Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 173

Date de la décision : 2017-12-18

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

The Clorox Company of Canada, Ltd.

Opposante

et

 

Escola de Natação E Ginastica Bioswin Ltda.

Requérante

 

1,671,742 pour la marque de commerce SMART FIT

 

Demande

Introduction

[1]  The Clorox Company of Canada, Ltd. (Clorox Canada) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce SMART FIT qui fait l’objet de la demande d’enregistrement no 1,671,742 par Escola de Natação E Ginastica Bioswin Ltda. (la Requérante).

[2]  La demande est fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

Eau minérale et gazeuse et autres boissons non alcoolisées, nommément boissons à base de cacao, boissons à base de café, boissons à base de thé; boissons aux fruits et jus de fruits; sirops et autres préparations pour faire des boissons, nommément poudre pour la préparation de jus de fruits et de boissons gazeuses.

[3]  L’opposition a été produite en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) et invoque des motifs d’opposition fondés sur les articles 2 (absence de caractère distinctif); 12 (non-enregistrabilité); et 16 (absence de droit à l’enregistrement) de la Loi, qui concernent tous la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce FITSMART de Clorox Canada enregistrée sous le no LMC823,003 en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

Produits de santé naturels; compléments alimentaires; suppléments nutritionnels; suppléments alimentaires; nutraceutiques; suppléments à base de plantes; suppléments vitaminiques; suppléments minéraux; extraits végétaux; remèdes à base de plantes; substituts de repas, tous les produits susmentionnés servant à remédier aux carences en fibres alimentaires, à assurer une supplémentation protéique, vitaminique, minérale et enzymatique, à abaisser et à maintenir le taux de cholestérol, à favoriser la perte de poids et la gestion du poids ainsi qu’à traiter les troubles digestifs.

[4]  Pour les motifs qui suivent, l’opposition est accueillie, en partie.

Le dossier

[5]  La demande a été produite le 8 avril 2014 et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 4 février 2015.

[6]  La demande a initialement fait l’objet d’une opposition engagée par Renew Life Canada Inc. (Renew Life) le 2 juillet 2015. La déclaration d’opposition a par conséquent été modifiée à deux reprises. En premier lieu, elle a été modifiée par Renew Life en réponse à la demande de la Requérante d’obtenir une décision interlocutoire (voir la lettre du Bureau datée du 2 octobre 2015). En second lieu, elle a été modifiée par Clorox Canada pour rendre compte de la cession de Renew Life à Clorox Canada des droits sur la marque de commerce FITSMART qui est mentionnée dans la déclaration d’opposition (avec la permission du registraire, accordée de vive voix au début de l’audience tenue dans ce dossier). Sauf indication contraire, j’emploierai le terme « l’Opposante » pour désigner collectivement Renew Life et Clorox Canada.

[7]  La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste chacun des motifs d’opposition formulés dans la déclaration d’opposition.

[8]  À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Thomas Bedford, président de Renew Life, souscrit le 7 janvier 2016 (l’affidavit Bedford). La Requérante a choisi de ne produire aucune preuve.

[9]  Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit, mais les parties ont toutes présenté des observations à l’audience qui a été tenue.

Analyse

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[10]  La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Non-enregistrabilité de la Marque suivant l’article 12(1)d) de la Loi

[11]  L’Opposante a allégué que la Marque n’est pas enregistrable eu égard aux dispositions de l’article 12(1)d) de la Loi en ce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée FITSMART de l’Opposante susmentionnée.

