Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

OPIC

Logo de l'OPIC / CIPO Logo

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 103

Date de la décision : 2017-08-21

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

McGregor Industries Inc.

Opposante

et

 

Fruit of the Loom, Inc.

Requérante

 

1,635,762 pour la marque de commerce START HAPPY

Demande

Dossier

[1]  Le 18 juillet 2013, Fruit of the Loom, Inc. (une société de New York) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce START HAPPY, fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

sous-vêtements, tee-shirts, vêtements tout-aller, bonneterie, chaussettes.

[2]   La Requérante revendique la date de priorité de production du 12 juillet 2013, au titre de l’article 34 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13, fondée sur une demande correspondante produite aux États-Unis d’Amérique.

[3]  La demande en cause a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 15 octobre 2014, et McGregor Industries Inc. s’y est opposée le 16 mars 2015. Le 20 mars 2015, le registraire a transmis une copie de la déclaration d’opposition à la requérante, comme l’exige l’article 38(5) de la Loi sur les marques de commerce. En réponse, la requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie l’ensemble des allégations contenues dans la déclaration d’opposition.

[4]  La preuve de l’opposante est constituée de l’affidavit d’Earl Lipson. La preuve de la requérante est constituée de l’affidavit d’Ellen Anastacio. La preuve en réponse de l’opposante est constituée de l’affidavit de Sazia Aftab. Seule l’opposante a produit un plaidoyer écrit. Aucune des parties n’a sollicité la tenue d’une audience.

Déclaration d’opposition

[5]  Le premier motif d’opposition, au titre de l’article 12(1)d) de la Loi, allègue que la marque START HAPPY visée par la demande n’est pas enregistrable, parce qu’elle crée de la confusion avec les marques verbales déposées HAPPY FOOT; Happyfoot; THE HAPPYFOOT SOCK COMPANY; et la marque verbale et figurative MCGREGOR HAPPY FOOT (les éléments graphiques sont une superposition verticale des mots soulignés par un sourire stylisé). Les marques sont employées en liaison avec des chaussettes et de la bonneterie.

[6]  Le deuxième motif, au titre de l’article 16(3)a) de la Loi, allègue que, à la date de priorité de production du 12 juillet 2013, la requérante n’avait pas droit à l’enregistrement de la marque START HAPPY visée par la demande, parce qu’elle créait de la confusion avec les marques susmentionnées employées antérieurement par l’opposante au Canada en liaison avec de la bonneterie et des chaussettes.

[7]  Le troisième motif, au titre de l’article 16(3)c), allègue que, à la date de priorité de production du 12 juillet 2013, la requérante n’avait pas droit à l’enregistrement de la marque START HAPPY visée par la demande, parce qu’elle créait de la confusion avec le nom commercial THE HAPPYFOOT SOCK COMPANY de l’opposante employé antérieurement par l’opposante au Canada en liaison avec une entreprise de fabrication et de vente de bonneterie et de chaussettes.

[8]  Le quatrième motif, au titre de l’article 2, allègue que la marque visée par la demande ne distingue pas les produits de la requérante des produits de l’opposante vendus sous ses marques ou dans le cadre des activités d’une entreprise exploitée sous le nom commercial de l’opposante.

Preuve de l’opposante

Earle[sic] Lipson

[9]  M. Lipson atteste qu’il est le PDG de la société de l’opposante. Il désigne collectivement HAPPY FOOT les marques de l’opposante (voir para 5 ci-dessus), et j’en ferai autant. La preuve qu’il a produite peut être résumée comme suit.

[10]  L’opposante fabrique des chaussettes et les vend à des détaillants pour la revente depuis 1937. La marque HAPPY FOOT figure sur les étiquettes qui sont apposées aux chaussettes au moment de la vente, dont des exemples sont présentés en pièces B-1 à B-6. Les chaussettes de l’opposante sont vendues dans des magasins à rayons nationaux comme La Baie et Sears Canada; dans des magasins à succursales nationaux comme Walmart et Canadian Tire; ainsi que dans des centaines de magasins de vente au détail indépendants, qui font tous de la revente aux consommateurs.

[11]  Depuis 1970, plus d’un million de paires de chaussettes ont été vendues annuellement, ce qui représente annuellement des millions de dollars de ventes au détail. Depuis 1979, [Traduction] « plusieurs dizaines de milliers de dollars ont été dépensés annuellement » pour la publicité et la promotion de chaussettes sous la marque HAPPY FOOT dans des campagnes publicitaires nationales; dans des publicités à frais partagés; et dans des présentoirs de point de vente, dont des exemples sont présentés en pièces D et E.

