Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 71

Date de la décision : 2017-06-15

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Western Water Farms & Gardens Inc.

Opposante

et

 

378715 B.C. Ltd.

Requérante



1,635,972 pour la marque de commerce NUTRILIFE et Dessin

Demande

Introduction

[1]  Western Water Farms & Gardens Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce NUTRILIFE et Dessin (la Marque), reproduite ci-dessous, qui fait l’objet de la demande produite par 378715 B.C. Ltd. (la Requérante) :

NUTRILIFE and Design

[2]  Une question clé en l’espèce concerne la propriété du dessin de la goutte d’eau pourvue de bras et de jambes et portant des lunettes de soleil (le Dessin d’homme-goutte d’eau) qui fait partie de la Marque. L’Opposante allègue qu’elle a acquis le Dessin d’homme-goutte d’eau en achetant l’entreprise Western Water Farms Inc. en 2005, tandis que la Requérante allègue qu’elle a toujours détenu et qu’elle continue de détenir le Dessin d’homme-goutte d’eau. Il est nécessaire de déterminer la propriété de cet élément de la Marque pour évaluer les motifs d’opposition fondés sur la conformité, le droit à l’enregistrement et le caractère distinctif invoqués par l’Opposante, au titre des articles 30, 16 et 2, respectivement, de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi).

[3]   Pour les raisons exposées ci-après, je rejette l’opposition.

Le dossier

[4]  Le 19 juillet 2013, la Requérante a produit la demande portant le no 1,635,972.

[5]  La demande est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins aussi tôt que le 1er juin 1995 en liaison avec les produits et les services suivants [Traduction] :

(1) Terreau et amendements hydroponiques, laine de roche hydroponique, tuyaux hydroponiques et contenants pour plantes hydroponiques, appareils de surveillance et régulateurs du CO2, hormones pour le jardinage, pH-mètres et conductivimètres pour le jardinage, milieu de culture en mousse de polyuréthane pour la plantation, le billonnage et la culture hydroponiques et intérieurs de plantes, bacs de culture pour plantes et légumes, suppléments d’hormones de croissance vitaminiques pour plantes, complexe d’enracinement pour plantes et légumes, amendement biologique de champignons naturels pour plantes et légumes, milieu de culture en fibres de coco pour la plantation hydroponique et intérieure, suppléments d’hormones de croissance vitaminiques pour plantes et légumes et engrais pour plantes et légumes.

(2) Bacs de culture hydroponique pour jardins hydroponiques, réservoirs d’éléments nutritifs; milieux de plantation hydroponiques; engrais et activateurs de croissance pour plantes, imprimés dans le domaine du jardinage hydroponique.

(3) Éléments nutritifs pour plantes et produits d’adoucissement de l’eau; systèmes d’irrigation hydroponiques, nommément robinets, pompes, tuyaux, tubes, commandes, pots et réservoirs; éléments nutritifs, engrais et milieux de culture chimiques pour systèmes hydroponiques; système de culture de plantes hydroponiques, à savoir contenant de solution nutritive, chambre de croissance, pots, tuyau, anneau de distribution, pompe à eau, accessoires, milieux de culture et régulateur, vendus comme un tout.

(4) Substance fertilisante, produits de soins des plantes faits entièrement ou en grande partie de matières organiques, nommément substances de régulation et de fortification de la croissance des plantes pour les jardins hydroponiques et la culture intérieure en contenants, nommément substance fertilisante et engrais, produits nutritifs pour plantes, nommément éléments nutritifs et suppléments, à savoir substance fertilisante, ainsi que substance fertilisante pour l’industrie horticole; milieux de culture pour les jardins hydroponiques et la culture intérieure en contenants, nommément terre de rempotage; éléments nutritifs pour plantes et suppléments pour plantes faits entièrement ou en grande partie de matières organiques, nommément substance fertilisante pour les jardins hydroponiques et la culture en contenants.

(5) Tee-shirts; chapeaux, nommément casquettes à larges bords; verrerie, nommément grandes tasses; instruments d’écriture, nommément stylos. (les Produits)

 

  • (1) Distribution en gros et au détail de produits de jardinage et d’équipement de jardinage; consultation sur l’installation et l’exploitation d’une serre; analyse d’eau; analyse de tissus végétaux. (les Services)

 

[6]  La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 16 juillet 2014.

[7]  Le 5 août 2014, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition invoqués sont fondés sur les articles 30b), e) et i), sur l’article 16(1)a) (droit à l’enregistrement) et sur l’article 2 (caractère distinctif) de la Loi.

[8]  La Requérante a produit une contre-déclaration le 4 décembre 2014.

[9]  Comme preuve, l’Opposante a produit l’affidavit de Karen A. Probert, souscrit le 2 avril 2015. Mme Probert a été contre-interrogée et la transcription du contre-interrogatoire et les pièces connexes ont été versées au dossier.

[10]  Comme preuve, la Requérante a produit l’affidavit de Kelland John Zastowny (appelé couramment Kelly Zastowny), souscrit le 22 février 2016. M. Zastowny n’a pas été contre-interrogé.

[11]  Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit; aucune audience n’a été tenue.

