Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 107

Date de la décision : 2017-08-23

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Andrews Robichaud

Partie requérante


et

 

Entechnevision Inc.

Propriétaire inscrite

 

LMC807,376 pour la marque de commerce SWISS FAMILY ROBINSON

Enregistrement

[1]  Le 26 septembre 2014, à la demande d’Andrews Robichaud (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Entechnevision Inc. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC807,376 de la marque verbale SWISS FAMILY ROBINSON (la Marque).

[2]  La Marque est enregistrée en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

(1) Bijoux, nommément bagues, bracelets, colliers, pendentifs, boucles d’oreilles, épinglettes, chaînes porte-clés, épingles à cheveux, barrettes, pinces pour cheveux, boutons de manchettes, broches et pinces à billets,
(2) Articles en papier et imprimés, nommément cartes à échanger, cartes à jouer, autocollants, articles de papeterie, nommément enveloppes, faire-part, carnets, blocs, papier à notes, cartes de correspondance, étiquettes, affiches et cartes de souhaits; livres et dépliants,
(3) Jouets et jeux, nommément figurines d’action jouets et accessoires connexes; poupées, vêtements de poupée et accessoires de poupée, jouets multiactivités pour enfants, jouets en peluche, jouets rembourrés, figurines jouets en plastique et en vinyle, figurines jouets, jouets musicaux, jouets gonflables, casse-tête, matériel de jeu vendu comme un tout pour jouer à des jeux de plateau, à des jeux de société, à des jeux d’adresse et d’action, à des jeux de cartes et à des jeux de rôles ainsi que consoles électroniques de poche pour jouer à des jeux,
(4) Vêtements, articles chaussants, couvre-chefs, nommément chemises, tee-shirts, pulls d’entraînement, chandails, chemisiers, débardeurs, gilets de corps, vestes, manteaux, robes, jupes, shorts, pantalons, jeans, salopettes, pantalons d’entraînement, sous-vêtements, boxeurs, caleçons, culottes, vêtements de bain, maillots de bain, chemises de nuit, peignoirs, robes de nuit, pyjamas, collants, caleçons longs, jambières, cravates, nœuds papillon, ascots, pochettes, foulards, gants, mitaines, serre-poignets, ceintures, écharpes, chaussettes, chaussures, bottes, chaussures d’entraînement, pantoufles, chapeaux, casquettes, bandeaux, visières, capuchons, costumes d’Halloween, costumes de mascarade, vêtements pour bébés, nommément bottillons, bavoirs et tenues de loisir.

[3]  La Marque est également enregistrée en liaison avec les services suivants [Traduction] :

(1) Services de divertissement, nommément offre de divertissement dans le domaine des jeux interactifs sur un réseau informatique mondial; offre d’un site Web contenant des jeux, des contes, du matériel éducatif et des activités éducatives interactives pour le niveau primaire et le niveau secondaire,
(2) Octroi de licences d’utilisation de logiciels, nommément logiciels de jeux interactifs,
(3) Services d’octroi de licences d’utilisation de personnages et de scénarios, nommément octroi de licences d’utilisation de certains personnages et scénarios de programmes de jeux informatiques interactifs,
(4) Services informatiques, nommément offre d’un site Web sur un réseau informatique mondial permettant aux utilisateurs de jouer de façon interactive; offre d’accès à des programmes informatiques interactifs en ligne contenant des jeux d’action et d’aventure.

[4]  L’avis enjoignait à la Propriétaire de fournir une preuve établissant que la Marque a été employée au Canada, en liaison avec chacun des produits et services spécifiés dans l’enregistrement, à un moment quelconque entre le 26 septembre 2011 et le 26 septembre 2014. Dans le cas où la Marque n’avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d’emploi depuis cette date.

[5]  Les définitions pertinentes d’« emploi » sont énoncées aux articles 4(1) et 4(2) de la Loi, lesquels sont libellés comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[6]  Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits et services spécifiés dans l’enregistrement pendant la période pertinente.

[7]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Jeff Lord, souscrit le 26 octobre 2015 à Montréal, au Québec. Seule la Partie requérante a produit des représentations écrites; cependant, les deux parties étaient représentées à l’audience qui a été tenue le 26 avril 2017. L’audience a été tenue conjointement avec des procédures de radiation sommaire de trois enregistrements liés, nommément, les enregistrements nos LMC807,353 (JUNGLE BOOK), LMC807,362 (RAPUNZEL) et LMC807,375 (TWENTY THOUSAND LEAGUES UNDER THE SEA). Bien que l’affidavit en l’espèce soit essentiellement le même que celui présenté dans le cadre de ces procédures, une décision distincte sera rendue relativement à chacun des enregistrements.

