Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Citation: 2018 COMC 31

Date de la décision: 2018-03-29

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Charm Jewelry Limited

Partie requérante

et

 

Robert Forget

Propriétaire inscrit

 

LMC823,809 pour ROMANCE

Enregistrement

[1]  Le 5 janvier 2016, à la demande de Charm Jewelry Limited (la Partie requérante), le registraire a envoyé l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13, (la Loi) à Robert Forget (ci-après parfois appelé le Propriétaire), titulaire de l’enregistrement nLMC823,809 pour la marque de commerce ROMANCE (la Marque).

[2]  La Marque est enregistrée en liaison avec les produits suivants : « bijoux en or, en argent, en metal (sic), cristal ou toutes autres matières, en collier, bracelet, bague, boucle d’oreille, chevilière (sic), broche » (les Produits).

[3]  Cet avis enjoignait au Propriétaire de fournir un affidavit ou une déclaration solennelle démontrant que la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque entre le 5 janvier 2013 et le 5 janvier 2016, en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, et, dans la négative, indiquant la date à laquelle elle a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.

[4]  La définition pertinente d’« emploi » en liaison avec des produits est énoncée à l’article 4(1) de la Loi, comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]  Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne suffisent pas pour établir l’emploi dans le cadre de la procédure visée par l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 63 (CAF)]. Le niveau de preuve requis est peu élevé [Lang, Michener, Lawrence & Shaw c Woods Canada Ltd (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)]. Il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co c Canada (Registraire des marques de commerce) (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)]. Néanmoins, il faut présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits que spécifie l’enregistrement pendant la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co et al (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[6]  En réponse à l’avis du registraire, le Propriétaire a produit son propre affidavit, souscrit le 4 avril 2016 à Québec.

[7]  Aucune des parties n’a produit de représentations écrites, ni demandé d’audience.

Remarques préliminaires

[8]  En réponse à l’avis du registraire, le Propriétaire a d’abord produit une lettre datée du 9 janvier 2016 (reçue le 19 janvier 2016), à laquelle étaient joints une carte professionnelle, deux petites cartes arborant la Marque, et trois dessins représentant la Marque.

[9]  Par décision rendue le 24 février 2016, le registraire a informé le Propriétaire que sa lettre et les pièces jointes ne pouvaient pas être acceptées comme preuve en réponse à l’avis du registraire, car, en vertu des dispositions de l’article 45 de la Loi, la preuve doit être produite sous forme d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle.

[10]  Par la suite, le 5 avril 2016, le Propriétaire a déposé auprès du registraire un document intitulé « AFFIDAVIT CIRCONSTANCIÉ », qui reproduit essentiellement le contenu de la lettre datée du 9 janvier 2016. Nous retrouvons agrafés à l’affidavit les trois dessins qui étaient joints à la lettre du 9 janvier 2016.

[11]  Je note que les dessins joints à l’affidavit ne sont pas marqués comme pièces jointes à celui-ci, ni ne portent-ils de désignation inscrite par le notaire à cet effet.

[12]  Cependant, le registraire n’est pas tenu de suivre rigoureusement les règles de pratique de la Cour fédérale à cet égard. Surtout dans le cadre d’une procédure de radiation en vertu de l’article 45 — qui se veut sommaire et expéditive — il est fréquent que le registraire considère certaines irrégularités comme de simples détails techniques [voir, par exemple, Maximilian Fur Co c Maximillian for Men’s Apparel Ltd (1983), 82 CPR (2d) 146 (COMC) ; et 88766 Canada Inc c Tootsie Roll Industries Inc (2006), 56 CPR (4th) 76 (COMC)]. Il est bien établi que telles lacunes techniques ne devraient pas empêcher un propriétaire de répondre à un avis prévu à l’article 45 lorsque la preuve produite pourrait suffire à établir l’emploi [voir Baume & Mercier SA c. Brown (1985), 4 CPR (3d) 96 (CF 1re inst)]. En particulier, des pièces jointes qui ne portent pas l’inscription du commissaire à l’assermentation ou du notaire, mais qui sont quand même clairement identifiées et expliquées dans le corps de l’affidavit, peuvent être reçues à titre de preuve dans ce contexte [voir, par exemple, Borden & Elliot c Raphaël Inc (2001), 16 CPR (4th) 96 (COMC)].

