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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2018 COMC 64

Date de la décision : 2018-06-29

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Castel Engineering NV

Partie requérante

et

 

Eneready Products Ltd.

Propriétaire inscrite

 

LMC477,178 pour la marque de commerce SPEEDI-SLEEVE

Enregistrement

[1]  Le 6 juillet 2016, à la demande de Castel Engineering NV (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Eneready Products Ltd. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC477,178 de la marque de commerce SPEEDI-SLEEVE (la Marque).

[2]  La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits [Traduction] « raccords de conduit de ventilation ».

[3]  L’avis enjoignait à la Propriétaire de fournir une preuve établissant que la Marque a été employée au Canada en liaison avec les produits spécifiés dans l’enregistrement à un moment quelconque entre le 6 juillet 2013 et le 6 juillet 2016. À défaut d’avoir ainsi employé la Marque, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d’emploi depuis cette date.

[4]  La définition pertinente d’« emploi » en liaison avec des produits est énoncée à l’article 4(1) de la Loi, lequel est libellé comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]  Il est bien établi que l’article 45 de la Loi a pour objet et portée d’offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort ». À ce titre, le niveau de preuve auquel le propriétaire inscrit doit satisfaire est peu élevé [Performance Apparel Corp c Uvex Toko Canada Ltd, 2004 CF 448, 31 CPR (4th) 270]. Le propriétaire inscrit doit seulement établir une preuve prima facie d’emploi au sens des articles 4 et 45 de la Loi [voir Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184, 90 CPR (4th) 428, au para 2].

[6]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit la déclaration solennelle de sa directrice des produits et du marketing, Yvonne Kerr, faite solennellement le 4 octobre 2016. Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites; la tenue d’une audience n’a pas été sollicitée.

La preuve de la Propriétaire

[7]  Dans sa déclaration, Mme Kerr atteste que la Propriétaire a employé la Marque en liaison avec des raccords de conduit de ventilation [Traduction] « tout au long de la période de trois ans précédant le 6 juillet 2016 », période pendant laquelle elle [Traduction] « a vendu le produit SPEEDI-SLEEVE à de nombreux endroits en Colombie-Britannique et dans les provinces de l’Atlantique, ainsi qu’à plusieurs endroits en Alberta ».

[8]  Elle précise que la Propriétaire a produit et vendu plusieurs grandeurs de raccords de conduit de ventilation sous la Marque au Canada, à savoir un raccord de 4 pouces de 1992 à aujourd’hui, un raccord de 4 pouces de diamètre ayant un raccord d’évasement de 5 pouces de 2004 à aujourd’hui, et un raccord de 6 pouces de 2011 à aujourd’hui. Mme Kerr joint une photographie de ces trois grandeurs de raccords de conduit de ventilation SPEEDI-SLEEVE comme pièce A à sa déclaration.

[9]  Bien que la Marque ne soit pas visible dans la photographie de la pièce A, Mme Kerr joint également comme pièce B à sa déclaration une image élargie du raccord équipé d’un raccord d’évasement. Un logo constitué du mot « Speedi™ » [SpeediMC] placé au-dessus du mot « Sleeve » [manchon], dans lequel la première lettre des deux mots est un grand S, est inscrit en relief sur la surface du raccord.

[10]  De plus, Mme Kerr joint comme pièces C à F de sa déclaration différentes pages d’instructions d’installation qui, atteste-t-elle, sont fournies par la Propriétaire aux [Traduction] « installateurs et acheteurs » de ses raccords de conduit de ventilation SPEEDI-SLEEVE, lesquelles sont décrites ci-dessous :

  • La pièce C est une page présentant des instructions pour l’installation d’une grille dans un réseau de conduits [Traduction] « à l’aide de Speedi-sleeve ». Mme Kerr atteste que cette page est fournie depuis octobre 1992.
  • La pièce D est une page intitulée « Eneready Layout Legend » [légende du schéma d’Eneready] et présente des instructions pour [Traduction] « joindre un coude à un speedi-sleeveMD ». Mme Kerr atteste que cette page est fournie depuis juillet 1998.
  • La pièce E est une page intitulée « SPEEDI-SLEEVE® CLAMPING RING » [collier de serrage SPEEDI-SLEEVEMD] et présente des instructions d’installation pour la modernisation ou la réparation d’un réseau plafonnier de conduits de ventilation. Une des instructions se rapporte à l’installation [Traduction] « d’un Speedi-SleeveMD de 4 po ø ou de 4 à 5 po ø d’Eneready ». Mme Kerr atteste que cette page est fournie depuis février 2006.
  • La pièce F est constituée de deux pages que Mme Kerr décrit comme étant un extrait d’un [Traduction] « supplément d’installation » fourni depuis avril 2014. Les pages fournissent des instructions pour l’installation d’une grille [Traduction] « dans des albosMD et des Speedi-SleeveMD ».

