Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 168

Date de la décision : 2017-12-13
[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Randstad Holding N.V.

Opposante

et

 

Hays plc

Requérante



 

1,550,626 pour la marque de commerce POWERING THE WORLD OF WORK

 

 

Demande

Dossier

[1]  Le 3 novembre 2011, Hays plc a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce POWERING THE WORLD OF WORK, sur la base de l’emploi au Canada depuis le 30 septembre 2011, en liaison avec les services suivants [Traduction] :

services de recrutement d’employés permanents, temporaires et contractuels; services d’agence de recrutement et de placement; services de spécialiste en recrutement; services de gestion du personnel et des ressources humaines ayant trait au recrutement; services de gestion du processus de recrutement et d’impartition en ressources humaines (RH) ayant trait au recrutement; évaluation et perfectionnement de candidats, ces services ayant trait au domaine du recrutement; gestion du personnel talentueux, ce service ayant trait au recrutement; études sur les salaires à des fins de recrutement.

[2]  La requérante revendique la date de priorité de production du 3 mai 2011, au titre de l’art. 34 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, sur la base de la production antérieure par la requérante d’une demande correspondante auprès de l’OHIM (UE). Une demande modifiée a été produite le 12 janvier 2012 pour ajouter l’emploi et l’enregistrement de la marque auprès de l’OHIM (UE) comme fondement supplémentaire de l’enregistrement; toutefois, ce fondement supplémentaire a été subséquemment supprimé dans une autre demande modifiée datée du 21 octobre 2013.

[3]  La demande initiale a été visée par une objection formulée par la Section de l’examen de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’« OPIC », sous l’égide duquel la présente Commission exerce également ses activités). La Section de l’examen a fait valoir que la marque POWERING THE WORLD OF WORK visée par la demande n’était pas enregistrable, au titre de l’art. 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, parce qu’elle créait de la confusion avec la marque de commerce déposée SHAPING THE WORLD OF WORK visant des services semblables. La requérante a présenté des observations détaillées à la Section de l’examen, expliquant les raisons pour lesquelles elle n’a pas jugé que les marques en cause créaient de la confusion, lesquelles observations ont permis de réfuter l’objection.

[4]  La demande en cause pour la marque POWERING THE WORLD OF WORK a alors été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 3 avril 2013, et Randstad Holding N.V., la propriétaire de la marque déposée SHAPING THE WORLD OF WORK citée par la Section de l’examen, s’y est opposée peu de temps après, le 11 juin 2013.

[5]  Le 21 juin 2013, le registraire a transmis une copie de la déclaration d’opposition à la requérante, comme l’exige l’art. 38(5) de la Loi sur les marques de commerce. En réponse, la requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie l’ensemble des allégations contenues dans la déclaration d’opposition.

[6]  La preuve de l’opposante est constituée des affidavits de Spiro Papanicolaou et de Jonathan Solomon. Tous deux ont été contre-interrogés relativement à leur témoignage écrit. Les transcriptions de leur contre-interrogatoire et les réponses aux questions en suspens font partie de la preuve au dossier.

[7]  La preuve de la requérante est constituée des affidavits de Thea Watson et de Joanne Berent. Mme Berent a été contre-interrogée relativement à son témoignage écrit. La transcription de son contre-interrogatoire et les réponses aux questions en suspens font partie de la preuve au dossier. La requérante a demandé et obtenu l’autorisation de produire un second affidavit de Joanne Berent comme preuve supplémentaire, en vertu de l’article 44 du Règlement sur les marques de commerce. La preuve en réponse de l’opposante est constituée de l’affidavit de Jo-Anne McConnery.

[8]  Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux représentées par un avocat à l’audience qui a été tenue.

Déclaration d’opposition

[9]  Le premier motif d’opposition porte que la demande en cause n’est pas conforme à l’art 30b) de la Loi sur les marques de commerce, parce que la requérante n’avait pas employé la marque POWERING THE WORLD OF WORK visée par la demande depuis la date de premier emploi revendiquée dans la demande, à savoir le 30 septembre 2011.

[10]  Les deuxième et cinquième motifs mettent en cause le fait que la requérante s’appuie, comme fondement de l’enregistrement au Canada, sur son emploi et son enregistrement de la marque visée par la demande auprès de l’OHIM (UE). Comme ce fondement a été supprimé par la requérante (voir le para 2 ci-dessus), les deuxième et cinquième motifs sont sans objet.

[11]  Les autres motifs d’opposition reposent sur la question de la confusion entre la marque POWERING THE WORLD OF WORK visée par la demande et la marque SHAPING THE WORLD OF WORK de l’opposante. Les dates pertinentes pour évaluer la question de la confusion sont la date de ma décision à l’égard du troisième motif d’opposition fondé sur l’art. 12(1)d); la date de premier emploi revendiquée par la requérante (30 septembre 2011) à l’égard du quatrième motif fondé sur l’art. 16(1)a); et la date de la déclaration d’opposition (11 juin 2013) à l’égard du sixième (et dernier) motif d’opposition fondé sur l’art. 2.

[12]  J’examinerai les motifs d’opposition après avoir résumé la preuve au dossier, ci-après.

Preuve de l’opposante

Spiro Papanicolaou – Preuve produite par voie d’affidavit

[13]  M. Papanicolaou atteste qu’il est un employé de Randstad Interim Inc. (« Randstad Canada ») depuis 2006; en 2012, il a été promu au poste de directeur du marketing. La preuve qu’il a produite peut être résumée comme suit.

