Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2018 COMC 35

Date de la décision : 2018-04-18

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Basilia Betty Kesselman

Opposante

et

 

International Herbs Medical Marijuana Ltd.

Requérante

 

 

1,659,875 pour la marque de commerce ZENABIS

 

Demande

Dossier

[1]  Le 16 janvier 2014, Monark Investments Ltd. a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce ZENABIS sur le fondement de l’emploi projeté au Canada en liaison avec un certain nombre de produits et de services liés à la marijuana. Peu de temps après, le 19 mars 2014, la marque et la demande ont été cédées à International Herbs Medical Marijuana Ltd., la requérante actuellement inscrite au dossier. Le 2 mars 2015, la demande a été modifiée de manière à viser les produits et les services suivants [Traduction] :

produits

marijuana à usage médical, séchée;

graines de cannabis et emballage; graines de marijuana à usage médical et emballage;

clones de cannabis, nommément boutures, semis et plants de cannabis;

articles divers associés au cannabis, nommément papier à rouler, atomiseurs, diffuseurs et broyeurs à cannabis.

 

services

production, distribution, vente au détail et vente en ligne de marijuana à usage médical, de graines de cannabis, de clones de cannabis, nommément de boutures, de semis et de plants de cannabis, ainsi que d’articles divers associés au cannabis, nommément de papier à rouler, d’atomiseurs, de diffuseurs et de broyeurs à cannabis;

services éducatifs, nommément offre d’un service de répertoire d’information en ligne présentant de l’information concernant la marijuana à usage médical, les lois sur la marijuana à usage médical, les pharmacies et les magasins offrant de la marijuana légale à usage médical, les fournisseurs de soins de santé et l’équipement pour l’administration de marijuana à usage médical, pour le compte de tiers;

offre de services de recherche sur le cannabis, nommément la marijuana;

services de développement de produits dans le domaine du cannabis, nommément de la marijuana.

 

[2]    La demande en cause a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 1er juillet 2015, et Basilia Betty Kesselman s’y est opposée le 1er septembre 2015. Le 9 septembre 2015, le registraire a transmis à la requérante une copie de la déclaration d’opposition, ainsi que l’exige l’art. 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13. En réponse, la requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie l’ensemble des allégations contenues dans la déclaration d’opposition.

[3]  La preuve de l’opposante est constituée de l’affidavit de Demetra Georganas. La preuve de la requérante est constituée de l’affidavit de Marianne Crozier. La preuve en réponse de l’opposante est constituée de l’affidavit de Josephine Lai. Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux représentées à l’audience qui a été tenue.

 

Déclaration d’opposition

[4]  L’opposante invoque plusieurs motifs d’opposition, dont des motifs d’opposition qui peuvent être rejetés sommairement, soit parce qu’ils ne sont pas invoqués valablement (ils ne contiennent aucun motif d’opposition valable), soit parce que l’opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve d’établir le bien-fondé de ces motifs. Les autres motifs d’opposition en cause sont les suivants :

1. La marque ZENABIS visée par la demande n’est pas enregistrable suivant l’article 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, parce que ZENABIS crée de la confusion avec la marque déposée ZEN de l’opposante, laquelle vise les produits suivants : papier à cigarettes et accessoires de tabac, nommément blagues à tabac, machines à rouler le tabac et produits à base de tabac. La date pertinente pour l’évaluation de la question de la confusion aux termes de l’article 12(1)d) est la date de ma décision.

2. La requérante n’a pas droit à l’enregistrement suivant l’article 16(3)a) de la Loi, parce que ZENABIS crée de la confusion avec la marque ZEN de l’opposante employée antérieurement au Canada par l’opposante. La date pertinente pour l’évaluation de la question de la confusion aux termes de l’article 16(3)a) est la date de production de la demande, en l’espèce le 16 janvier 2014.

3. La marque ZENABIS visée par la demande n’est pas adaptée à distinguer les produits de la requérante des produits de l’opposante vendus antérieurement en liaison avec la marque ZEN de l’opposante, au sens de l’article 2, parce que la marque ZENABIS visée par la demande crée de la confusion avec la marque de l’opposante. La date pertinente pour l’évaluation de la question de la confusion aux termes de l’article 2 est la date de production de la déclaration d’opposition, en l’espèce le 1er septembre 2015.

