Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Citation: 2017 COMC 120

Date de la décision: 2017-09-06

DANS L'AFFAIRE DES OPPOSITIONS

 

Tarkett Inc.

Opposante

et

 

Les Planchers Mercier Inc.

Requérante

 

1,653,633 pour PURE EXPRESSION

1,653,634 pour PURE EXPRESSION

1,653,635 pour PURE EXPRESSION

Demandes

Introduction

[1]  Tarkett Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce PURE EXPRESSION faisant l’objet de chacune des demandes nos 1,653,633; 1,653,634; et 1,653,635 au nom de Les Planchers Mercier Inc. (la Requérante), produites le 26 novembre 2013 auprès du registraire des marques de commerce.

[2]  Chacune de ces demandes est basée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les produits suivants : « plancher de bois pré-huilé ».

[3]  La demande no 1,653,635 vise la marque nominale PURE EXPRESSION, alors que les demandes nos 1, 653,633 et 1,653,634 comprennent également un élément figuratif et les exclusions suivantes :

1,653,633

PURE EXPRESSION

Les mots ‘Fini’, ‘Par Mercier’ et ‘Certifié GreenGuard’ ne font pas partie de la marque.

1,653,634

PURE EXPRESSION

Les mots ‘Finish’, ‘By Mercier’' et ‘GreenGuard Certified’ ne font pas partie de la marque.

[4]  Sauf lorsqu’autrement indiqué, je référerai collectivement à ces trois marques de commerce comme « la Marque ».

[5]  L’Opposante fonde chacune de ses oppositions sur essentiellement la question de la probabilité de confusion au sens de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), entre la Marque et la marque de commerce EXPRESSIONS, enregistrée le 17 juin 2010 sous le no LMC769,971 en liaison avec les produits : [traduction] « revêtement de sol, nommément compositions de tuile de vinyle » (Flooring, namely vinyl composition tiles), appartenant à l’Opposante et ayant été prétendument employée par celle-ci au Canada.

[6]  Tel qu’il ressortira de mon analyse, j’estime qu’il y a lieu de rejeter chacune des oppositions.

les dossiers :

[7]  Chacune des demandes d’enregistrement fut annoncée pour fins d’opposition dans l’édition du 24 septembre 2014 du Journal des marques de commerce.

[8]  Chacune des déclarations d’opposition fut produite le 21 novembre 2014 et allègue que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, qu’elle n’est pas enregistrable au sens de l’article 12(1)(d) de la Loi, et que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au sens de l’article 16(3)(a) de la Loi en raison de la confusion crée par celle-ci avec la marque de commerce EXPRESSIONS de l’Opposante décrite plus haut. Chacune des déclarations d’opposition soulève également un motif d’opposition fondé sur la non-conformité de la demande en cause au sens de l’article 30(i) de la Loi.

[9]  Une contre-déclaration déniant chacun des motifs d’opposition plaidés fut produite le 27 mars 2015 dans chaque dossier.

[10]  Au soutien de chacune de ses oppositions, l’Opposante a produit une déclaration solennelle de Cindy Labbé, assistante juridique au sein de la firme représentant l’Opposante, datée du 15 octobre 2015, joignant un certificat d’authenticité de la marque enregistrée EXPRESSIONS de l’Opposante.

[11]  Au soutien de chacune de ses demandes, la Requérante a pour sa part produit, dans un seul document boudiné à entête triple, les déclarations solennelles de Jean-François Pleau, avocat et agent de marques de commerce au sein de la firme représentant la Requérante, datée du 4 février 2016; d’Élisabeth Breton, avocate au sein de la même firme, datée du 16 février 2016; et de Michel Collin, directeur marketing de la Requérante, datée du 17 février 2016.

[12]  Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit dans chaque dossier et participé à l’audience tenue pour l’ensemble de ces dossiers.

remarques préliminaires

Preuve de la Requérante

[13]  Dans chacun de ses plaidoyers écrits dans les dossiers 1,653,633 et 1,653,635, l’Opposante soutient que la Requérante a fait défaut de produire de la preuve au motif qu’un seul exemplaire du document boudiné aurait été produit par la Requérante dans le dossier 1,653,634. Je note à cet égard que selon les dossiers du registraire, l’exemplaire original aurait plutôt été versé au dossier 1,653,633, avec copie de la page frontispice classée dans les dossiers 1,653,634 et 1,653,635. Cette page frontispice indique en son objet que le document consiste en la preuve de la Requérante en réponse à la procédure d’opposition prise par l’Opposante à l’encontre de chacune des demandes nos 1653633, 1653634 et 1653635, et porte une entête triple identifiant chaque dossier.

