Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2018 COMC 43

Date de la décision : 2018-05-01

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Project Futureproof Inc.

Opposante

et

 

Shane Wolfe

Requérant

 

 

1,594,217 pour la marque de commerce FUTURE PROOF

 

Demande

 

Dossier

 

[1]  Le 27 août 2013, Shane Wolfe (un particulier) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce FUTURE PROOF, sur la base de l’emploi au Canada depuis le 15 novembre 2011 en liaison avec divers produits et services apparentés (qui ont été subséquemment modifiés le 2 avril 2014). Une liste abrégée, représentative des produits et services du requérant, est reproduite ci-dessous [Traduction] :

produits

livres, vidéos préenregistrées, émissions audio, webinaires, ouvrages éducatifs contenant de l’information sur les technologies écologiques, d’énergie renouvelable et de serre;

 

fenêtres, et composants de systèmes domotiques pour la commande de systèmes photovoltaïques, de systèmes de chauffage solaires, de systèmes de chauffe-eau solaires ainsi que d’équipement de chauffage, de ventilation et de conditionnement d’air (CVCA); matériaux de construction porteurs et isolants;

 

logiciels de développement d’applications pour appareils mobiles.

 

services

conseils et consultation dans le domaine des technologies de l’information, des systèmes de commande et du développement de produits; exploitation d’un site Web d’information sur l’énergie renouvelable, les technologies de serre et l’efficacité énergétique; démonstrations éducatives dans le domaine de l’économie d’énergie résidentielle.

 

 

[2]  La présente demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 8 octobre 2014, et Project Futureproof Inc. s’y est opposée peu après, le 3 décembre 2014.

 

[3]  Le 6 janvier 2015, le registraire a transmis au requérant une copie de la déclaration d’opposition, ainsi que l’exige l’art. 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13. En réponse, le requérant a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle il nie l’ensemble des allégations contenues dans la déclaration d’opposition. Le requérant a également demandé à la Commission de se prononcer sur le caractère suffisant de certains paragraphes de la déclaration d’opposition. L’opposante a répondu à la demande du requérant en soumettant une déclaration d’opposition modifiée, que la Commission a jugée satisfaisante. L’opposante a ensuite soumis une seconde déclaration d’opposition modifiée pour corriger certaines lacunes techniques mineures présentes dans la version précédente. Chaque fois que je mentionnerai la déclaration d’opposition ci-après, je ferai référence à la dernière version modifiée soumise le 4 août 2015.

 

[4]  La preuve de l’opposante est constituée des affidavits de John Godden et de Craig Backman. Le requérant a choisi de ne produire aucune preuve à l’appui de sa demande. Aucune des parties n’a produit de plaidoyer écrit. Seule l’opposante était représentée à l’audience qui a été tenue.

 

Déclaration d’opposition

 

[5]  Quatre motifs d’opposition sont invoqués dans la déclaration d’opposition. Ces motifs sont examinés ci-dessous.

 

[6]  Le premier motif, fondé sur l’article 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, porte que la marque FUTURE PROOF visée par la demande n’est pas enregistrable parce qu’elle donne une description claire des produits et des services du requérant. À cet égard, l’opposante allègue que les consommateurs comprendraient que les produits et les services du requérant, vendus sous la marque FUTURE PROOF, sont destinés à la conception d’un bâtiment durable et écologique.

 

[7]  Le deuxième motif, fondé sur les articles 10 et 12(1)e) de la Loi, porte que la marque visée par la demande n’est pas enregistrable parce qu’il s’agit d’une marque interdite. À cet égard, l’opposante allègue que l’emploi de l’expression FUTURE PROOF [à l’abri du vieillissement] a acquis, en raison d’une pratique commerciale ordinaire, la signification suivante [Traduction] : « se préparer aux changements futurs ». Autrement dit, la marque visée par la demande, dans le contexte d’un emploi en liaison avec les produits et les services spécifiés dans la présente demande, serait interprétée comme désignant des produits et des pratiques de construction adaptée à la conception de bâtiments durables sur les plans économique et environnemental.

