Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2018 COMC 51

Date de la décision : 2018-05-24

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Lidl Stiftung & Co. KG

Partie requérante

et

 

Liberty Merchant Company Inc.

Propriétaire inscrite

 

LMC605,283 pour la marque de commerce LIBERTY

Enregistrement

[1]  La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée à l’égard de l’enregistrement no LMC605,283 de la marque de commerce LIBERTY (la Marque), détenu par Liberty Merchant Company Inc.

[2]  La Marque est enregistrée en liaison avec les services suivants [Traduction] :

(1) Vente en gros, distribution, importation et exportation de boissons alcoolisées, à l’exclusion de tous les types et styles de bières et boissons à base de bière.

(2) Services de magasin de détail spécialisé dans la vente de boissons alcoolisées, à l’exclusion de tous les types et styles de bières et boissons à base de bière.

[3]  Pour les raisons exposées ci-dessous, je conclus qu’il y a lieu de modifier l’enregistrement afin de supprimer les services [Traduction] « vente en gros, distribution, importation et exportation de boissons alcoolisées, à l’exclusion de tous les types et styles de bières et boissons à base de bière ».

La procédure

[4]  Le 4 novembre 2015, le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Liberty Merchant Company Inc. (la Propriétaire). Cet avis a été donné à la demande de Lidl Stiftung & Co. KG (la Partie requérante).

[5]  L’avis enjoignait à la Propriétaire de fournir une preuve démontrant qu’elle a employé la Marque au Canada à un moment quelconque entre le 4 novembre 2012 et le 4 novembre 2015 (la Période pertinente), en liaison avec chacun des services spécifiés dans l’enregistrement no LMC605,283. Dans le cas où la Marque n’avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d’emploi depuis cette date.

[6]  L’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des services est régi par l’article 4(2) de la Loi. Cet article prévoit qu’une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[7]  La procédure prévue à l’article 45 est considérée comme une procédure sommaire et expéditive destinée à débarrasser le registre des marques de commerce qui ne sont plus en usage. L’expression « éliminer le bois mort » a souvent été utilisée pour décrire cette procédure. Le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans d’une procédure en vertu de l’article 45 est peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF1re inst); Austin Nichols & Co c Cinnabon, Inc (1998), 82 CPR (3d) 513 (CAF)].] Il n’en faut pas moins, cependant, présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits et services spécifiés dans l’enregistrement à un moment quelconque pendant la période pertinente [voir Performance Apparel Corp c Uvex Toko Canada Ltd, 2004 CF 448, 31 CPR (4th) 270]. De simples allégations d’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi de la marque de commerce [voir Aerosol Fillers Inc c Plough (Canada) Ltd (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)].

[8]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Robert G. Simpson, souscrit le 6 juin 2016 et accompagné des annexes « A » à « R ».

[9]  Seule la Propriétaire a produit des représentations écrites. Les parties étaient toutes deux représentées à l’audience qui a été tenue.

La preuve de la Propriétaire

[10]  M. Simpson atteste qu’il est [Traduction] « le président, l’administrateur et un signataire autorisé » de la Propriétaire, ainsi que le directeur général de Liberty Wine Merchants Ltd. (la Filiale), une filiale en propriété exclusive de la Propriétaire. M. Simpson fournit des imprimés concernant la Propriétaire et la Filiale obtenus auprès du registraire des entreprises de la Colombie-Britannique [annexes « A » et « B » de l’affidavit].

[11]  M. Simpson explique que la Propriétaire fait affaire sous les noms ou dénominations commerciales « Liberty Merchant Co. » et « Liberty Merchant Company », et que la Filiale fait affaire sous le nom ou la dénomination commerciale « Liberty Wine Merchants ».

[12]  M. Simpson affirme qu’en 1999, la Propriétaire [Traduction] « a confié ses activités de détail à [la Filiale] », qui « exploite le volet Détail » de l’entreprise de la Propriétaire. M. Simpson confirme que la Filiale emploie la Marque sous licence depuis 1999.

