Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Citation: 2018 COMC 41

Date de la décision: 2018-04-30

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Guixens Food Group, Inc.

Partie requérante

et

 

Kim Long Distributions Inc.

Propriétaire inscrite

 

LMC386,242 pour
MADAME GOUGOUSSE

Enregistrement

[1]  Le 3 mars 2016, à la demande de Guixens Food Group, Inc. (la Partie requérante), le registraire a envoyé l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Kim Long Distributions Inc. (la Propriétaire), titulaire de l’enregistrement nLMC386,242 pour la marque de commerce MADAME GOUGOUSSE (la Marque).

[2]  La Marque est enregistrée en liaison avec le produit « rice » (en français, riz) (le Produit).

[3]  Cet avis enjoignait à la Propriétaire de fournir un affidavit ou une déclaration solennelle démontrant que la Marque a été employée en liaison avec le Produit au Canada à un moment quelconque entre le 3 mars 2013 et le 3 mars 2016 et, dans la négative, indiquant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.

[4]  La définition pertinente d’« emploi » en liaison avec des produits est énoncée à l’article 4(1) de la Loi, comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’un avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]  Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne suffisent pas pour établir l’emploi dans le cadre de la procédure visée par l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Il est vrai que le niveau de preuve requis est peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)]. Il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co c Canada (Registraire des marques de commerce) (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)]. Néanmoins, il faut présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec les produits spécifiés dans l’enregistrement, pendant la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[6]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit une déclaration sous serment souscrite par sa présidente – administratrice, Mme Thi Huyen Dieu Duong, le 9 avril 2016 à Montréal.

[7]  Aucune des parties n’a produit de représentations écrites et seule la Partie requérante a demandé et a participé à une audience.

La preuve

[8]  Dans sa brève déclaration sous serment, Mme Duong atteste simplement « Que la marque de commerce MADAME GOUGOUSSE, enregistrée sous le numéro TMA 386242, est employée par [la Propriétaire] au cours des trois années précédant la date de l’avis envoyé par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, dont le 3 mars 2016. »

[9]  La déclaration de Mme Duong est accompagnée de trois factures. Pourtant, celles-ci ne sont pas désignées comme pièces jointes à la déclaration par le notaire qui a fait prêter serment, et ne sont pas autrement marquées comme pièces ou identifiées dans la déclaration. Par contre, Mme Duong mentionne deux factures dans la lettre d’accompagnement de la déclaration, à savoir « Une copie de la facture d’achat Riz Madame Gougousse, emballé par notre fournisseur » et « Une copie de la facture destinée à un de nos clients à Montréal ».

[10]  En fait, les deux premières factures fournies concurremment avec la déclaration indiquent qu’elles ont été remises à la Propriétaire par une entreprise Thaï lors de la période pertinente. La mention « GOUGOUSSE » apparaît sous la rubrique « MARK » [Marque] et la description des produits facturés indique qu’il s’agit de riz blanc Thaï à longs grains.

[11]  La troisième facture indique qu’elle a été remise par la Propriétaire à une entreprise située à Saint-Léonard, Québec. La mention « GOUGOUSSE PATNA RICE » apparaît dans la liste des produits vendus. D’après la facture, elle a été remise en même temps et à la même adresse que les produits. Cependant, la date de livraison indiquée est le 30 mars 2016, soit après la période pertinente.

Analyse

[12]  Lors de l’audience, la Partie requérante a fait valoir que la preuve produite par la Propriétaire ne suffit pas à établir l’emploi de la Marque pendant la période pertinente, tant sur la forme que sur le fond.

[13]  D’abord, la Partie requérante soutient que la déclaration de Mme Duong est insuffisante sur le plan des faits. À cet égard, la Partie requérante soutient que le contenu de la déclaration n’adresse ni la manière dont la Marque fut liée au Produit, ni le transfert du Produit dans la pratique normale du commerce pendant la période pertinente.

[14]  Ensuite, la Partie requérante soutient que les factures fournies ne font pas partie de la déclaration et, en tout état de cause, ne démontrent pas un emploi de la Marque telle qu’enregistrée, lors de la période pertinente.

[15]  Bien que l’article 45 prévoit une procédure sommaire, et que le fardeau de preuve n’est pas lourd, il n’en demeure pas moins qu’une simple affirmation d’emploi est, en soi, insuffisante pour établir l’emploi d’une marque de commerce aux termes de l’article 45 de la Loi. Il faut plutôt démontrer l’emploi de la marque, en décrivant suffisamment de faits pour que le registraire puisse arriver à une conclusion à savoir si la marque a été employée au Canada lors de la période pertinente conformément à l’article 4 de la Loi [voir Guido Berlucchi & C Srl c Brouilette Kosie Prince, 2007 CF 245, 56 CPR (4th) 401]. En particulier, il incombe au propriétaire inscrit de démontrer comment la marque était apposée sur les produits que spécifie l’enregistrement ou sur leurs emballages — ou autrement liée à ces produits — au moment de leur vente ou livraison dans la pratique normale du commerce.

[16]  En l’espèce, la déclaration sous serment de Mme Duong s’apparente à une simple affirmation d’emploi. Mme Duong ne fournit aucun fait pour étayer son affirmation que la Marque « est employée » par la Propriétaire au cours de la période pertinente. Il est à noter que la déclaration n’indique même pas si cet « emploi » de la Marque était au Canada puis en liaison avec du riz et dans la pratique normale du commerce. En outre, Mme Duong ne fournit aucune preuve de ventes ou de transfert de riz par la Propriétaire lors de la période pertinente, pas plus qu’elle n’explique la manière dont la Marque aurait été liée au produit au moment de son transfert.