 

[8]  D’autres allégations à l’appui du premier et du deuxième motifs, qui sont pour l’essentiel un résumé de la thèse de l’opposante, sont formulées aux alinéas 3j) à 3l) de la déclaration d’opposition [Traduction] :

 

3j).  Une personne raisonnable sur le marché de la construction durable et écologique ou des services d’éducation et de consultation connexes associerait le terme « Future Proof » [à l’abri du vieillissement] à l’ensemble des marchandises et des services spécifiés dans la Demande. En d’autres termes, les marchandises et les services visés par la demande concernent des produits et des services liés au fait de construire ou de rénover des propriétés de manière à ce qu’elles puissent résister au passage du temps, à la croissance et au changement grâce à des méthodes, à des produits et à des installations respectueuses de l’environnement.

 

3k).  Le terme « Future Proof » [à l’abri du vieillissement] désigne un système ou un produit qui ne risque pas de devenir obsolète, et le fait de rendre un système ou un produit apte à satisfaire à des exigences futures potentielles ou à mettre à profit des possibilités futures. Le terme « Future Proof » [à l’abri du vieillissement] est désormais interprété au Canada comme faisant référence au développement et à la mise en œuvre de stratégies, de produits et de technologies visant à créer des collectivités durables. De façon générale, cela comprend les compétences, les outils et les connaissances qui permettent de mobiliser les ressources et les capacités requises pour réussir dans l’avenir. Plus précisément, ce terme englobe les maisons, l’énergie et les infrastructures durables.

 

31).  Plusieurs entreprises, magazines, auteurs et blogueurs au Canada emploient le terme « Future Proof » [à l’abri du vieillissement] pour décrire la préparation à l’avenir, surtout en ce qui concerne la création d’une collectivité durable qui est saine sur les plans économique et environnemental. Ce concept inclut la durabilité économique et environnementale grâce à des pratiques et à des produits de construction écologiques. . .

 

 

[9]  Le troisième motif, fondé sur l’article 16(1)c), porte que le requérant n’a pas droit à l’enregistrement de la marque visée par la demande parce que, à la date de premier emploi de la marque visée par la demande (15 novembre 2011), cette dernière créait de la confusion avec le nom commercial Project FutureProof de l’opposante antérieurement employé au Canada.

 

[10]  Le quatrième motif (fondé sur l’article 2, bien que l’article ne soit pas expressément invoqué) porte que la marque FUTURE PROOF ne distingue pas les produits et les services du requérant de ceux de l’opposante ou de tiers.

 

[11]  Avant d’évaluer les motifs d’opposition, j’examinerai la preuve de l’opposante, et passerai en revue le fardeau de preuve initial qui incombe à l’opposante de corroborer les allégations contenues dans la déclaration d’opposition et le fardeau ultime qui incombe au requérant de réfuter les allégations de l’opposante.

Preuve de l’opposante

Craig Backman

[12]  M. Backman atteste qu’il est l’un des administrateurs de la société de l’opposante. Il a également exercé les fonctions de président du conseil d’administration de la Sustainable Housing Foundation (SHF), un organisme sans but lucratif. La SHF concentre ses activités sur l’accroissement de la durabilité dans le secteur de la construction résidentielle. 

[13]  Dès 2009, M. Backman savait que le terme « FutureProof » [à l’abri du vieillissement] était employé dans l’industrie du câblage interne résidentiel, mais pas dans l’industrie des maisons écoénergétiques. Il a commencé à rencontrer John Godden (également membre du conseil d’administration de la SHF) pour discuter de la façon dont le terme pourrait être appliqué à l’industrie des maisons écoénergétiques.

[14]  En janvier 2009, la SHF a donné une présentation à la Banque Royale du Canada dans l’espoir d’obtenir une commandite pour l’initiative de protection contre le vieillissement de la SHF. Un extrait d’une page de la présentation est reproduit ci-dessous [Traduction] :

Une résidence verte permet de réduire considérablement les coûts en raison de ses impacts tant sur la consommation d’énergie que d’eau, et offre une demeure plus durable.

 

Cette réduction des coûts perdure pendant toute la durée de vie de la résidence et devient encore plus importante au fur et à mesure que les coûts de l’énergie augmentent (Future Proofing [protection contre le vieillissement]) (soulignement ajouté).

 

Les prêteurs devraient voir cela comme une occasion de réduire les risques auxquels ils s’exposent. Traditionnellement, l’amortissement brut de la dette par rapport au revenu est calculé selon le PIT – principal, intérêt et taxes (certains ajoutent à cela les coûts de chauffage).

 

Une hypothèque réellement verte devrait inclure une estimation de l’énergie totale (économies et production) et de la conservation de l’eau.

