Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 113

Date de la décision : 2017-08-28

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Drummond Brewing Company Ltd.

Opposante

et

 

Moosehead Breweries Limited

Requérante

 

1,675,560 pour la marque de commerce GIMMIE THAT NUTT

Demande

Introduction

[1]  La Requérante est une brasserie située dans la province de l’Alberta. Le 5 mai 2014, elle a produit une demande d’enregistrement à l’égard de la marque de commerce reproduite ci-dessous (la Marque), pour emploi en liaison avec de la [Traduction] « bière ».

GIMMIE THAT NUTT

[2]  La demande est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis le 2 mai 2014.

[3]  La Requérante est une brasserie située dans la province du Nouveau-Brunswick. L’Opposante est la propriétaire des marques de commerce Barking Squirrel Lager et dessin d’écureuil (enregistrement no LMC788,839), reproduits ci-dessous, et BARKING SQUIRREL LAGER (enregistrement no LMC789,440). Ses marques sont toutes deux enregistrées pour emploi en liaison avec les produits suivants [Traduction] : « boissons alcoolisées brassées; articles de verrerie, nommément chopes, verres à whisky, chopes en plastique; vêtements, nommément tee-shirts, chapeaux; tireuses ». La date de premier emploi revendiquée dans chacun de ces enregistrements est le 5 octobre 2009.

Barking Squirrel Lager and squirrel design

[4]  L’Opposante allègue qu’il existe une probabilité de confusion entre ses marques de commerce et la Marque. Elle s’est par conséquent opposée à la demande pour la Marque en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). En plus d’invoquer un certain nombre de motifs de fond fondés sur la confusion, l’Opposante s’est également opposée à la demande au motif que la Marque n’a pas été employée au Canada depuis la date de premier emploi revendiquée dans la demande.

[5]  Pour les raisons exposées ci-dessous, l’opposition est accueillie.

Historique du dossier

[6]  La demande pour la Marque a été produite le 5 mai 2014.

[7]  La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 11 février 2015.

[8]  Le 31 mars 2015, l’Opposante s’est opposée à la demande en produisant une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition sont fondés sur les articles 30b), 30i), 12(1)d), 16(1)a), 16(1)b) et 2 (caractère distinctif) de la Loi.

[9]  Le 9 juin 2015, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations formulées dans la déclaration d’opposition.

[10]  Comme preuve à l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Trevor Grant, souscrit le 7 octobre 2015, et l’affidavit de Caroline Mercier-Girard, souscrit le 24 septembre 2015. Aucun des déposants n’a été contre-interrogé.

[11]  Comme preuve à l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Kevin Wood, souscrit le 8 février 2016, l’affidavit de Joanne Grison, souscrit le 4 février 2016 et l’affidavit de Kimberley Cunningham, souscrit le 8 février 2016. Aucun des déposants n’a été contre-interrogé.

[12]  Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit.

[13]  Une audience a été tenue le 14 juin 2017. Les parties y étaient toutes deux présentes.

Fardeau de preuve

[14]  C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298].

Dates pertinentes

[15]  Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

·  articles 38(2)a)/30b)/30i) – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p 475];

·  articles 38(2)b)/12(1)d) – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

·  articles 38(2)c)/16(1)a)/16(1)b) – la date de premier emploi revendiquée [article 16(1) de la Loi]; et

·  articles 38(2)d)/2 – la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 2004 CF 1185 (CanLII), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Analyse des motifs d’opposition

Question préliminaire

[16]  À l’audience, l’Opposante a abandonné les motifs d’opposition fondés sur les articles 30i) et 16(1)b) de la Loi. Par conséquent, je n’examinerai ni l’un ni l’autre de ces motifs dans ma décision.

Article 30b)

[17]  L’Opposante allègue que la demande n’est pas conforme à l’article 30b) de la Loi, parce ce que la Marque n’a pas été employée au Canada en liaison avec les produits de la Requérante depuis la date de premier emploi du 2 mai 2014 revendiquée dans la demande.