Fardeau de preuve

[12]  C’est à la requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande est conforme aux dispositions de la Loi. L’opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition. Une fois que l’opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, il incombe à la requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le motif d’opposition en question ne devrait pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd et al c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC), John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst) et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company [2005] ACF no 899, (CF)]

Dates pertinentes

[13]  Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition invoqués sont les suivantes :

  • § articles 38(2)a)/30 – la date de production de la demande (19 juillet 2013) [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p 475];

  • § articles 38(2)c)/16(1) – la date de premier emploi revendiquée dans la demande (1er juin 1995); et

  • § articles 38(2)d)/2 – la date de production de la déclaration d’opposition (5 août 2014) [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185].

Remarques préliminaires

[14]  Aux fins de ma décision, j’ai tenu compte de l’ensemble de la preuve au dossier. Cependant, je n’aborde dans le corps de ma décision que les parties de la preuve qui sont en rapport direct avec mes conclusions.

Motif d’opposition rejeté sommairement parce qu’il n’a pas été invoqué correctement – article 30e)

[15]  L’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable eu égard aux articles 38(2)a) et 30e) de la Loi, parce que la Requérante n’a jamais eu l’intention d’employer la Marque, elle-même ou par l’entremise d’un licencié, au Canada en liaison avec chacun des Produits et des Services.

[16]  La demande en cause n’est pas fondée sur l’emploi projeté, mais plutôt sur l’emploi au Canada depuis au moins aussi tôt que le 1er juin 1995. Le fait d’alléguer qu’une demande n’est pas conforme à l’article 30e), alors que la demande est fondée sur l’emploi au Canada plutôt que sur l’emploi projeté, ne constitue pas un motif d’opposition valable [Novopharm Ltd c Astra Aktiebolag (2002), 6 CPR (4th) 101 (COMC)].

[17]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30e) est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)

[18]  L’article 30i) de la Loi exige simplement que le requérant déclare avoir droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les produits et les services décrits dans la demande. Une telle déclaration est comprise dans la présente demande. Un opposant peut invoquer l’article 30i) dans des cas précis, comme lorsqu’il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)].

[19]  L’Opposante allègue que, en contravention des articles 38(2)a) et 30i), la Requérante ne pouvait pas à bon droit être convaincue d’avoir droit d’employer la Marque au Canada. Le motif d’opposition invoqué est formulé comme suit [Traduction] :

La Marque n’est pas enregistrable eu égard aux Articles 38(2)a) et 30i) de la Loi sur les marques de commerce, parce que la Requérante ne pouvait pas à bon droit être convaincue d’avoir droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises et les services décrits dans la demande. Plus particulièrement, et sans restreindre la portée de ce qui précède, une société apparentée à la Requérante, Western Water Farms Inc. (WWF), et l’actionnaire principal de WWF, Kelly Zastowny, ont conclu une entente avec l’Opposante en date du 18 novembre 2004, en vertu de laquelle [WWF] a vendu tous les biens et les actifs de son entreprise à l’Opposante, y compris le [Dessin d’homme-goutte d’eau], que l’Opposante a employé en liaison avec les services suivants, à savoir la vente de systèmes et de fournitures de jardin hydroponique, de contenants pour pépinières, de tables pour la culture hydroponique, d’engrais pour plantes, de gants en latex, de toiles de bassin, de carpes koïs et de poissons rouges, d’aliments pour carpes koïs et poissons rouges, de dispositifs d’éclairage pour étangs et jardins, de produits de décoration pour jardins, de plantes pour étangs, de fontaines pour jardins et étangs et de carillons de jardin, depuis au moins aussi tôt que 2005, et celle-ci n’a pas abandonné le Dessin d’homme-goutte d’eau.

[20]  Dans ses observations écrites, l’Opposante allègue que la Requérante a fait preuve de mauvaise foi en produisant la demande alors qu’elle savait ou aurait dû savoir que le Dessin d’homme-goutte d’eau avait été vendu à l’Opposante, étant donné que M. Zastowny était le directeur à la fois de WWF et de la Requérante. Cette question est examinée ci-dessous.

[21]  L’Opposante allègue également que la Requérante a fait preuve de mauvaise foi, car elle n’a fourni aucune preuve d’emploi de la Marque à la date de premier emploi revendiquée (1er juin 1995) et n’a pas établi l’emploi en liaison avec bon nombre des produits et des services à un moment quelconque. Je ne tiendrai pas compte de cette question, car rien n’exige qu’un opposant fournisse cette preuve pour se conformer à l’article 30i). Une telle question est plus adéquatement soulevée au titre de l’article 30b) de la Loi.

[22]  Je souligne que l’Opposante utilise l’expression [Traduction] « mauvaise foi » dans son plaidoyer écrit alors que cette expression ne figure pas dans le motif d’opposition invoqué. Cependant, à la lumière des faits allégués dans le motif d’opposition reproduit ci-dessus, et de la preuve de l’Opposante décrite ci-dessous, on peut inférer que l’Opposante tentait d’établir la mauvaise foi de la Requérante.

[23]  Un résumé des parties de l’affidavit de Mme Probert qui se rapportent à l’allégation de l’Opposante concernant la propriété du Dessin d’homme-goutte d’eau est présenté ci-dessous.