 

 

[15]  En mai 2010, la SHF a tenu un séminaire au cours duquel il a été question de la façon dont les constructeurs pourraient collaborer avec les administrations locales afin d’adapter les nouvelles résidences aux changements climatiques. Certains des sujets abordés lors du séminaire (voir la pièce 4 de l’affidavit Backman) sont présentés ci-dessous :

 

  • o How Green are you? [Dans quelle mesure êtes-vous vert?]

 

  • o Builders Roundtable on working with local governments and future proofing new homes to adapt to climate change [Table ronde des constructeurs sur la collaboration avec les administrations locales et la protection contre le vieillissement des nouvelles résidences afin qu’elles soient adaptées aux changements climatiques] (soulignement ajouté).

 

  • o Working with Municipalities and benefitting from the Green Belt and Green Energy Act Legislation [La collaboration avec les municipalités et les possibilités offertes par le programme Ceinture verte et la législation sur l’énergie verte]

 

[16]  Project FutureProof Inc. a été constituée en société en juin 2013. Son site Web (vers le 23 juillet 2015, c.-à-d. la date de l’affidavit de M. Backman) porte sur les sujets suivants (voir la pièce 5 de l’affidavit de M. Backman) :

  • o What is FutureProofing? [Qu’est-ce que la protection contre le vieillissement?]

 

  • o Why should you FutureProof your home? [Pourquoi devriez-vous protéger votre résidence contre le vieillissement?]

 

  • o FutureProof your home with our Easy to follow 7-Step Process [Protégez votre résidence contre le vieillissement en 7 étapes faciles]

 

[17]  En janvier 2011, la SHF a donné une présentation à Enbridge dans l’espoir d’obtenir une commandite pour son initiative de protection contre le vieillissement. Un extrait de cette présentation est reproduit ci-dessous (voir la pièce 8 de l’affidavit de M. Blackman) :

The Concept of Future Proofing [Le concept de protection contre le vieillissement]

 

Energy & water costs in Canada are expected to grow by 8-10% per year [Les coûts de l’énergie et de l’eau au Canada devraient augmenter de 8 à 10 % par année]

 

Households will come under growing cost pressure [Les ménages subiront des pressions croissantes sur le plan des coûts]

 

Smart investments in sustainability will “future proof” Canadians against increasing costs [Des investissements intelligents dans la durabilité permettront « de protéger contre le vieillissement » les résidences des Canadiens face à l’augmentation des coûts].

 

 

[18]  En novembre 2011, M. Backman et M. Godden ont donné une présentation sur la protection contre le vieillissement à Brookfield Homes, à son siège social de Markham : voir les pièces 11 et 12. Des renseignements sur des événements publics subséquents, qui visaient a faire connaître le concept de protection contre le vieillissement pour la construction de résidences sont présentés aux alinéas 19g à 19i de l’affidavit de M. Backman, lesquels sont reproduits ci-dessous [Traduction] :

 

g.  Vers le 31 janvier 2012, la SHF a tenu une réunion de l’Équipe du leadership en matière de rénovations durables, un groupe de rénovateurs dont le travail consiste avant tout à appliquer aux rénovations le concept de protection contre le vieillissement. . . J’ai préparé une présentation intitulée « Sustainability cannot happen if a sustainable approach is not found that works for all the parties involved » [la durabilité est possible uniquement si l’on adopte une approche durable qui fonctionne pour toutes les parties concernées], qui portait sur la protection contre le vieillissement des résidences actuelles, les outils de protection contre le vieillissement et la mobilisation de la collectivité à l’occasion du Jour de la Terre.. . .

 

h.  Vers le 30 avril 2013, l’Opposante a organisé un événement pour le Jour de la Terre à l’école primaire publique de Kew Beach. . . à Toronto . . Cet événement, parrainé par le programme Écovie de la Banque Scotia, la SHF et Enbridge, avait pour but d’informer la collectivité des raisons pour lesquelles il est important que les gens protègent leur résidence contre le vieillissement et de la façon dont ils peuvent économiser de l’argent en agissant pour le bien de la planète. J’ai participé à cet événement. . .