[14]  Dans les circonstances, et après discussion avec les parties en début d’audience, l’Opposante a retiré son objection à l’effet qu’aucune preuve n’avait été versée dans les dossiers 1,653,633 et 1,653,635. En d’autres mots, la preuve contenue dans l’unique exemplaire boudiné vaut pour les trois dossiers.

Admissibilité de la preuve de la Requérante

[15]  Dans chacun de ses plaidoyers écrits et lors de l’audience, l’Opposante a soutenu que les déclarations solennelles de M. Pleau et de Mme Breton devaient être écartées de la preuve au motif qu’en tant qu’avocats et agents agissant pour le compte de la Requérante dans les présents dossiers, ceux-ci sont en conflit d’intérêt.

[16]  La déclaration solennelle de Me Pleau vise à établir la bonne foi de la Requérante au moment de la production de chacune des présentes demandes, en réponse au motif d’opposition sous l’article 30(i) de la Loi. Plus particulièrement, Me Pleau affirme avoir « agi de bonne foi, pour le compte de la Requérante, [puisqu’il] croyai[t] sincèrement que la Requérante avait le droit d’employer [la Marque] » et qu’« [e]n tout temps pertinent, [la Requérante et lui] ignoraient l’existence de la marque de commerce détenue par l’Opposante ». Je conviens avec l’Opposante que pareille déclaration s’avère problématique en l’espèce. En tant qu’avocat et agent ayant procédé au dépôt des présentes demandes, Me Pleau ne peut témoigner pour le compte de la Requérante sur cette question. Aussi, je ne tiendrai pas compte de cette déclaration solennelle dans mon analyse des motifs d’opposition.

[17]  La déclaration solennelle de Me Breton vise quant à elle à produire une preuve de l’état du registre des marques de commerce. Me Breton affirme tout simplement qu’on lui « a donné le mandat d’effectuer une recherche dans les bases de données contenues au site internet de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada […] afin de recenser les marques de commerce utilisant le terme ‘Expressions’ actuellement en vigueur au Canada ». Me Breton explique avoir recherché le terme « Expressions » en utilisant l’onglet « Repérage de marque de commerce » et elle joint à cet effet comme pièce EB-1, les résultats de sa recherche. La pièce EB-1 consiste en une liste de 245 dossiers de demandes d’enregistrement ou d’enregistrements, sans plus. Dans les circonstances, j’estime la déclaration de Me Breton recevable et non contentieuse, bien qu’elle s’avère de peu ou prou d’utilité en l’espèce, tel qu’il ressortira de mon analyse plus loin de la question de la probabilité de confusion entre les marques des parties.

Motif d’opposition non plaidé

[18]  Dans chacun de ses plaidoyers écrits, l’Opposante soutient que la Marque est non enregistrable sous l’article 12(1)(b) de la Loi, au motif qu’elle est clairement descriptive ou faussement et trompeusement descriptive de la nature ou de la qualité des produits en liaison avec lesquels la Requérante projette de l’employer. Or, pareil motif n’a pas été plaidé par l’Opposante dans les déclarations d’opposition aux dossiers.

[19]  Lorsque questionné à ce sujet en début d’audience, l’agent de l’Opposante a reconnu qu’il s’agissait d’une erreur et émis l’hypothèse que pareil argument avait été développé en raison du faible caractère distinctif inhérent de la Marque. Je reviendrai sur le caractère distinctif inhérent de la Marque dans mon analyse plus loin de la probabilité de confusion entre les marques des parties. Qu’il suffise de retenir pour l’instant qu’aucun motif sous l’article 12(1)(b) de la Loi n’a été plaidé dans les présents dossiers.