[24]  Mme Probert est la présidente de l’Opposante et elle participe à tous les aspects de l’entreprise de l’Opposante depuis sa constitution en société. Elle est devenue une employée de WWF en janvier 2000 et sa directrice générale en 2001, mais elle a démissionné en mai 2004 en raison de désaccords avec le propriétaire de WWF, M. Zastowny.

[25]  Après avoir appris que M. Zastowny était à la recherche d’un acheteur pour WWF, elle et deux employés de WWF ont décidé d’acheter les actifs de WWF et ont entamé des négociations à cette fin en 2005.

[26]  Une convention d’achat d’actifs a été conclue entre WWF, l’Opposante et M. Zastowny en date du 18 novembre 2005 (la Convention); une copie est jointe comme pièce A. La Convention désigne WWF comme étant le [Traduction] « Vendeur », l’Opposante comme étant [Traduction] « l’Acheteur » et M. Zastowny comme étant un [Traduction] « Actionnaire ».

[27]  Les paragraphes 1.1 et 1.2 de la Convention sont libellés comme suit [Traduction] :

  1. Description des Actifs. Selon les modalités et sous réserve des conditions de la présente Convention, le Vendeur convient de vendre, de céder et de transférer à l’Acheteur, et l’Acheteur convient d’acheter du Vendeur, en tant qu’entreprise en activité au moment de la signature, l’entreprise et tous les biens et les actifs de l’Entreprise du Vendeur de toute nature et dénomination et où qu’ils soient situés (sous réserve des dispositions du paragraphe 1.2), y compris, sans restreindre la portée de ce qui précède :

(a) les améliorations, les dépendances et les accessoires fixes de la propriété à bail (« Propriété à bail ») décrits à l’Annexe « A »;

(b) la machinerie et l’équipement (« Équipement ») décrits à l’Annexe « B »;

(c) tous les stocks énoncés à l’Annexe des Stocks (« Stocks »);

(d ) tous les droits et les intérêts du Vendeur à l’égard de toutes les licences, tous les permis ou autre autorisation d’exploitation se rapportant à l’Entreprise délivrés par un gouvernement ou autre autorité (« Licences »), et qui sont transférables;

(e) les dépenses payées d’avance (« Dépenses payées d’avance »);

(f) l’achalandage de l’Entreprise du Vendeur et le droit de l’Acheteur de se présenter comme exploitant l’Entreprise du Vendeur à titre de remplaçant du Vendeur et le droit d’employer le nom « Western Water Farms Inc. » ou une variante quelconque de ce nom dans le cadre de l’exploitation de l’Entreprise du Vendeur ou en lien avec celle-ci (« Achalandage »);

(collectivement les « Actifs »).

1.2 Exclusions. Nonobstant ce qui précède, les Actifs excluent tous les fonds en caisse et les dépôts en espèces.

[28]  Je souligne que la Convention ne comporte aucune annexe ou liste des actifs de propriété intellectuelle et ne mentionne pas le Dessin d’homme-goutte d’eau. Seul le droit d’employer le nom « Western Water Farms Inc. » est mentionné au paragraphe 1.1(f).

[29]  Mme Probert affirme que, dans le cadre des négociations pour l’achat des actifs commerciaux de WWF, l’Opposante a repris le bail de l’immeuble dans lequel WWF avait exploité son entreprise et où elle continue à exercer des activités aujourd’hui. L’Opposante a aussi pris possession de tous les actifs de WWF qui, allègue-t-elle, comprennent, sans toutefois s’y limiter, [Traduction] « l’ensemble des enseignes, accessoires fixes, stocks et marques de commerce ». Elle affirme qu’un de ces actifs était le Dessin d’homme-goutte d’eau.

[30]  Mme Probert affirme que, du fait de sa participation aux activités de WWF, en qualité de directrice générale, et lors des discussions et des négociations avec M. Zastowny et WWF, elle a été amenée à croire que les marques de commerce employées par WWF appartenaient à WWF avant l’achat par l’Opposante.

[31]  Mme Probert affirme que, suivant l’achat des actifs de WWF par l’Opposante, il y a eu des différends liés aux droits de propriété intellectuelle, et elle joint des copies de lettres (pièces C-1 et C-2) de l’avocat de l’Opposante à l’attention de l’avocat de WWF à propos de la propriété des divers noms de domaine « western water farm » et de l’accès à ceux-ci. Elle affirme que, d’après les négociations liées au transfert des sites Web à l’Opposante, elle croyait avoir raison de penser que la Convention transférait la propriété de tous les droits de propriété intellectuelle de WWF à l’Opposante. Je souligne que les lettres jointes ne mentionnent pas le Dessin d’homme-goutte d’eau.

[32]  Mme Probert allègue que le Dessin d’homme-goutte d’eau était une marque de commerce de WWF avant la cession des actifs de WWF à l’Opposante. Pour étayer cette déclaration, elle joint deux exemples de l’emploi allégué du Dessin d’homme-goutte d’eau avant la vente des actifs de WWF à l’Opposante :

  • § La pièce D-1 est une copie de la couverture arrière et de la première page du catalogue de vente en gros de 2001 de WWF dans lequel le Dessin d’homme-goutte d’eau est soi-disant employé comme marque de commerce de WWF;

  • § La pièce D-2 est une photographie d’une enseigne présentant le Dessin d’homme-goutte d’eau qui figure au-dessus de la porte du lieu d’affaires de l’Opposante. Elle affirme que l’enseigne était située au même endroit que lorsqu’elle a été initialement employée par WWF en 2000.