 

i.  Vers le 5 juin 2013, l’Opposante a donné une présentation intitulée « Tori’s Seminar » [le séminaire de Tori] destinée à initier les propriétaires de résidences sur les plages de Toronto au concept de protection contre le vieillissement. Lors de cette présentation, l’Opposante a invité les personnes présentes à visiter le site Web et à s’inscrire en vue d’une vérification énergétique de leur résidence. . .

 

 

[19]  Une page de la présentation destinée aux propriétaires de résidences sur les plages de Toronto, à laquelle il est fait référence à l’alinéa 19i ci-dessus, est reproduite ci-après (tirée de la pièce 16) [Traduction] :

 

 

 

 

 

 

 


John Godden

 

[20]  M. Godden atteste qu’il est l’un des administrateurs de la société de l’opposante. Il décrit les activités de l’opposante aux paragraphes 8 à 11 de son affidavit [Traduction] :

 

8.  L’Opposante fournit divers services de consultation, y compris des services de consultation aux constructeurs résidentiels concernant les résidences écoénergétiques et l’évaluation des constructions. Elle propose aux constructeurs et aux rénovateurs des techniques et des produits qui peuvent être intégrés aux projets de construction et de rénovation afin d’accroître l’efficacité et la durabilité sur le plan de la consommation d’énergie et d’eau.

 

9.  L’Opposante prend part au processus de conception intégré, aidant ainsi les constructeurs, les concepteurs et les fabricants à concevoir et à construire des résidences durables. En d’autres termes, elle fournit des services de consultation qui aident les constructeurs à accroître l’efficacité énergétique, la durabilité et la salubrité des résidences qu’ils construisent. À l’instar d’autres membres de l’industrie de l’évaluation de la consommation d’énergie résidentielle, j’emploie moi-même le terme « future proof » [à l’abri du vieillissement] en liaison avec la commercialisation des produits et des services qui font partie de cette industrie. L’Opposante a travaillé de cette façon avec plus de 30 constructeurs.

 

10.  L’Opposante évalue des immeubles résidentiels afin de leur attribuer une cote d’efficacité énergétique et est commanditée par diverses entreprises qui souhaitent qu’elle fasse connaître certains produits et matériaux de construction à ses clients. Les commanditaires de l’Opposante comprennent des entreprises qui prennent part à divers aspects du domaine des bâtiments et résidences durables, des technologies durables et de l’efficacité énergétique. . .

 

11. Dans le cadre de son implication auprès de la Sustainable Housing Foundation (SHF), une société à but non lucratif constituée en vertu des lois du Canada qui a pour mandat d’accroître considérablement le nombre de résidences durables au Canada, l’Opposante participe également à différentes activités promotionnelles et éducatives. . . qui ont pour but de promouvoir les résidences durables au Canada. . .

 

[21]  En mai 2010, la SHF a tenu un séminaire pour les constructeurs et les fabricants dans le but de consolider l’industrie du logement durable. L’une des séances s’intitulait « Builder’s Roundtable on working with local governments and future proofing new homes to adapt to climate change » [Table ronde des constructeurs sur la collaboration avec les administrations locales et la protection contre le vieillissement des nouvelles résidences afin qu’elles soient adaptées aux changements climatiques] (voir la pièce 5 de l’affidavit de M. Godden). C’était la première fois que M. Godden parlait publiquement du concept de protection contre le vieillissement.

 

[22]  À l’époque du séminaire de mai 2010 (et à la date de son affidavit, le 22 juillet 2015), M. Godden était président d’une société ontarienne faisant affaire sous le nom de Clearsphere. La société fournit des services de consultation sur l’efficacité énergétique et la durabilité des résidences, d’évaluation de résidences, de dépistage à domicile et de formation pour les constructeurs dans la région du Grand Toronto et du Sud de Toronto. M. Gordon [sic] estime que la protection contre le vieillissement décrit la nature des services fournis par Clearsphere.

 

[23]  M. Gordon [sic] aborde la signification du terme « future proof » [protection contre le vieillissement] (corroborée par la documentation produite en pièce) aux paragraphes 20 et 21 de son affidavit [Traduction] :

 

20.  Sur www.googlc.ca [sic] (« Google Canada »), j’ai consulté le Oxford English Dictionary (« OED ») et examiné les deux définitions du terme « future-proof » [à l’abri du vieillissement]. . . employé comme adjectif, et comme verbe.