[14]  L’opposante, Randstad Holdings, a été fondée en 1960 et son siège social est situé aux Pays-Bas. Il s’agit de la deuxième plus grande organisation de dotation en personnel au monde. Elle offre des services de recrutement de travailleurs temporaires et permanents pour des postes administratifs et professionnels, ainsi que des services de consultation en gestion des affaires et en ressources humaines. L’opposante compte plus de 4 000 divisions et possède des filiales dans 40 pays, y compris le Canada et les États-Unis. Randstad Canada est une filiale en propriété exclusive de l’opposante, Randstad, et compte plus de 85 bureaux dans sept provinces au Canada.

[15]  Randstad Canada fournit, pour le compte de l’opposante, des services de recrutement de personnel et de ressources humaines aux entreprises et aux chercheurs d’emploi canadiens. L’opposante exerce un contrôle direct ou indirect sur les caractéristiques et la qualité des services fournis en liaison avec la marque SHAPING THE WORLD OF WORK, ainsi qu’il est indiqué aux para. 25 et 26 de l’affidavit de M. Papanicolaou [Traduction] :

25.  Au moins chaque année, les directeurs du marketing de Randstad Holdings se rendent au Canada pour s’assurer que les efforts de valorisation de la marque déployés par Randstad Canada sont conformes aux exigences de Randstad Holding. Dans le cadre de leur examen des activités de valorisation de la marque et des services de Randstad Canada exécutés à cet égard, les représentants de Randstad Holding rencontrent non seulement les membres de l’équipe marketing canadienne, mais aussi notre équipe de direction et nos recruteurs.

 

26.  Périodiquement, les membres de l’équipe de direction de Randstad Holding se rendent dans les bureaux de Randstad Canada. L’un des objectifs de ces visites consiste notamment à veuiller à ce que les principes de vente et de gestion de Randstad Holding soient dûment respectés et que les services fournis par Randstad Canada sont conformes aux normes établies par Randstad Holding. Pendant ces visites, le matériel publicitaire est examiné par la direction de Randstad Holding. Des rencontres avec des clients clés sont également organisées pour discuter de nos services, ainsi qu’avec divers membres de Randstad Canada à des fins d’assurance de la qualité.

[16]  La requérante est une concurrente directe de Randstad Canada au Canada.

[17]  Les revenus que l’opposante a générés en fournissant des services en Amérique du Nord (c’est-à-dire le Canada, les États-Unis et le Mexique combinés : voir le para. 22, ci-dessous) se sont élevés à 2,8 milliards de dollars canadiens en 2010, passant à 6 milliards de dollars canadiens en 2012.

[18]  Randstad Canada a commencé à employer la marque SHAPING THE WORLD OF WORK en 2009. À cet égard, la connaissance de M. Papanicolaou quant à l’emploi de la marque se limite à la division du recrutement de Randstad Canada. La marque a été apposée au dos des cartes professionnelles des recruteurs professionnels de l’entreprise; de 150 000 à 200 000 cartes ont été distribuées à quelque 300 à 400 recruteurs. La carte professionnelle est généralement remise aux clients, aux clients potentiels et aux candidats à un emploi. De 2010 à 2013, les recruteurs ont reçu une nouvelle quantité de cette même carte professionnelle. D’autres méthodes pour promouvoir les services de l’opposante sous la marque SHAPING THE WORLD OF WORK comprennent la présentation de la marque sur le site Web de Randstad Canada ainsi que sur des dépliants promotionnels laissés aux clients ou aux clients potentiels, et présentés lors de salons professionnels. Au milieu de 2012, Randstad Canada a commencé à envoyer des courriels promotionnels présentant sa marque, telle qu’illustrée ci-dessous (reproduite à partir de la pièce G), à tout contact, client, chercheur d’emploi, candidat et client potentiel. La marque SHAPING THE WORLD OF WORK y est présentée en plus petites lettres à la suite de la marque plus dominante RANDSTAD, l’équivalent français étant placé directement en dessous.


Spiro Papanicolaou – Témoignage au contre-interrogatoire

[19]  Lors du contre-interrogatoire, l’avocat de la requérante a obtenu d’autres renseignements sur l’étendue des activités promotionnelles dont M. Papanicolaou a fait mention dans son affidavit. En ce qui concerne les cartes professionnelles, les recruteurs de Randstad Canada auraient généralement besoin de 500 cartes par année. Les cartes étaient toujours utilisées à la date du contre-interrogatoire de M. Papanicolaou (le 18 juillet 2014). En ce qui concerne la présentation de la marque SHAPING THE WORLD OF WORK sur le site Web de Randstad Canada, elle a cessé vers le milieu de 2012 lorsqu’elle a été remplacée par l’expression « Canada’s Leader for Staffing, Recruitment and HR Services » [le chef de file au Canada en matière de services de dotation en personnel, de recrutement et de RH].

[20]  Les renseignements obtenus lors du contre-interrogatoire concernant les dépliants promotionnels susmentionnés sont bien résumés aux para. 29 à 31 du plaidoyer écrit de la requérante [Traduction] :

29.  . . . la preuve de l’Opposante fait référence à un dépliant promotionnel unique datant de 2010. Une seule page de ce dépliant a été produite en annexe de l’Affidavit Papanicolaou, dans laquelle l’expression « shaping the world of work » [façonner le monde du travail] est simplement présentée comme sous-rubrique d’un paragraphe sur cette page et n’est accompagnée d’aucune indication que l’expression est employée en tant que marque de commerce : Affidavit Papanicolaou au para 33 et pièce F.

 

30.  Une copie complète de ce dépliant a été demandée lors du contre-interrogatoire et a subséquemment été produite. Le dépliant complet compte 16 pages et la mention « shaping the world of work » [façonner le monde du travail] est présentée une seule fois comme sous-rubrique du texte à la onzième page : Engagements Papanicolaou à la Q283 et pièce jointe C.