Preuve de la Propriétaire

[8]  Dans son affidavit, M. Lord atteste qu’il est le directeur de la Propriétaire.

[9]  M. Lord atteste que des Canadiens ont accédé aux jeux, aux contes et au matériel éducatif en ligne de la Propriétaire au cours de la période pertinente. Plus précisément, M. Lord atteste que des Canadiens ont profité des services suivants [Traduction] :

Services de divertissement, nommément offre de divertissement dans le domaine des jeux interactifs sur un réseau informatique mondial; offre d’un site Web contenant des jeux, des contes, du matériel éducatif et des activités éducatives interactives pour le niveau primaire et le niveau secondaire; services informatiques, nommément offre d’un site Web sur un réseau informatique mondial permettant aux utilisateurs de jouer de façon interactive; offre d’accès à des programmes informatiques interactifs en ligne contenant des jeux d’action et d’aventure.

[10]  Ces services correspondent essentiellement aux services (1) et (4) de l’enregistrement.

[11]  À l’appui, comme pièce A de son affidavit, M. Lord joint des imprimés de quatre pages Web qui, indique-t-il, ont été consultées par des Canadiens au cours de la période pertinente. Les pages semblent correspondre à la page d’accueil d’un site Web ayant pour thème SWISS FAMILY ROBINSON [LES ROBINSON DES MERS DU SUD] et des pages d’accueil semblables pour les sites Web ayant pour thème RAPUNZEL [RAIPONCE], WIZARD OF OZ [LE MAGICIEN D’OZ] et JUNGLE BOOK [LE LIVRE DE LA JUNGLE], respectivement. M. Lord explique que les pages Web produites en pièce ont été imprimées après la période pertinente, mais il atteste qu’elles sont représentatives des pages Web telles qu’elles figuraient au cours de la période pertinente.

[12]  M. Lord affirme que [Traduction] « suivant les renseignements de mes employés des TI, je crois sincèrement que les ordinateurs ayant accédé aux sites Web semblent être situés au Canada et je crois donc sincèrement que ce sont des Canadiens qui utilisaient ces ordinateurs et profitaient des services offerts par l’intermédiaire des pages Web ».

[13]  Sur la page Web ayant pour thème SWISS FAMILY ROBINSON [LES ROBINSON DES MERS DU SUD] produite en pièce, la Marque figure bien en vue dans le haut de la page sous forme d’un logo. Elle figure également sous forme de texte, suivie du symbole « TM » [MC], vers le bas de la page.

[14]  Un logo « Kidoons Network » [réseau Kidoons] figure également dans le haut de la page, et les liens suivants figurent au centre de la page : « SEND ECARDS »[Envoyer des cartes électroniques], « DOWNLOAD STUFF » [Télécharger des trucs], « PLAY GAMES » [Jouer à des jeux], « READ STORIES »[Lire des contes] et « SHOP » [Acheter].

[15]  Bien que le bas de la page Web SWISS FAMILY ROBINSON [LES ROBINSON DES MERS DU SUD] soit coupé, la note suivante est visible sur les pages Web JUNGLE BOOK [LE LIVRE DE LA JUNGLE] et WIZARD OF OZ [LE MAGICIEN D’OZ] qui sont disposées de la même façon : « TM/MC EnTechneVision, Inc., lic. use/usager lic. KIDOONS Inc. »

[16]  En ce qui concerne les produits visés par l’enregistrement, M. Lord atteste que [Traduction] « la vente de produits arborant les marques de commerce a commencé peu après la production des déclarations d’emploi », mais il indique que ces ventes ont [Traduction] « cessé » à un certain moment non précisé.

[17]  M. Lord affirme que [Traduction] « la vision originale était d’activer toutes les marques de commerce d’un seul coup [mais que], en 2010, la sortie du film Tangled [Raiponce] de Disney ayant pour thème Rapunzel [Raiponce] a étouffé le marché et fait en sorte que la démarche dans son ensemble, telle qu’elle était prévue à l’origine, n’était pas viable ». Il affirme que, de ce fait, il a décidé de [Traduction] « réajuster » sa stratégie.