[33]  Mme Probert affirme que, depuis le jour où l’Opposante a ouvert ses portes, l’Opposante présente le Dessin d’homme-goutte d’eau comme étant une de ses marques de commerce. Elle affirme que personne n’a jamais dit à l’Opposante, ni même M. Zastowny, que le Dessin d’homme-goutte d’eau n’a pas été vendu à l’Opposante dans le cadre de la vente des actifs de WWF.

[34]  Mme Probert affirme que l’Opposante a produit une demande d’enregistrement relative à la marque Dessin d’homme-goutte d’eau reproduite ci-dessous sous le no 1,641,542, le 29 août 2013 (pièce E) :

Drip Man Design

[35]  Mme Probert affirme que l’Opposante a présenté le Dessin d’homme-goutte d’eau de différentes manières, dont les suivantes :

  • § Pièce F-1 : sur une enseigne au-dessus de la porte du magasin de l’Opposante. Mme Probert affirme que cette enseigne est située au même endroit depuis une date antérieure à l’achat de l’entreprise par l’Opposante. Je souligne que cette pièce est identique à la pièce D-2 (le contre-interrogatoire le confirme, comme je l’explique ci-dessous);

  • § Pièce F-2 : sur une insertion de vitrail fixée au côté du bureau de Mme Probert. Elle affirme qu’elle a acheté ce vitrail auprès d’une amie en 2002 et qu’il est [Traduction] « présenté bien en vue pour que les clients le voient depuis 2002 ». Je souligne que, en contre-interrogatoire, Mme Probert a indiqué qu’elle a reçu l’insertion de vitrail comme cadeau d’une amie (transcription Probert, Q120 et 121).

[36]  Mme Probert produit comme pièces G-1 à G-9 des factures censées établir l’emploi du Dessin d’homme-goutte d’eau par l’Opposante en liaison avec les services énoncés dans la demande en instance no 1,641,542 de l’Opposante (voir la pièce E). La plupart de ces factures semblent avoir été émises par des tiers à l’intention de l’Opposante. Je souligne que le Dessin d’homme-goutte d’eau ne figure sur aucune d’entre elles.

[37]  En contre-interrogatoire, Mme Probert a fait un certain nombre d’aveux qui minent son allégation selon laquelle elle avait été amenée à croire que WWF était la propriétaire du Dessin d’homme-goutte d’eau avant qu’elle achète les actifs de WWF et que celui-ci faisait donc partie des actifs acquis par l’Opposante. Au contraire, ses aveux indiquent qu’elle comprenait et qu’elle était parfaitement au courant que WWF était exploitée de façon indépendante de la Requérante, et que c’était la Requérante qui détenait le Dessin d’homme-goutte d’eau et qui l’employait. Ces aveux sont corroborés par la preuve de la Requérante.

[38]  Les faits et les aveux pertinents qui ont fait surface lors du contre-interrogatoire de Mme Probert comprennent les suivants :

  • § La Requérante faisait affaire sous le nom de Nutrilife lorsque Mme Probert était à l’emploi de WWF (Q60);

  • § Lorsque Mme Probert était à l’emploi de WWF, elle savait que la Requérante et WWF appartenaient toutes deux à Kelly et à Sharon Zastowny, mais qu’elles étaient exploitées à partir de locaux différents (Q61 et 62);

  • § Les produits Nutrilife de la Requérante étaient vendus au magasin de détail de WWF lorsque Mme Probert était à l’emploi de WWF (Q64);

  • § Mme Probert savait, avant que l’Opposante n’achète les actifs de WWF, que la Requérante vendait ses produits Nutrilife à d’autres marchands et détaillants (Q66);

  • § Lorsque Mme Probert était à l’emploi de WWF, elle savait que WWF vendait des produits fabriqués par la Requérante et qu’elle vendait également des produits fabriqués par d’autres fabricants (Q67);

  • § Après que l’Opposante eût acheté les actifs de WWF, l’Opposante a acheté et vendu des produits fabriqués par la Requérante (Q68). Les étiquettes de ces produits arboraient le nom Nutrilife (Q69) et la marque Dessin d’homme-goutte d’eau (Q70);

  • § La Requérante n’est pas partie à la Convention (Q98), et l’Opposante a uniquement acheté les actifs de WWF dans le cadre de la Convention (Q99);

  • § Les pièces D-2 et F-1 sont des photographies de la même enseigne placée au-dessus de la porte arrière du magasin de détail (Q110). L’enseigne n’est pas visible de la rue (Q111). L’enseigne était placée au-dessus de la porte arrière du magasin de détail de WWF lorsque Mme Probert a commencé à y travailler pendant l’année 2000 (Q112);

  • § Mme Probert ne connaît pas les arrangements que la Requérante et WWF avaient pris concernant l’emploi par WWF de la marque Dessin d’homme-goutte d’eau (Q117);