[13]  M. Simpson affirme que la Marque a été employée au Canada en liaison avec les services énumérés dans l’enregistrement no LMC605,283 (subséquemment désignés collectivement dans son affidavit comme « les Services ») pendant la Période pertinente et que la Marque est toujours en usage. À partir de ce point, l’emploi que je ferai du terme « les Services » reflétera l’emploi que fait M. Simpson de ce terme dans son affidavit.

[14]  À cet égard, dans son affidavit, M. Simpson fournit les adresses de six magasins de détail qui étaient exploités dans la grande région de Vancouver au moment où il a souscrit son affidavit, ainsi que l’année au cours de laquelle chacun de ces magasins a obtenu son permis de vente d’alcool au détail. Des images numériques de trois des magasins de détail, prises en avril 2015 ou en septembre 2015, selon le cas, sont jointes comme annexes « G » à « H » à son affidavit. Je suis convaincue que chacune de ces images montre la devanture d’un magasin pourvue d’une enseigne arborant la Marque.

[15]  M. Simpson affirme que chaque magasin de détail utilise des sacs de papier, des sacs de tissu recyclé et des sacs de plastique, qui arborent tous clairement la Marque, pour emballer les achats des clients. À l’appui, il fournit un spécimen de chaque type de sac [annexes « J » à « L » de l’affidavit]. Ces sacs arborent le logo reproduit ci-dessous qui, à mon sens, constitue une présentation de la Marque.

[16]  Comme preuve de ventes véritables des Services, M. Simpson joint les factures suivantes comme annexes à son affidavit :

  • Un échantillon de factures adressées à des clients de détail [annexe « M »]. Je souligne que ces factures émises par la Filiale datent des années 2012 à 2015.

  • Un échantillon de factures censées confirmer l’exécution des services d’importation/exportation et de vente en gros pendant la Période pertinente [annexe « N »]. Je souligne que ces factures datent des années 2014 et 2015 et ont été émises par différentes entités situées à l’étranger. Même si les renseignements contenus dans certaines des factures ne sont ni en français ni en anglais, il est clair que toutes les factures sont adressées à la Propriétaire.

[17]  M. Simpson affirme que les magasins de détail ont reçu de nombreux prix et marques de reconnaissance spéciales. À l’appui, il fournit des extraits du site Web du journal The Georgia Straight de Vancouver datant des années 2014 et 2015 [annexe « O » de l’affidavit]. Je reconnais que ces extraits démontrent que « Liberty Wine Merchants » s’est vu décerner la première ou la deuxième place dans la catégorie « Best Private Wine Store » [meilleur magasin de vin privé]. Néanmoins, ces extraits ne constituent pas une preuve de l’emploi de la Marque dans l’exécution ou l’annonce de services de magasin de détail.

[18]  M. Simpson affirme en outre que la Propriétaire participe à des événements spéciaux dans la région de Vancouver et commandite de tels événements. À l’appui, il joint les documents suivants comme annexes à son affidavit :

·  La publicité pour l’événement Taste of BC qui s’est tenu le 15 janvier 2013 au profit de la BC Children’s Hospital Foundation [annexe « P »].

·  La publicité pour l’événement de dégustation de vins « Bottles and Bangers » qui s’est tenu le 16 août 2012 au profit du sport amateur au Vancouver Rowing Club [annexe « Q »].

·  Une image datant d’avril 2011 montrant un exemple d’affichage promotionnel dans les magasins de détail [annexe « R »].

[19]  Je souligne que la publicité produite comme annexe « P » arbore la Marque et comprend la mention « Liberty Wine Merchant locations » [établissements Liberty Wine Merchant]. Cependant, il est uniquement fait référence aux magasins en tant qu’établissements vendant des billets pour l’événement. Par conséquent, on ne sait pas très bien en quoi la publicité est liée aux services visés par l’enregistrement. Il en va de même pour la publicité produite comme annexe « O » qui, de surcroît, est antérieure à la Période pertinente. Quant à l’exemple d’affichage promotionnel produit comme annexe « R », il est lui aussi antérieur à la Période pertinente.