[17]  En ce qui concerne les factures fournies concurremment avec la déclaration, sans toutefois y être mentionnées, il est bien établi que les lacunes techniques ne devraient pas empêcher un propriétaire de répondre à l’avis prévu à l’article 45 lorsque la preuve produite pourrait suffire à établir l’emploi de la marque [voir Baume & Mercier SA c Brown (1985), 4 CPR (3d) 96 (CF 1re inst)]. En particulier, le registraire peut à l’occasion admettre en preuve des pièces jointes qui ne portent pas l’inscription du commissaire à l’assermentation ou du notaire, quand celles-ci sont clairement identifiées et expliquées dans le corps de la déclaration [voir, par exemple, Borden & Elliot c Raphaël Inc (2001), 16 CPR (4th) 96 (COMC)]. En l’espèce, cependant, la déclaration sous serment de Mme Duong ne fait aucune mention de pièces jointes et n’offre aucune explication à l’égard des factures fournies en même temps.

[18]  Il est vrai que la lettre d’accompagnement fait référence à deux factures. Pourtant, trois factures y sont annexées et, en tout état de cause, la lettre d’accompagnement ne peut pas être considérée comme preuve en l’espèce. Quoique la procédure prévue à l’article 45 soit simple et expéditive, les dispositions de cet article exigent une preuve sous la forme d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle. Or, la lettre d’accompagnement ne constitue pas un affidavit ou une déclaration solennelle.

[19]  Le fait que les factures ne sont ni mentionnées dans la déclaration sous serment ni identifiées à titre de pièces jointes à celle-ci est davantage qu’une simple lacune technique [pour pareilles conclusions, voir Bereskin & Parr c Teletronic Communications Ltd (1997), 78 CPR (3d) 406 (COMC) ; et Smart & Biggar v Terfloth Trade Marks Ltd, 2014 COMC 158, 2014 CarswellNat 4069]. Ainsi, je conviens avec la Partie requérante que les factures en question ne sont pas recevables à titre de preuve en l’espèce. Par conséquent, je n’en tiens pas compte.

[20]  Quoi qu’il en soit, même si je pouvais admettre les factures en preuve, elles n’établiraient pas qu’il y ait eu transfert de la propriété ou de la possession du produit visé par l’enregistrement pendant la période pertinente, comme l’exigent les articles 4 et 45 de la Loi.

[21]  À cet égard, s’il est vrai que la facture datée du 30 mars 2016 fait état d’une vente de riz par la Propriétaire au Canada, cette vente semble avoir eu lieu après la fin de la période pertinente. Par conséquent, la facture ne satisfait pas aux exigences de l’avis prévu à l’article 45, du fait qu’elle ne sert pas à établir un transfert de produits lors de la période pertinente.

[22]  Pour ce qui est des deux autres factures, elles ne démontrent qu’un transfert par la compagnie Thaï à la Propriétaire. Or, pour qu’il y ait un emploi de la Marque par la Propriétaire, c’est cette dernière — elle-même ou par l’entremise d’un licencié — qui doit vendre ou autrement transférer à une tierce partie le produit portant la Marque. Un achat du produit par la Propriétaire, même dans le but de le revendre, ne constitue pas, en soi, un emploi de la Marque par la Propriétaire au sens de l’article 4 de la Loi.

[23]  De plus, comme le souligne la Partie requérante, la marque de commerce figurant dans les factures est GOUGOUSSE, et non MADAME GOUGOUSSE, telle qu’enregistrée. Par conséquent, la question se pose de savoir si la présentation du mot « GOUGOUSSE» seul constitue une présentation de la marque déposée.  

[24]  De toute façon, comme je l’ai déjà mentionné, la facture provenant de la Propriétaire est datée hors de la période pertinente et, pour les motifs exposés plus haut, n’est pas recevable en preuve en l’espèce.

[25]  Qui plus est, Mme Duong ne décrit pas, ni ne démontre, aucune autre manière dont la Marque était exposée sur, ou en liaison avec, le Produit au moment de son transfert pendant la période pertinente.

[26]  En bref, la déclaration de Mme Duong revient à une simple allégation d’emploi, plutôt qu’à une déclaration de faits établissant l’emploi. En l’absence de détails supplémentaires et de pièces à l’appui, je ne peux conclure que la Marque fut apposée sur le Produit ou sur son emballage, ou fut autrement liée au Produit, de telle sorte qu’un avis de cette liaison fut donné aux acheteurs au moment du transfert de la propriété ou de la possession du Produit pendant la période pertinente. Il est donc impossible de déterminer dans quelle mesure la Marque a été employée au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Décision

[27]  Compte tenu de tout ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec le produit visé par l’enregistrement pendant la période pertinente au sens des articles 4 et 45 de la Loi. De plus, je ne dispose d’aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi.

[28]  Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera radié.

 

Oksana Osadchuk

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2018-03-13

COMPARUTIONS

Aucune comparution

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Laurent Carrière

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

AGENTS AU DOSSIER

Aucun agent nommé

POUR LE PROPRIÉTAIRE INSCRIT

ROBIC

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

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