'elle doit seulement obtenir gain de cause à l'égard d'un motif pour que son opposition soit accueillie, je n'examinerai aucun des autres motifs d'opposition dans cette décision.

Demande no 1,291,973 (Marque 1)

[162]  L'analyse que j'ai menée en ce qui concerne le caractère distinctif de la Marque 1 n'est pas significativement différente de celle qui s'applique à la Marque 2. Dans ce contexte, le motif d'opposition fondé sur le caractère distinctif à l'égard de la Marque 1 est accueilli pour des raisons semblables à celles énoncées en ce qui concerne la Marque 2. En conséquence, je repousse également la demande no 1,291,973, parce que la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer que la Marque 1 était distinctive à la date pertinente.

Décision

[163]  Compte tenu de ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse les demandes d'enregistrement nos 1,291,973 et 1,291,974 selon les dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

______________________________

Lisa Reynolds

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : 2016-12-14

 

COMPARUTIONS

 

Carol Hitchman  POUR L'OPPOSANTE

 

Coleen Morrison  POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Sprigings Intellectual Property Law  POUR L'OPPOSANTE

 

Marks & Clerk  POUR LA REQUÉRANTE

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