[12]  J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que cet enregistrement est en règle à la date d’aujourd’hui, laquelle est la date pertinente pour l’appréciation d’un motif fondé sur l’article 12(1)d) [voir Park Avenue Furniture Corp c Wickers/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)]. Je souligne que, dans une décision à la date d’aujourd’hui mettant en cause les mêmes parties, j’ai conclu qu’il y a lieu de modifier l’enregistrement en vertu de l’article 45 de la Loi afin de supprimer les produits [Traduction] : « Produits de santé naturels; suppléments nutritionnels; suppléments alimentaires; nutraceutiques; suppléments à base de plantes; suppléments vitaminiques; suppléments minéraux; extraits végétaux; remèdes à base de plantes; substituts de repas » de l’état déclaratif des produits [voir Escola de Natação E Ginastica Bioswin Ltda c The Clorox Company of Canada, Ltd., 2017 COMC 172]. Cependant, les parties ont le droit d’interjeter appel de la décision devant la Cour fédérale jusqu’à ce que le délai de soumission des appels soit terminé [voir l’article 56 de la Loi]. Par conséquent, aux fins de la présente décision, je dois tenir compte de l’enregistrement de l’Opposante comme s’il était toujours valide et comme s’il contenait toujours l’ensemble des produits, y compris ceux qui, selon ma conclusion, devraient être supprimés de l’enregistrement.

[13]  L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve initial, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée FITSMART de l’Opposante.

Le test en matière de confusion

[14]  L’article 6(2) de la Loi porte que :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[15]  Ainsi, cet article ne porte pas sur la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais sur la confusion portant à croire que des produits ou des services provenant d’une source proviennent d’une autre source.

[16]  Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et il importe de tenir compte de tous les facteurs pertinents. En outre, le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même et varie en fonction des circonstances [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée (2006), 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour une analyse approfondie des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[17]  J’estime que le caractère distinctif inhérent des marques des parties est sensiblement le même. Elles sont toutes les deux composées de deux mots courants du dictionnaire que l’on peut facilement distinguer et qui sont de nature descriptive ou suggestive dans le contexte des marques des parties et de leurs produits respectifs. Comme l’a soutenu la Requérante à l’audience, la marque de commerce FITSMART laisse croire aux consommateurs que les produits de l’Opposante représentent une façon intelligente [SMART] de garder la forme [FIT], alors que les produits visés par la demande de la Requérante représentent un choix intelligent [SMART] adapté [FIT] à leurs besoins. Je reviendrai plus loin sur les idées suggérées par les marques des parties lors de l’appréciation de la ressemblance entre les marques.

[18]  Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l’emploi. Il n’y a aucune preuve que la Marque de la Requérante est devenue connue dans une quelconque mesure au Canada. À titre comparatif, la preuve de l’Opposante produite par voie de l’affidavit Bedford traite de la question de la promotion et de l’emploi de la marque de commerce FITSMART par l’Opposante. Selon M. Bedford :

  • Les activités de Renew Life consistent à fabriquer, vendre, distribuer, annoncer et promouvoir des produits de santé naturels partout au Canada. [affidavit Bedford, para 2]
  • Les produits de santé naturels de Renew Life sont vendus dans l’ensemble du Canada à des magasins de détail d’aliments naturels, à des épiceries et à des professionnels de la santé. Ces entités vendent ensuite les produits au consommateur final. [affidavit Bedford, para 3]
  • Le siège social de Renew Life est situé à Oakville, en Ontario. L’entreprise emploie 48 personnes et son chiffre d’affaires annuel dépasse 25 000 000 $. [affidavit Bedford, para 4]
  • Renew Life commercialise divers produits de santé naturels, y compris : des probiotiques, des enzymes digestives, des acides gras essentiels, des suppléments de fibres, des produits pour nettoyer le tube digestif et des produits de gestion du poids. [affidavit Bedford, para 5; et pièce A : imprimés tirés du site Web www.renewlife.ca montrant la gamme de produits vendus par l’entreprise]
  • Renew Life a reçu différents prix soulignant la qualité de ses produits. En l’espèce, il est particulièrement pertinent de souligner que les [Traduction] « boissons fouettées » FITSMART de Renew Life Canada ont reçu les récompenses suivantes : « Silver Weight Management » en 2008 et « Silver Weight Management » en 2007. [affidavit Bedford, para 6]
  • La demande d’enregistrement de la marque de commerce FITSMART a été produite le 10 septembre 2010, fondée sur un emploi au Canada depuis déjà au moins mars 2007 et a été enregistrée le 27 avril 2012. [affidavit Bedford, para 8; et pièce B : détails de cet enregistrement imprimé à partir de la base de données de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada]
  • Renew Life emploie de façon continue la marque de commerce FITSMART en liaison avec [Traduction] « une gamme de produits de supplémentation de repas » depuis déjà au moins mars 2007. [affidavit Bedford, para 9]
  • Plus précisément, Renew Life emploie la marque de commerce FITSMART en liaison avec [Traduction] :