 

31.  . . . Il a également été précisé que de tels dépliants, qui auraient pu être distribués, ne l’auraient été que [Traduction] « au moins jusqu’en juin 2011 » : Engagements Papanicolaou à la Q288.

 

[21]  En ce qui concerne le courriel promotionnel arborant la marque mentionné au para. 18 ci-dessus, cette méthode de promotion par courriel n’a été utilisée qu’une fois.

[22]  Compte tenu de la preuve obtenue lors du contre-interrogatoire, je suis d’accord avec les observations de la requérante aux para. 28, 36 et 37 de son plaidoyer écrit concernant l’emploi par Randstad Canada de la marque SHAPING THE WORLD OF WORK [Traduction] :

28.  . . . Les activités de Randstad Canada en liaison avec « SHAPING THE WORLD OF WORK » ont eu une portée et une durée limitées. « SHAPING THE WORLD OF WORK » semble avoir été principalement présenté au dos de cartes professionnelles imprimées pour environ 300 à 400 personnes employées par Randstad Canada à titre de recruteurs professionnels. . . : Affidavit Papanicolaou aux para 15 à 19.

    . . . . .

 

36.  Mis à part le nombre limité d’exemples d’emploi allégué de « SHAPING THE WORLD OF WORK » avant 2013, l’Opposante n’a aucunement démontré l’étendue de l’emploi allégué en termes de revenus et de volumes de ventes ou de dépenses publicitaires en liaison avec la marque.

 

37.  L’Opposante a plutôt simplement fourni des renseignements sur « les revenus totaux générés en fournissant des services en Amérique du Nord » au cours des années 2010 à 2012. En contre-interrogatoire, M. Papanicolaou a expliqué que les références à l’Amérique du Nord dans son affidavit comprenaient les activités réalisées au Canada, aux États-Unis et au Mexique, et il a admis qu’il serait impossible de déterminer quelle part de ces revenus de ventes était précisément liée au Canada :

Affidavit Papanicolaou au para 11; contre-interrogatoire Papanicolaou aux Q72 à Q80.

[23]  Par conséquent, j’estime que l’opposante n’a pas établi que sa marque SHAPING THE WORLD OF WORK a, à une quelconque date pertinente, acquis davantage qu’un caractère distinctif limité au Canada. Cette conclusion sera intégrée plus loin à l’analyse de la question de la confusion soulevée dans la déclaration d’opposition : voir le para. 11 ci-dessus.

[24]  Lors du contre-interrogatoire, l’avocat de la requérante a demandé une copie de l’accord de licence conclu entre Randstad Canada et l’opposante. Cette demande a été prise en délibéré et il a subséquemment été déclaré en réponse [Traduction] « qu’aucune copie de l’accord de licence n’est accessible ». L’avocat de la requérante a donc soutenu que je devrais tirer une conclusion défavorable et inférer qu’il n’existe aucun accord de licence écrit ou que tout accord de licence existant ne satisfait pas aux exigences de l’art. 50 de la Loi sur les marques de commerce. L’avocat soutient que, dans un cas comme dans l’autre, aucun emploi de la marque SHAPING THE WORLD OF WORK par Randstad Canada ne s’applique au profit de l’opposante.

[25]  À mon avis, l’avocat de la requérante exagère. M. Papanicolaou n’a jamais affirmé, et il n’a jamais été établi lors du contre-interrogatoire, que l’accord de licence mentionné par M. Papanicolaou dans son affidavit était en fait inclus dans un document écrit. Lors du contre-interrogatoire, aucune question n’a été posée à M. Papanicolaou concernant la nature de l’accord de licence ni les modalités de celui-ci. Dans de telles circonstances, et compte tenu de la relation étroite entre une société mère et sa filiale, j’estime que la preuve de M. Papanicolaou aux para. 25 et 26 de son affidavit (voir le para. 15 ci-dessus) est suffisante pour établir l’existence d’un accord de licence satisfaisant aux exigences de l’art. 50(1) de la Loi sur les marques de commerce. En conséquence, j’estime que l’emploi de la marque SHAPING THE WORLD OF WORK par Randstad Canada s’applique au profit de l’opposante.

Jonathan Solomon

[26]  M. Solomon atteste qu’il est un [Traduction] « avocat contractuel » à l’emploi des agents de l’opposante. Il a réalisé plusieurs recherches informatiques dont les résultats sont joints comme pièces à son affidavit, et décrites ci-dessous :

  • La pièce 1 est une copie des détails complets de la marque déposée SHAPING THE WORLD OF WORK de l’opposante invoquée par l’opposante à l’appui du motif d’opposition au titre de l’art. 12(1)d).

 

  • Les pièces 2 à 5 concernent des recherches réalisées dans la base de données sur les marques de commerce tenue par l’OPIC. Les recherches établissent que la marque de l’opposante et la marque POWERING THE WORLD OF WORK visée par la demande sont les seules marques au registre qui contiennent l’expression « the world of work » [le monde du travail]. Ce sont également les seules marques qui contiennent le mot « world » [monde] et le mot « work » [travail] pour emploi en liaison avec des services de recrutement.

 

  • La pièce 6 est une capture d’écran du site Web de la requérante. Je souligne que l’expression qui est présentée bien en vue dans la partie supérieure gauche de la capture d’écran est POWERING THE WORLD OF WORK WITH OUR EXPERTISE [toute notre expertise au service du monde du travail].

 

  • La pièce 7 présente des renseignements concernant le site Web d’archives connu sous le nom de Wayback Machine.