[5]  Manifestement, la seule question à trancher est celle de savoir si la marque ZENABIS visée par la demande crée de la confusion avec la marque ZEN de l’opposante, à l’une ou l’autre des dates pertinentes. Avant d’évaluer la question de la confusion, j’examinerai la preuve des parties, puis je préciserai ce qu’il faut entendre par « confusion » dans le contexte de la Loi sur les marques de commerce ainsi que les facteurs pertinents et la jurisprudence pertinente pour déterminer si les marques en cause créent de la confusion.

 

Preuve de l’opposante

[6]  Mme Georganas atteste qu’elle est contrôleuse chez Zoe International Distributing Inc. (« ZIDI ») où elle travaille depuis 1999. Elle participe directement et étroitement aux activités de ZIDI, et à l’industrie canadienne du tabac et des accessoires de tabac, depuis son arrivée chez ZIDI.

[7]  L’opposante est une fondatrice, directrice, présidente et secrétaire de ZIDI, qui a été constituée en 1999. L’opposante a toujours employé la marque ZEN au Canada par l’entremise de licenciés, et ZIDI a toujours employé la marque ZEN en vertu d’une licence octroyée par l’opposante. L’opposante participe à la gestion des activités quotidiennes de ZIDI, y compris la gestion de la nature et de la qualité des produits que ZIDI vend. Un accord de licence de marque de commerce entre l’opposante et ZIDI, daté du 21 février 2013, concernant la marque ZEN (et d’autres marques) est joint comme pièce A à l’affidavit de Mme Georganas.

[8]  ZIDI exerce ses activités sous les noms de HBI Canada et de HBI Distributing Canada. ZIDI est une grossiste et vend les produits ZEN à des détaillants dans tout le Canada depuis juin 2000. Ces produits comprennent du papier à cigarettes; des blagues à tabac; des machines à rouler le tabac; des filtres et des boîtes à rouler pour rouler ses cigarettes; des nettoie-pipes; et, depuis 2014, des cigarettes électroniques.

[9]  Un examen des documents joints en pièce à l’affidavit de Mme Georganas confirme que la marque ZEN figure bien en vue sur l’emballage des produits, dans la publicité et la promotion. Les ventes totales des produits ZEN au Canada se sont élevées à 51 000 $ en 2005 et ont sans cesse augmenté pour atteindre 130 000 $ en 2015. Depuis 2001, ZIDI a dépensé environ 300 000 $ pour promouvoir et commercialiser ses divers produits, y compris les produits ZEN, au Canada auprès de ses clients-détaillants et dans des catalogues imprimés. La quasi-totalité de cette publicité et de cette promotion mentionne la marque ZEN et les produits ZEN.

[10]  Mme Georganas décrit le lien entre les produits et les entreprises de l’opposante et de la requérante aux para. 17 à 19 de son affidavit [Traduction] :

17. ZIDI est une grossiste. Elle vend des produits, y compris les Produits ZEN, à des détaillants traditionnels et en ligne dans tout le Canada, qui les vendent à leur tour aux consommateurs. Ces détaillants comprennent des dépanneurs, des boutiques spécialisées et des dispensaires de marijuana à usage médical. Bon nombre de ces détaillants sont des « head-shops » [boutiques qui vendent l’attirail lié à la drogue] spécialisés dans l’équipement et les accessoires utilisés pour consommer du tabac, du cannabis et des produits semblables, ainsi que des cigarettes électroniques et des produits connexes (dont la popularité et la disponibilité ont considérablement augmenté au cours des dernières années).

 

18. De nombreux Produits ZEN, comme le papier à rouler, les filtres, les rouleuses et les boîtes à rouler, sont utilisés pour rouler des cigarettes, qu’il s’agisse de tabac, de marijuana à usage médical ou d’autres herbes. Les consommateurs qui achètent les Produits ZEN le font afin de les utiliser dans ce but, à des fins récréatives et médicales. Ces utilisateurs pourraient acheter du tabac ou de la marijuana à usage médical auprès d’autres fournisseurs et pourraient utiliser les Produits ZEN pour préparer et consommer des cigarettes de tabac ou de marijuana à usage médical, par exemple.