…des boissons fouettées à base de protéines et de fibres comme supplément de repas (les « Produits FITSMART »). Les Produits FITSMART contiennent également d’autres vitamines et éléments nutritifs, par exemple des vitamines A, D et E. Les Produits FITSMART sont vendus en poudre sèche [sic] pour être reconstitués par le consommateur avec de l’eau ou du lait. Les Produits FITSMART sont commercialisés comme un substitut ou un supplément de repas pour faciliter la perte de poids tout en favorisant un régime alimentaire complet et équilibré. Les produits sont commercialisés à l’intention du consommateur ordinaire, mais plaisent également dans des marchés particuliers, y compris dans l’industrie du conditionnement physique compte tenu de la teneur protéinique des produits. [affidavit Bedford, para 10]

  • Les Produits FITSMART sont offerts en cinq saveurs [Traduction] : Vanille à l’ancienne, Crème chocolat, Rêve de fraise, Grenade et petits fruits et Délice chocolaté. [Affidavit Bedford, para 11]
  • Renew Life vend les Produits FITSMART à divers détaillants partout au Canada, y compris des pharmacies, des épiceries et des magasins de suppléments et d’aliments naturels. Les détaillants particuliers comprennent Loblaws, Shoppers Drug Mart/Pharmaprix, London Drugs, Nutrition House, Real Canadian Superstore, Save-On Foods, les pharmacies Rexall, Planet Organic, Bulk Barn et GNC. Ces détaillants vendent ensuite les Produits FITSMART au consommateur dans des points de vente traditionnels ou en ligne. [affidavit Bedford, para 12; et pièce D : captures d’écran et une liste de points de vente au détail à Vancouver, Calgary, Toronto et Montréal qui vendent les Produits FITSMART]
  • Depuis mars 2007, les Produits FITSMART ont généré des ventes de 4 638 846,00 $. [affidavit Bedford, para 13; et pièce E : copies de spécimens de factures faisant état de ventes de Produits FITSMART qui remontent à 2007]
  • Renew Life a investi beaucoup de temps, d’argent et d’effort pour la publicité et la promotion de ses divers produits, y compris les Produits FITSMART. Depuis leur lancement en 2007, les Produits FITSMART ont été annoncés dans des publications imprimées comme des magazines, des journaux et des dépliants, de même qu’à la radio et sur Internet. [Affidavit Bedford, para 14; et pièce F : exemples de publicités arborant la marque de commerce FITSMART et les Produits FITSMART qui ont figuré dans diverses publications imprimées]

[19]  Comme je l’ai souligné à l’Opposante à l’audience, M. Bedford n’établit pas explicitement de correspondance entre les Produits FITSMART et les produits énumérés dans l’enregistrement de l’Opposante. En réponse, l’Opposante a soutenu que la validité de son enregistrement n’est pas en cause dans cette procédure d’opposition, quoiqu’elle fasse l’objet de la procédure en vertu de l’article 45 susmentionnée. L’Opposante a également soutenu que les Produits FITSMART sont à la fois des [Traduction] « produits de santé naturels » et des « compléments alimentaires ». Dans le même ordre d’idées, l’Opposante a soutenu qu’en raison de leur valeur nutritionnelle, les Produits FITSMART sont également des [Traduction] « suppléments alimentaires » et des « suppléments nutritionnels ». L’Opposante a également passé en revue les captures d’écran des pages de produits des Produits FITSMART tirées du site Web de Renew Life et produites comme pièce C pour souligner certains des ingrédients qui entrent dans la composition des Produits FITSMART, notamment un certain nombre de vitamines, d’extraits protéiniques, de plantes séchées, etc. à titre d’exemple d’autres produits visés par l’enregistrement et décrits comme des [Traduction] « suppléments à base de plantes », « suppléments vitaminiques », « extraits végétaux », etc.