[18]  Le fardeau de preuve qui incombe à un opposant relativement à la question de la non-observation de cet article de la Loi par un requérant est léger et l’opposant peut s’en acquitter en s’appuyant aussi bien sur sa propre preuve que sur celle du requérant [Labatt Brewing Co Ltd c Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst), à la p 230; Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd, 2014 CF 323 (CanLII), aux para 33 à 38]. Pour s’acquitter de son fardeau, l’opposant doit démontrer que la preuve du requérant est clairement incompatible avec la date de premier emploi revendiquée [Ivy Lea Shirt Co c Muskoka Fine Watercraft & Supply Co (1999), 2 CPR (4th) 562 (COMC), aux p 565 et 566, conf par (2001), 2001 CFPI 252 (CanLII), 11 CPR (4th) 489 (CF 1re inst); Corporativo de Marcas, supra; Reitmans (Canada) Limited c Atlantic Engraving Ltd, 2005 CanLII 78234 (COMC CA), 2005 CanLII 78234 (COMC)].
 Si l’opposant s’acquitte de son fardeau de preuve, le requérant doit prouver qu’il a employé sa marque à la date revendiquée.

[19]  À mon avis, la preuve produite par la Requérante est suffisante pour que le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) soit mis en cause en l’espèce.

[20]  L’article 4 de la Loi définit ce qui constitue l’« emploi » d’une marque de commerce. Il est libellé comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[21]  L’affidavit Wood traite de la question de la promotion et de l’emploi de la Marque par la Requérante. Au paragraphe 6 de son affidavit, M. Wood affirme ce qui suit [Traduction] :

Drummond a vendu la bière brune GIMMIE THAT NUTT pour la première fois à l’occasion du Calgary International Beer Festival (« CIBF »). Le CIBF s’est tenu les 2 et 3 mai 2014. Est jointe comme pièce « C » une page tirée du site Web www.albertabeerfestivals.com faisant la promotion du CIBF. Est jointe comme pièce « D » une photo d’un kiosque érigé à l’occasion du festival. En raison de la nature de l’événement, il n’existe aucune facture faisant état de la vente de la bière GIMMIE THAT NUTT aux organisateurs de l’événement ou à des consommateurs directement. Tous les exposants font don de leur bière et les organisateurs de l’événement vendent aux clients présents des coupons leur permettant de goûter les bières.

[22]  Comme l’a fait observer l’Opposante au paragraphe 6 de son affidavit, M. Wood n’affirme pas que la bière de la Requérante a été vendue en liaison avec la Marque lors du CIBF. Il affirme simplement que la [Traduction] « bière brune GIMMIE THAT NUTT » de la Requérante a été vendue pour la première fois à l’occasion du CIBF. Comme l’a également souligné l’Opposante, la Marque ne figure nulle part dans la pièce « C », et la pièce « D » montre uniquement ce qui ressemble à la partie inférieure de la Marque (c.-à-d. les mots « BROWN ALE » [bière brune] et la moitié inférieure de ce qui semble être un écureuil). M. Wood n’a pas confirmé que la matière partielle montrée en pièce « D » est bel et bien la Marque, pas plus qu’il n’a expliqué pourquoi la Marque n’a pas été montrée dans son intégralité. Il n’indique pas si le kiosque montré en pièce « D » est l’endroit où la clientèle de l’événement se serait rendue pour goûter la bière de la Requérante, pas plus qu’il n’explique de quelle façon la Marque était liée aux produits de la Requérante au moment de leur transfert.

[23]  À l’audience, la Requérante a fait observer que, bien qu’on ne puisse pas voir la Marque dans son intégralité sur la photographie de la pièce « D », on peut la voir en pièce « F ». La pièce « F » est décrite comme étant un imprimé tiré du site Web situé à l’adresse www.untapped.com, un site de média social sur lequel les membres peuvent publier des images et des commentaires se rapportant aux bières qu’ils consomment et aux endroits où ils les consomment. Or, il n’apparaît pas clairement que la Marque, tel qu’elle est montrée dans les publications en pièce « F », est représentative de la façon dont elle aurait été présentée lors du CIBF, et cette preuve n’est pas suffisante pour me permettre de conclure que la Marque était d’une manière ou d’une autre liée aux produits au moment de leur transfert, car M. Wood n’a fourni aucun renseignement à cet égard. Comme l’a fait observer l’Opposante à l’audience, la question du ouï-dire se pose également à l’égard de cette preuve.