 

Preuve de la requérante

Elenita Anastacio

[12]  Mme Anastacio atteste qu’elle est une recherchiste en marques de commerce employée par des agents de la requérante. À la mi-octobre 2015, elle a effectué des recherches dans la base de données CD Namesearch sur les marques de commerce canadiennes pour obtenir les détails de tous les enregistrements et de toutes les demandes d’enregistrement de marque de commerce en vigueur contenant le mot « happy » [heureux] pour emploi en liaison avec des produits qui s’inscrivent dans les classes 25 et 35 de la classification de Nice, dont les résultats sont joints en liasse et sans commentaire en pièces A et B, respectivement.

[13]  Je souligne, d’après un examen sommaire de la pièce A, que de nombreuses marques de vêtements comprennent l’élément HAPPY [heureux], comme HAPPY SMOKING; HAPPY SCRUBS et CODE HAPPY. Cependant, sans une analyse détaillée de la pièce A ou des observations concernant la valeur probante de la preuve, qui n’ont dans les deux cas pas été produites, je ne suis pas en mesure de tirer une quelconque conclusion définitive quant à l’importance de la preuve. D’après mon examen sommaire de la pièce B, il semble que peu des marques soient employées en liaison avec des vêtements. Ici encore, sans une analyse détaillée de la pièce B ou des observations concernant la valeur probante de la preuve, qui n’ont dans les deux cas pas été produites, je ne suis pas en mesure de tirer une quelconque conclusion définitive quant à l’importance de la preuve.

 

Preuve en réponse de l’opposante

Sazia Aftab

[14]  Mme Aftab atteste qu’elle est une adjointe administrative dans un cabinet d’agents de brevets et de marques de commerce. Elle a examiné la preuve produite par Mme Anastacio et a souligné plusieurs lacunes dans les documents produits en pièces. Elle conclut, au para 11 de son affidavit, que d’au plus 20 demandes et enregistrements, [Traduction] « rien dans l’Affidavit Anastacio n’indique expressément que ces marques ont réellement été employées au Canada en liaison avec des chaussettes, des bas, de la bonneterie ou d’autres collants . . . » Je suis d’accord avec sa conclusion. Je suis également d’accord avec les observations de l’opposante aux para 32 et 33 de son plaidoyer écrit :

32.  . . . l’Affidavit Anastacio ne fournit aucune indication portant que l’un quelconque des enregistrements de tiers était fondé sur l’emploi. Autrement dit, l’affidavit ne fournit pas de copies complètes de l’un quelconque des enregistrements de tiers ou au moins des renseignements sur le fondement de ces enregistrements. Cette lacune est importante puisque les enregistrements peuvent être obtenus au Canada sur le fondement de l’emploi et de l’enregistrement à l’étranger, et donc le simple fait de mentionner un enregistrement de marque de commerce ne constitue pas une preuve que la marque a réellement été employée au Canada. (Si une marque n’a pas réellement été employée au Canada, le caractère distinctif réel de la marque de l’Opposante dans l’esprit du public canadien ne peut avoir eu une incidence.)

 

33.  . . . même à l’exception de la lacune fondamentale susmentionnée en ce qui concerne cette preuve, l’Opposante s’oppose également pour une raison d’équité procédurale. L’Affidavit Anastacio mentionne jusqu’à 173 demandes ou enregistrements en pièce A et 203 autres en pièce B. Un requérant ne peut pas simplement submerger un opposant (et la Commission) en produisant une copie d’une si grande partie de la base de données sur les marques de commerce sans souligner les demandes ou les enregistrements qui sont réellement pertinents, s’il en est. Comme je l’explique plus en détail plus loin, l’Opposante a tout de même déployé de grands efforts pour tenter de présenter plus précisément les demandes ou les enregistrements mentionnés, mais cela représente une raison de plus pour laquelle l’affidavit de la Requérante ne devrait se voir accorder que peu de poids, voire aucun poids. . .

Principale question

[15]  La question déterminante soulevée dans la déclaration d’opposition est celle de savoir si la marque START HAPPY visée par la demande, pour emploi en liaison avec des sous-vêtements, tee-shirts, vêtements tout-aller, bonneterie et chaussettes, crée de la confusion avec la marque HAPPY FOOT de l’opposante employée en liaison avec des collants et des chaussettes. Les dates pertinentes pour l’appréciation de la question de la confusion sont la date de ma décision en ce qui concerne le premier motif; la date de production de la demande, c’est-à-dire le 12 juillet 2013, en ce qui concerne le deuxième motif; et la date de production de la déclaration d’opposition, c’est-à-dire le 16 mars 2015, en ce qui concerne le quatrième motif : pour un examen de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans les procédures d’opposition, voir American Retired Persons c Canadian Retired Persons (1998), 84 CPR (3d) 198, aux p. 206 à 209 (CF 1re inst).