  • § La pièce F-2 jointe à l’affidavit de Mme Probert mentionne une insertion de vitrail. Elle l’a reçue en cadeau d’une amie (Q120 et 121) et elle a d’abord été exposée dans le magasin de WWF en 2002 (Q125);

  • § La pièce D-1 jointe à l’affidavit de Mme Probert est décrite comme étant une copie de la couverture arrière et de la première page du catalogue de vente en gros de 2001 de WWF (Q135). Celui-ci a été créé par WWF avant l’achat par l’Opposante des actifs de WWF (Q136). Elle ne peut pas dire quels arrangements la Requérante et WWF avaient pris concernant l’emploi par WWF du Dessin d’homme-goutte d’eau dans ce catalogue (Q143);

  • § En 2001, WWF avait son propre logo comprenant le nom Western Water Farms et une feuille laissant tomber une goutte d’eau (Q144). Ce logo ne comprenait pas et ne comprend pas le Dessin d’homme-goutte d’eau (Q146);

  • § WWF employait ce logo Western Water Farms lorsque Mme Probert était à l’emploi de WWF, et l’Opposante continue d’employer ce logo (Q147 et 148; voir également les Q164 et 165);

  • § Mme Probert comprenait que l’Opposante n’achetait pas les marques de commerce appartenant à la Requérante (Q157);

  • § Mme Probert savait que la Requérante vendait ses produits Nutrilife à d’autres marchands au Canada (Q168; voir également les Q179 à 186);

  • § En 2002, la Requérante, Grower’s Choice Wholesale Inc. et WWF étaient toutes détenues ou contrôlées par Kelly et Sharon Zastowny (Q188). La Requérante était une fabricante, Grower’s Choice était une grossiste et WWF était une détaillante (Q188 à 191);

  • § Mme Probert savait lorsqu’elle était à l’emploi de WWF que la Requérante facturait WWF pour des produits achetés par WWF et que le Dessin d’homme-goutte d’eau figurait sur les factures (Q216 à 222);

  • § Mme Probert a reconnu que WWF et la Requérante étaient des entreprises distinctes (Q230) et comprenait que les deux entités avaient leurs propres actifs et passifs (231);

  • § Avant la signature de la Convention , Mme Probert savait que la Requérante employait le Dessin d’homme-goutte d’eau (Q263);

  • § Les pièces 16, 18, 20 et 23 annexées à son contre-interrogatoire sont des factures arborant le Dessin d’homme-goutte d’eau que la Requérante a adressées à l’Opposante en date du 25 novembre 2005, du 14 décembre 2005, du 4 janvier 2006 et du 19 janvier 2007, respectivement. Mme Probert confirme qu’elle aurait vu ces factures, qui étaient toutes postérieures à la Convention, et qu’elle n’a soulevé aucune objection à l’égard de l’emploi par la Requérante du Dessin d’homme-goutte d’eau à ces dates pertinentes (Q280 à Q294; Q301 à 310; Q315 à 321; Q341 et 342);

  • § Mme Probert convient que l’Opposante a acheté des produits auprès de la Requérante d’environ avril 2005 à au moins janvier 2007 (Q343) et que « Nutrilife » et le Dessin d’homme-goutte d’eau figuraient sur chaque étiquette des produits de la Requérante qui ont été achetés par l’Opposante (Q344);

  • § En mai 2007, l’Opposante avait cessé d’acheter des produits auprès de la Requérante (Q353);

  • § La pièce 24 annexée à son contre-interrogatoire est une lettre datée du 23 mai 2007 dans laquelle l’Opposante (par l’entremise de son avocat) s’est plainte que la Requérante conseillait aux grossistes ne de pas vendre les produits de la Requérante à l’Opposante (Q354). Mme Probert reconnaît que les étiquettes de ces produits que l’Opposante était en mesure d’acheter auprès de ces autres grossistes arboraient tous le nom « Nutrilife » et le Dessin d’homme-goutte d’eau (Q357). Elle reconnaît que la plainte de l’Opposante ne comportait aucune objection à l’égard de l’emploi continu par la Requérante du Dessin d’homme-goutte d’eau;

  • § La pièce 25 annexée à son contre-interrogatoire est une copie d’une carte de vœux de Mme Probert datée du 11 juin 2013 et adressée à M. Zastowny, dans laquelle elle s’oppose pour la première fois à l’emploi par la Requérante du Dessin d’homme-goutte d’eau (Q371 et Q380).

[39]  Ces faits et ces aveux démontrent que l’Opposante savait que la Requérante était une entité distincte et la fabricante des produits offerts sous les marques Nutrilife et Dessin d’homme-goutte d’eau avant d’acheter l’entreprise de WWF. Ils démontrent également que l’Opposante a reconnu que la Requérante a vendu les produits arborant les marques Nutrilife et Dessin d’homme-goutte d’eau à l’Opposante tant avant et qu’après la vente des actifs de WWF à l’Opposante. De plus, ils établissent que l’Opposante s’est opposée à l’emploi par la Requérante du Dessin d’homme-goutte d’eau environ huit ans après la vente de l’entreprise de WWF à l’Opposante et six ans après que la Requérante eût décidé de ne plus vendre de produits à l’Opposante.