[20]  Bien que je reconnaisse que la validité de l’enregistrement de l’Opposante ne soit pas en cause dans la présente procédure d’opposition, je dois tout de même parvenir à une conclusion quant à la mesure dans laquelle la marque de commerce de l’Opposante est devenue connue en liaison avec les produits visés par l’enregistrement de l’Opposante. Cela dit, je n’ai pas l’intention d’entreprendre une analyse détaillée de la description des Produits FITSMART par l’Opposante puisque rien ne repose vraiment sur la question de savoir s’ils s’inscrivent à juste titre dans plus d’une catégorie des produits visés par l’enregistrement. Je me contenterai de dire que, d’après mon examen des descriptions des Produits FITSMART et de leurs caractéristiques qui se trouvent aux pièces C et F (y compris les pièces F-1, F-3, F-5 et F-7, qui indiquent expressément que les [Traduction] « boissons fouettées » FITSMART peuvent servir de substitut de repas, particulièrement au déjeuner), des chiffres d’affaires produits par M. Bedford et de la liste des points de vente au détail en pièce D, je suis disposée à conclure que la marque de commerce FITSMART est devenue connue au moins dans une certaine mesure au Canada en liaison avec des boissons fouettées à base de protéines et de fibres qui servent de [Traduction] « compléments alimentaires » et de « substituts de repas » « servant à remédier aux carences en fibres alimentaires, supplémentation protéique, vitaminique, minérale et enzymatique, à abaisser et à maintenir le taux de cholestérol, à favoriser la perte de poids et le maintien du poids ainsi qu’à traiter les troubles digestifs » (ci-après appelés collectivement les Boissons fouettées FITSMART).

[21]  À cet égard, je tiens à ajouter que je ne suis pas d’accord avec l’observation de la Requérante faite à l’audience portant qu’en l’absence de tout renseignement précis sur la publicité et la promotion des Boissons fouettées FITSMART (par ex. des chiffres relatifs à la publicité et à la diffusion, des renseignements précis et des documents à l’appui relatifs aux prix décernés aux Boissons fouettées FITSMART, etc.) par l’Opposante, il m’est impossible de tirer une telle conclusion. La Requérante a choisi de ne pas contre-interroger M. Bedford relativement à son affidavit et je n’ai donc aucune raison d’ignorer la preuve de M. Bedford.

[22]  Compte tenu de ce qui précède, j’estime que l’examen global du facteur énoncé à l’article 6(5)a), qui concerne à la fois le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis des marques des parties, favorise l’Opposante en ce qui concerne ses Boissons fouettées FITSMART.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[23]  Compte tenu de ce qui précède, il s’ensuit que la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage favorise également l’Opposante en ce qui concerne ses Boissons fouettées FITSMART.