Analyse

Le fardeau qui repose sur les parties

[20]  C’est à l’Opposante qu’il appartient au départ d’établir le bien-fondé de son opposition. Le fardeau ultime de démontrer que la Marque est enregistrable repose toutefois sur la Requérante, selon la prépondérance de preuve [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Motifs d’opposition sommairement rejetés

[21]  Les motifs d’opposition suivants peuvent être sommairement rejetés sans qu’il soit nécessaire d’en discourir longuement :

Motif fondé sur la non-conformité de chacune des demandes sous l’article 30(i) de la Loi

[22]  Chacune des déclarations d’opposition allègue que la demande en cause n’est pas conforme à l’article 30(i) de la Loi en ce que la Requérante ne pouvait, et ne peut toujours pas, être convaincue d’avoir droit d’employer la Marque au Canada en raison de l’emploi et de l’enregistrement antérieurs de la marque EXPRESSIONS par l’Opposante.

[23]  Ce motif d’opposition, tel que plaidé, est invalide. L’article 30(i) de la Loi exige simplement que la partie requérante fournisse une déclaration portant qu’elle est convaincue qu’elle a droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les produits ou services décrits dans sa demande. La Requérante s’est strictement conformée aux exigences de cette disposition. J’ajouterai au surplus qu’il est bien établi dans la jurisprudence qu’un motif d’opposition fondé sur l’article 30(i) ne devrait être retenu que dans les cas exceptionnels, notamment lorsque la mauvaise foi de la partie requérante est établie [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) à la page 155]. Or, rien n’établit la mauvaise foi de la Requérante en l’espèce. Au contraire, la preuve versée par la Requérante par l’intermédiaire de la déclaration solennelle de M. Collin, est à l’effet qu’« [e]n tout temps pertinent, la Requérante ignorait l’existence de la marque de commerce détenue par l’Opposante » [voir les paragraphes 8 à 11 de la déclaration solennelle de M. Collin].

Motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement sous l’article 16(3)(a) de la Loi

[24]  Chacune des déclarations d’opposition allègue que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque sous l’article 16(3)(a) de la Loi en ce qu’à la date de production de chacune des demandes, la Marque créait de la confusion avec la marque EXPRESSIONS antérieurement employée au Canada par l’Opposante.

[25]  Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’article 16(3)(a) de la Loi, l’Opposante doit démontrer que sa marque de commerce EXPRESSIONS avait été employée au Canada antérieurement à la date de production de chacune des présentes demandes et n’avait pas été abandonnée à la date de leur annonce dans le Journal des marques de commerce [article 16(5) de la Loi]. Ce fardeau de preuve n’a pas été satisfait en l’espèce.

[26]  La seule preuve versée pour le compte de l’Opposante consiste en un certificat d’authenticité pour sa marque enregistrée EXPRESSIONS. Bien que cet enregistrement comprenne une revendication d’emploi au Canada de la marque EXPRESSIONS remontant à juin 1985, pareil certificat ne peut établir davantage qu’un emploi de minimis [voir Entre Computer Centers, Inc c Global Upholstery Co (1992), 40 CPR (3d) 427 (COMC)]. En d’autres mots, cela n’établit pas en soi l’emploi de la marque EXPRESSIONS au sens des articles 4 et 16(5) de la Loi.

[27]  J’ajouterai sur ce point que contrairement aux prétentions de l’Opposante lors de l’audience, la preuve de la Requérante versée par l’intermédiaire de M. Collin − laquelle inclut comme pièce MC-4, un extrait du site Internet d’un détaillant des produits de l’Opposante daté du 10 février 2016, aux fins de faire valoir les différences existant entre les produits des parties dans le cadre de l’analyse du test en matière de confusion (traité plus loin dans ma décision) − n’assiste aucunement l’Opposante. Qu’il suffise de mentionner que cet extrait est daté postérieurement à la date pertinente pour apprécier le présent motif.

Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque

[28]  Chacune des déclarations d’opposition allègue que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, ni adaptée à distinguer les produits de la Requérante de ceux de l’Opposante employés en liaison avec sa marque de commerce EXPRESSIONS en raison de la confusion crée avec celle-ci.