[24]  Considéré conjointement avec le paragraphe 6, le paragraphe 10 de l’affidavit de M. Wood soulève un doute supplémentaire à l’égard de la date de premier emploi revendiquée dans la demande pour la Marque. Au paragraphe 10, M. Wood affirme que la Requérante distribue [Traduction] « actuellement » sa bière GIMMIE THAT NUTT & DESSIN dans des magasins d’alcools, des magasins de vins et des restaurants. Comme pièce « H » est jointe une copie d’une feuille de vente qui est remise aux clients et aux clients potentiels. La Marque figure bien en vue sur les cannettes de bière et les caisses de bière en pièce « H ». Au paragraphe 6 de son affidavit, M. Wood mentionne les ventes de la [Traduction] « bière brune GIMMIE THAT NUTT » réalisées à l’occasion du CIBF les 2 et 3 mai 2014, mais au paragraphe 10, qui porte sur la distribution actuelle de la bière de la Requérante, il fait plutôt référence à la marque GIMMIE THAT NUTT & DESSIN. Cela nous amène à nous demander si la Marque en soi (c.-à-d. le dessin) a été employée lors du CIBF ou si la marque qui a été présentée n’était pas plutôt une version nominale ou différente de la Marque.

[25]  Le paragraphe 14 de l’affidavit de M. Wood accroît encore davantage l’incertitude à cet égard. Au paragraphe 14, M. Wood affirme que, avant le 9 septembre 2014, la bière brune GIMMIE THAT NUTT de la Requérante a été vendue en fût à sa taverne [Traduction] « jusqu’à ce que l’emballage montré en pièce “H” soit disponible ». Cela nous amène également à nous demander de quelle façon la Marque aurait été liée aux produits de la Requérante avant cette date, en particulier, au moment du transfert des produits lors du CIBF.

[26]  À mon avis, ces aspects de l’affidavit de M. Wood, considérés conjointement avec le défaut de ce dernier de fournir une image complète en pièce « D » ou de plus amples renseignements quant à la façon dont la Marque était liée aux produits de la Requérante au moment de leur transfert lors du CIBF, mettent en doute la date de premier emploi revendiquée par la Requérante. On aurait pu raisonnablement s’attendre à ce que la Requérante soit en mesure de fournir ce genre d’éléments de preuve, mais elle ne l’a pas fait.

[27]  La preuve engendre également une certaine incertitude quant à la question de savoir si le transfert des produits de la Requérante lors du CIBF a eu lieu dans la « pratique normale du commerce », comme l’exige l’article 4(1) de la Loi. En l’espèce, bien que M. Wood affirme que la Requérante a [Traduction] « vendu » sa bière pour la première fois à l’occasion du CIBF les 2 et 3 mai 2014, il affirme également un peu plus loin qu’il n’existe aucune facture faisant état de ventes aux organisateurs de l’événement ou à des consommateurs directement, car les exposants au CIBF [Traduction] « font don » de leur bière et les organisateurs de l’événement vendent aux clients présents des coupons leur permettant de goûter les bières.

[28]  La Cour fédérale a statué que, en règle générale, le fait de remettre gratuitement des échantillons ne constitue pas un transfert dans la pratique normale du commerce [JC Penney Co c Gaberdine Clothing Co, 2001 CFPI 1333 (CanLII), 16 CPR (4th) 151], sauf dans des circonstances particulières. À titre d’exemple, dans ConAgra Foods, Inc c Fetherstonhaugh & Co, 2002 CFPI 1257 (CanLII), 23 CPR (4th) 49 (CF 1re inst), la Cour a admis que la distribution d’échantillons gratuits est une étape courante de la pratique normale du commerce au sein de l’industrie lorsque le propriétaire d’une marque de commerce cherche à développer un marché. Cette conclusion reposait également sur le fait que de véritables ventes ont été réalisées peu après la période pertinente dans cette affaire. En l’espèce, M. Wood n’a pas fourni de renseignements détaillés quant à la pratique normale du commerce des produits de la Requérante. Qui plus est, les factures les plus anciennes qu’il a fournies sont datées du 9 septembre 2014, c’est-à-dire la date à laquelle l’emballage de la bière de la Requérante est devenu disponible. Bien que M. Wood affirme que la bière de la Requérante a été vendue en fût à sa taverne avant que l’emballage ne devienne disponible, rien dans la preuve n’indique qu’elle a été vendue en liaison avec la Marque en soi, et il n’y a aucun élément de preuve établissant qu’elle a été vendue en fût dès la date de premier emploi revendiquée.

[29]  Dans l’ensemble, j’estime que la preuve en l’espèce est suffisante pour mettre en doute la date de premier emploi revendiquée par la Requérante. Dans ce contexte, le fardeau de preuve est transféré à la Requérante, qui doit démontrer que la Marque a été employée au Canada en liaison avec les produits visés par la demande, de la date revendiquée jusqu’à la date de la production de la demande [Labatt Brewing Co, supra, à la p 262]. Elle ne l’a pas fait.