[18]  Il explique que, à partir de 2012, il a commencé à mettre en œuvre une nouvelle stratégie liant la Marque avec des productions en studio et a obtenu le mandat de produire Twenty Thousand Leagues Under the Sea [Vingt mille lieues sous les mers]. Il indique que la pièce a été jouée pour la première fois à Toronto en juillet 2015 au PANAMANIA, le festival d’arts et de culture des Jeux panaméricains. Des photographies d’une conférence de presse tenue dans le cadre des Jeux panaméricains en avril 2014 et un extrait du site Web d’un tiers décrivant la production sont joints comme pièce B à l’affidavit de M. Lord.

[19]  M. Lord atteste que, avant la première de Twenty Thousand Leagues Under the Sea [Vingt mille lieues sous les mers] à Toronto, il a eu de graves problèmes de santé qui ont finalement mené à deux interventions chirurgicales. À la suite de la première, M. Lord a également souffert d’un autre grave problème de santé, qui a mené à une troisième intervention chirurgicale, de laquelle il est toujours en convalescence. Jointe comme pièce C se trouve une lettre non signée que M. Lord affirme être une [Traduction] « copie conforme d’une note de la part de mon employé de confiance Craig Francis ». La note décrit les obstacles à la réalisation de la « vision » de M. Lord, soulignant la réalisation d’une [Traduction] « production de scène ambitieuse », les absences de M. Lord pour des raisons de santé et les efforts déployés pour établir des contacts avec divers organismes sans but lucratif.

[20]  M. Lord affirme qu’il a toujours eu [Traduction] « l’intention d’établir un incroyable réseau canadien ayant pour mandat d’éduquer et de divertir les jeunes Canadiens et de renforcer leur autonomie » et d’employer la Marque d’une manière socialement positive et éthique.

Analyse – Emploi en liaison avec les Produits

[21]  En ce qui concerne les produits visés par l’enregistrement, M. Lord ne fournit aucune preuve de transfert de l’un quelconque des produits au cours de la période pertinente ou autrement. De plus, M. Lord ne fournit aucune preuve de la manière dont la Marque et l’un quelconque des produits visés par l’enregistrement étaient liés.

[22]  Par conséquent, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a établi l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

[23]  La question de savoir s’il existait des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque sera examinée ci-dessous.

Analyse – Emploi en liaison avec les Services (1) et (4)

[24]  Dans ses représentations, la Partie requérante remet en question plusieurs aspects de la preuve de la Propriétaire. De façon générale, elle allègue diverses contradictions et lacunes dans la preuve, faisant valoir que l’affidavit de M. Lord est, au mieux, vague et ambigu.

[25]  Plus précisément, en ce qui concerne les services (1) et (4), la Partie requérante souligne que la preuve relative à la marque SWISS FAMILY ROBINSON se limite à une seule page Web, jointe comme pièce A. Elle soutient que, [Traduction] « outre cette seule page, le Déposant ne présente aucune autre preuve ni aucun commentaire en ce qui concerne le reste du contenu du site Web, s’il en est, laissant injustement ces renseignements à la présomption et à l’imagination du registraire ». De plus, la Partie requérante soutient que M. Lord [Traduction] « n’a pas une connaissance personnelle de qui peut avoir eu accès à la page Web », et ne fait que spéculer sur le fait que la page Web [Traduction] « peut avoir été consultée par l’intermédiaire d’ordinateurs situés au Canada », « que des Canadiens peuvent avoir utilisé ces ordinateurs » et que « ceux qui ont accédé à la page unique profitaient des services offerts ». 

[26]  La Partie requérante reproche également à l’affidavit de M. Lord, entre autres, de ne présenter [Traduction] « rien d’autre qu’une simple liste mot à mot en copier-coller » des services (1) et (4) au paragraphe 3 de son affidavit.

[27]  Cependant, selon moi, il n’y a rien de problématique en soi dans le fait que le déposant présente une [Traduction] « copie mot à mot » des services visés par l’enregistrement. Conformément à l’article 30 de la Loi, un état déclaratif des services devrait être dressé dans « les termes ordinaires du commerce ». En l’espèce, il n’y a rien d’exceptionnel ou de difficile à comprendre dans le libellé des services (1) et (4). Quoi qu’il en soit, M. Lord confirme que les sites présentés comme pièce A étaient actifs au cours de la période pertinente sous la même forme que celle présentée.