[29]  Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’absence de caractère distinctif, l’Opposante doit démontrer que sa marque de commerce EXPRESSIONS était devenue suffisamment connue au Canada à la date de chacune de ses déclarations d’opposition de manière à nier le caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF 1re inst)]. Ce fardeau de preuve n’a pas été satisfait en l’espèce pour essentiellement les mêmes raisons que celles indiquées plus haut sous le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(a) de la Loi. J’ajouterai au surplus que la preuve versée par l’intermédiaire de M. Collin ne permet aucunement d’apprécier l’étendue de l’emploi de la marque EXPRESSIONS de l’Opposante ayant pu être fait au Canada.

Motif d’opposition restant

Motif fondé sur la non-enregistrabilité de la Marque au sens de l’article 12(1)(d) de la Loi

[30]  Chacune des déclarations d’opposition allègue que la Marque n’est pas enregistrable au sens de l’article 12(1)(d) de la Loi au motif qu’elle crée de la confusion avec la marque enregistrée EXPRESSIONS de l’Opposante décrite plus haut.

[31]  La date pertinente pour décider d’un motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité d’une marque de commerce au regard de la confusion créée avec une marque de commerce enregistrée est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[32]  J’ai exercé ma discrétion et vérifié que l’enregistrement allégué par l’Opposante au soutien du présent motif est toujours en vigueur sur le registre des marques de commerce. Puisque cela est le cas, l’Opposante a satisfait le fardeau de preuve initial lui incombant. La Requérante doit dès lors démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et cette marque enregistrée de l’Opposante.


 

Le test en matière de confusion

[33]  Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[34]  En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent pourra être accordé à chacun de ces facteurs selon le contexte [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour un examen plus approfondi des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[35]  Les marques des parties possèdent chacune un caractère distinctif inhérent dans le contexte des produits leurs étant associés. Bien qu’elles ne consistent pas en des mots inventés, elles ne sont pas non plus clairement descriptives des produits leurs étant associés.

[36]  Ceci étant dit, je conviens avec l’Opposante que la Marque est suggestive dans une certaine mesure, en ce que de l’avis même de M. Collin, elle vise à distinguer un type de fini huilé appliqué sur des produits de bois franc pré-verni. Je reproduis à ce propos les paragraphes 13 et 14 de la déclaration solennelle de M. Collin :

Le fini huilé « PURE EXPRESSION » se veut minimaliste, près de la matière et permet donc d’apprécier le caractère unique de chaque planche de bois tout en offrant résistance et durabilité.

En somme, la Marque « PURE EXPRESSION » traduit la capacité du fini à permettre au bois d’exprimer sa propre pureté et son aspect naturel, d’où le nom « PURE EXPRESSION », le tout tel qu’il appert d’un extrait du site Internet de la Requérante […] produit comme pièce MC-2. [Je note que cet extrait fait référence à la marque nominale PURE EXPRESSION de même qu’à la version figurative visée par la demande no 1,653,633]

[37]  L’élément figuratif compris dans les demandes nos 1, 653,633 et 1,653,634, bien qu’orignal en soi, ajoute, dans une certaine mesure, au caractère suggestif de la Marque, en ce qu’il reproduit en arrière-plan des planches de bois à l’horizontal de couleur inégale, entourées d’une sphère imparfaite évoquant vraisemblablement une goutte d’huile.

[38]  De même, je conviens avec la Requérante que la marque EXPRESSIONS de l’Opposante est suggestive dans une certaine mesure dans le contexte de « compositions de tuiles de vinyle » pouvant être utilisées pour créer plusieurs compositions de motifs et/ou couleurs variés, tel qu’illustré au surplus dans la brochure de l’Opposante produite comme pièce MC-3 au soutien de la déclaration solennelle de M. Collin. Je reviendrai plus loin sur les idées suggérées par les marques des parties dans mon appréciation du degré de ressemblance entre les marques.

[39]  Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion ou l’emploi au Canada.

[40]  En l’occurrence, la seule preuve d’emploi quelconque de l’une ou l’autre des marques en présence se retrouve dans la déclaration solennelle de M. Collin.

La déclaration solennelle de M. Collin

[41]  M. Collin affirme que la Requérante est une entreprise fondée depuis 35 ans, et est un leader dans l’industrie des planchers de bois franc pré-vernis. Elle distribue ses produits à travers l’Amérique du Nord via de nombreux détaillants [voir paragraphes 4 et 5].