[40]  En ce qui concerne la preuve de la Requérante, je souligne la présence des allégations suivantes dans l’affidavit de M. Zastowny :

  • § De 1990 à la vente des actifs de WWF à l’Opposante, lui et Sharon Zastowny exploitaient trois sociétés indépendantes, à savoir la Requérante, WWF et Grower’s Choice. Chacune d’entre elles avait des responsabilités distinctes, mais toutes étaient contrôlées par lui-même et Sharon Zastowny;

  • § La Requérante s’occupait de la production de produits hydroponiques, et la vente au détail de ces produits incombait à WWF, tandis que les responsabilités de vente en gros étaient confiées à Grower’s Choice. En plus des produits de la Requérante, WWF et Grower’s Choice tenaient aussi des produits d’autres fabricants. Il inclut comme pièce G des copies de documents de WWF désignant la Requérante en tant que fournisseur de WWF. La pièce H inclut des copies de documents de la Requérante désignant WWF en tant que client et montrant le Dessin d’homme-goutte d’eau employé sur des factures émises par la Requérante à l’intention de WWF en 2003, 2004 et 2005;

  • § Chaque entité – la Requérante, WWF et Grower’s Choice – avait sa propre personnalité juridique et des comptes bancaires indépendants (paragraphe 14);

  • § La Convention concernant la vente de 2005 à l’Opposante visait les actifs de WWF seulement. Il affirme qu’il n’a jamais eu l’intention de vendre la Requérante ou l’un quelconque de ses actifs, y compris sa propriété intellectuelle. Il affirme également que la Marque n’a jamais été vendue à l’Opposante et que WWF n’a jamais [Traduction] « acquis de droits sur la Marque qu’elle pouvait céder à l’Opposante dans le cadre de la Convention » (paragraphe 43);

  • § La Requérante a employé la Marque de façon continue dans le cours de ses affaires, tant avant qu’après la vente des actifs de WWF. Il souligne que les produits de la sélection offerte par la Requérante arboraient la Marque sur leur étiquette avant ou arrière, tant avant qu’après la vente des actifs de WWF en 2005 (voir les pièces B, L, M, Q, R, T et U). Ces produits ont été vendus par la Requérante à l’Opposante jusqu’au début de 2007, date à laquelle la Requérante a refusé de faire d’autres ventes à l’Opposante en raison de comptes impayés;

  • § En plus d’être présenté sur les produits de la Requérante vendus à l’Opposante, le Dessin d’homme-goutte d’eau était également présenté sur ses factures. La pièce FF inclut des copies de 20 spécimens de factures arborant le Dessin d’homme-goutte d’eau émises par la Requérante à l’intention de l’Opposante en 2006 et 2007. Il affirme que l’Opposante n’a exprimé aucune préoccupation quant à l’emploi par la Requérante du Dessin d’homme-goutte d’eau sur des produits ou sur les factures, pas même dans une lettre datée du 23 mai 2007 envoyée par l’avocat de l’Opposante à M. Zastowny et à son avocat (pièce GG), jusqu’à la réception d’une carte de vœux de Mme Probert datée du 11 juin 2013 (pièce HH);

  • § Le Dessin d’homme-goutte d’eau figurait aussi sur des factures émises par la Requérante à l’intention d’autres parties jusqu’en 2013. La pièce Y jointe à l’affidavit de M. Zastowny inclut des copies de 40 spécimens de factures émises par la Requérante à l’intention de divers clients au cours des années 2003, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2012. M. Zastowny affirme que, sauf pour les factures de 2003, le Dessin d’homme-goutte d’eau a été employé sur chacune de ces factures;

  • § Les ventes annuelles de produits de la Requérante de 1995 à 2015 varient de centaines de milliers à des millions de dollars. Il indique que le volume de production pour l’année 2015 est d’environ un million de litres, ou 100 000 bouteilles, produits dans deux installations de fabrication appartenant à la Requérante. On ne peut accorder beaucoup de poids à cette déclaration, car elle n’indique pas la proportion des ventes qui ont été réalisées en liaison avec la Marque.

[41]  Compte tenu de ce qui précède, j’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial d’établir la mauvaise foi de la Requérante. Rien au dossier ne m’amène à conclure que, à la date de production de la demande, la Requérante a déclaré de mauvaise foi qu’elle était convaincue d’avoir droit d’employer la Marque. Au contraire, le dossier révèle que le Dessin d’homme-goutte d’eau n’a jamais été vendu à l’Opposante ou acquis par l’Opposante.

[42]  Si j’ai tort de conclure que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial, j’estime que la Requérante s’est néanmoins acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était convaincue d’avoir droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits et les Services à la date de production de la demande.

[43]  En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30b)

[44]  L’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable eu égard à l’article 30b), parce que la Marque n’a pas été employée par la Requérante en liaison avec les Produits et les Services depuis le 1er juin 1995, soit la date de premier emploi revendiquée.