 

19. Tel qu’indiqué, les Produits ZEN sont vendus dans des dépanneurs, des boutiques spécialisées et des dispensaires de marijuana à usage médical. Il existe un recoupement manifeste entre les détaillants qui vendent les Produits ZEN et les clients finaux qui achètent et utilisent les Produits ZEN, et les détaillants qui pourraient vendre et les consommateurs qui pourraient acheter les produits visés par la demande relative à la marque de commerce ZENABIS . . .

 

Preuve de la requérante

Marianne Crozier

[11]  Mme Crozier atteste qu’elle est une technicienne juridique à l’emploi du cabinet qui représente la requérante. Son affidavit a pour but de présenter en preuve, sous forme de documents produits en pièce, les résultats de diverses recherches informatisées effectuées en ligne, lesquels sont examinés ci-dessous :

Pièces A et B

[12]  Les pièces sont constituées d’imprimés tirés de sites Web de référence concernant la signification des termes « ZEN » et « ZENABIS ».

[13]  Selon ce que je comprends des documents produits en pièce, le terme ZEN se rapporte à la pratique bouddhiste de la méditation menant à un sentiment de compassion envers tous les êtres doués de sensibilité. Le terme ZEN se rapporte aussi à un état d’esprit qui consiste à écarter les « illusions » et à voir le monde sans avoir de pensées qui déforment la réalité. Le terme ZEN se rapporte à un enseignement et à une pratique qui envisagent la nature essentielle de l’individu, menant à la paix intérieure.

[14]  Je souligne également que le terme ZENABIS n’est pas un mot du dictionnaire; il s’agit d’un terme inventé ou fantaisiste qui ne revêt pas de signification. Cependant, il est évident que le terme ZENABIS est formé du mot « Zen » et des deux dernières syllabes du mot « cannabis ». Le terme ZENABIS suggère par conséquent un certain lien avec le courant Zen ou un lien entre le courant Zen et le cannabis.

 

Pièces C et D

[15]  Les pièces sont constituées d’imprimés de recherches informatisées effectuées dans le registre des marques de commerce pour repérer les marques actives constituées du terme ZEN ou comprenant ce terme. La première recherche a donné 159 marques. La seconde recherche a été restreinte aux classes 21 et 34 de la Classification de Nice (qui comprennent le tabac et des articles divers pour fumeurs) et a donné 13 marques. Je souligne que certaines des marques repérées dans la première recherche sont constituées du terme XEN ou comprennent ce terme, plutôt que ZEN.

 

Pièce E

[16]  La pièce est constituée d’imprimés d’une recherche informatisée effectuée dans la base de données NUANS, regroupant les registres des sociétés et des entreprises de tout le Canada, pour repérer les noms d’entreprises constitués du terme ZEN ou comprenant ce terme. Selon ce que je comprends des résultats, environ 200 entreprises actives ont été repérées.

 

Pièce F

La pièce est constituée d’imprimés d’une recherche informatisée effectuée dans la base de données en ligne 411.ca pour repérer les entités commerciales, dans tout le Canada, dont le nom est constitué du terme ZEN ou comprend ce terme. Trois cent quatre (304) entreprises ont été repérées.

 

Pièces G, H et I

Les documents susmentionnés produits en pièce se rapportent au fait que la requérante est devenue une productrice autorisée de marijuana à usage médical sous l’égide de Santé Canada.

 

Pièce J

La pièce est constituée d’imprimés tirés du site Web de la requérante faisant la promotion des produits de marijuana à usage médical de la requérante et fournissant de l’information sur la manière de les obtenir.

 

 

Preuve en réponse de l’opposante

Josephine Lai

[17]  Mme Lai atteste qu’elle est une technicienne juridique à l’emploi du cabinet qui représente l’opposante. Elle a effectué deux recherches dans le registre des marques de commerce pour repérer 1) toutes les marques de commerce actives comprenant l’élément « zen » et 2) les marques de commerce actives comprenant l’élément « zen » qui sont restreintes à la classe no 34 de la Classification de Nice (laquelle classe comprend plusieurs des produits de l’opposante). La première recherche a permis de repérer 416 marques tandis que la seconde recherche a permis de repérer seulement cinq marques de tiers.