[13]  En l’espèce, j’estime que les trois dessins sont identifiés de façon adéquate dans l’affidavit. Bien qu’il y ait deux dessins de la Marque en forme de logotype — tandis que M. Forget n’en mentionne qu’un, comme décrit ci-dessous — les deux dessins du logotype se ressemblent, et tous les trois dessins sont liés physiquement à l’affidavit à l’aide d’une agrafe. Dans les circonstances, je suis prête à conclure que les trois dessins font partie de la preuve en l’espèce.

[14]  En tout état de cause, la Partie requérante n’a soulevé aucune objection à cet égard et l’affidavit, y compris les dessins, a été versé au dossier.

[15]  Cependant, je note que les pièces jointes à l’affidavit ne comprennent que les trois dessins qui étaient joints à la lettre du 9 janvier 2016, et non les trois cartes. Comme le registraire l’a indiqué dans sa décision du 24 février 2016, les pièces jointes à la lettre du 9 janvier 2016 ne peuvent être acceptées comme preuve, puisqu’elles ne sont pas produites sous la forme d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle. En conséquence, dans le cadre de mon analyse, je considérerai uniquement le contenu de l’affidavit souscrit le 4 avril 2016 et les dessins joints. Je ne tiendrai aucun compte des cartes qui accompagnaient la lettre du 9 janvier 2016.

La preuve

[16]  Je reproduis ci-dessous les paragraphes pertinents de l’affidavit de M. Forget :

  1. Je suis Robert Forget, propriétaire de la compagnie 7265409 Canada inc, et je confirme l’utilisation du nom Romance dans le domaine de bijouterie depuis 01 juin 2010.

  2. Je suis producteur et importateur dans le gros auprès des bijouteries, et je vend (sic) dans le domaine de la bijouterie, argent .925, or, bijou mode et des montres Lotus. Nos ventes sont principalement au Québec et Ontario.

  3. La collection Romance est utilisée principalement en argent .925, en or et en bijou mode, dans les bagues, boucles d’oreilles, colliers et bracelets.

  4. Ci-joint une copie du logo, les étalages et une carte de boucle d’oreille.

[17]  Effectivement, joints à l’affidavit nous retrouvons deux dessins de la Marque en forme de logotype et un schéma d’un étalage. L’étalage comprend plusieurs montures ainsi qu’un panneau arborant le logotype et la mention « .925 ».

[18]  Cependant, comme il est mentionné ci-haut, aucune carte de boucle d’oreille n’est jointe à l’affidavit. Bien qu’une telle carte fut jointe à la lettre produite le 19 janvier 2016, pour les motifs exposés précédemment, je ne peux considérer que le contenu de l’affidavit souscrit le 4 avril 2016.

Analyse

[19]  Dans son affidavit, M. Forget affirme que la Marque « est utilisée » depuis le 1er juin 2010, en lien avec certains des bijoux que spécifie l’enregistrement.

[20]  Bien que l’article 45 prévoit une procédure sommaire, et que le fardeau de preuve n’est pas lourd, il n’en demeure pas moins qu’une simple affirmation d’emploi est, en soi, insuffisante pour établir l’emploi d’une marque de commerce aux termes de l’article 45 de la Loi. Il faut plutôt démontrer l’emploi de la marque, en décrivant suffisamment de faits pour que le registraire puisse arriver à une conclusion à savoir si la marque a été employée au Canada lors de la période pertinente et conformément à l’article 4 de la Loi [voir Guido Berlucchi & C Srl c Brouilette Kosie Prince, 2007 CF 245, 56 CPR (4th) 401]. En particulier, il incombe au propriétaire inscrit de démontrer — à l’égard de chacun des produits que spécifie l’enregistrement — comment la marque était apposée sur ces produits ou sur leurs emballages, ou autrement liée à ces produits, au moment de leur vente ou livraison dans la pratique normale du commerce.

[21]  En l’espèce, les quelques faits plutôt vagues fournis par M. Forget s’avèrent insuffisants pour étayer son affirmation d’emploi.

[22]  D’abord, M. Forget ne précise pas si « l’utilisation » de la Marque depuis le 1er juin 2010 était de manière continue, ou au moins de manière à inclure des emplois de la Marque entre le 5 janvier 2013 et le 5 janvier 2016.

[23]  De plus, bien que M. Forget indique que les bijoux sont vendus « principalement » au Québec et en Ontario, il ne confirme pas si c’est en fait dans ces provinces qu’ont été vendus les Produits, en liaison avec la Marque et lors de la période pertinente. Non plus est-il indiqué que les Produits ont été vendus en liaison avec la Marque ailleurs au Canada lors de la période pertinente.