[28]  À la question de savoir si des Canadiens ont accédé au site Web SWISS FAMILY ROBINSON [LES ROBINSON DES MERS DU SUD] de la Propriétaire au cours de la période pertinente, M. Lord affirme [Traduction] « croire sincèrement que ce sont des Canadiens qui utilisaient les ordinateurs et profitaient des services offerts par l’intermédiaire des pages Web, à savoir les [services (1) et (4)] ». Malgré le fait qu’il peut se tromper, je ne suis pas disposé à tirer une conclusion négative du fait qu’il a indiqué comment il en est venu à croire cela. En tant que [Traduction] « directeur » de la Propriétaire, M. Lord aurait été au courant des activités de la Propriétaire, et j’admets d’emblée sa déclaration.

[29]  À cet égard, il est bien établi que, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45, la preuve n’a pas à être parfaite; en effet, un propriétaire inscrit doit seulement présenter une preuve prima facie d’emploi au sens des articles 4 et 45 de la Loi [voir Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184, au paragraphe 2]. Ce fardeau de preuve est léger; la preuve doit seulement exposer des faits à partir desquels une conclusion d’emploi peut s’inférer logiquement [selon Diamant, au paragraphe 9].

[30]  De plus, je souligne que la preuve produite dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 doit être considérée dans son ensemble et que le fait de se concentrer sur des éléments de preuve individuels et de considérer ces derniers isolément n’est pas la bonne approche [voir Kvas Miller Everitt c Computer (Bridgend) Limited (2005), 47 CPR (4th) 209 (COMC); et Fraser Milner Casgrain LLP c Canadian Distribution Channel Inc (2009), 78 CPR (4th) 278 (COMC)]. De plus, il est permis de faire des inférences raisonnables de la preuve produite [voir Eclipse International Fashions Canada Inc c Shapiro Cohen (2005), 48 CPR (4th) 223 (CAF)].

[31]  En l’espèce, bien que la preuve ne soit pas forte, elle est suffisante. À cet égard, la Propriétaire a fourni une capture d’écran tirée du site Web arborant la Marque et montrant que des activités correspondant aux services (1) et (4) étaient accessibles par l’intermédiaire de ce site Web. M. Lord confirme que le site Web était accessible au cours de la période pertinente et, compte tenu des attestations de M. Lord et de la nature de ces sites « .ca », j’estime qu’il est raisonnable d’inférer qu’au moins certains Canadiens auraient accédé à ces sites Web au cours de cette période.

[32]  La Partie requérante fait également valoir qu’aucun emploi n’est établi dans un contexte commercial. À cet égard, la Partie requérante suggère que l’emploi doit être [Traduction] « de nature commerciale normale », dont on peut dire qu’il a eu lieu [Traduction] « dans la pratique normale du commerce » [citant Cornerstone Securities Canada Inc c Canada (Registraire des marques de commerce) (1994), 58 CPR (3d) 417 (CF 1re inst)].

[33]  Dans Cornerstone, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit au paragraphe 7 [Traduction] :

Dans ce type d’affaire, l’emploi peut être établi par une preuve de publicité de la marque à condition qu’il y ait également exécution de ces services au Canada. Cet emploi doit être de nature commerciale normale, dont on peut dire qu’il a eu lieu [Traduction] « dans la pratique normale du commerce » : Coscelebre c Registraire des marques de commerce (1991), 35 C.P.R., (3d) 74 (CF 1re inst).

[34]  Premièrement, je souligne que le principe cité par la Partie requérante, à savoir que [Traduction] « l’emploi doit être de nature commerciale normale », semble être qualifié par la Cour fédérale même, compte tenu du début de la phrase précédente « Dans ce type d’affaire… », laissant entendre que cela ne s’applique peut-être pas à toutes les procédures de radiation relatives à des services. De plus, la décision Cornerstone ne semble pas porter sur cette question, mais plutôt se rapporter à la question de savoir si la preuve établissait que les publicités en question avaient été distribuées et que les services visés par l’enregistrement avaient déjà été exécutés.

[35]  En effet, la décision Coscelebre citée portait uniquement sur des produits. Par conséquent, le commentaire de la Cour fédérale dans cette affaire devrait être considéré dans le contexte de l’article 4(1) de la Loi, lequel requiert le transfert des produits en question [Traduction] « dans la pratique normale du commerce ». En revanche, l’article 4(2) de la Loi, reproduit ci-dessus, n’exige pas que l’emploi en ce qui concerne les services soit fait [Traduction] « dans la pratique normale du commerce ». Ce qui constitue un « service » au sens de la Loi doit recevoir une interprétation large, l’élément déterminant étant qu’il procure un certain avantage pour le public. Cette notion d’avantage ne requiert pas nécessairement un contexte commercial, comme le démontre la grande quantité d’enregistrements de marques de commerce en lien avec des [Traduction] « services de bienfaisance... » et des services semblables dans divers domaines.