Ce qu’il faut entendre par « confusion entre des marques de commerce »

[18]  Comme je l’ai mentionné précédemment, la question déterminante en l’espèce est celle de savoir si la marque ZENABIS visée par la demande, dans le contexte d’un emploi en liaison avec les produits et les services spécifiés dans la demande en cause, crée de la confusion avec la marque ZEN de l’opposante, employée en liaison avec les produits liés au tabac de l’opposante. Des marques de commerce sont réputées créer de la confusion lorsqu’il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l’art. 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, lequel est libellé comme suit :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits . . . liés à ces marques de commerce sont fabriqués . . . ou que les services liés à ces marques sont . . . exécutés par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[19]  Ainsi, l’art. 6(2) ne porte pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais sur une confusion portant à croire que des produits ou des services provenant d’une source proviennent d’une autre source. En l’espèce, la question que soulève l’art. 6(2) est celle de savoir si des acheteurs des produits et des services de la requérante, vendus sous la marque ZENABIS, croiraient que ces produits ou ces services ont été fabriqués ou autorisés par l’opposante, ou font l’objet d’une licence concédée par cette dernière, qui vend des produits liés au tabac sous la marque ZEN. C’est à la requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la norme habituelle de la prépondérance des probabilités qui s’applique en matière civile, qu’il n’y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion.

 

Test en matière de confusion et facteurs à considérer pour évaluer la confusion

[20]  Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à prendre en considération pour déterminer si deux marques créent de la confusion sont « toutes les circonstances de l’espèce, y compris » celles expressément énoncées aux art. 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et il importe de prendre en considération tous les facteurs pertinents. En outre, ces facteurs n’ont pas nécessairement tous le même poids, car le poids qu’il convient d’accorder à chacun varie selon les circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 CPR (3d) 308 (CF 1re inst.). Cependant, comme l’a souligné le juge Rothstein dans Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), le degré de ressemblance est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu à l’art. 6(5).

 

Examen des facteurs à considérer pour évaluer la confusion

Premier facteur – le caractère distinctif inhérent et acquis

[21]  Les observations de la requérante en ce qui concerne le caractère distinctif inhérent des marques des parties sont présentées aux para. 40 à 43 de son plaidoyer écrit [Traduction] :

40.  . . . le courant « zen », qui provient de la Chine antique et qui s’est répandu au Japon et dans d’autres pays, met l’accent sur la pratique de la méditation pour amener le corps et l’esprit dans un état de concentration et d’unité afin d’atteindre l’éveil. Dans le langage courant, il se rapporte à un état de paix et de relaxation . . .

 

41.  La Marque de l’Opposante est intrinsèquement faible en raison de son emploi quotidien de longue date, de sa signification courante et de son caractère suggestif. Lorsqu’elle est employée en liaison avec des accessoires de tabac, la Marque de l’Opposante suggère fortement à ceux qui la voient que l’utilisation des accessoires de tabac permettrait d’atteindre un état de paix et de relaxation, ou un état « zen ».

 

42.  La signification courante et l’emploi quotidien du mot « zen », et le concept qu’il représente, sont voulus non seulement par l’Opposante, mais également par de nombreux autres commerçants. La pièce A jointe à l’Affidavit Lai contient une liste de plus de 400 marques actives ZEN ou formées de l’élément ZEN pour emploi en liaison avec une vaste gamme de produits et de services. Les pièces E et F jointes à l’Affidavit Crozier contiennent 200 et 304 entreprises, respectivement, au Canada dont le nom est ZEN ou est formé de l’élément ZEN. Même en supposant que certaines des entreprises présentées dans les deux listes se recoupent, nous soutenons que le nombre d’entreprises pertinentes est tout de même d’au moins 200 . . .

 

43.  La Marque visée par l’Opposition est un mot inventé sans signification dans les dictionnaires. Par conséquent, elle possède un caractère distinctif inhérent beaucoup plus marqué que la Marque de l’Opposante et mérite une protection beaucoup plus étendue que la marque de l’Opposante.

 

[22]  Je suis d’accord avec le raisonnement de la requérante, présenté dans les paragraphes cités ci-dessus, selon lequel la marque ZEN de l’opposante est une marque relativement faible et la marque ZENABIS visée par la demande possède un caractère distinctif inhérent plus marqué parce qu’il s’agit d’un mot inventé. Cependant, je ne suis pas d’accord pour dire que ZENABIS possède un caractère distinctif inhérent [Traduction] « beaucoup » plus marqué que la marque ZEN. À cet égard, le suffixe « ABIS » provient des deux dernières syllabes de « cannabis » et la marque ZENABIS dans son ensemble est par conséquent suggestive des produits et des services de la requérante. La nature suggestive de la marque amoindrit son caractère distinctif inhérent, même si ZENABIS est un mot inventé.