[20]  M. Simpson affirme que les revenus bruts et les dépenses publicitaires de la Propriétaire et de la Filiale sont des renseignements confidentiels. Cependant, il atteste que [Traduction] « à [sa] connaissance, d’après [son] examen des documents financiers, les revenus nets au Canada attribuables à l’annonce et à la vente des Services en liaison avec la [Marque] au cours de chacune des années de la Période pertinente ont été de l’ordre de millions de dollars ».

[21]  En plus de ce qui précède, M. Simpson fournit les documents suivants comme preuve à l’appui de ces affirmations concernant la promotion, l’annonce et l’emploi de la Marque :

  • Des imprimés tirés de la base de données d’enregistrement de noms de domaine Whois.Net concernant www.libertywinemerchants.com [annexe « C »].

  • Des imprimés du site Web www.libertywinemerchants.com extraits de l’Internet Archive Wayback Machine (Wayback Machine), ainsi que des imprimés tirés du site Web « actuel » [annexe « D »].

  • Des imprimés tirés de la base de données d’enregistrement de noms de domaine Whois.Net concernant www.libertymerchantcompany.com [annexe « E »].

  • Des imprimés du site Web www.libertymerchantcompany.com extraits de l’Internet Archive Wayback Machine (Wayback Machine), ainsi que des imprimés tirés du site Web « actuel » [annexe « F »].

[22]  Je souligne que la base de données d’enregistrement de noms de domaine Whois.Net indique que, en ce qui concerne les noms de domaines www.libertywinemerchants.com et www.libertymerchantcompany.com, le [Traduction] « nom de l’inscrivant » est Robert Simpson et que la [Traduction] « organisation inscrivante » est la Propriétaire. Quoi qu’il en soit, la propriété et l’emploi de ces noms de domaine n’équivalent pas à un emploi de la Marque.

[23]  En ce qui concerne le site Web www.libertywinemerchants.com, je souligne que la Marque figure dans le coin supérieur gauche de certaines des pages imprimées à partir de Wayback Machine et de certaines des pages « actuelles » de la même manière qu’elle figure sur les sacs à provisions, mais sans le symbole TM à la suite du mot LIBERTY [liberté] [voir le paragraphe 15 de ma décision].

[24]  Enfin, en ce qui concerne le site Web www.libertymerchantcompany.com, je souligne que la Marque, telle qu’elle est présentée sur les sacs à provisions, figure dans le coin supérieur gauche de l’une des pages du site Web « actuel ». Cependant, les pages imprimées à partir de Wayback Machine ne contiennent aucune image, seulement du texte. Par conséquent, il m’est impossible de déterminer avec certitude si la Marque figurait sur ces pages de la même manière qu’elle figure sur le site Web actuel. Au mieux, je constate que le nom commercial « Liberty Merchant Company » est présent dans le coin supérieur gauche.

Remarques préliminaires

[25]  Les annexes de l’affidavit de M. Simpson n’ont pas été endossées. Sur le plan technique, il s’agit d’une irrégularité dans la forme de l’affidavit. Or, l’absence d’un endossement sur une pièce ne sera pas nécessairement fatale si, comme en l’espèce, aucune objection n’a été soulevée par l’autre partie [Maximilian Fur Co, Inc c Maximillian for Men’s Apparel Ltd (1983), 82 CPR (2d) 146 (COMC)]. En effet, il arrive que le registraire admette en preuve des pièces qui n’ont pas été correctement endossées par un notaire ou un commissaire à l’assermentation, si la preuve contenue dans ces pièces est clairement identifiée et expliquée dans le corps de l’affidavit [Borden & Elliot c Raphaël Inc 2001 CanLII 37766, 16 CPR (4th) 96 (COMC)].