[36]  Quoi qu’il en soit, il semble que les services dans ce cas sont et étaient offerts dans un contexte commercial. L’affidavit de M. Lord fait référence à la société de la Propriétaire et à ses plans d’affaires, et je souligne que des publicités figurent sur les captures d’écran tirées du site Web produites en pièce. De plus, l’objectif du site Web de la Propriétaire et de l’exécution de ses services semble, du moins en partie, lié aux efforts de la Propriétaire en ce qui concerne l’octroi de licence et l’offre (à défaut de ventes réelles à ce moment) de produits de marque liés.

[37]  Compte tenu de tout ce qui précède, je suis convaincu que la Propriétaire a établi l’emploi de la Marque en liaison avec les services (1) et (4) au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Analyse – Emploi en liaison avec les Services (2) et (3)

[38]  Quoique les pages Web produites en pièce indiquent l’existence d’une licence entre la Propriétaire et Kidoons et que la Marque ait été employée en liaison avec les services (1) et (4), il ne s’ensuit pas que la preuve établit l’emploi de la Marque en liaison avec les services d’octroi de licence visés par l’enregistrement, à savoir les services (2) [Traduction] « Octroi de licences d’utilisation de logiciels... » et (3) [Traduction] « Services d’octroi de licences d’utilisation de personnages et de scénarios… ».

[39]  Selon moi, la présentation de la Marque dans l’annonce et l’exécution des services (1) et (4) ne constitue pas non plus une présentation de la Marque dans l’annonce ou l’exécution des services d’octroi de licence visés par l’enregistrement. À cet égard, M. Lord ne mentionne pas directement les services (2) et (3) dans son affidavit et ne présente pas de copie d’accord de licence, de papier à en-tête, de correspondance ni de tout autre document démontrant que la Marque est présentée dans l’annonce et/ou l’exécution des services d’octroi de licence de la Propriétaire.

[40]  Par conséquent, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a établi l’emploi de la Marque en liaison avec les services (2) et (3) au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Analyse - Circonstances spéciales

[41]  En l’absence de preuve d’emploi de la Marque en ce qui concerne les produits et services (2) et (3) visés par l’enregistrement, la question qui se pose est celle de savoir si, aux termes de l’article 45(3) de la Loi, il existait des circonstances spéciales justifiant ce défaut d’emploi.

[42]  En règle générale, le défaut d’emploi doit être sanctionné par la radiation, mais il peut être fait exception à cette règle lorsque le défaut d’emploi est attribuable à des circonstances spéciales [Scott Paper Ltd c Smart & Biggar, 2008 CAF 129, 65 CPR (4th) 303].

[43]  Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été démontrée, le registraire doit en premier lieu déterminer la raison pour laquelle la marque de commerce n’a pas été employée au cours de la période pertinente. En second lieu, le registraire doit déterminer si les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)]. Les circonstances spéciales sont des circonstances ou des raisons qui sont inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst)].

[44]  Si le registraire détermine que les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales, le registraire doit cependant déterminer si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi. Cette détermination repose sur l’examen de trois critères : (i) la durée de la période au cours de laquelle la marque n’a pas été employée; (ii) si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et (iii) s’il existe une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la marque à court terme [selon Harris Knitting Mills, supra].

[45]  L’intention de reprendre l’emploi à court terme doit être corroborée par un [Traduction] « fondement factuel suffisant » [NTD Apparel Inc c Ryan, 2003 CFPI 780, 27 CPR (4th) 73 au paragraphe 26; voir aussi Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst)].

[46]  Ces critères sont tous trois pertinents, mais la satisfaction du deuxième critère est essentielle pour conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [selon Scott Paper, supra].

[47]  En l’espèce, la Propriétaire soutient que le défaut d’emploi de la Marque au cours de la période pertinente était lié à la maladie de M. Lord, dont il a été question précédemment.