 

21.  Lorsqu’il est employé comme un adjectif, « future-proof » [à l’abri du vieillissement] est défini comme suit dans l’OED [Traduction] : « protégé des conséquences d’événements futurs; en particulier (relativement à un produit) conçu d’une manière qui protège contre l’obsolescence rapide ». . . . la définition a été ajoutée en tant que nouvelle entrée dans la troisième édition de l’OED (mars 2002). . .

 

22.  L’OED définit de la façon suivante le terme « future-proof » [protéger contre le vieillissement] lorsqu’il est employé comme verbe [Traduction] : « trans. Relativement à un produit, une entreprise, etc. : le fait d’équiper en vue de développements futurs ou de protéger contre les développements futurs; concevoir de manière à prévenir l’obsolescence rapide ». . . . la définition a été ajoutée en tant que nouvelle entrée dans la troisième édition de l’OED (mars 2002). . .

 

[24]  M. Godden explique sa propre compréhension du terme « future-proof » [à l’abri du vieillissement] aux paragraphes 23 et 24 de son affidavit [Traduction] :

 

23. Dans le contexte de l’Industrie [industrie des résidences écoénergétiques au Canada], la description d’un bâtiment ou d’une résidence à l’abri du vieillissement signifie pour moi les étapes qui ont été suivies pour rendre le bâtiment ou la résidence plus durable et efficace sur le plan de la consommation d’énergie et/ou d’eau et donc, décrit la nature durable du bâtiment ou de la résidence.

 

24. De la même façon, au sujet de l’action de protéger contre le vieillissement un bâtiment ou une résidence dans l’Industrie, je comprends qu’il s’agit du processus qui permet de rendre un bâtiment ou une résidence plus durable et écoénergétique en l’équipant en vue d’événements futurs ou en le ou la protégeant contre les événements futurs, comme l’augmentation des prix de l’énergie.

 

[25]  Le reste de l’affidavit de M. Godden démontre, par de la documentation exhaustive produite en pièce, la façon dont le terme « future proof » [à l’abri du vieillissement] a été employé, dans le contexte des paragraphes 23 et 24 cités ci-dessus, dans de nombreuses publications – aussi bien avant qu’après la date de production (27 août 2013) de la présente demande. Quelques exemples, assortis de leur date de publication, sont présentés ci-dessous :

 

Pièce 20 (février 2003)

Future-Proofing Your Building: Designing for Flexibility and Adaptive Reuse [Protéger votre bâtiment contre le vieillissement : une conception qui prévoit flexibilité et réutilisation adaptée]

[Traduction] Il y a quelque 2 500 ans, le philosophe grec Héraclite a fait parler de lui lorsqu’il a affirmé que rien n’est permanent, sauf le changement. . . le philosophe moderne Stewart Brand a traduit la pensée d’Héraclite dans le langage de la conception : « Un bâtiment n’est pas quelque chose que l’on termine. Un bâtiment, c’est quelque chose que l’on commence. »

 

 

  Pièce 21 (17 mars 2008)

New Toronto waterfront development will have a “future proof” energy centre [Un nouveau développement riverain à Toronto sera doté d’un centre énergétique « à l’abri du vieillissement »]

[Traduction] L’installation sera d’abord alimentée au gaz naturel, mais la conception intégrera les fonctionnalités nécessaires pour assurer la conversion vers d’autres sources de combustibles durables une fois ceux-ci approuvés pour l’utilisation en milieu urbain. Le système « à l’abri du vieillissement » fera de ce nouveau quartier riverain un consommateur d’énergie plus efficace et plus durable au cours des années à venir.

 

 

  Pièce 27 (24 novembre 2011)

Innovative Policy Ideas [Idées stratégiques novatrices]

[Traduction] Aider les propriétaires de bâtiments à assurer la protection de leurs propriétés contre le vieillissement et à réduire leur facture d’énergie. . .

 

 

 

 

Fardeaux de preuve

 

[26]  Comme je l’ai mentionné précédemment, avant d’examiner les motifs d’opposition, j’estime nécessaire de rappeler en quoi consiste i) le fardeau initial qui incombe à l’opposante, soit de corroborer les allégations contenues dans la déclaration d’opposition et ii) le fardeau ultime dont doit s’acquitter le requérant, soit de prouver sa cause.