[42]  M. Collin affirme que la Requérante est reconnue pour proposer des produits haut de gamme, manufacturés au Québec et proposant un produit pré-verni, évitant ainsi aux consommateurs de supporter les inconvénients des planchers sablés et vernis sur place, le tout tel qu’il appert d’une copie du site Internet de la Requérante qu’il produit comme pièce MC-1. Ainsi, les produits qu’offre la Requérante sont des planchers de bois haut de gamme destinés à des consommateurs souhaitant ajouter style et cachet à leur demeure [voir paragraphes 6 et 7].

[43]  S’agissant plus particulièrement de la Marque, M. Collin affirme qu’elle vise à distinguer, tel qu’indiqué plus haut, un type de fini huilé appliqué sur des produits de bois franc pré-verni.

[44]  M. Collin discute ensuite des tuiles de vinyle EXPRESSIONS de l’Opposante. Plus particulièrement, ses affirmations visent à faire valoir les différences existant entre les produits des parties et leurs marchés respectifs. Je reviendrai plus en détail sur cet aspect de la preuve dans l’analyse des troisième et quatrième facteurs énoncés à l’article 6(5) de la Loi. Qu’il suffise de retenir à ce stade-ci, que c’est dans cette optique que M. Collin produit comme pièce MC-4, l’extrait du site Internet d’un détaillant des produits de l’Opposante daté du 10 février 2016.

[45]  À la lumière de l’ensemble de cette preuve, je ne peux conclure que l’une ou l’autre des marques des parties est devenue connue de manière à en accroître significativement le caractère distinctif, si ce n’est qu’en raison de l’absence de chiffres quelconques de vente ou de publicité, etc.

[46]  Partant, mon appréciation globale de ce premier facteur, qui concerne à la fois le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis des marques en présence, ne favorise de manière significative et déterminante, aucune partie au détriment de l’autre.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[47]  Il n’y a aucune preuve concluante permettant d’apprécier la période pendant laquelle les marques des parties ont été employées. Compte tenu de la présomption d’emploi de minimis mentionnée précédemment, ce facteur tend à favoriser l’Opposante, bien que l’on ne puisse dans les circonstances attribuer beaucoup de poids à ce facteur.

Le genre de produits et la nature du commerce

[48]  En considérant le genre de produits et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des produits couverts par les présentes demandes avec l’état déclaratif des produits couverts par l’enregistrement de l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. Ces libellés doivent toutefois être lus de manière à déterminer le type probable de commerce des parties plutôt que toutes les possibilités de commerce pouvant être comprises dans ceux-ci. La preuve du commerce véritable des parties s’avère utile à cet égard [voir McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CFA); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); et American Optional Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[49]  L’Opposante soumet que les produits des parties appartiennent à la même catégorie générale, nommément la classe internationale 19 (couvrant notamment les matériaux de construction non métalliques). Elle soumet que les produits des parties sont de même nature et susceptibles d’être vendus via les mêmes canaux de distribution et points de vente, tels le détaillant retrouvé sous la pièce MC-4 jointe à la déclaration solennelle de M. Collin. L’Opposante rappelle de plus qu’aux fins du test en matière de confusion, il n’est pas nécessaire que les produits des parties soient de la même catégorie générale.

[50]  La Requérante soumet au contraire que le simple fait que les parties œuvrent toutes deux dans le domaine du revêtement de sol ne suffit pas pour conclure à un même genre de produits. Elle soumet que dans la vaste gamme possible de revêtements de sols, les produits visés par les marques des parties sont considérablement différents et ne présentent aucun risque de chevauchement. La Requérante fait en outre valoir que conclure autrement permettrait à l’Opposante de détenir un monopole sur tout type de revêtement de sol, de quelque nature que ce soit, comportant le terme « expression », tel que des revêtements de béton, céramique, bois, bitume, verre, tapis, marqueterie, terrazzo, gazon synthétique, etc.