[48]  Cependant, la Partie requérante souligne que M. Lord admet essentiellement, au paragraphe 6 de son affidavit, que la décision originale de cesser l’emploi de la Marque était due à [Traduction] « ma décision de réajuster ma stratégie ». La Partie requérante souligne également que, bien que M. Lord allègue divers problèmes de santé personnels, il indique tout de même que la Propriétaire a poursuivi ses activités, sans donner de raisons claires expliquant le retard de la Propriétaire à reprendre l’emploi de la Marque.

[49]  En effet, je conviens avec la Partie requérante que la chronologie des événements présentée par M. Lord est un peu vague, considérant qu’en aucun moment il ne présente de preuve de vente des produits visés par l’enregistrement. On peut donc inférer que la Propriétaire n’a enregistré aucune vente de ses produits de marque SWISS FAMILY ROBINSON, même avant que M. Lord ne commence à éprouver des problèmes de santé.

[50]  Il a été confirmé que des conditions de marché défavorables et des décisions d’affaires volontaires ne constituent pas le type de circonstances qui constituent des circonstances spéciales [voir Harris Knitting, supra; Lander Co Canada Ltd c Alex E Macrae & Co (1993), 46 CPR (3d) 417 (CF 1re inst)]. Dans des cas où le propriétaire inscrit n’avait pas l’intention d’abandonner sa marque de commerce au Canada, mais n’avait reçu aucune commande pour ses produits au cours de la période pertinente, il a été déterminé qu’une telle situation n’était pas, en soi, suffisante pour maintenir l’enregistrement en question [voir Garrett c Langguth Cosmetic GMBH (1991), 39 CPR (3d) 572 (COMC) et Bereskin & Parr c Magnum Marine Corp, 2011 COMC 68, 93 CPR (4th) 327].

[51]  Par conséquent, selon la preuve, il semble que les raisons du défaut d’emploi étaient au moins en partie liées aux décisions d’affaires et aux efforts de commercialisation de la Propriétaire. En l’espèce, M. Lord présente une preuve en ce qui concerne les autres marques et sites Web de la Propriétaire, ainsi que des productions théâtrales. Par conséquent, il n’apparaît pas clairement que le défaut d’emploi était dû à la maladie de M. Lord plutôt qu’aux décisions d’affaires volontaires de la Propriétaire, comme le choix de la Propriétaire de se concentrer sur ses autres marques de commerce au cours de la période pertinente. Comme l’a souligné la Partie requérante, le fait que M. Lord mentionne une production théâtrale de Twenty Thousand Leagues Under the Sea [Vingt mille lieues sous les mers] suggère que l’accent a été mis sur d’autres marques de la Propriétaire de même que sur des services qui ne sont pas visés par l’enregistrement.

[52]  Je souligne l’observation suivante formulée par la Cour fédérale dans Plough, supra, au paragraphe 10 [Traduction] :

Il n’est pas permis à un propriétaire inscrit de garder sa marque s’il ne l’emploie pas, c’est-à-dire s’il ne l’emploie pas du tout ou s’il ne l’emploie pas à l’égard de certaines des marchandises pour lesquelles cette marque a été enregistrée.

[53]  Comme la raison du défaut d’emploi semble relever de décisions d’affaires volontaires de la Propriétaire, j’estime que la Propriétaire n’a pas établi que les raisons du défaut d’emploi constituaient des circonstances spéciales. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que je détermine si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi. Il suffit de dire que les décisions d’affaires volontaires de la Propriétaire ayant contribué au défaut d’emploi de la Marque n’étaient pas indépendantes de la volonté de la Propriétaire.

Décision

[54]   Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi, et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de supprimer l’état déclaratif des produits dans son ensemble, ainsi que les services (2) et (3).

[55]  L’état déclaratif des services modifié sera libellé comme suit [Traduction] :

(1) Services de divertissement, nommément offre de divertissement dans le domaine des jeux interactifs sur un réseau informatique mondial; offre d’un site Web contenant des jeux, des contes, du matériel éducatif et des activités éducatives interactives pour le niveau primaire et le niveau secondaire;
(2) Services informatiques, nommément offre d’un site Web sur un réseau informatique mondial permettant aux utilisateurs de jouer de façon interactive; offre d’accès à des programmes informatiques interactifs en ligne contenant des jeux d’action et d’aventure.

 

 

Andrew Bene

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2017-04-26

COMPARUTIONS

Steven Leach

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

 

Michael Andrews
Steven Andrews

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

Ridout & Maybee LLP

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Andrews Robichaud

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

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