[30]  En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) est accueilli.

Article 12(1)d)

[31]  Un opposant s’acquitte de son fardeau de preuve initial à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) si l’enregistrement invoqué dans la déclaration d’opposition est en règle à la date de la décision. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence d’un enregistrement invoqué par un opposant [Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. J’ai exercé ce pouvoir discrétionnaire en l’espèce et je confirme que les enregistrements nos LMC788,839 (BARKING SQUIRREL & Dessin d’ÉCUREUIL) et LMC789,440 (BARKING SQUIRREL LAGER) existent et sont en règle. L’Opposante s’est donc acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l’égard de ce motif. Par conséquent, je dois maintenant déterminer si la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer qu’il n’existe pas de probabilité de confusion entre les marques de commerce des parties.

[32]  Mon analyse sera axée sur l’enregistrement de la marque de commerce BARKING SQUIRREL & Dessin d’ÉCUREUIL de l’Opposante, car j’estime que cet enregistrement représente la meilleure chance pour l’Opposante d’obtenir gain de cause, en raison de l’élément graphique.

Le test en matière de confusion

[33]  Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[34]  Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC)].

[35]  Dans Masterpiece (supra), au para 49, la Cour suprême du Canada a formulé les observations suivantes au sujet de l’analyse de la confusion menée aux termes de l’article 6(5) de la Loi [Traduction] :

[...] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. [C]es autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires [...]. En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion.

[36]  Dans cet esprit, j’ai choisi de commencer mon analyse de la confusion en l’espèce par l’évaluation du degré de ressemblance entre les marques des parties.

Examen des facteurs énoncés à l’article 6(5)

Degré de ressemblance

[37]  Lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance entre des marques, il faut considérer les marques de commerce dans leur ensemble et éviter de placer les marques côte à côte dans le but de les comparer et de relever les similitudes ou les différences entre leurs éléments constitutifs [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 (CanLII), CarswellNat 1402, au para 20].

[38]  Dans Masterpiece (supra), au para 64, la Cour suprême indique en outre qu’il est préférable, lorsqu’il s’agit de comparer des marques, de se demander d’abord si l’un des aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique.

[39]  En l’espèce, j’estime que la partie la plus frappante et la plus unique des marques de chacune des parties est indubitablement le dessin d’écureuil. Il est ce qui ressort le plus et sa présence dans les marques de chacune des parties engendre une ressemblance visuelle entre les marques, ainsi qu’une ressemblance dans l’idée suggérée. Cela dit, je souligne que les dessins d’écureuil présents dans les marques de chacune des parties diffèrent sensiblement. L’écureuil de l’Opposante donne l’impression d’être légèrement en colère (dans la preuve, il a été décrit comme étant un [Traduction] « écureuil légèrement furieux » – affidavit Grant, para 29; pièce « V »), alors que l’écureuil de la Marque semble être plutôt joyeux.

[40]  Il convient de souligner que la présence d’un écureuil est essentiellement la seule chose que les marques des parties ont en commun. Les marques contiennent aussi toutes deux passablement d’éléments textuels, mais ces éléments sont totalement différents. Il s’ensuit que les marques ne se ressemblent en rien sur le plan phonétique. Les différences entre les éléments nominaux des marques engendrent également des différences visuelles entre les marques et des différences sur le plan de la connotation. Il est vrai que les marques donnent toutes deux l’impression d’un écureuil, mais la marque de commerce de l’Opposante comprend également un élément graphique représentant le nom de sa microbrasserie qui occupe une place prédominante dans la marque. Cet élément graphique tient lieu d’indicateur de source. En outre, alors que les mots BARKING SQUIRREL LAGER [lager de l’écureuil furax] présents dans la marque de commerce de l’Opposante renforcent l’idée d’un écureuil et, en particulier, d’un écureuil en colère, les mots GIMMIE THAT NUTT, eux, ne produisent pas cet effet.

[41]  Malgré le fait que les marques comprennent toutes deux un écureuil, j’estime que, lorsqu’on les considère dans leur ensemble et que l’on tient compte à la fois de la présentation, du son et de l’idée suggérée, les marques présentent globalement davantage de différences que de ressemblances.

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[42]  Les marques des parties sont toutes constituées d’un dessin d’écureuil unique et d’éléments textuels à la fois descriptifs et non descriptifs. Je considère qu’elles possèdent toutes deux un caractère distinctif inhérent considérable.

[43]  En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques des parties sont devenues connues, la preuve démontre que la marque de commerce de l’Opposante est plus connue que la Marque.