Le genre de produits, services ou entreprises, et la nature du commerce

[24]  Pour évaluer le genre des produits, services ou entreprises et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des produits de la Requérante avec l’état déclaratif des produits qui figure dans l’enregistrement invoqué par l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft Auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. L’examen de ces états déclaratifs doit cependant être effectué dans l’optique de déterminer le genre probable d’entreprise ou de commerce envisagé par les parties, et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober. Une preuve de la nature véritable des commerces exercés par les parties est utile à cet égard [voir McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 1996 CanLII 3963 (CAF), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); et American Optional Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[25]  Comme je l’ai indiqué ci-dessus, les Boissons fouettées FITSMART sont vendues en poudre sèche pour être reconstituées par le consommateur avec de l’eau ou du lait. Elles peuvent être consommées avec les repas ou entre les repas. Elles sont conçues comme un substitut de repas ou un complément alimentaire pour faciliter la perte de poids tout en favorisant un régime alimentaire complet et équilibré. Elles sont offertes en cinq saveurs, y compris chocolat, fraise ou grenade et petits fruits. Elles sont commercialisées à l’intention du consommateur ordinaire. Elles sont vendues à divers détaillants partout au Canada, y compris des pharmacies, des épiceries et des magasins de suppléments et d’aliments naturels, et ces détaillants vendent ensuite au consommateur.

[26]  Les préparations de la Requérante pour faire des boissons sont également offertes en poudre et dans une gamme de saveurs. De même, les autres boissons non alcoolisées de la Requérante sont également offertes dans une gamme de saveurs. J’admets que rien n’indique que l’une de ces préparations et de ces boissons est spécifiquement conçue comme un substitut de repas ou un complément alimentaire pour faciliter la perte de poids tout en favorisant un régime alimentaire complet et équilibré. Cependant, en l’absence de toute preuve du contraire, j’estime qu’il pourrait exister un certain recoupement entre les propriétés fonctionnelles des préparations et des boissons de la Requérante et celles des boissons fouettées de l’Opposante. En effet, rien n’indique que les préparations et les boissons de la Requérante ne peuvent pas être un genre de boissons fonctionnelles, comme des boissons enrichies de protéines ou de vitamines. De plus, il n’y a aucune raison de conclure que ces produits n’emprunteraient pas les mêmes voies de commercialisation et qu’ils ne s’adresseraient pas aux mêmes consommateurs.

[27]  Cependant, j’estime qu’il n’existe pas de recoupement entre les produits de la Requérante décrits comme [Traduction] de l’« eau minérale et gazeuse » et des « jus de fruits » et l’un ou l’autre des produits de l’Opposante visés par l’enregistrement.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[28]  Comme l’a souligné la Cour suprême dans Masterpiece, supra, au paragraphe 49, [Traduction] « il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu [à l’article] 6(5) [de la Loi] [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire ».

[29]  De plus, il est bien établi dans la jurisprudence que la probabilité de confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait. Les marques de commerce devraient être examinées du point de vue du consommateur moyen qui a un souvenir non pas précis mais général de la marque précédente [voir Pernod Ricard c Molson Breweries (1992), 44 CPR (3d) 359 (CF 1re inst) à la p 369]. À cet égard, [Traduction] « [m]ême s’il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public » [voir Pink Panther Beauty Corp c United Artists Corp (1998), 1998, CanLII 9052 (CAF), 80 CPR (3d) 247 (CAF), au para 34]. Même si le premier mot ou la première partie d’une marque de commerce sont généralement les plus importants aux fins de la distinction, l’approche à privilégier consiste à se demander d’abord si la marque de commerce présente un aspect particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece, supra, au para 64].

[30]  En l’espèce, j’estime qu’aucun des aspects des marques des parties n’est particulièrement frappant ou unique. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, la Marque et la marque de commerce FITSMART sont toutes les deux composées de deux mots courants du dictionnaire, « smart » [intelligent] et « fit » [forme, adapté], combinés, quoique dans un ordre différent.

[31]  L’Opposante soutient que [Traduction] « sans tenir compte de cette modification sans conséquence, les marques de commerce donnent toutes les deux la même impression et suggèrent exactement la même idée ». À l’inverse, la Requérante soutient que bien que les marques soient composées de termes transposés, elles suggèrent des significations différentes.

[32]  J’estime que la vérité se situe quelque part entre les points de vue respectifs des parties.