[26]  En l’espèce, chaque annexe a été clairement identifiée et expliquée dans l’affidavit, et est en outre accompagnée d’une page couverture. J’estime, par conséquent, que les annexes qui accompagnent l’affidavit de M. Simpson sont admissibles en preuve aux fins de la présente procédure.

Analyse des questions

[27]  Je commencerai par fournir un aperçu des représentations des parties concernant la preuve. J’analyserai ensuite les questions qui se posent en l’espèce et reviendrai, dans le cadre de cette analyse, sur la preuve et les représentations des parties.

[28]  La Propriétaire soutient essentiellement qu’elle s’est acquittée de son fardeau ultime au titre de l’article 45 de la Loi, soit de démontrer qu’elle a employé la Marque au Canada pendant la Période pertinente en liaison avec chacun des services visés par l’enregistrement. Par conséquent, la Propriétaire demande que l’enregistrement soit maintenu.

[29]  Il ressort de l’audience que la Partie requérante ne conteste pas la preuve établissant que la Marque a été employée au Canada pendant la Période pertinente par la Filiale en liaison avec les [Traduction] « services de magasin de détail spécialisé dans la vente de boissons alcoolisées, à l’exclusion de tous les types et styles de bières et boissons à base de bière » (les Services de magasin de détail). Cependant, la Partie requérante soutient que la preuve n’établit pas que la Propriétaire a exercé un contrôle sur les Services de magasin de détail fournis par la Filiale en liaison avec la Marque — comme l’exige l’article 50 de la Loi — et que, par conséquent, l’emploi de la Marque par la Filiale ne peut pas être attribué à la Propriétaire.

[30]  En ce qui concerne les services [Traduction] « vente en gros, distribution, importation et exportation de boissons alcoolisées, à l’exclusion de tous les types et styles de bières et boissons à base de bière » (les Autres services), la Partie requérante soutient que la preuve de la Propriétaire est constituée de simples allégations d’emploi faites par M. Simpson, et qu’il n’y a aucune preuve factuelle établissant l’emploi de la Marque en liaison avec l’un quelconque des Autres services à quelque moment que ce soit.

[31]  En l’espèce, les représentations des parties soulèvent deux questions.

1.  L’emploi de la Marque en liaison avec les Services de magasin de détail peut-il être attribué à la Propriétaire?

2.  La preuve établit-elle l’emploi de la Marque en liaison avec les Autres services?

[32]  J’examinerai successivement chacune de ces questions.

L’emploi de la Marque en liaison avec les Services de magasin de détail peut-il être attribué à la Propriétaire?

[33]  Selon l’article 50(1) de la Loi, le propriétaire d’une marque de commerce doit contrôler, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des produits et services qui sont vendus sous sa marque de commerce pour que l’emploi de sa marque de commerce par un licencié puisse lui être attribué.

[34]  Le propriétaire d’une marque de commerce dispose essentiellement de trois méthodes pour démontrer qu’il exerce le contrôle exigé par l’article 50(1) de la Loi : premièrement, attester clairement qu’il exerce le contrôle exigé; deuxièmement, fournir une preuve démontrant qu’il exerce le contrôle exigé; ou troisièmement, fournir une copie d’un contrat de licence qui prévoit le contrôle exigé [selon Empresa Cubana Del Tabaco Trading c Shapiro Cohen, 2011 CF 102, 91 CPR (4th) 248, au para 84]. La Partie requérante soutient qu’aucune de ces méthodes n’a été employée en l’espèce. La Partie requérante va jusqu’à faire valoir que M. Simpson, au paragraphe 6 de son affidavit, confirme uniquement que la Filiale emploie la Marque sous licence; il ne confirme pas que cette licence a été octroyée par la Propriétaire. Je considère que cet argument de la Partie requérante est de nature très technique.