[11]  Chacune des pages d’instructions produites en pièce contient au moins une mention d’un composant identifié par la Marque, la Marque apparaissant au singulier ou au pluriel, dans différentes combinaisons de lettres majuscules et minuscules, et avec ou sans trait d’union. Je souligne que toutes les pages, à une exception près, présentent le nom de la Propriétaire; deux pages présentent également son adresse en Colombie-Britannique et toutes les pages portent une date compatible avec la date indiquée par Mme Kerr à laquelle le produit a commencé à être fourni.

Remarques préliminaires

[12]  D’entrée de jeu, je souligne que les représentations écrites de la Partie requérante comprennent des observations mettant en doute la validité de l’enregistrement en cause, le moment de la [Traduction] « signification » par la Propriétaire de sa preuve à la Partie requérante et la connaissance qu’avait la déclarante de l’entreprise de la Propriétaire pendant la période pertinente.

[13]  Les deux premières questions dépassent la portée de la présente procédure. Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans Ridout & Maybee srl c Omega SA, 2005 CAF 306, 43 CPR (4th) 18 et Renaud & Cointreau & Cie c Cordon Bleu International Ltd, 2002 CAF 11, 18 CPR (4th) 415, la validité de l’enregistrement n’est pas en cause dans la procédure prévue à l’article 45. En outre, il n’existe à l’heure actuelle aucune disposition législative ou réglementaire qui exige qu’un propriétaire inscrit signifie ou transmette à la partie requérante une copie de la preuve qu’il a produite auprès du registraire.

[14]  Quant à la connaissance qu’avait la déclarante de l’entreprise de la Propriétaire, la Partie requérante souligne que Mme Kerr n’indique pas depuis quand elle est à l’emploi de la Propriétaire, les responsabilités qu’elle assume ou si elle a accès à l’un quelconque des dossiers d’entreprise de la Propriétaire. Cependant, j’estime raisonnable d’inférer que la [Traduction] « directrice des produits et du marketing » d’une entreprise aurait généralement une connaissance de la marque ainsi que de la vente et de la distribution des produits et de la documentation relative aux produits de l’entreprise. De plus, il n’y a aucune raison de douter que la connaissance de Mme Kerr s’étend à la période pertinente. Mme Kerr affirme expressément qu’elle a une [Traduction] « connaissance personnelle des faits déclarés » et, aux fins de la présente procédure, je suis disposée à admettre d’emblée cette déclaration.

Analyse

[15]  La Partie requérante met en doute différents aspects de la preuve de la Propriétaire en ce qui concerne l’emploi de la Marque et soutient qu’une preuve plus pertinente aurait dû être fournie, par exemple, des photographies d’emballages de produits ou des factures. Les principales observations de la Partie requérante peuvent être résumées comme suit :

  1. Les images des raccords de conduit de ventilation produites comme pièces A et B n’identifient pas la Propriétaire ou l’un quelconque de ses licenciés comme étant la source des produits.
  2. Le logo SPEEDI SLEEVE visible sur le raccord de conduit de ventilation présenté à la pièce B est [Traduction] « considérablement différent » de la Marque telle qu’elle est enregistrée, compte tenu de la présentation du logo sur deux lignes, de la lettre S élargie et de l’absence de trait d’union. En particulier, bien qu’une marque nominale [Traduction] « puisse être employée dans différentes polices de caractères », la présence du trait d’union dans la Marque déposée [Traduction] « crée une impression visuelle précise de la marque qu’on ne peut ignorer ».
  3. La preuve n’établit pas que la marque illustrée à la pièce B a été apposée sur des raccords vendus pendant la période pertinente ou que de tels raccords étaient accompagnés des instructions d’installation produites comme pièce.
  4. Il n’y a aucune preuve que les ventes alléguées de raccords de conduit de ventilation ont été faites dans la pratique normale du commerce.

[16]  J’examinerai successivement chacune de ces observations.

Emploi par la Propriétaire

[17]  En ce qui concerne la première observation de la Partie requérante, je souligne qu’un propriétaire inscrit n’est pas tenu de présenter une preuve d’emploi de la marque de commerce avec son nom [voir Novopharm Ltd c Monsanto Canada, Inc (1998), 80 CPR (3d) 287 (COMC); et Vogue Brassiere Inc c Sim & McBurney (2000), 5 CPR (4th) 537 (CF 1re inst)].

[18]  En outre, la preuve du propriétaire doit être considérée dans son ensemble et les pièces doivent être interprétées conjointement avec les déclarations faites dans l’affidavit ou la déclaration solennelle [voir, à titre d’exemple, Fraser Milner Casgrain LLP c Canadian Distribution Channel Inc (2009), 78 CPR (4th) 278 (COMC)].