[51]  Concernant la nature du commerce, la Requérante fait valoir que les produits des parties sont destinés à deux marchés complétement distincts. De fait, le produit de bois vendu par la Requérante est destiné à un usage résidentiel [tel qu’expliqué par M. Collin], alors que les tuiles de vinyle vendues par l’Opposante sont destinées à un usage commercial, industriel ou institutionnel [tel qu’il appert de la brochure de l’Opposante sous la pièce MC-3 et de l’extrait Internet sous la pièce MC-4 décrivant respectivement les tuiles de vinyle EXPRESSIONS comme: « the perfect flooring solution for Education, Retail and Main Street applications… » et « …ideal for health care, education, retail and public spaces »]. La Requérante soumet qu’en l’espèce, l’acheteur intéressé par l’achat d’un plancher de bois haut de gamme pour sa résidence n’a aucune chance de se tromper et de faire affaires avec un vendeur de revêtement de tuiles de vinyle commerciales. À l’opposé, un client commercial, industriel ou institutionnel n’a aucune chance de se procurer les produits de la Requérante par erreur, alors qu’il serait intéressé à se procurer un revêtement de vinyle.

[52]  Je conviens avec l’Opposante qu’il existe un certain chevauchement entre les canaux de distribution des parties en ce que l’on ne peut exclure que leurs produits respectifs soient vendus via les mêmes points de vente, tels le détaillant retrouvé sous la pièce MC-4 jointe à la déclaration solennelle de M. Collin. De plus, ni l’énoncé des produits de l’Opposante, ni celui de la Requérante n’incluent de limitation à un marché spécifique.

[53]  Ceci étant dit, je conviens toutefois avec la Requérante que les produits des parties consistent en des revêtements de sol de nature différente et visent des applications distinctes.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[54]  Tel que rappelé par la Cour suprême dans l’affaire Masterpiece, précitée, au paragraphe 49, le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et celui qui est décisif dans la plupart des cas, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.

[55]  Par ailleurs, tel que mentionné plus haut, il est bien établi en jurisprudence que la probabilité de confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait. À cet égard, « [m]ême s'il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d'en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public » [voir Pink Panther Beauty Corp c United Artists Corp (1998), 80 CPR (3d) 247 (CAF), au paragraphe 34]. Même s’il est vrai que dans certains cas le premier mot sera l’élément le plus important pour établir le caractère distinctif d’une marque de commerce, l’approche à privilégier consiste à se demander d’abord si l’un des aspects de celle-ci est particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece, précitée, au paragraphe 64].

[56]  Appliquant ces principes au présent dossier, je conviens avec la Requérante qu’il existe des différences significatives entre les marques des parties.

[57]  Au plan des idées suggérées, l’usage du pluriel dans la marque EXPRESSIONS de l’Opposante suggère que les tuiles de vinyle peuvent être utilisées pour créer plusieurs expressions ou « compositions » de motifs ou couleurs variés [voir la pièce MC-3 : Create a custom designed floor with the endless possibilities of design options using Expressions…]. L’usage du singulier dans la Marque suggère plutôt l’idée qu’il n’existe qu’une seule pureté, soit celle du bois. L’ajout du mot « PURE » vient ainsi caractériser le terme « EXPRESSION » afin de lui donner une portée toute autre, voire opposée, à celle de la marque de l’Opposante.

[58]  Je conviens avec la Requérante que le sens de la Marque est renforcé lorsque l’on prend en considération l’élément figuratif compris dans les demandes nos 1, 653,633 et 1,653,634, reproduisant en arrière-plan des planches de bois à l’horizontal de couleur inégale, entourées d’une sphère imparfaite évoquant vraisemblablement une goutte d’huile.

[59]  Aux plans visuel et phonétique, la Marque est constituée de deux mots, dont le mot « PURE » apparaissant comme premier élément, alors que la marque de l’Opposante consiste en un seul mot. Bien que je convienne avec l’Opposante que cet élément est laudatif, il n’en demeure pas moins qu’il confère à la Marque tout son sens en caractérisant le mot « EXPRESSION ». En cela, je suis d’avis que les deux mots « PURE » et « EXPRESSION » sont d’égale importance. Le mot « EXPRESSION » ne domine pas le mot « PURE », ni inversement. L’élément figuratif compris dans les demandes nos 1, 653,633 et 1,653,634 ajoute également aux différences existant entre la Marque et la marque de l’Opposante.