[35]  Cela dit, je conviens avec la Partie requérante que l’affidavit ne contient aucune déclaration claire portant que la Propriétaire exerce le contrôle exigé par l’article 50(1) de la Loi. En outre, M. Simpson n’a fourni aucune copie d’un contrat de licence prévoyant l’exercice du contrôle exigé.

[36]  Ainsi, la question qui se pose est celle de savoir si la preuve démontre que la Propriétaire exerce véritablement le contrôle exigé. À cet égard, la Propriétaire soutient que le fait que M. Simpson soit à la fois le président de la Propriétaire et le directeur général de la Filiale est suffisant pour établir que la Propriétaire exerce le contrôle exigé. Je suis de cet avis également.

[37]  En effet, il est raisonnable d’inférer que le contrôle exigé par l’article 50(1) de la Loi est exercé lorsqu’une personne est un administrateur ou un dirigeant à la fois du propriétaire inscrit et du licencié [Petro-Canada c 2946661 Canada Inc (1999), 83 CPR (3d) 129 (CF 1re inst); Lindy c Canada (Registraire des marques de commerce) 1999 CarswellNat 652 (CAF)].

[38]  À l’audience, la Propriétaire a fait valoir que les fonctions de directeur général sont équivalentes à celles de président d’une société (citant la définition de « general manager » [directeur général] fournie dans le Black’s Law Dictionary).

[39]  J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter des dictionnaires et je confirme l’existence de la définition suivante de « general manager » [directeur général] dans le Black’s Law Dictionary (huitième édition) [Traduction] :

Gestionnaire qui exerce un contrôle global sur une entreprise, un bureau ou une autre organisation, y compris une autorité sur les gestionnaires. · Le directeur général est habituellement l’équivalent du président ou du chef de la direction d’une société.

[40]  J’ai également consulté la version en ligne du Canadian Oxford Dictionary (2e éd.), dans laquelle j’ai trouvé la définition suivante de « general manager » [directeur général] [Traduction] : « …la personne qui assume la responsabilité générale des activités d’une société ou d’une autre organisation ».

[41]  Compte tenu de ce qui précède, je suis disposée à inférer de la preuve que l’emploi de la Marque par la Filiale est un emploi sous licence qui peut être attribué à la Propriétaire aux termes de l’article 50(1) de la Loi [selon Petro-Canada, supra; et Lindy, supra].

[42]  Par conséquent, étant donné que je suis convaincue que la preuve établit l’emploi de la Marque en liaison avec les Services de magasin de détail par la Fililale pendant la Période pertinente, je conclus qu’il y a lieu de maintenir les Services de magasin de détail dans l’enregistrement.

La preuve établit-elle l’emploi de la Marque en liaison avec les Autres services?

[43]  La Partie requérante prétend que les Autres services doivent être subdivisés en quatre services, à savoir des services de [Traduction] « vente en gros », de « distribution », d’« importation » et d’« exportation » de boissons alcoolisées, à l’exclusion de tous les types et styles de bières et boissons à base de bière. Elle soutient que la Propriétaire n’a pas fourni la moindre preuve de l’emploi de la Marque en liaison avec l’un quelconque de ces Autres services.

[44]  Pour déterminer si la preuve en l’espèce établit l’emploi de la marque en liaison avec les Autres services, je tiens compte du fait que, dans certains cas, l’état déclaratif des services peut contenir [Traduction] « des termes redondants ou des mots qui se chevauchent en ce sens que l’exécution d’un service entraîne nécessairement l’exécution d’un autre » [Gowling Lafleur LLP c Key Publishers Co, 2010 COMC 7, au para 15]. En outre, il est clairement établi en droit que les « services » à l’égard desquels l’emploi d’une marque de commerce peut être établi ne se limitent pas à ceux qui ne sont pas [Traduction] « secondaires » ou « accessoires » à la vente de produits ou à l’exécution d’autres services [voir Kraft Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1984), 1 CPR (3d) 457 (CF 1re inst)]. Du moment qu’une activité procure un avantage à des membres du public, des consommateurs ou des acheteurs, on peut considérer qu’il s’agit d’un service [Carling O’Keefe Breweries of Canada Ltd-Brasseries Carling O’Keefe du Canada Ltee c Anheuser-Busch Inc (1985), 4 CPR (3d) 216 (COMC)].