[23]  Les observations de la requérante en ce qui concerne le caractère distinctif acquis de la marque ZEN sont présentées aux para. 45 et 46 de son plaidoyer écrit [Traduction] :

45. L’Opposante n’a réalisé que des ventes minimales de produits arborant la Marque de l’Opposante. Pendant ses onze années de vente (de 2005 à 2015), l’Opposante a vendu des produits pour une valeur totale de 1 120 000 $. Cela représente à peine plus de 100 000 $ de ventes annuelles ou 8 500 $ de ventes mensuelles. Les dépenses publicitaires depuis 2001 sont de 300 000 $ pour tous les produits de ZIDI. Cela représente 20 000 $ par année ou 1 700 $ par mois, pour les très nombreux produits de ZIDI pris ensemble . . .

46.  Nous soutenons que la valeur des ventes des produits arborant la Marque de l’Opposante est si minime qu’elle n’aurait pas acquis un caractère distinctif significatif qui justifie une protection plus étendue que celle qu’on accorderait à une marque intrinsèquement faible.

 

[24]  Je soulignerais premièrement que, en l’absence de contre-interrogatoire de Mme Georganas, je retiens sa preuve portant que la marque ZEN de l’opposante a été, à toutes les dates pertinentes, employée sous licence conformément à l’article 50(1) de la Loi sur les marques de commerce. Par conséquent, l’emploi de la marque par des licenciés s’applique au profit de l’opposante. Deuxièmement, je ne suis pas d’accord avec la requérante pour dire que les ventes de l’opposante sont [Traduction] « minimes ». Les chiffres de vente et de publicité indiquent que la marque ZEN de l’opposante aurait acquis au moins une certaine réputation à toutes les dates pertinentes, bien que la preuve soit ambiguë quant à savoir à quels produits de la requérante [sic] s’applique cette réputation. Cependant, je suis d’accord pour dire que la preuve relative au caractère distinctif acquis de la marque ZEN de l’opposante ne donne pas lieu à une protection beaucoup plus étendue que celle qu’on accorderait normalement à une marque faible : les marques faibles sont abordées plus en détail au para. 30 ci-dessous.

[25]  La marque ZENABIS de la requérante est une marque dont l’emploi est projeté, et il n’y a aucune preuve qu’elle avait acquis une quelconque réputation à l’une ou l’autre des dates pertinentes. Selon la preuve au dossier, je ne suis pas en mesure de déterminer que le premier facteur, qui concerne à la fois le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis, favorise de manière significative l’une ou l’autre des parties.

Deuxième facteur – la période pendant laquelle les marques des parties ont été en usage

[26]  Le deuxième facteur favorise l’opposante, car sa marque ZEN est employée depuis au moins aussi tôt que juin 2000, alors qu’il n’y a aucune preuve qui indique que la requérante a commencé à employer sa marque ZENABIS.

 

Troisième et quatrième facteurs – le genre de produits et services, et la nature du commerce

[27]  Les produits des parties se recoupent en ce qui concerne le [Traduction] « papier à rouler » et, selon la preuve limitée au dossier, il semble exister une possibilité que les voies de commercialisation des parties se recoupent. À cet égard, je retiens la preuve de l’opposante selon laquelle ses produits sont parfois vendus dans des dispensaires de marijuana. En outre, en l’absence de preuve du contraire, je présume qu’il existe une possibilité que les produits [Traduction] « papier à rouler, atomiseurs, diffuseurs et broyeurs à cannabis » de la requérante soient vendus dans des points de vente qui vendent les produits de l’opposante. Le troisième facteur favorise par conséquent l’opposante en ce qui concerne les produits [Traduction] « papier à rouler » de la requérante, mais pas en ce qui concerne les autres produits spécifiés dans la demande en cause. Le quatrième facteur, qui se rapporte aux voies de commercialisation des parties, favorise l’opposante au moins dans une certaine mesure en ce qui concerne les produits des parties, mais il n’y a aucune preuve qui indique un recoupement en ce qui concerne les services de la requérante.