[19]  En l’espèce, Mme Kerr affirme que la Propriétaire produisait et vendait les raccords de conduit de ventilation illustrés à la pièce A sous la Marque au Canada et que l’image produite à la pièce B présente un exemple de l’emploi de la Marque par la Propriétaire. De plus, ces déclarations sont compatibles avec les instructions de la pièce E, qui se rapportent à l’installation d’un [Traduction] « Speedi-SleeveMD » de 4 pouces ou de 4 à 5 pouces « d’Eneready ». En conséquence, je suis convaincue que la Propriétaire est et était la source des raccords de conduit de ventilation illustrés dans les pièces.

Variation

[20]  En ce qui concerne la marque de commerce employée qui constitue une variante de la Marque telle qu’elle est enregistrée, il est bien établi que l’emploi d’une marque nominale déposée peut être corroboré par l’emploi de cette marque sous une quelconque forme stylisée [voir Stikeman, Elliott c Wm Wrigley Jr Co (2001), 14 CPR (4th) 393 (COMC)]. La question à se poser est celle de savoir si la marque de commerce a été employée d’une manière telle qu’elle a conservé son identité et qu’elle est demeurée reconnaissable [Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF)]. Pour trancher cette question, il faut déterminer si les [Traduction] « caractéristiques dominantes » de la marque de commerce ont été préservées [Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)].

[21]  En l’espèce, j’estime que la disposition des mots et l’omission du trait d’union dans le logo produit en preuve constituent des variations mineures de la Marque telle qu’elle est enregistrée. À mon avis, les caractéristiques dominantes de la Marque sont les mots SPEEDI [rapide] et SLEEVE [manchon], qui seraient perçues comme telles dans le logo, malgré la lettre initiale S commune. En outre, j’estime que l’impression visuelle que crée le trait d’union dans la Marque telle qu’elle est enregistrée n’est pas marquée; son omission n’a pas non plus d’incidence sur la prononciation ou la signification de la Marque. En effet, les feuilles d’instructions produites en pièce montrent la Marque présentée avec et sans trait d’union. En conséquence, j’estime que l’omission du trait d’union constitue une variation mineure qui ne modifie pas l’identité de la Marque. La Marque demeure reconnaissable.

Emploi pendant la Période pertinente

[22]  En ce qui concerne la question de savoir si le logo SPEEDI SLEEVE a été présenté sur des raccords vendus pendant la période pertinente, là encore, la preuve doit être considérée dans son ensemble. En l’espèce, Mme Kerr affirme clairement que la Propriétaire a employé la Marque en liaison avec des raccords de conduit de ventilation [Traduction] « tout au long de la période de trois ans précédant le 6 juillet 2016 ». Ensuite,

  • (i) elle précise les provinces dans lesquelles le [Traduction] « produit SPEEDI-SLEEVE » a été vendu pendant cette période;

  • (ii) elle indique des périodes complètes (qui comprennent toutes la période pertinente) pour la production et la vente de grandeurs précises de raccords de conduit de ventilation sous la Marque au Canada; et

  • (iii) elle donne un exemple de la manière dont la Marque a été présentée sur au moins un de ces raccords de conduit de ventilation.

[23]  Bien que Mme Kerr n’affirme pas expressément que l’exemple date de la période pertinente, je suis convaincue, selon une interprétation objective des déclarations de Mme Kerr et en tenant compte du contexte, que l’image produite comme pièce B est représentative des raccords de 4 pouces ayant un raccord d’évasement de 5 pouces produits et vendus de 2004 à aujourd’hui, notamment pendant la période pertinente.

[24]  Mme Kerr ne corrobore pas ses déclarations au moyen d’une preuve documentaire de ventes portant une date comprise dans la période pertinente. Cependant, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45, on doit accorder une grande crédibilité aux déclarations faites dans un affidavit ou une déclaration solennelle [voir Ogilvy Renault c Compania Roca-Radiadores SA, 2008 CarswellNat 776 (COMC)]. En outre, bien que la Partie requérante allègue certaines incohérences, j’estime que la fiabilité des déclarations de Mme Kerr n’est pas affaiblie. En particulier, j’estime que le choix de fondement de production de la Propriétaire lorsqu’elle a produit sa demande d’enregistrement relative à la Marque ne met pas en doute l’exactitude des déclarations solennelles de Mme Kerr à propos des périodes d’emploi. Je ne suis pas non plus d’accord avec l’insinuation de la Partie requérante selon laquelle les instructions d’installation portant les premières dates auraient depuis été mises à jour. En effet, le fait que la Propriétaire semble avoir publié un supplément d’installation en 2014 (pièce F) donne à penser que les instructions originales pourraient ne pas avoir été mises à jour.