[45]  Ainsi qu’il appert de mon examen de la preuve, l’affidavit de M. Simpson se rapporte pour l’essentiel à l’emploi de la Marque en liaison avec les Services de magasin de détail. En outre, très peu d’éléments de preuve documentaires ont été fournis pour corroborer les allégations d’emploi de la Marque en liaison avec les Autres services faites par M. Simpson.

[46]  Quoi qu’il en soit, à l’audience, la Propriétaire s’est appuyée en partie sur l’échantillon de factures joint comme annexe « N » à l’affidavit en tant que preuve établissant l’emploi de la Marque en liaison avec les Autres services. Selon M. Simpson, ces factures confirment [Traduction] « les services d’importation/exportation et de vente en gros » liés à la Marque.

[47]  La Propriétaire a également invoqué les imprimés tirés des sites Web www.libertywinemerchants.com et www.libertymerchantcompany.com comme preuve établissant l’emploi de la Marque en liaison avec les Autres services [annexes « D » et « F » de l’affidavit].

[48]  Enfin, à l’audience, j’ai demandé à la Propriétaire de m’indiquer la preuve documentaire se rapportant aux services de distribution. En réponse, la Propriétaire a fait valoir que l’exécution des services d’importation impliquait l’exécution des services de distribution. En clair, l’argument avancé par la Propriétaire était que les boissons alcoolisées importées au Canada sont subséquemment distribuées par l’importateur.

[49]  Pour les raisons exposées ci-dessous, je conclus que la preuve documentaire invoquée par la Propriétaire ne corrobore pas les allégations d’emploi de la Marque en liaison avec les Autres services faites par M. Simpson.

[50]  En ce qui concerne les neuf factures produites comme annexe « N », je reconnais que huit d’entre elles datent de la Période pertinente. Néanmoins, j’estime qu’elles ne sont pas utiles à la cause de la Propriétaire. Premièrement, comme je l’ai indiqué précédemment, les factures adressées à la Propriétaire ont été émises par des entités situées à l’étranger. Par conséquent, je suis disposée, tout au plus, à admettre que ces factures se rapportent à des services d’importation, en ce qu’elles établissent que la Propriétaire a acheté des vins auprès de fournisseurs étrangers. En outre, et surtout, les mentions du nom commercial ou de la dénomination sociale de la Propriétaire dans ces factures ont été ajoutées par les fournisseurs afin d’identifier l’entreprise cliente de leurs services d’exportation. Autrement dit, ces mentions ne sont pas faites par la Propriétaire ou en son nom dans l’exécution ou l’annonce de ses propres services.

[51]  En ce qui concerne les pages tirées des sites Web « actuels » www.libertywinemerchants.com [onglet 5 de l’annexe « D »] et www.libertymerchantcompany.com [onglet 2 de l’annexe « F »], je suis disposée, tout au plus, à inférer qu’elles ont été imprimées à la date de l’affidavit, c’est-à-dire le 6 juin 2016. Par conséquent, je conviens avec la Partie requérante que cette preuve est extérieure à la Période pertinente et je ne m’y attarderai pas davantage. Cela m’amène à examiner la preuve constituée d’imprimés des deux sites Web extraits de Wayback Machine.