[44]  Selon M. Wood, depuis que la marque de commerce GIMMIE THAT NUTT & DESSIN est présente sur le marché, la Requérante a engrangé des recettes d’environ 60 480 $ et a vendu plus de 1 200 caisses de bière [affidavit Wood, para 15]. La preuve n’indique pas clairement à quel moment exactement l’emploi de la Marque sur le marché aurait commencé, mais je suis en mesure d’inférer, à tout le moins, que la Marque était en usage à la date du 9 septembre 2014. On peut donc présumer que ces chiffres correspondent à des ventes réalisées à partir de cette date, et possiblement à partir d’une date légèrement antérieure.

[45]  Aucun renseignement n’a été fourni en ce qui concerne les dépenses publicitaires et promotionnelles. La preuve donne à penser que, depuis 2014, la Marque est présente en ligne dans une mesure limitée sur divers blogues, sites de classement de bières et sites Web de tiers vendeurs [affidavit Wood, para 8, 11 et 18; pièces « F », « J » et « P »]. En outre, la bière de la Requérante commercialisée en liaison avec la Marque a été présentée dans le magazine City Palate (numéro de janvier/février 2016) [affidavit Wood, para 13, pièce « L »]. Aucun chiffre n’a été fourni quant à la diffusion de ce magazine. Bien que la bière de la Requérante ait remporté le prix de la bière favorite lors du CIBF, il n’apparaît pas clairement que la Marque en soi était liée à la bière à ce moment-là [affidavit Wood, pièce « E »].

[46]  La bière de la Requérante est vendue dans des magasins d’alcools, des magasins de vins et des restaurants [affidavit Wood, para 10]. Est jointe comme pièce « I » une liste des magasins qui vendent actuellement la bière de la Requérante. Celle-ci est vendue dans plus de 100 magasins, qui sont tous situés dans la province de l’Alberta.

[47]  Des renseignements concernant la marque de commerce de l’Opposante sont fournis dans l’affidavit Grant. Certains des passages les plus pertinents de cet affidavit sont résumés ci-dessous :

·  l’Opposante a été constituée en société en 1928. Depuis cette date, elle a brassé, embouteillé et emballé de la bière sous diverses marques de commerce. En septembre 2009, l’Opposante a ouvert une microbrasserie qu’elle exploite sous le nom commercial déposé Hop City Brewing Co. [para 2 et 3; pièce « A »];

·  la marque de commerce de l’Opposante (ou une variante de celle-ci) figure sur les étiquettes et les emballages de bières, sur des articles de promotion et sur des accessoires de bar qui ont été vendus par l’Opposante et distribués à des bars-salons, des restaurants et des pubs depuis le 5 octobre 2009. Sa bière est également offerte dans des épiceries et des points de vente au détail d’alcools dans l’ensemble du Canada [para 5, 7 et 11 à 15; pièces « C », « G », « H1 » à « H3 », « I », « J » et « K »];

·  la marque de commerce de l’Opposante (ou une variante de celle-ci) a également figuré sur divers articles promotionnels/de publicité sur le lieu de vente depuis octobre 2009, y compris des écriteaux de portes de toilettes, des enseignes de bar, des chevalets, des tee-shirts, des tireuses, de la verrerie, des sous-verres, etc. [para 8 et 16; pièces « D1 » à « D3 » et « L »];

·   au cours de la période s’étendant de 2009 à 2015 (jusqu’à la date de souscription de l’affidavit de M. Grant), la valeur annuelle approximative des ventes au détail au Canada de la bière et des produits de consommation de l’Opposante (p. ex. vêtements et articles de promotion) de l’Opposante réalisées en liaison avec sa marque de commerce a oscillé entre 75 225 $ et 2 810 583 $ [para 31];

·  au cours de la période s’étendant de 2009 à 2015, les dépenses promotionnelles et publicitaires annuelles ont oscillé entre 152 073 $ et 1 600 000 $ [para 30];

·  la bière de l’Opposante est offerte en vente dans un certain nombre de points de vente au détail d’alcools au Canada et a été présentée en liaison avec sa marque de commerce sur les sites Web de ces points de vente. Les points de vente dans lesquels elle est vendue comprennent entre autres les suivants : Régie des alcools de l’Ontario (LCBO) - qui l’offre dans 455 points de vente en Ontario); Société des alcools de la Nouvelle-Écosse (NSLC) – qui l’offre dans 97 points de vente en Nouvelle-Écosse; Société des alcools du Nouveau-Brunswick (NB Liquor) – qui l’offre dans 132 points de vente au Nouveau-Brunswick; The Beer Store – qui l’offre dans 322 points de vente en Ontario. Elle est également offerte dans 132 points de vente au détail d’alcools en Alberta et 47 points de vente au détail d’alcools en Colombie-Britannique [para 17 à 20; pièces « M-1 » à « N »];