 

  • La pièce 8 est constituée d’imprimés de pages Web archivées obtenus à partir du site Wayback Machine se rapportant au site Web de l’opposante.

 

  • Les pièces 9 à 13 sont constituées d’imprimés de pages Web archivées obtenus à partir du site Wayback Machine se rapportant au site Web de la requérante.

 

[27]  Le témoignage de M. Solomon lors du contre-interrogatoire fournit un aperçu de la méthode qu’il a utilisée pour faire ses recherches.

Preuve de la Requérante

Thea Watson – Preuve produite par voie d’affidavit

[28]  Mme Watson atteste qu’elle est la directrice du marketing de Hays Canada, une filiale en propriété exclusive de la requérante. La preuve qu’elle a produite peut être résumée comme suit.

[29]  La requérante est un chef de file mondial dans le recrutement et le placement de travailleurs qualifiés et l’offre de services de ressources humaines connexes. La requérante compte plus de 8 200 employés répartis dans plus de 230 bureaux situés dans 33 pays dans le monde. Depuis novembre 2004, la requérante concentre exclusivement ses efforts dans le domaine du recrutement; avant novembre 2004, la requérante se livrait à divers types d’activités.

[30]  Hays Canada a été mise sur pied en 2001. En février 2015, Hays Canada comptait des bureaux dans les grandes villes du Canada. L’expression « the world of work » [le monde du travail] a été employée pendant de nombreuses années avant 2011, tant dans l’industrie du recrutement que dans le langage courant. Les pièces F et G de son affidavit présentent des exemples d’emploi de l’expression « the world of work » [le monde du travail], dans un sens descriptif, par des concurrents canadiens.

[31]  L’emploi par Hays Canada de la marque POWERING THE WORLD OF WORK est abordé aux para. 24 et 25 et 29 et 30 de l’affidavit de Mme Watson [Traduction] :

24.  Je confirme que, depuis au moins aussi tôt que le 30 septembre 2011, la marque de commerce POWERING THE WORLD OF WORK a été employée de façon continue et à grande échelle par Hays plc et/ou Hays Canada en liaison avec chacun des Services.

 

25.  Je confirme également qu’en tout temps au Canada, l’emploi qu’a fait Hays Canada de toutes les marques de commerce appartenant à Hays plc a été fait en vertu d’une licence octroyée par Hays plc, aux termes de laquelle Hays plc a toujours exercé un contrôle direct ou indirect sur les caractéristiques et la qualité des produits et des services liés qui ont été fabriqués, vendus ou exécutés par Hays Canada. Cela comprend notre emploi de la marque de commerce POWERING THE WORLD OF WORK en liaison avec les Services qui sont décrits dans la demande pour la marque de commerce visée par la présente procédure. 

  . . . . .

29.  Comme je l’ai souligné ci-dessus, nous offrons nos Services au Canada depuis au moins aussi tôt que le 30 septembre 2011 en liaison avec la marque de commerce POWERING THE WORLD OF WORK. Bien que nos revenus exacts au Canada soient confidentiels, je confirme que nos revenus au Canada ont dépassé 20 millions de dollars (canadiens) chaque année de 2011 à 2014.

 

30.   Je confirme également que, collectivement, les revenus de ventes au Canada susmentionnés découlent de la vente ou de l’exécution de l’ensemble des divers Services que nous fournissons au Canada.

[32]  La marque de la requérante est présentée sur le matériel imprimé fourni aux clients canadiens et figure sur le site Web de la requérante à l’adresse www.hays.ca. Son site Web a reçu en moyenne environ 80 000 visites par mois entre 2011 et 2012, et en moyenne environ 150 000 visites par mois à compter de 2013. Depuis 2010, la requérante a dépensé plus de 1 million de dollars canadien chaque année en promotions et en publicités arborant sa marque POWERING THE WORLD OF WORK lors de conférences, de séminaires, dans des publicités en ligne et dans différents types de publications imprimées. Des exemples de publicités et de promotions arborant la marque de la requérante sont présentés dans les pièces J à S.

[33]  Le genre de l’entreprise d’Hays Canada est abordé aux para. 39 à 42 de l’affidavit de Mme Watson [Traduction] :

39. Hays Canada fournit ses divers Services tant aux employeurs (ceux qui cherchent à embaucher ou à recruter des personnes) qu’aux employés (les personnes qui cherchent un emploi).

 

40. La clientèle cible des Services de Hays Canada chez les employeurs sont généralement des professionnels des ressources humaines, des cadres hiérarchiques et des dirigeants de petites, moyennes et grandes entreprises ainsi que des établissements qui cherchent à recruter des travailleurs pour des postes temporaires, contractuels ou permanents au sein de leur organisation, ... ou qui ont besoin d’aide ou de services de consultation sur d’autres questions relatives au personnel et aux employés.

 

41. Ces personnes et ces organisations sont généralement averties et abordent la question de savoir s’ils achèteront ou non nos Service avec beaucoup de prudence et de diligence, étant donné l’engagement financier et institutionnel que cette décision comporte et l’investissement souvent requis lors du recrutement de nouveaux employés. En outre, bon nombre de nos clients qui sont des employeurs institutionnels sont soit des clients de longue date de Hays Canada et/ou de Hays, ou sont des clients qui ont largement eu recours à nos Services.

 

42. Par exemple, parmi les clients-employeurs de Hays Canada, on compte notamment KPMG (un grand cabinet comptable international), Vale (une grande société minière internationale), Morton Salt (une société de 1,7 milliard de dollars et le premier producteur nord-américain de sel pour la consommation et les applications industrielles), l’Université Carleton (une grande université canadienne située à Ottawa, en Ontario), West Fraser (le plus grand producteur de bois d’œuvre en Amérique du Nord), la CIBC (une grande banque canadienne), Banque Scotia (une grande banque canadienne) et FedEx (une entreprise de messagerie internationale).