[52]  Les imprimés extraits de Wayback Machine concernant le site Web www.libertywinemerchants.com datent des années 2012 à 2015 [onglets 1 à 4 de l’annexe « D »]. Il apparaît clairement à la lecture du texte se trouvant sous les en-têtes « About Liberty Wine » [à propos des vins Liberty] et « Company Profile » [profil de la société] que l’information présentée se rapporte à l’exploitation de magasins de détail spécialisés dans la vente de vins. En outre, ces pages du site Web ne contiennent aucune information qui pourrait être interprétée comme se rapportant à des services de vente en gros, de distribution, d’importation ou d’exportation.

[53]  Les imprimés extraits de Wayback Machine concernant le site Web www.libertywinemerchants.com datent de l’année 2012 (27 novembre et 30 novembre) [onglet 1 de l’annexe « F »]. La Propriétaire a attiré l’attention sur la phrase suivante qui se trouve sous l’en-tête « About Us » [à propos de nous] [Traduction] :

Le bon vin ne se fabrique pas à la chaîne; notre engagement à importer uniquement des produits de la plus grande qualité sous-tend notre travail depuis plus de 25 ans.

[54]  Je souligne également la présence sur le site Web d’une section « Supplier Spotlight » [nos fournisseurs vedettes] qui mentionne l’accès à une collection de vins de Bourgogne de garde produits par Remoissenet Père et Fils, une maison établie dans la commune de Beaune et l’une des [Traduction] « plus vénérables » productrices de vins de Bourgogne.

[55]  En définitive, je suis convaincue que les pages du site Web www.libertymerchantcompany.com qui datent de 2012 annoncent des services d’importation de vins. Ainsi, la question qui se pose est celle de savoir si ces pages établissent l’emploi de la Marque dans l’annonce de tels services. J’estime que ce n’est pas le cas.

[56]  En effet, étant donné que les imprimés ne contiennent aucune image, il m’est impossible de conclure qu’en 2012, la Marque figurait sur le site Web comme elle figure sur le site Web actuel. Qui plus est, dans les circonstances de la présente espèce, j’estime raisonnable de conclure que la mention « Liberty Merchant Company » qui figure dans le coin supérieur gauche constitue un emploi du nom commercial de la Propriétaire, et non un emploi de la Marque en soi. Bien que les mots « Merchant » [marchand] et « Company » [société] puissent avoir une fonction descriptive, le mot « Liberty » [liberté] ne se démarque pas de ces termes. En outre, d’autres mentions de « Liberty Merchant Company » dans les pages renforcent l’impression qu’il s’agit du nom commercial « Liberty Merchant Company », plutôt que de la Marque en soi.

[57]  Enfin, comme j’ai conclu que la Propriétaire n’a pas établi l’emploi de la Marque en liaison avec les services d’importation, il n’est pas nécessaire que je détermine si l’exécution des services d’importation implique l’exécution des services de distribution.

[58]  Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que l’affidavit de M. Simpson fournit une preuve factuelle suffisante pour me permettre de conclure que la Marque a été employée au Canada en liaison avec l’un quelconque des Autres services pendant la Période pertinente ou à un autre moment. De plus, l’affidavit de M. Simpson ne fait état d’aucune circonstance spéciale justifiant le défaut d’emploi de la Marque en liaison avec les Autres services.

[59]  En conséquence, je conclus qu’il y a lieu de supprimer les Autres services de l’enregistrement.

Décision

[60]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de supprimer les services [Traduction] « vente en gros, distribution, importation et exportation de boissons alcoolisées, à l’exclusion de tous les types et styles de bières et boissons à base de bière », selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

[61]  L’état déclaratif des services modifié sera libellé comme suit [Traduction] :

Services de magasin de détail spécialisé dans la vente de boissons alcoolisées, à l’exclusion de tous les types et styles de bières et boissons à base de bière.

 

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2018-02-28

COMPARUTIONS

Trisha A. Doré

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Gabriel St-Laurent

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

AGENT(S) AU DOSSIER

ACCUPRO TRADEMARK SERVICES LLP

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

ROBIC

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

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