Ce qu’il faut entendre par « confusion entre des marques de commerce »

[16]  Des marques de commerce sont réputées créer de la confusion lorsqu’il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l’article 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, lequel est libellé comme suit :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits . . . liés à ces marques de commerce sont fabriqués . . . ou que les services liés à ces marques sont exécutés par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non . . . de la même catégorie générale.

 

[17]  Ainsi, l’article 6(2) ne porte pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais sur une confusion portant à croire que des produits ou des services provenant d’une source proviennent d’une autre source. En l’espèce, la question que soulève l’article 6(2) est celle de savoir si des acheteurs des produits de la requérante vendus sous la marque START HAPPY croiraient que ces produits ont été fabriqués ou autorisés par l’opposante, ou font l’objet d’une licence concédée par l’opposante, qui vend ses produits sous la marque HAPPY FOOT. C’est à la requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la norme habituelle de la prépondérance des probabilités qui s’applique en matière civile, qu’il n’y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion.

Test en matière de confusion

[18] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à prendre en considération pour déterminer si deux marques créent de la confusion sont « toutes les circonstances de l’espèce, y compris » celles expressément énoncées aux article 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et il importe de prendre en considération tous les facteurs pertinents. De plus, ces facteurs n’ont pas nécessairement tous le même poids, car le poids qu’il convient d’accorder à chacun varie selon les circonstances : voir Gainers Inc c Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 CPR (3d) 308 (CF 1re inst). Cependant, comme l’a souligné le juge Rothstein dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), le degré de ressemblance est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’examen relatif à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu à l’article 6(5).

 

Examen des facteurs énoncés à l’article 6(5)

Premier et deuxième facteurs – caractère distinctif inhérent et acquis; période pendant laquelle les marques ont été en usage

[19]  La marque HAPPY FOOT de l’opposante possède un caractère distinctif inhérent assez marqué puisque la marque dans son ensemble est une expression inventée ou de fantaisie sans aucun sens littéral. Cependant, le caractère distinctif inhérent de la marque est réduit parce que le deuxième élément, FOOT [pied], a un lien avec les produits de l’opposante. L’élément HAPPY [heureux] contribue donc davantage au caractère distinctif inhérent de la marque que l’élément FOOT [pied]. La marque START HAPPY visée par la demande possède également un caractère distinctif inhérent assez marqué puisque l’expression dans son ensemble n’a aucun lien avec les produits de la requérante. Cependant, puisque l’expression START HAPPY [début heureux] a un sens littéral, son caractère distinctif inhérent est plus faible que celui de la marque de l’opposante.

[20]  La marque de l’opposante avait acquis une notoriété significative à la date pertinente la plus lointaine du 12 juillet 2013 en raison des ventes enregistrées et de la publicité faite sous la marque depuis les années 1970. Rien n’indique que la marque visée par la demande a acquis une notoriété quelconque à l’une quelconque des dates pertinentes.

[21]  Le premier facteur, qui concerne à la fois le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis, favorise donc l’opposante. Le deuxième facteur favorise également l’opposante puisque l’emploi de l’opposante précède [celui de la requérante] de plusieurs décennies.

Troisième et quatrième facteurs – le genre de produits et la nature du commerce

 

[22]  Les produits des parties sont les mêmes en ce qui concerne les [Traduction] « chaussettes »; ils se recoupent en ce qui concerne la [Traduction] « bonneterie »; et ils sont liées en ce qui concerne les autres produits de la requérante, c’est-à-dire les [Traduction] « sous-vêtements, tee-shirts et vêtements tout-aller ». En l’absence d’une preuve contraire, je présume que les produits des parties emprunteraient les mêmes voies de commercialisation pour la vente au détail. Les troisième et quatrième facteurs favorisent donc l’opposante.

 

Cinquième facteur - degré de ressemblance

[23]  Les marques HAPPY FOOT et START HAPPY se ressemblent le plus dans l’idée du mot « happy » [heureux] et se ressemble moins dans la présentation et dans le son. Néanmoins, les marques se ressemblent dans la présentation et dans le son en raison de l’élément HAPPY [heureux] qui est commun aux deux marques. Lorsqu’on considère les trois aspects de la ressemblance, les marques sont plus semblables que dissemblables, bien qu’elles ne se ressemblent pas beaucoup. Il s’ensuit que le dernier facteur favorise également l’opposante.

[24]  Compte tenu de ce qui précède, je conclus que, à toutes les dates pertinentes, la requérante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité de confusion entre les marques des parties.

Décision

[25]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue

AGENT(S) AU DOSSIER

MACBETH & JOHNSON

POUR L’OPPOSANTE

SIM & MCBURNEY

POUR LA REQUÉRANTE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.