[34]  Mme Watson n’est au courant d’aucun cas de confusion réelle entre les marques en cause, ainsi qu’elle l’explique aux para. 48 et 49 de son affidavit [Traduction] :

47. Je ne suis personnellement au courant d’aucun exemple de confusion chez les consommateurs au Canada entre les Services de Hays offerts et vendus en liaison avec la marque de commerce POWERING THE WORLD OF WORK et des services quelconques qui peuvent être offerts ou vendus par Randstad Holding N.V. en liaison avec « SHAPING THE WORLD OF WORK ».

 

48. En outre, pour me convaincre que Hays Canada n’a aucune connaissance d’une telle confusion, j’ai coordonné un examen des questions reçues des clients et des clients potentiels au Canada, y compris celles reçues par l’intermédiaire du Hays Dashboard, qui est le portail de services à la clientèle en ligne utilisé par Hays. Il n’existe aucune trace dans le Hays Dashboard de toute demande envoyée à Hays Canada par un Canadien s’informant de l’un ou l’autre des services fournis en liaison avec la marque « SHAPING THE WORLD OF WORK » ou exprimant quelque confusion que ce soit au sujet des services offerts par Randstad Holding N.V.

Thea Watson – Témoignage au contre-interrogatoire

[35]  En contre-interrogatoire, Mme Watson a précisé que l’opposante est une entreprise de recrutement [Traduction] « généraliste », qui exerce ses activités dans tous les secteurs de la dotation en personnel, des postes d’entrée aux postes supérieurs, tandis que la requérante se spécialise dans le recrutement d’employés qualifiés et professionnels. Il existe un recoupement entre les domaines dans lesquels sont exploitées les deux entreprises. L’opposante est une concurrente de la requérante, mais elle n’est pas sa plus grande concurrente, parce que la requérante se spécialise dans ses secteurs de recrutement, alors que l’opposante n’est pas spécialisée.

[36]  On a demandé à Mme Watson d’expliquer la signification de l’expression « world of work » [monde du travail]. Sa réponse (à la Q175 de la transcription du contre-interrogatoire) est reproduite ci-dessous [Traduction] :

Il s’agit d’une expression très courante. Elle peut prendre plusieurs sens. « THE WORLD OF WORK » [le monde du travail] est une grande expression qui parle des carrières, de l’avancement, des RH, des pratiques d’embauche, du recrutement et du maintien des effectifs. C’est un terme très, très vaste.

[37]  Les réponses aux questions relatives à la façon dont la marque visée par la demande serait perçue se trouvent aux questions Q179 à 184 de la transcription du contre-interrogatoire [Traduction] :

179  Q.  D’accord. Et les gens que vous connaissez comprendraient-ils ce     que signifie « POWERING THE WORLD OF WORK » [au service   du monde du travail]?

  R.  Oui.

 

180  Q.  Donc, qu’est-ce que cela signifie? Que signifie « POWERING THE     WORLD OF WORK » [au service du monde du travail]?

  R.  Dans notre contexte, « POWERING THE WORLD OF WORK »   [au service du monde du travail] désigne la façon dont nous   alimentons les entreprises en personnel, pour les aider à atteindre   leurs objectifs de travail.

 

181  Q.  Donc, vous savez, une personne ordinaire comprendrait-elle ce que   ça signifie?

  R.  Si elle ne fait pas partie de notre public cible, peut-être, peut-être   pas. Nos publics cibles, je l’espère, comprendraient.

 

182  Q.  Donc, en ce qui a trait à votre marché cible général, vous pensez que   l’on comprendrait ce que signifie « POWERING THE WORLD OF   WORK » [au service du monde du travail]?

  R.  Je crois que oui.

 

183  Q.  D’accord.  Donc, en ce qui a trait à vos clients, pouvez-vous   me décrire le type de clients que vous avez en général?

  R.  En général, nous avons des clients qui sont des employeurs et   d’autres qui sont des candidats.

 

184  Q.  Et donc, les clients sont les employeurs potentiels?

  R.  Oui.

[38]  À mon avis, d’après l’ensemble de la preuve présentée par les deux parties au sujet de la signification de l’expression THE WORLD OF WORK [le monde du travail], les réponses de Mme Watson sont toutes exactes. On peut donc dire que l’expression est descriptive, mais elle est également englobante et imprécise. Les expressions normalement descriptives possèdent un caractère distinctif inhérent peu marqué. Cependant, comme la signification de THE WORLD OF WORK [le monde du travail] est plutôt imprécise, j’ai conclu qu’elle possède un caractère distinctif inhérent au moins quelque peu supérieur à ce que l’on accorderait normalement à une expression descriptive (mais tout de même peu marqué dans l’ensemble).

Joanne Berent

[39]  Mme Berent atteste qu’elle est bibliothécaire de référence à l’emploi des agents de la requérante. Elle a effectué des recherches dans des bases de données informatiques pour obtenir des articles parus dans les journaux et les médias canadiens, de 2001 à 2015, contenant l’expression « the world of work » [le monde du travail]. Les résultats de ses recherches sont joints comme pièces à son affidavit. Je suis d’accord avec les observations de la requérante présentées dans son plaidoyer écrit selon lesquelles la preuve de Mme Berent établit que l’expression « the world of work » [le monde du travail] est une expression descriptive courante que l’on peut lire dans des publications canadiennes.