[33]  Comme je l’ai indiqué ci-dessus, la marque de commerce FITSMART suggère aux consommateurs que les produits de l’Opposante sont une façon intelligente de garder la forme, comme cela a bien été démontré par les publicités des produits de l’Opposante produites comme pièces F-7 à l’affidavit Bedford, qui décrivent les Boissons fouettées FITSMART de l’Opposante dans les termes suivants [Traduction] : « Le moyen intelligent d’obtenir vos protéines! » et « une perte de poids simple et intelligente, les Boissons fouettées FitSMART représentent un supplément intelligent à votre journée ».

[34]  À titre comparatif, et comme l’a soutenu la Requérante, la Marque suggère que les produits visés par la demande de la Requérante représentent un choix intelligent qui répond à leurs besoins.

[35]  Cependant, compte tenu de la connotation élogieuse du mot « smart » [intelligent] et du fait que les marques des deux parties véhiculent l’idée de quelque chose qui correspond aux objectifs ou aux besoins de quelqu’un, j’estime qu’il existe un bon degré de ressemblance entre les marques des parties dans les idées qu’elles suggèrent.

[36]  De plus, j’estime qu’il existe un degré de ressemblance élevé entre les marques des parties dans la présentation et dans le son. En effet, j’estime que l’inversion des mots « smart » [intelligent] et « fit » [forme, adapté] (et le fait que la Marque figure en deux mots) ne représente pas une différence importante entre les marques.

Autres circonstances de l’espèce

[37]  Bien que cela ne soit pas expressément allégué comme une autre circonstance de l’espèce, l’Opposante soutient que le défaut par la Requérante de produire une quelconque preuve devrait donner lieu à une conclusion défavorable portant que sa preuve n’aurait pas étayé sa cause. L’Opposante soutient que sans preuve à l’appui, la Requérante ne peut s’acquitter de son fardeau ultime de démontrer selon la prépondérance des probabilités qu’elle a le droit d’enregistrer la Marque projetée.

[38]  En réponse, la Requérante a soutenu que les parties à une procédure d’opposition ne sont pas tenues de produire des éléments de preuve et que le registraire tire régulièrement des conclusions en matière de confusion en l’absence de preuve de la part des parties. La Requérante a donc affirmé qu’il ne convenait pas que je tire une inférence défavorable de l’omission de la Requérante de produire des éléments de preuve.

[39]  Je suis d’accord avec la Requérante.

[40]  S’il est vrai qu’il aurait été utile de disposer d’une preuve établissant l’emploi de la Marque par la Requérante, je refuse de tirer une inférence défavorable de l’omission de la Requérante de produire une telle preuve [voir Zotos International, Inc c Biopharmapro Inc, (2011) 96 CPR (4th) 334, 2011 COMC 142 aux para 11 à 13]. C’est particulièrement vrai compte tenu du fait que la demande est fondée sur l’emploi projeté de la Marque.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[41]  Comme je l’ai indiqué ci-dessus, l’article 6(2) de la Loi ne porte pas sur la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais sur la probabilité que des produits ou des services provenant d’une source soient perçus comme provenant d’une autre source. En l’espèce, la question qui se pose est celle de savoir si une personne, qui n’a qu’un souvenir imparfait de la marque verbale FITSMART de l’Opposante en ce qui concerne les produits visés par l’enregistrement de l’Opposante, serait susceptible de conclure, sous l’angle de la première impression et du souvenir imparfait, que les produits de la Requérante sont fabriqués ou vendus par l’Opposante.

[42]  Compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, j’estime que la prépondérance des probabilités quant à la probabilité de confusion est également partagée en ce qui concerne certains produits, à savoir [Traduction] :

[...] boissons non alcoolisées, nommément boissons à base de cacao, boissons à base de café, boissons à base de thé; boissons aux fruits [...]; sirops et autres préparations pour faire des boissons, nommément poudre pour la préparation de jus de fruits et de boissons gazeuses.

[43]  J’arrive à cette conclusion en raison des ressemblances entre les marques, du recoupement potentiel des produits qu’elles visent et de leurs voies de commercialisation potentielles, et du fait que seule la marque de commerce FITSMART de l’Opposante a acquis un caractère distinctif au Canada.