·  la bière de l’Opposante a été présentée en liaison avec sa marque de commerce (ou une variante de celle-ci) sur un certain nombre de sites Web de classement de bières exploités par des tiers [para 22 à 24; pièces « O » à « Q »];

·  des articles sur la bière de l’Opposante ont été publiés sur divers sites Web, y compris le site Web du quotidien The Globe and Mail [para 25 à 29; pièces « R » à « V »]; et

·  la bière BARKING SQUIRREL LAGER de l’Opposante est offerte en vente par plus de 500 licenciés au Canada [para 33; pièce « W »]. L’Opposante et ses licenciés font la promotion de la marque BARKING SQUIRREL LAGER sur Internet, en participant à des festivals des bières et en commanditant des événements [para 33 à 37; pièces « X1 », « X2 », « Y », « Z » et « AA »].

[48]  Ce qui précède m’amène à conclure que la marque de commerce de l’Opposante est devenue considérablement plus connue que la Marque. Dans ce contexte, j’estime que ce facteur, qui exige d’évaluer à la fois le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis des marques des parties, favorise l’Opposante.

Période pendant laquelle les marques ont été en usage

[49]  Bien qu’il n’apparaisse pas clairement que la Marque était en usage à la date de premier emploi revendiquée, la Requérante a produit des factures datées du 9 septembre 2014 et au-delà, ainsi que des spécimens de feuilles de vente et des images montrant l’emploi de la Marque sur des cannettes de bière et des caisses de bière [affidavit Wood, para 9 et 10; pièces « G » et « H »]. Je suis donc en mesure d’inférer que la Marque est employée au moins depuis cette date.

[50]  Étant donné que l’Opposante a commencé à employer sa marque de commerce en 2009, ce facteur favorise également l’Opposante.

Genre de produits, services ou entreprises, et nature du commerce des parties

[51]  Pour évaluer ces facteurs, je dois comparer l’état déclaratif des produits qui figure dans la demande de la Requérante avec les produits et les services visés par l’enregistrement de l’Opposante [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktein c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr. Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); et Miss Universe Inc c Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)].

[52]  Il existe un recoupement direct entre les produits des parties. L’enregistrement de l’Opposante vise, entre autres choses, des [Traduction] « boissons alcoolisées brassées » et la demande pour la Marque vise de la [Traduction] « bière ».

[53]  Il existe également un recoupement entre les voies de commercialisation respectives des parties. Selon M. Grant, la bière de l’Opposante est vendue dans des bars-salons, des restaurants, des pubs, des épiceries et des points de vente au détail d’alcools [affidavit Grant, para 5]. Selon M. Wood, la bière de la Requérante est vendue dans des magasins d’alcools, des magasins de vins et des restaurants, qui sont situés dans la province de l’Alberta [affidavit Wood, para 10]. La Requérante a produit une preuve établissant que la bière de l’Opposante est vendue dans certains des mêmes emplacements que la bière de la Requérante et à proximité relativement immédiate de cette dernière [affidavit Wood, para 19; pièce « Q »].

[54]  Par conséquent, j’estime que ces facteurs favorisent également l’Opposante.

Circonstances de l’espèce

État du registre

[55]  Une preuve de l’état du registre est parfois présentée par une partie pour montrer le caractère commun ou le caractère distinctif d’une marque ou d’une partie de marque par rapport à l’ensemble des marques figurant au registre. Il a été établi que la preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où l’on peut en tirer des inférences quant à l’état du marché, et de telles inférences sur l’état du marché ne peuvent être tirées que si l’on relève un nombre important d’enregistrements pertinents [Ports International Ltd. c Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc. c Del Monte Corp (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (CF 1re inst); et Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[56]  Lorsqu’il existe au registre un nombre important de marques de commerce qui comprennent ou sont constituées d’un même terme ou élément, l’inférence que l’on peut tirer est qu’il est probable qu’au moins certaines d’entre elles soient en usage sur le marché. Il s’ensuit que les consommateurs seraient vraisemblablement déjà habitués à voir ces marques et à les distinguer entre elles, si bien que de petites différences seraient suffisantes pour leur permettre de faire cette distinction. Pour cette raison, on dit parfois de ces marques qu’elles ne peuvent bénéficier que d’une protection limitée.