 

Cinquième facteur – la ressemblance entre les marques des parties dans la présentation, dans le son et dans les idées qu’elles suggèrent

[28]  Les marques en cause se ressemblent nécessairement dans une certaine mesure dans la présentation et dans le son, car le premier élément de la marque ZENABIS visée par la demande intègre la totalité de la marque ZEN de l’opposante. En outre, il est reconnu en droit des marques de commerce que la première partie ou la première syllabe de la marque est la plus importante aux fins de la distinction : voir Conde Nast Publications Inc. c. Union Des Editions Modernes (1979) 26 CPR (2d) 183, à la p. 188 (CF 1re inst.). Cependant, lorsque le premier terme est un mot courant et descriptif, son importance diminue : voir, à titre d’exemple, United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp. (1998), 80 CPR (3d) 247 (CAF), à la p. 263. En l’espèce, le terme Zen est courant en langue anglaise, ce qui amoindrit son importance aux fins de la distinction entre les marques de commerce. Je conclus par conséquent que les marques des parties sont plus différentes que semblables dans la présentation et dans le son, en raison du suffixe « ABIS » dont est formée la marque ZENABIS visée par la demande.

[29]  Les idées suggérées par les marques des parties se recoupent, mais sont différentes. La marque de l’opposante suggère un état d’esprit « Zen », tandis que la marque visée par la demande suggère un état Zen atteint au moyen de cannabis (en raison du suffixe « abis »). Lorsqu’on considère les trois aspects de la ressemblance, les marques des parties sont nettement plus différentes que semblables. Le cinquième facteur favorise donc la requérante.

 

Autre jurisprudence

[30]  Il est également reconnu en droit des marques de commerce que, dans le cas de marques faibles (comme ZEN), on peut admettre que seules de légères différences distinguent une marque d’une autre et raisonnablement s’attendre à une plus grande vigilance de la part du public : voir GSW Ltd. c. Great West Steel Industries Ltd. (1975), 22 CPR (2d) 154, à la p. 169 (CF 1re inst.). La requérante aborde ce principe au para. 37 de son plaidoyer écrit [Traduction] :

37.  Les marques qui ne possèdent pas un caractère distinctif inhérent marqué méritent une protection moindre que les marques constituées de mots inventés. Ces marques sont faibles en raison de leur emploi dans le langage courant, ou de leur nature descriptive ou suggestive, et leur portée ou leur protection variera en conséquence. G.M. Pfaff Aktiengesellschaft c. Creative Appliance Corp. (1988), 22 C.P.R. (3d) 340 (CF 1re inst.) à la p. 343 [Traduction] :

Un mot courant employé comme marque de commerce mérite une protection plus limitée qu’un mot rare, unique ou inventé. Il est bien établi en droit que les mots courants tirés du dictionnaire ne constituent pas des marques fortes, tandis qu’un mot inventé de toutes pièces peut frapper l’imaginaire et devenir plus solidement ancré dans la mémoire du consommateur.

   

Décision

[31]  Compte tenu des considérations susmentionnées, et en gardant à l’esprit en particulier que 1) les marques des parties sont nettement plus différentes que semblables, 2) la marque faible de l’opposante n’a droit qu’à une protection étroite en l’absence de preuve d’un caractère distinctif acquis significatif, je conclus que la marque ZENABIS visée par la demande ne crée pas de confusion, à l’une ou l’autre des dates pertinentes, avec la marque ZEN de l’opposante en ce qui concerne les produits [Traduction] « papier à rouler, atomiseurs, diffuseurs et broyeurs à cannabis » ou en ce qui concerne l’un quelconque des autres produits et les services spécifiés dans la demande en cause (malgré la possibilité de recoupement des voies de commercialisation des produits des parties).

[32]  L’opposition est par conséquent rejetée.

[33]  Cette décision a été rendue dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu des dispositions de l’art. 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2018-01-15

COMPARUTIONS

Kevin Wright

POUR L’OPPOSANTE

Kathleen Lemieux

POUR LA REQUÉRANTE

AGENT(S) AU DOSSIER

DLA Piper (Canada) LLP

POUR L’OPPOSANTE

Borden Ladner Gervais

POUR LA REQUÉRANTE

 

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