[24]  De même, en ce qui concerne les Produits, M. Forget affirme simplement que la Marque « est utilisée principalement » dans le domaine de la bijouterie en or et en argent, des bagues, des boucles d’oreilles, des colliers, et des bracelets. Il ne précise pas lesquels de ces bijoux ont été vendus en liaison avec la Marque lors de la période pertinente. D’ailleurs, son affidavit ne réfère aucunement aux autres produits qui figurent dans l’enregistrement, soit les « chevilières » et les broches, ainsi que les bijoux en métal, en cristal et en « autres matières ». Si par « bijou mode » M. Forget entend de tels bijoux, il ne l’explique pas dans son affidavit.

[25]  De toute façon, M. Forget ne fournit aucune preuve de ventes ou de transferts de Produits au Canada lors de la période pertinente.

[26]  Bien qu’il n’est pas obligatoire de produire des factures pour répondre de façon satisfaisante à l’avis prévu à l’article 45 [Lewis Thomson & Son Ltd v Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 CPR (3d) 483 (CF 1re inst)], il demeure nécessaire de fournir au moins certains éléments de preuve qui permettraient au registraire de conclure que les produits spécifiés dans l’enregistrement ont été transférés en liaison avec la Marque au Canada dans la pratique normale du commerce lors de la période pertinente. À titre d’exemple, en l’absence de factures, une telle preuve pourrait prendre la forme de rapports de ventes ou de détails factuels équivalents [voir, par exemple, 1471706 Ontario Inc c Momo Design srl, 2014 COMC 79, CarswellNat 2439 ; et Gowling Lafleur Henderson LLP c Wertex Hosiery Incorporated, 2014 COMC 193, CarswellNat 4624].

[27]  Pourtant, en l’espèce, l’affidavit de M. Forget ne contient aucun élément de preuve démontrant que les Produits ont été transférés dans la pratique normale du commerce. M. Forget ne fournit aucun chiffre de vente ni aucun document faisant état de quelque transaction que ce soit.

[28]  Qui plus est, M. Forget ne décrit pas, ni ne démontre, la manière dont la Marque était présentée sur, ou en liaison avec, chacun des Produits lors de leur vente ou transfert durant la période pertinente.

[29]  En particulier, les dessins d’un logotype accompagnant l’affidavit de M. Forget ne démontrent pas la manière dont ce logotype était apposé sur ou autrement lié aux produits. Bien qu’un des dessins représente la Marque affichée sur un étalage, rien n’indique quand et où cet étalage fut exposé. De plus, rien n’indique quels bijoux y étaient présentés. D’ailleurs, il est curieux que M. Forget ait choisi de fournir un schéma à l’appui de ses affirmations d’emploi de la Marque, au lieu d’une photographie démontrant un étalage réel, tel qu’il aurait été aux points de vente lors de la période pertinente.

[30]  J’ajouterai en passant que, si la carte de boucle d’oreille susmentionnée avait été jointe à l’affidavit et désignée comme représentative des cartes attachées aux boucles d’oreilles vendues au Canada lors de la période pertinente, cette carte aurait pu indiquer la manière dont la Marque était liée à l’un des Produits lors de son transfert. Toutefois, comme je l’ai mentionné ci-haut, je ne peux considérer à titre de preuve que l’affidavit, auquel la carte n’est pas annexée. Dans tous les cas, aucun élément de preuve ne démontre un transfert de boucles d’oreilles dans la pratique normale du commerce.

[31]  En l’absence de détails supplémentaires et de pièces à l’appui, je ne peux conclure que la Marque telle qu’elle est enregistrée fut apposée sur les Produits ou sur leurs emballages ou fut autrement liée aux Produits, de telle sorte qu’un avis de cette liaison aurait été donné aux acheteurs au moment du transfert de la propriété ou de la possession des Produits. Il est donc impossible de déterminer dans quelle mesure la Marque a été employée au sens de l’article 4 de la Loi avec chacun des produits que spécifie l’enregistrement.

[32]  Dans l’ensemble, les déclarations de M. Forget reviennent à de simples allégations d’emploi, plutôt que des déclarations de fait établissant l’emploi de la Marque. En tant que telles, les déclarations de M. Forget ne suffisent pas pour établir l’emploi de la Marque au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Décision

[33]  Compte tenu de tout ce qui précède, je ne suis pas convaincue que le Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement au sens des articles 4 et 45 de la Loi. De plus, je ne dispose d’aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi.


 

[34]  Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera radié.

 

Oksana Osadchuk

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue

AGENTS AU DOSSIER

Aucun agent nommé

POUR LE PROPRIÉTAIRE INSCRIT

Stewart McKelvey

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

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