[45]  Dans la mesure où les faits pertinents se rapportant à un motif d’opposition fondé sur l’article 30b) de la Loi sont plus facilement accessibles au requérant, le fardeau de preuve qui incombe à l’opposant relativement à un tel motif d’opposition est moins exigeant [voir Tune Master c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. En outre, l’opposant peut s’acquitter de ce fardeau de preuve en s’appuyant aussi bien sur sa propre preuve que sur la preuve du requérant [voir Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) (CF 1re inst) 216]. Cependant, l’opposant ne peut s’appuyer avec succès sur la preuve du requérant pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial que s’il démontre que la preuve du requérant met en doute les revendications formulées dans la demande du requérant [voir Corporativo De Marcas GJB, SA DE CV c Bacardi & Company Ltd 2014 CF 323, aux para 30 à 38 (CanLII)].

[46]  Dans ses observations écrites, l’Opposante fait valoir que, selon sa preuve et des parties de la preuve de la Requérante, elle s’est acquittée de son fardeau de preuve initial, car a) l’emploi de la Marque et du Dessin d’homme-goutte d’eau avant 2005 a été fait par WWF, et non par la Requérante; b) ni WWF ni la Requérante n’a employé la Marque en liaison avec l’un quelconque des Produits et des Services énumérés dans la demande le 1er juin 1995 ou avant; et c) depuis le 1er juin 1995, ni WWF ni la Requérante n’a employé la Marque en liaison avec tous les Produits et Services.

[47]  En ce qui concerne la première allégation de l’Opposante, à savoir que l’emploi du Dessin d’homme-goutte d’eau et de la Marque avant 2005 a été fait par WWF, le dossier révèle que l’emploi de la Marque et du Dessin d’homme-goutte d’eau avant et après 2005 a été fait par la Requérante. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, les aveux de Mme Probert en contre-interrogatoire démontrent que l’Opposante comprenait clairement l’arrangement opérationnel à trois volets entre la Requérante, WWF et Grower’s Choice, selon lequel WWF était une des détaillantes offrant en vente et vendant les produits de la Requérante arborant la Marque.

[48]  En outre, la preuve non contredite de la Requérante indique que la présentation du Dessin d’homme-goutte d’eau à l’intérieur et à l’extérieur des locaux de WWF (notamment sur l’enseigne, l’insertion de vitrail et le catalogue mentionnés dans les pièces D et F jointes à l’affidavit Probert) était fondée sur une licence verbale accordée à WWF par la Requérante et servait à indiquer que les produits de la Requérante étaient offerts en vente chez WWF, dans le but de stimuler les ventes de WWF et de la Requérante (paragraphe 44 de l’affidavit Zastowny). M. Zastowny ajoute que la Requérante a également accordé une licence verbale à Grower’s Choice pour indiquer que les produits de la Requérante étaient distribués par Grower’s Choice, avec la même intention de stimuler les ventes de Grower’s Choice et de la Requérante.

[49]   Je souligne que l’affidavit de M. Zastowny n’inclut pas d’allégation quant à un contrôle exercé par la Requérante sur la qualité ou les caractéristiques des Produits et des Services. Cependant, compte tenu des renseignements disponibles, plus précisément la direction commune de ces trois sociétés par Kelly et Sharon Zastowny, je suis disposé à inférer que le contrôle requis a été exercé [voir Petro-Canada c. 2946661 Canada Inc. (1998), 83 CPR (3d) 129 (CF 1re inst)].

[50]  M. Zastowny affirme qu’il n’a pas demandé à l’Opposante de retirer l’enseigne présentant le Dessin d’homme-goutte d’eau placée au-dessus de la porte arrière du magasin de Langley après la signature de la Convention parce que l’Opposante était une détaillante des produits de la Requérante jusqu’en 2012. M. Zastowny indique qu’il a demandé vers la fin février/début mars 2012 que l’enseigne présentant le Dessin d’homme-goutte d’eau soit retirée en raison d’un différend avec l’Opposante.

[51]  Pour étayer la deuxième allégation de l’Opposante selon laquelle ni WWF ni la Requérante n’a employé la Marque le 1er juin 1995 ou avant, l’Opposante renvoie au paragraphe 19 de l’affidavit Zastowny, qui indique ce qui suit [Traduction] :

…le Dessin d’homme-goutte d’eau, un dessin original et une création de Sharon en 1995 issue de son inspiration artistique, a été conçu comme logo pour promouvoir l’entreprise de la Requérante. L’Homme-goutte d’eau a été employé comme tel de façon continue de la date de sa création à la date du présent Affidavit. [caractères gras ajoutés]

[52]  L’Opposante fait valoir que la Requérante aurait été informée de la date précise, mais n’a pas allégué que la création a eu lieu avant la date de premier emploi indiquée dans la demande, de sorte qu’il faut par conséquent présumer que l’emploi de la Marque a eu lieu après le 1er juin 1995. L’Opposante fait valoir qu’on ne peut pas prétendre que la Marque visée par la demande a été employée sans sa partie formée du Dessin d’homme-goutte d’eau et que, à première vue, l’emploi à compter de la date de création serait impossible, car il aurait fallu du temps pour que le dessin soit imprimé, qu’il soit apposé sur les produits vendus dans la pratique normale du commerce, et qu’il soit employé comme matériel promotionnel en liaison avec des services.