 

Circonstances additionnelles – État du registre

[60]  Tel qu’indiqué plus haut, la Requérante a produit une preuve de l'état du registre canadien des marques de commerce par l’intermédiaire de l'affidavit de Mme Breton.

[61]  Une preuve de l'état du registre sert à montrer le caractère commun ou le caractère distinctif d'une marque ou d'une partie d'une marque par rapport à l'ensemble des marques figurant au registre. La preuve de l'état du registre n'est pertinente que dans la mesure où l'on peut en tirer des conclusions quant à l'état du marché, et de telles conclusions sur l'état du marché ne peuvent être tirées que si un nombre significatif d'enregistrements pertinents est repéré [voir Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); et Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[62]  En l’occurrence, l’affidavit de Mme Breton a simplement pour but de produire comme pièce EB-1, une liste de 245 dossiers de demandes d’enregistrement ou d’enregistrements, sans plus. Dans chacun de ses plaidoyers écrits, la Requérante fait valoir que plusieurs de ces marques de commerce sont identiques à la marque EXPRESSIONS de l’Opposante, dont notamment les enregistrements nos LMC632,538 en liaison avec des accessoires pour les cheveux; LMC751,989 en liaison avec de la literie; LMC755,504 en liaison avec des portes de garage; LMC737,664 en liaison avec un revêtement de vinyle; LMC913,659 en liaison avec des cosmétiques et bijoux; LMC886,557 en liaison avec des vêtements, articles de sport et jouets; et LMC553,559 en liaison avec des ustensiles de cuisine.

[63]  Or, la liste produite comme pièce EB-1 fait défaut d’inclure les détails des enregistrements en question, dont les énoncés de produits associés à ceux-ci et allégués par la Requérante dans ses plaidoyers écrits. Qui plus est, hormis le soi-disant enregistrement no LMC737,664 en liaison avec un revêtement de vinyle, aucun des enregistrements discutés par la Requérante dans ses plaidoyers écrits ne concerne apparemment des revêtements de sol.

[64]  Dans les circonstances, je conviens avec l’Opposante que l’on ne peut tirer d’inférences négatives quant à la prévalence du mot « EXPRESSION » en tant que composante de marques de commerce en lien avec des revêtements de sol dans le marché canadien.

Conclusion – probabilité de confusion

[65]  Tel qu’indiqué dans l’affaire Dion Neckwear, précitée à la page 163, il n’est pas nécessaire que le registraire soit convaincu hors de tout doute qu’il n’y a aucun risque de confusion. En effet, « [traduction] [s]i la norme de preuve ‘hors de tout doute’ devait s’appliquer, les requérants seraient, dans la plupart des cas, confrontés à un fardeau insurmontable parce qu'en matière de risque de confusion, la certitude est une denrée rare. » [Voir également John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd, précitée].

[66]  Compte tenu de mon analyse ci-dessus, j’estime que la Requérante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’un consommateur ayant un souvenir imparfait de la marque de commerce EXPRESSIONS de l’Opposante ne serait pas porté à conclure que les produits de la Requérante décrits comme « plancher de bois pré-huilé » proviennent de la même source ou sont autrement apparentés ou associés aux compositions de tuile de vinyle de l’Opposante.

[67]  Tel qu’indiqué plus haut, ni l'une ni l'autre des marques des parties n'est particulièrement forte. Les différences existant entre celles-ci aux plans visuel, phonétique et des idées suggérées, combinées aux différences existant dans la nature des revêtements de sol des parties sont suffisantes pour écarter toute probabilité raisonnable de confusion.

[68]  Par conséquent, je rejette le motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité de la Marque au sens de l’article 12(1)(d) de la Loi, dans chaque dossier.

Décision

[69]  En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette chacune des oppositions selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2017-07-18

COMPARUTIONS

Me Simon Lemay

POUR L’OPPOSANTE

Me Anik Bernatchez

POUR LA REQUÉRANTE

AGENTS AU DOSSIER

Robic

POUR L’OPPOSANTE

Beauvais, Truchon s.e.n.c.r.l.

POUR LA REQUÉRANTE

 

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