[40]  L’affidavit supplémentaire de Mme Berent sert à présenter en preuve, par voie d’une pièce, une copie d’une décision (datée du 15 avril 2015) rendue par le sous-commissaire aux marques de commerce de la Nouvelle-Zélande (la [Traduction] « décision NZ »). La décision NZ concernait une procédure d’opposition entre les parties à la présente procédure qui est analogue à l’opposition en l’espèce.

[41]  L’un des motifs d’opposition portait que l’emploi de la marque POWERING THE WORLD OF WORK présentait un [Traduction] « risque de tromper ou de créer de la confusion ». Le test de la Nouvelle-Zélande pour déterminer le [Traduction] « risque de tromper ou de créer de la confusion » est essentiellement équivalent au test en matière de confusion appliqué au Canada. Dans la décision NZ, tous les motifs d’opposition ont été rejetés.

[42]  Certes, les décisions rendues par des tribunaux étrangers ne sont pas contraignantes pour cette Commission, mais cela ne signifie pas qu’elles ne peuvent pas être persuasives : voir Neutrogena Corp. c. Guaber SRL (1993), 49 CPR (3d) 282 (COMC); Origins Natural Resources c. Warnaco U.S. (2000), 9 CPR (4th) 540 (COMC) à la p. 548.

[43]  Cependant, en l’espèce, la décision NZ n’a pas une grande valeur persuasive en ce qui concerne la question de la confusion. À cet égard, le sous-commissaire a conclu qu’il n’y avait aucune [Traduction] « conscience, compréhension ou connaissance, dans le marché pertinent, de la marque SHAPING THE WORLD OF WORK » et que l’opposante ne s’était donc pas acquittée de son fardeau de preuve initial de mettre en doute l’allégation de [Traduction] « risque de tromper ou de créer de la confusion » : voir les para. 64 et 67 de la décision NZ.

[44]  Je souligne au passage les conclusions du sous-commissaire concernant le caractère distinctif inhérent des marques des parties, aux para. 50 à 52 [Traduction] :

50. À mon avis, les deux marques possèdent un caractère distinctif peu marqué. Le fait qu’elles ont été admises à l’enregistrement laisse entendre qu’elles ne sont pas entièrement dénuées de caractère distinctif, mais elles se situent toutes deux au bas de l’échelle à cet égard.

 

51. L’élément « THE WORLD OF WORK » [le monde du travail] présent dans les deux marques est très descriptif, et la preuve établit que l’expression est courante dans le commerce. Avant la date pertinente, il était employé dans un sens descriptif par de nombreux commerçants et organismes. Il s’agit également d’une expression issue du langage courant.

 

52. J’admets que les premiers éléments des marques (POWERING/SHAPING [au service/façonner]) ne se ressemblent pas dans le son et dans la présentation. Il existe une certaine similitude quant à leur signification respective, quoique limitée.

Preuve en réponse de l’Opposante

Jo-Anne McConnery

[45]  Mme McConnery atteste qu’elle est adjointe juridique au sein du cabinet qui représente l’opposante. Elle a consulté le site Web d’une autre entreprise de recrutement exploitée au Canada et a obtenu plusieurs exemples de cette tierce partie ayant employé l’expression « powering the world of work » [au service du monde du travail] dans un sens descriptif, entre 2013 et 2016.

Examen des motifs d’opposition

Premier motif : non-conformité à l’art. 30b)

[46]  Le premier motif d’opposition porte que la requérante n’a pas employé la marque POWERING THE WORLD OF WORK visée par la demande depuis la date de premier emploi revendiquée dans la demande, à savoir le 30 septembre 2011. L’avocat de l’opposante a fait valoir que la seule preuve soumise par la requérante concernant l’emploi de sa marque POWERING THE WORLD OF WORK à la date pertinente du 30 septembre 2011 est un imprimé unique tiré du site Web de Hays Canada, obtenu à partir du site Wayback Machine et daté du 23 septembre 2011, une preuve que l’avocat a qualifiée d’inadmissible. À cet égard, je soulignerais d’abord que la preuve tirée du site Wayback Machine est admissible : voir Candrug Health Solutions Inc. c. Thorkelson (2007) 60 CPR(4th) 35 au para 20 (CF).

[47]  Je suis d’accord avec l’avocat de l’opposante pour dire qu’il n’existe aucun document dans les documents de la requérante produits en pièce qui établisse de manière concluante que la date de premier emploi de la marque visée par la demande est aussi tôt que le 30 septembre 2011. Je suis également d’accord avec l’avocat pour dire que l’on pourrait s’être attendu à ce que la requérante fournisse de la documentation plus détaillée concernant la date de premier emploi de la marque visée par la demande, ainsi que des documents plus complets sur l’accord de licence conclu entre la requérante et sa filiale canadienne. Cependant, compte tenu de toute la documentation produite en pièce au sujet de la date de premier emploi et, ce qui est tout aussi important, compte tenu du fait que le contre-interrogatoire de Mme Watson n’a pas permis de faire des incursions sur son témoignage par affidavit, j’estime que la requérante s’est acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la date de premier emploi de la marque visée par la demande était en fait aussi tôt que le 30 septembre 2011. En concluant ainsi, j’ai suivi les directives énoncées dans Corporativo de Marcas GJB c. Bacardi, 2014 CF 323 au para. 37 (CanLII), selon lesquelles toute la preuve pertinente doit être examinée en tenant compte de ce qui suit [Traduction] :

. . . sa provenance (y compris sa qualité et sa fiabilité), l’absence de preuve qu’il faudrait raisonnablement s’attendre à observer et la question de savoir si l’élément de preuve a été mis à l’épreuve en contre-interrogatoire et si tel est le cas, comment il a réussi cette épreuve. De nombreux facteurs variés guident l’évaluation des éléments de preuve.