 

[27]  En ce qui concerne le point i) ci-dessus, conformément aux règles de preuve habituelles, l’opposante a le fardeau de preuve d’établir les faits sur lesquels elle appuie les allégations formulées dans sa déclaration d’opposition : voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 CPR (3d) 293, à la p 298 (CF 1re inst). Le fait qu’un fardeau de preuve initial soit imposé à l’opposante signifie que, pour qu’une question particulière soulevée par l’opposante soit prise en considération, il doit exister une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. En ce qui a trait au point ii) ci-dessus, le requérant doit, quant à lui, s’acquitter du fardeau ultime de démontrer que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce invoquées par l’opposante dans la déclaration d’opposition (dans le cas des allégations à l’égard desquelles l’opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve). Le fait que le fardeau ultime incombe au requérant signifie que s’il est impossible de parvenir à une conclusion déterminante (selon la prépondérance des probabilités qui s’applique en matière civile) une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l’encontre du requérant.

 

Premier motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b)

 

[28]  L’article 12(1)b) est libellé comme suit :

 

  12(1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

     . . . .

b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou en liaison avec lesquels on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou de leur lieu d’origine;

 

 

 

[29]  Le test qui s’applique à l’article 12(1)b) est celui de la première impression, du point de vue du consommateur ordinaire des produits et services. La signification d’une marque de commerce doit être envisagée dans le contexte des produits et des services; le terme « nature » à l’article 12(1)b), s’entend d’une particularité, d’un trait ou d’une caractéristique du produit, et le mot « claire » ne signifie pas que la description doit être précise, mais [Traduction] « facile à comprendre, évidente ou simple » : voir Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corp. (1968), 55 CPR 29, à la p 34 (C. de l’É.); Drolet c. Stiftung Gralsbotchaft, (2009) 85 CPR (4th). Pour qu’une marque soit considérée comme donnant une description claire au sens de l’article 12(1)b) de la Loi, elle doit être si adaptée à décrire les produits ou les services que personne ne devrait être autorisé à acquérir un monopole sur son emploi : voir Clarkson Gordon c. le Registraire des marques de commerce (1985), 5 CPR (3d) 252 à la page 256 (CF 1re inst.)]. La date pertinente pour évaluer la question de savoir si une marque contrevient aux dispositions de l’article 12(1)b) est la date de production de la demande, en l’espèce le 27 août 2013 : voir Fiesta Barbeques Ltd. c. General Housewares Corp., (2003) 28 CPR (4th) 60 (CF), au para 26.

 

[30]  En outre, pour déterminer si une marque de commerce est enregistrable suivant de l’article 12(1)b), le registraire ne doit pas se contenter d’examiner la preuve, il doit aussi exercer son sens commun : Neptune S.A. c. Attorney General of Canada (2003) 29 CPR (4th) 497 (CF 1re inst). L’un des objectifs les plus importants de l’article 12(1)b) est de protéger le droit de tous les commerçants à l’emploi de termes descriptifs adéquats. Les tribunaux ont reconnu que les mots descriptifs sont la propriété de tous et qu’une personne ne peut pas les accaparer pour son usage exclusif : voir General Motors Corp. c. Bellows (1949) 10 CPR 101 (CSC) aux p 112 et 113.

 

[31]  J’estime que la preuve de l’opposante lui permet au moins de s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe, soit de mettre en cause la question de savoir si le terme « future proof » [à l’abri du vieillissement] donne une description claire des produits et services du requérant. La preuve de M. Godden appuie particulièrement la position de l’opposante, selon laquelle, à la date pertinente du 27 août 2013, le consommateur moyen des produits et services du requérant aurait d’emblée compris, à la première impression, que les produits et les services ont pour but de fournir des matériaux et des services qui conviennent à la construction de résidences qui s’avèrent durables en dépit de l’évolution des circonstances environnementales et économiques. Le requérant n’a pour sa part fourni ni preuve ni argument pour réfuter les allégations de l’opposante, pas plus qu’il n’a contesté la valeur probante de la preuve produite par l’opposante dans le cadre d’un contre-interrogatoire. Par conséquent, j’estime que le requérant ne s’est pas acquitté du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer que la marque visée par la demande ne contrevient pas à l’article 12(1)b). Le premier motif d’opposition de l’opposante est donc accueilli.