[57]  En l’espèce, l’Opposante a présenté une preuve de l’état du registre par la voie de l’affidavit de Caroline Mercier-Girard. Mme Mercier-Girard a effectué une recherche, qu’elle qualifie de recherche de dilution de dessins-marques (évaluation du caractère commun), dans le but de repérer les marques figuratives actives et inactives comprenant un écureuil pour emploi en liaison avec de la bière ou des boissons alcoolisées brassées. Certains de ses résultats de recherche sont joints comme pièce CMC-1 à son affidavit. La recherche effectuée par Mme Mercier-Girard révèle qu’il n’existe aucune autre marque de commerce déposée active constituée d’un dessin d’écureuil pour emploi en liaison avec de la bière. Toutefois, comme l’a fait observer la Requérante, Mme Mercier-Girard a repéré un certain nombre de marques comprenant un dessin d’écureuil qui sont enregistrées pour emploi en liaison avec des noix ou d’autres produits alimentaires.

[58]  L a également présenté une preuve de l’état du registre par la voie de l’affidavit de Kimberley Cunningham. Mme Cunningham a effectué une recherche dans le registre canadien des marques de commerce dans le but de repérer [Traduction] « diverses marques de commerce figuratives similaires ou apparentées qui font l’objet d’une demande d’enregistrement ou qui sont enregistrées en liaison avec de la bière et des boissons de type bières ». Sont jointes comme pièces « A1 » à « A5 » les marques de commerce qui ont été approuvées ou enregistrées en liaison avec de la bière et des boissons de type bières qui comprennent ou sont constituées d’un élément graphique, y compris des lions et des lions d’armoiries (« A-1 »); des chevaux, des mulets et des hommes à dos de cheval, de mulet ou d’âne ou accompagnés de l’un de ces animaux (« A-2 »); des chiens, des loups, des renards, des boxers et des bulldogs (« A-3 »); des montagnes et des paysages montagneux (« A-4 »); et une couronne (« A-50 »).

[59]  Dans l’ensemble, la preuve de l’état du registre démontre que, en dehors des marques des parties, aucune autre marque comprenant un dessin d’écureuil n’a été enregistrée pour emploi en liaison avec de la bière. Elle démontre également que des marques comprenant le même type de dessin (animal ou autre, à l’exclusion des écureuils) inscrites aux noms de parties différentes coexistent au registre et que des marques comprenant un dessin d’écureuil pour emploi en liaison avec des noix ou des produits alimentaires apparentés inscrites aux noms de parties différentes coexistent également au registre. La Requérante fait valoir que si des marques comprenant un écureuil peuvent coexister lorsqu’il s’agit de noix ou de produits alimentaires, il devrait en être de même pour la bière. De façon similaire, elle fait valoir que si d’autres types de marques figuratives (p. ex. dessins de chevaux) pour emploi en liaison avec de la bière peuvent coexister au registre, il devrait en être de même pour les marques d’écureuil des parties.

[60]  Le fait que des marques d’écureuil puissent coexister au registre dans le contexte d’un emploi en liaison avec des noix ou des produits alimentaires n’amène pas automatiquement à conclure qu’il doit en être de même dans le contexte d’un emploi en liaison avec de la bière. Quoi qu’il en soit, la Requérante n’a pas repéré au registre un nombre suffisamment important d’enregistrements actifs pertinents (comprenant un écureuil ou autre) inscrits aux noms de parties différentes pour me permettre de tirer une quelconque inférence quant à l’état du marché [Mcdowell c The Body Shop International PLC, 2017 CF 581 (CanLII)]. Par conséquent, je ne considère pas que la preuve de l’état du registre est particulièrement utile à la Requérante en l’espèce. En fait, elle aide la cause de l’Opposante, car elle démontre que, jusqu’à l’arrivée de la Requérante, seule l’Opposante avait obtenu l’enregistrement d’une marque figurative d’écureuil pour emploi en liaison avec de la bière.

Examen

[61]  La Requérante a inclus dans sa preuve l’historique du dossier de sa demande [affidavit Grison, pièce A]. L’historique du dossier montre que la marque de commerce de l’Opposante n’a pas été citée par l’examinateur pendant l’examen de la demande. La Requérante soutient que cela corrobore sa prétention voulant qu’il n’existe pas de probabilité de confusion entre les marques de commerce des parties.