[48]  J’aimerais également rappeler le sentiment qu’a exprimé l’avocat de la requérante à l’audience qui a souligné que, même si la preuve de la requérante relative à la date de premier emploi de sa marque et sa preuve concernant son accord de licence avec sa filiale canadienne auraient pu être plus complètes, la preuve de la requérante sur ces questions était toutefois au moins aussi détaillée et informative que la preuve présentée par l’opposante concernant son emploi de sa marque et l’accord de licence conclu entre l’opposante et sa filiale canadienne.

Autres motifs : enregistrabilité suivant l’art. 12(1)d); droit à l’enregistrement suivant l’art. 16(3)a); et caractère distinctif au titre de l’art. 2

[49]  Comme je l’ai indiqué aux para. 10 et 11 ci-dessus, les autres motifs d’opposition reposent sur la question de la confusion entre la marque POWERING THE WORLD OF WORK visée par la demande et la marque SHAPING THE WORLD OF WORK de l’opposante. La question à trancher est celle de savoir si les clients-employeurs ou les clients-candidats (voir para. 37 ci-dessus à la Q183) des services de recrutement de la requérante, fournis sous la marque POWERING THE WORLD OF WORK, croiraient que ces services ont été offerts ou autorisés par l’opposante, ou font l’objet d’une licence concédée par l’opposante, qui fournit des services semblables sous la marque SHAPING THE WORLD OF WORK.

[50]  C’est à la requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la norme habituelle de la prépondérance des probabilités qui s’applique en matière civile, qu’il n’y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause.

Test en matière de confusion et facteurs à considérer pour évaluer la confusion

[51]  Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à prendre en considération pour déterminer si deux marques créent de la confusion sont « toutes les circonstances de l’espèce, y compris » celles expressément énoncées aux art. 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et il importe de tenir compte de tous les facteurs pertinents. En outre, ces facteurs n’ont pas nécessairement tous le même poids, car le poids qu’il convient d’accorder à chacun varie selon les circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 CPR (3d) 308 (CF 1re inst.). Toutefois, comme l’a souligné le juge Rothstein dans Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), le degré de ressemblance est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu à l’art. 6(5).

[52]  Avant d’examiner les facteurs ci-dessus, un aperçu des considérations qui entrent en jeu, du moins du point de vue de la requérante, est présenté aux para. 4 à 8 du plaidoyer écrit de la requérante [Traduction] :

4. . . . le simple fait que les marques des parties partagent l’élément « the world of work » [le monde du travail] ne revêt que très peu d’importance. « The world of work » [le monde du travail] est une expression descriptive couramment employée dans l’industrie du recrutement et des ressources humaines et dans le langage courant pour décrire le marché du travail et la notion d’endroit où les gens trouvent un emploi.

 

5. Comme l’expression « the world of work » [le monde du travail] est courante, descriptive et non distinctive, les consommateurs se tourneront vers les autres éléments des marques des parties pour les distinguer. En l’espèce, les premiers éléments différents de la marque de chaque partie (POWERING et SHAPING [au service et façonner]) se ressemblent peu et servent donc à distinguer les marques des parties dans leur ensemble.

 

6. La marque « SHAPING THE WORLD OF WORK » [façonner le monde du travail] de l’Opposante n’a pas non plus acquis un caractère distinctif pour accroître la protection limitée à laquelle elle a droit. Il n’existe aucune preuve au dossier démontrant que « SHAPING THE WORLD OF WORK » [façonner le monde du travail] est connue dans une quelconque mesure appréciable en tant que marque de commerce de l’Opposante. . .

 

7. En outre, le genre des services respectifs des parties et la manière dont ils sont fournis viennent atténuer fortement toute probabilité de confusion. Les services des parties ne sont pas des services de vente au détail ordinaires ou des services de consommation. Les services des deux parties sont plutôt du type qui sont seulement achetés par des clients avertis qui ont préalablement procédé à un examen attentif, étant donné le coût relatif et l’importance de ces services, et ce, en règle générale, seulement après avoir tenu des rencontres, des consultations et des négociations et signé des contrats de services. En outre, dans leur emploi réel, les deux parties ont présenté leurs marques de commerce respectives en tant que marques « secondaires » ou slogans en liaison avec des marques « principales » ou des « marques maison » distinctives et pouvant être distinguées (HAYS et RANDSTAD, respectivement).

 

8. Par conséquent, il n’est pas du tout étonnant que l’Opposante n’ait pas été en mesure de présenter de preuve de confusion réelle entre les marques de commerce des parties, malgré de nombreuses années d’emploi simultané allégué au Canada.

Premier et deuxième facteurs : caractère distinctif inhérent et acquis; période pendant laquelle les marques ont été en usage

[53]  La marque POWERING THE WORLD OF WORK visée par la demande ne possède pas un caractère distinctif inhérent très élevé. À cet égard, la première partie de la marque est le terme « powering » [au service], qui est un mot du dictionnaire d’usage courant et qui possède donc un caractère distinctif inhérent faible. La deuxième partie de la marque est le terme « the world of work » [le monde du travail], qui est un terme descriptif couramment employé dans l’industrie du recrutement et qui possède donc un caractère distinctif inhérent très peu marqué (voir le para. 37 ci-dessus). En l’espèce, la combinaison des deux termes possédant un faible caractère distinctif inhérent n’engendre aucune forme de juxtaposition qui permettrait d’accroître le caractère distinctif inhérent de la marque dans son ensemble. De la même façon, la marque SHAPING THE WORLD OF WORK de l’opposante ne possède pas un caractère distinctif inhérent marqué. Je suis en accord avec l’observation de la requérante, telle qu’elle est citée au para. 6 ci-dessus (voir para. 52) selon laquelle la marque de l’opposante n’a pas acquis une réputation importante au Canada à une quelconque date pertinente. La marque visée par la demande a acquis une certaine réputation aux dernières dates pertinentes (11 juin 2013 et la date d’aujourd’hui), mais pas à la date pertinente la plus ancienne (30 septembre 2011) : voir le para. 11 ci-dessus. Le premier facteur, qui concerne à la fois le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis, ne favorise donc aucune des parties à la date pertinente la plus ancienne, mais favorise l’opposante, dans une certaine mesure, aux dernières dates pertinentes.