 

 

Deuxième motif d’opposition fondé sur les articles 10 et 12(1)e)

 

[32]  L’opposante a allégué que la marque FUTURE PROOF visée par la demande n’est pas enregistrable parce que le terme « future proof » [à l’abri du vieillissement] est devenu reconnu au Canada, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, comme désignant le genre et la qualité des produits visés par la présente demande. L’article 10 est libellé comme suit :

 

Si une marque, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, est réputée révélée au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou la date de production de produits ou services, nul ne peut l’adopter comme marque de commerce en liaison avec ces produits ou services ou autres de la même catégorie générale, ou l’employer d’une manière susceptible d’induire en erreur, et nul ne peut ainsi adopter ou employer une marque dont la ressemblance avec la marque en question est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre. (soulignement ajouté)

 

 

[33]  La présente Commission a admis que la date pertinente pour déterminer l’« usage commercial ordinaire et authentique » de la marque au Canada pour l’application de l’article 10 est la date de la décision de la Commission : voir, par exemple, Sealy Canada Ltd./Ltée c. Inc. c. Simmons I.P. Inc. (2005) 47 CPR (4th) 296 (COMC), qui fait suite à Canadian Olympic Assn. c. Olympus Optical Co. (1991) 38 CPR (3d) 1(CAF); contra, voir ITV Technologies, Inc. c. WIC Television Ltd. (2003), 2003 CF 1056 (CanLII), 29 CPR (4th) 182 (CF) où la date pertinente a été considérée comme la date à laquelle la marque a été employée pour la première fois au Canada, confirmé 2005 CAF 96 (CanLII), 38 CPR (4th) 481, qui fait suite à Carling Breweries Ltd. c. Molson Companies Ltd. et al., (1982) 1 CPR (3d) 191 (CF), infirmant 70 CPR (2d) 154 (COMC), confirmé 19 CPR (3d) 129 (CAF).

 

[34]  Le test pertinent pour l’art. 10 est le suivant : la marque doit avoir été couramment employée au Canada pendant la période pertinente comme désignant un aspect des produits ou des services auxquels elle s’applique : voir le para 88 de la décision ITV Technologies précitée.

[35]  Comme dans le cas du premier motif d’opposition, j’estime que la preuve de l’opposante lui permet au moins de s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe, soit de mettre en cause la question de savoir si le terme « future proof » [à l’abri du vieillissement » est une marque interdite. La preuve de M. Godden appuie particulièrement la position de l’opposante selon laquelle, à l’une ou l’autre des dates pertinentes, soit le 15 novembre 2011 soit la date d’aujourd’hui, le terme « future proof » [à l’abri du vieillissement] avait déjà été couramment employé au Canada comme désignant un aspect des produits ou des services du requérant, à savoir que ceux-ci sont d’un genre et d’une qualité qui conviennent à la construction de résidences qui s’avèrent durables en dépit de l’évolution des circonstances environnementales et économiques.

[36]  Là encore, le requérant n’a pour sa part fourni aucune preuve pour réfuter les allégations de l’opposante, pas plus qu’il n’a contesté la valeur probante de la preuve produite par l’opposante dans le cadre d’un contre-interrogatoire. Par conséquent, j’estime que le requérant ne s’est pas acquitté du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer que la marque visée par la demande ne contrevient pas à l’article 10, à l’une ou l’autre des dates pertinentes, soit le 15 novembre 2011, soit la date d’aujourd’hui. Le deuxième motif d’opposition de l’opposante est par conséquent accueilli.

[37]  Étant donné que l’opposante a obtenu gain de cause relativement à ses deux premiers motifs d’opposition, il n’est pas nécessaire que j’examine les autres motifs. J’ajouterai toutefois que l’opposante aurait probablement eu gain de cause relativement au troisième et au quatrième motifs pour les mêmes raisons qu’elle a eu gain de cause relativement au premier et au deuxième motifs, c’est-à-dire que l’opposante s’est probablement acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait de mettre en cause les allégations de confusion et d’absence de caractère distinctif, alors que le requérant n’a fourni ni preuve ni aucun argument pour réfuter les allégations de l’opposante.

Décision

[38]  Compte tenu de ce qui précède, la présente demande d’enregistrement pour la marque de commerce FUTURE PROOF est repoussée.

[39]  Cette décision a été rendue dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu des dispositions de l’art. 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

 


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

DATE DE L’AUDIENCE : 2018-02-20

 

COMPARUTIONS

 

Kenneth Clark

 

POUR L’OPPOSANTE

 

 

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

 

Aird & Berlis LLP

POUR L’OPPOSANTE

 

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