[53]  Selon une interprétation raisonnable de l’affidavit Zastowny, je ne suis pas d’accord pour dire que les déclarations faites par M. Zastowny, y compris celles qui sont présentées aux paragraphes 19 à 36 de son affidavit, mettent en doute la date de premier emploi revendiquée. On ne peut pas prétendre que le fait que M. Zastowny n’ait pas indiqué le mois de 1995 pendant lequel sa femme Sharon a créé le Dessin d’homme-goutte d’eau signifie que le Dessin d’homme-goutte d’eau n’aurait pas été employé en tant que partie de la Marque depuis le 1er juin 1995.

[54]  L’Opposante n’a produit aucune preuve mettant en doute la date de premier emploi de la Marque revendiquée par la Requérante. Par conséquent, la Requérante n’était nullement tenue d’établir le bien-fondé de la date de premier emploi qu’elle revendique [voir Kingsley c Ironclad Games Corporation, 2016 COMC 19 (CanLII), au para 63]. Dans ce contexte, les allégations susmentionnées contenues dans l’affidavit de M. Zastowny ont été fournies à titre de renseignements généraux sur la création de la Marque et non pour établir le bien-fondé d’une date de premier emploi revendiquée.

[55]  Je souligne en outre que l’Opposante aurait pu examiner les déclarations de M. Zastowny en contre-interrogatoire mais a choisi de ne pas le faire.

[56]  La troisième allégation de l’Opposante est qu’elle s’est acquittée de son fardeau de preuve initial en établissant que, depuis le 1er juin 1995, ni WWF ni la Requérante n’a employé la Marque en liaison avec tous les Produits et Services. L’Opposante fait allusion à une recherche effectuée par Mme Probert sur les produits vendus actuellement en liaison avec la Marque de la Requérante et dresse une liste (voir le paragraphe 19 de son affidavit) de produits pour lesquels elle n’a pu trouver aucune preuve d’emploi de la Marque. En particulier, Mme Probert ne fournit aucun renseignement sur la méthode ou la portée de cette prétendue recherche, de sorte qu’on ne peut pas lui accorder beaucoup de poids.

[57]  L’Opposante cherche aussi à s’appuyer sur la preuve de la Requérante, déclarant que tout emploi de la Marque allégué dans l’affidavit Zastowny a eu lieu bien après la date de premier emploi revendiquée du 1er juin 1995. Je reviens à mes commentaires concernant les conséquences pour l’Opposante de ne pas avoir produit une preuve qui aurait soulevé des doutes sérieux quant à la date de premier emploi de la Marque alléguée par la Requérante dans sa demande. Ainsi, la Requérante n’était nullement tenue de produire une preuve établissant l’emploi de la Marque depuis la date de premier emploi revendiquée en liaison avec chacun des Produits et des Services.

[58]  En conséquence, considérant que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial, le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a)

[59]  À l’égard de son motif fondé sur le droit à l’enregistrement, l’Opposante a le fardeau de preuve initial de démontrer qu’elle avait employé le Dessin d’homme-goutte d’eau au Canada avant la date de premier emploi revendiquée par la Requérante, à savoir le 1er juin 1995.

[60]  Il n’y a aucune preuve au dossier de l’emploi antérieur du Dessin d’homme-goutte d’eau par l’Opposante. En conséquence, considérant que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[61]  Dans le cas de ce motif d’opposition, l’Opposante doit démontrer que, à la date de production de la déclaration d’opposition, le 5 août 2014, sa marque Dessin d’homme-goutte d’eau était devenue suffisamment connue pour faire perdre à la Marque de la Requérante son caractère distinctif [Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd (2004), 40 CPR (4th) 553, confirmée par (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF 1re inst)].

[62]  Comme je l’ai indiqué ci-dessus, j’estime que la preuve n’étaye pas l’allégation de l’Opposante selon laquelle elle est la propriétaire du Dessin d’homme-goutte d’eau. Au contraire, le dossier démontre que la Requérante a toujours été la fabricante des produits vendus en liaison avec la Marque, tandis que l’Opposante, à l’instar de sa précédesseure en titre WWF, était une détaillante des produits de la Requérante. Même après que la Requérante eût cessé de vendre ses produits à l’Opposante en 2007, l’Opposante a continué à acquérir les produits de la Requérante par l’intermédiaire de grossistes tiers en vue de les vendre au détail dans son magasin (paragraphe 45 de l’affidavit Zastowny).

[63]  Selon une interprétation raisonnable de la preuve, je suis d’avis que, à la date pertinente, la présentation du Dessin d’homme-goutte d’eau sur l’enseigne intérieure du magasin de détail de l’Opposante, et sur une insertion de vitrail dans un bureau (pièces F-1 et F-2 de l’affidavit Probert), aurait indiqué aux consommateurs que l’Opposante était une détaillante des produits de la Requérante, et non la propriétaire du Dessin d’homme-goutte d’eau.

[64]  Étant donné que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait, le motif d’opposition fondé sur l’article 2 est rejeté.

Décision

[65]   Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience tenue

AGENT(S) AU DOSSIER

Ann Carlsen & Company

POUR L’OPPOSANTE

Borden Ladner Gervais LLP

POUR LA REQUÉRANTE

 

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