[54]  L’opposante a commencé à employer sa marque SHAPING THE WORLD OF WORK en 2009, alors que la requérante a commencé à employer sa marque POWERING THE WORLD OF WORK en septembre 2011. La période pendant laquelle les marques ont été en usage favorise donc l’opposante, mais pas dans une mesure appréciable.

Troisième et quatrième facteurs : le genre de services ou entreprises; la nature du commerce

[55]  Les parties œuvrent toutes deux dans l’industrie du recrutement, c’est-à-dire, la recherche d’employeurs répondant aux besoins des chercheurs d’emploi et la recherche de travailleurs répondant aux besoins des employeurs. Comme je l’ai souligné précédemment, la requérante se spécialise dans certains types d’emplois, ce que l’opposante n’est pas spécialisée. Par conséquent, les services des parties se recoupent. Les troisième et quatrième facteurs favorisent donc l’opposante.

Cinquième facteur : le degré de ressemblance

[56]  Il existe nécessairement un fort degré de ressemblance entre les marques en cause, puisque la dernière partie de chaque marque est constituée de l’expression THE WORLD OF WORK [le monde du travail]. Cependant, la première partie d’une marque est généralement celle qui revêt le plus d’importance aux fins de la distinction : voir Conde Nast Publications Inc. c. Union Des Editions Modernes (1979) 46 CPR (2d) 183, à la p. 188 (CF 1re inst.). Les premières parties des marques des parties, c’est-à-dire les termes SHAPING [façonner] et POWERING [au service], sont différents dans la présentation, le son et les idées qu’elles suggèrent. Si l’on considère les marques des parties dans leur intégralité, j’estime qu’elles sont plus différentes que semblables, en raison des différences dans leur première partie. Le cinquième facteur favorise donc la requérante.

Autres circonstances de l’espèce

[57]  Je conviens avec la requérante que deux autres circonstances de l’espèce favorisent, du moins dans une certaine mesure, une conclusion d’absence de confusion. La première est qu’il n’existe aucune preuve de confusion réelle entre les marques des parties malgré l’emploi simultané au Canada; la seconde est que les deux parties ont le plus souvent employé les marques en cause comme marques secondaires de pair avec leurs marques principales HAYS (pour la requérante) et RANDSTAD (pour l’opposante).

Jurisprudence relative aux marques de commerce faibles

[58]  Comme l’a souligné le juge Rand dans General Motors Corp. c. Bellows (1949), 10 CPR 101 aux p. 115 et 116 (CSC), une marque de commerce faible (c.-à-d. une marque possédant faible un caractère distinctif inhérent) n’a pas droit à une protection étendue [Traduction] :

. . . lorsqu’une partie a puisé dans le vocabulaire courant du commerce le ou les mots lui servant de marque et qu’elle cherche à empêcher ses concurrents d’en faire autant, la protection à laquelle elle a droit est de moindre étendue que celle qui serait accordée dans le cas d’un mot inventé, unique ou non descriptif . . . Dans Office Cleaning Services, 63 RPC à la p. 43, Lord Simonds s’est exprimé ainsi [Traduction] : « En fin de compte, je crois qu’il s’agit tout simplement de ceci : quand un commerçant décide que son nom commercial contiendra des mots courants, il y aura, inévitablement, une certaine confusion. Mais le risque est acceptable sauf si le premier utilisateur est autorisé injustement à s’approprier pour lui seul ces termes. Le tribunal acceptera des différences peu importantes comme étant suffisantes pour éviter toute confusion. Il faut s’attendre à une plus grande discrimination de la part du public lorsqu’un nom commercial est formé en tout ou en partie de termes qui décrivent les articles vendus ou les services offerts. » (soulignement ajouté)

[59]  En outre, tel qu’il a été souligné dans GSW Ltd. c. Great West Steel Industries Ltd. (1975), 22 CPR (2d) 154 à la p. 169 (CF 1re inst.) [Traduction] : « . . . une jurisprudence constante affirme que dans le cas de marques “faibles”, on peut accepter que seules de légères différences distinguent une marque d’une autre et raisonnablement s’attendre à une plus grande vigilance de la part du public ».

 

Décision

[60]  Eu égard aux cinq facteurs énoncés ci-dessus, aux autres circonstances de l’espèce et à la jurisprudence relative aux marques faibles, je conclus que, à toutes les dates pertinentes, les marques POWERING THE WORLD OF WORK et SHAPING THE WORLD OF WORK des parties ne créent pas de confusion. Les autres motifs d’opposition sont rejetés et l’opposition est donc rejetée.

[61]  Cette décision est rendue dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce selon les dispositions de l’art. 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

______________________________

Myer Herzig, membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2017-10-30

COMPARUTIONS

HEIDI JENSEN

POUR L’OPPOSANTE

 

CHRIS PIBUS

POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

JENSEN & COMPANY

POUR L’OPPOSANTE

GOWLING WLG

POUR LA REQUÉRANTE

 

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