[44]  Comme la Requérante a le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion, je dois trancher à l’encontre de la Requérante.

[45]  Cependant, j’estime qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les autres produits énoncés dans la demande, à savoir : [Traduction] « eau minérale et gazeuse » et « jus de fruits » comme j’estime qu’il n’existe pas de recoupement potentiel important entre le genre de ces produits et l’un des produits visés par l’enregistrement de l’Opposante.

[46]  En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est accueilli, mais seulement dans la mesure énoncée ci-dessus.

Absence de caractère distinctif de la Marque au sens de l’article 2 de la Loi

[47]  L’Opposante a allégué que la Marque ne distingue pas les produits visés par la demande de la Requérante des produits de l’Opposante, et qu’elle n’est pas non plus adaptée à les distinguer étant donné l’emploi et l’enregistrement antérieurs par l’Opposante au Canada de sa marque de commerce FITSMART.

[48]  Pour s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe à l’égard d’un motif fondé sur l’absence de caractère distinctif, un opposant doit démontrer que, à la date de production de sa déclaration d’opposition, sa marque de commerce était devenue connue dans une mesure suffisante pour faire perdre à la marque visée par la demande son caractère distinctif [voir Motel 6, Inc c No. 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst)]. Ainsi qu’il appert de mon examen de l’affidavit Bedford ci-dessus, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve en ce qui concerne ses Boissons fouettées FITSMART.

[49]  La différence entre les dates pertinentes n’a pas d’incidence substantielle sur mon analyse exposée ci-dessus relativement au motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d). Par conséquent, je tire la même conclusion à l’égard du motif fondé sur l’absence de caractère distinctif que pour le motif fondé sur l’article 12(1)d).

Absence de droit à l’enregistrement de la Requérante au titre de l’article 16(3)a) de la Loi

[50]  L’Opposante a allégué que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque eu égard aux dispositions de l’article 16(3)a) de la Loi, puisqu’à la date de production de la demande de la Requérante, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce FITSMART de l’Opposante, qui a été employée ou révélée au Canada par l’Opposante.

[51]  Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard d’un tel motif, un opposant doit démontrer que sa marque de commerce avait déjà été employée au Canada à la date de production de la demande du requérant et qu’il ne l’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande du requérant [article 16(5) de la Loi]. Ainsi qu’il appert de mon examen de l’affidavit Bedford ci-dessus, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve en ce qui concerne les Boissons fouettées FITSMART.

[52]  La différence entre les dates pertinentes n’a pas d’incidence substantielle sur mon analyse exposée ci-dessus relativement au motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d). Par conséquent, je tire la même conclusion à l’égard du motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement que pour le motif fondé sur l’article 12(1)d).

Décision

[53]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement en ce qui concerne les produits [Traduction]

[...] et autres boissons non alcoolisées, nommément boissons à base de cacao, boissons à base de café, boissons à base de thé; boissons aux fruits et [...]; sirops et autres préparations pour faire des boissons, nommément poudre pour la préparation de jus de fruits et de boissons gazeuses

et je rejette l’opposition en ce qui concerne les produits [Traduction] : « eau minérale et gazeuse; jus de fruits » conformément aux dispositions de l’article 38(8) de la Loi [voir Produits Ménagers Coronet Inc c Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986), 10 CPR (3d) 482 (CF 1re inst); et Les Marques Metro / Metro Brands S.E.N.C. c 1161396 Ontario Inc, 2017 CF 806 à titre d’autorité jurisprudentielle permettant de rendre une décision partagée].

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2017-10-11

COMPARUTIONS

Mark Edward Davies

POUR L’OPPOSANTE

 

Gabriel St-Laurent

POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

Norton Rose Fulbright Canada LLP/S.E.N.C.R.L., s.r.l.

POUR L’OPPOSANTE

Robic

POUR LA REQUÉRANTE

 

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