[62]  Il convient de rappeler que la présente Commission n’est pas en mesure d’expliquer les conclusions de la section de l’examen du Bureau des marques de commerce. La section de l’examen ne dispose pas des éléments de preuve qui sont produits par les parties dans une procédure d’opposition et le fardeau est différent lors de l’examen [Thomas J Lipton Inc c Boyd Coffee co (1991), 40 CPR (3d) 272, à la p 277 et Proctor & Gamble Inc c Morlee Corp (1993), 48 CPR (3d) 377, à la p 386]. Par conséquent, je ne considère pas qu’il s’agit là d’une circonstance de l’espèce qui aide la cause de la Requérante.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[63]  L’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais la confusion qui porte à croire que des produits ou des services provenant d’une source proviennent d’une autre source. Le test à appliquer est celui de la première impression que la vue de la Marque employée en liaison avec les produits et/ou les services produit dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé qui n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’Opposante et qui ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée 2006 CSC 23 (CanLII), au para 20].

[64]  Dans San Miguel Brewing International Limited c Molson Canada 2005, 2013 CF 156, infirmant 2012 COMC 65, la Cour a évalué la probabilité de confusion entre la marque de commerce RED HORSE & Dessin et la marque de commerce BLACK HORSE, qui étaient toutes deux liées à de la [Traduction] « bière ale ». À cette fin, la Cour a tenu compte du fait que le consommateur pertinent (c.-à-d. le consommateur de bière) est sensible aux noms des bières et à ce qu’il connaît et apprécie, et que le test en matière de confusion est fondé sur ce consommateur – et non sur une fiction juridique dans laquelle un conjoint qui ne boit pas de bière serait mandaté d’aller en acheter [para 33]. La Cour, dans San Miguel, s’est également appuyée sur la décision antérieure rendue dans Carling O’Keefe Breweries of Canada Ltd c Anheuser-Busch (1982) 68 CPR (2d) 1, aux para 20 et 21 (CF 1re inst), dans laquelle le juge Walsh a fait observer que les buveurs de bière réguliers sont généralement fidèles à leur marque favorite. Dans San Miguel, la Cour a conclu qu’un coup d’œil aux étiquettes des parties était suffisant pour dissiper toute notion de confusion entre la marque RED HORSE (comprenant uniquement une tête de cheval) et la marque BLACK HORSE (comprenant un cheval de profil) [para 34].

[65]  Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans Dion Neckwear, supra, à la page 163, il n’est pas nécessaire que le registraire soit convaincu hors de tout doute que la confusion n’est pas probable. Si la norme de preuve « hors de tout doute » était appliquée, les requérants seraient, dans la plupart des cas, confrontés à un fardeau insurmontable parce que, en matière de probabilité de confusion, la certitude est une denrée rare.

[66]  En l’espèce, je suis convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’un consommateur ayant un souvenir imparfait de la marque de commerce de l’Opposante ne serait pas porté à conclure que les produits de la Requérante proviennent de la même source que les produits de l’Opposante, ou qu’ils leur sont autrement apparentés ou liés.

[67]  À l’exception du facteur énoncé à l’article 6(5)e), tous les facteurs énoncés à l’article 6(5), y compris les circonstances pertinentes de l’espèce, favorisent l’Opposante dans la présente affaire. Cependant, comme l’a souligné la Cour dans Masterpiece, il arrive souvent que le facteur énoncé à l’article 6(5)e) soit celui qui revêt le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion. En l’espèce, j’ai conclu que, dans l’ensemble, les marques de commerce des parties présentent davantage de différences que de ressemblances. Dans ce contexte, et dans l’esprit des principes susmentionnés appliqués dans San Miguel et dans Carling O’Keefe, je suis convaincue que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposante.

[68]  En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est rejeté

Articles 16(1)a) et 2 (caractère distinctif)

  • [69] Dans les circonstances de la présente espèce, la date en fonction de laquelle la question de la confusion est évaluée n’a pas d’incidence sur le résultat de mon analyse. Dans la mesure où l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard de ces motifs d’opposition, ces deux motifs sont rejetés pour des raisons semblables à celles exposées relativement au motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d).

Décision

[70]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

Lisa Reynolds

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2017-06-14

COMPARUTIONS

Jennifer McKay

POUR L’OPPOSANTE

 

Lorraine Pinsent

POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

McDermid Turnbull & Associates

POUR L’OPPOSANTE

MLT Aikins LLP

POUR LA REQUÉRANTE

 

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