[25]  Quant à la question de savoir si les raccords de conduit de ventilation ont été vendus avec les instructions d’installation produites comme pièce, bien que je convienne avec la Partie requérante que la preuve à cet égard n’est pas claire, la question est en fin de compte sans objet. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, je suis convaincue que la Marque a été présentée directement sur les produits visés par l’enregistrement lors de leur transfert pendant la période pertinente, ainsi que l’envisage l’article 4(1) de la Loi.

La pratique normale du commerce

[26]  Compte tenu de ce qui précède, la principale question à trancher en l’espèce est celle de savoir si la preuve est suffisante pour démontrer des ventes ou des transferts dans la pratique normale du commerce au Canada pendant la période pertinente.

[27]  En général, un propriétaire inscrit ne doit pas simplement alléguer, mais véritablement établir l’emploi de sa marque de commerce en liaison avec les produits visés par l’enregistrement [Traduction] « en décrivant les faits qui permettront au registraire ou à la Cour de se faire une opinion ou de déduire logiquement qu’il y a eu emploi au sens de l’article 4 » [voir Guido Berlucchi & C Srl c Brouilette Kosie Prince, 2007 CF 245, 56 CPR (4th) 401, au para 18]. En conséquence, la preuve doit renfermer des faits démontrant que des ventes ou des transferts des produits ont eu lieu dans la pratique normale du commerce.

[28]  Cependant, dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45, ce fardeau de preuve est très léger. Comme je l’ai souligné ci-dessus, un propriétaire inscrit doit seulement établir une preuve prima facie d’emploi. La preuve n’a pas à être parfaite et le registraire peut tirer des inférences raisonnables des faits présentés [Diamant, supra, aux para 8 et 9; et Spirits International BV c BCF SENCRL, 2012 CAF 131, 101 CPR (4th) 413; voir également Eclipse International Fashions Canada Inc c Shapiro Cohen, 2005 CAF 64, 48 CPR (4th) 223].

[29]  La Partie requérante cite les décisions SC Johnson & Son, Inc c Registraire des marques de commerce (1981), 55 CPR (2d) 34 (CF 1re inst) et Sim & McBurney c Majdell Manufacturing Co (1986), 11 CPR (3d) 306 (CF 1re inst) à l’appui de la thèse selon laquelle la preuve doit énoncer des renseignements sur la pratique normale du commerce du propriétaire et doit exposer des faits permettant au registraire d’inférer que les produits ont été vendus dans de telles circonstances. La Partie requérante fait valoir que, en l’espèce, Mme Kerr ne fait aucune déclaration à propos du genre de l’entreprise de la Propriétaire; il est donc [Traduction] « difficile de déterminer si les ventes alléguées de [la Propriétaire] ont été faites dans la pratique normale du commerce ».

[30]  La Propriétaire soutient que Mme Kerr fournit bel et bien une preuve de la nature du commerce de la Propriétaire en affirmant clairement que la Propriétaire [Traduction] « produisait et vendait » des raccords de conduit de ventilation.

[31]  Sur ce point, je soulignerais en premier lieu qu’il n’existe aucun type de preuve en particulier qui doit être produite dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45. En conséquence, un affidavit ou une déclaration solennelle qui ne pas sont accompagnés de factures ne sont pas présumés inutiles [Lewis Thomson & Sons Ltd c Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 CPR (3d) 483 (CF 1re inst)]. Cependant, en l’absence de factures, un propriétaire inscrit doit être prêt à produire une preuve à l’égard du volume des ventes, de la valeur en dollars des ventes ou des renseignements factuels équivalents pour permettre au registraire de conclure que des transferts dans la pratique normale du commerce ont eu lieu au Canada pendant la période pertinente [voir 1471706 Ontario Inc c Momo Design srl, 2014 COMC 79, 2014 CarswellNat 2439; et Gowling Lafleur Henderson LLP c Wertex Hosiery Inc, 2014 COMC 193, 2014 CarswellNat 4624]. Une telle preuve peut prendre la forme de factures ou de rapports de ventes, mais peut également être présentée sous la forme de déclarations claires faites sous serment.

[32]  À cet égard, aucune quantité minimale d’activité commerciale n’est requise pour maintenir un enregistrement [voir Vogue Brassiere, supra; et Coscelebre Inc c Canada (Registraire des marques de commerce) (1991), 35 CPR (3d) 74 (CF 1re inst)]. Cependant, lorsqu’il existe une preuve de ventes substantielles, il peut être raisonnable d’inférer de la seule ampleur des ventes que celles-ci ont été faites dans la pratique normale du commerce, alors que, lorsque le nombre de ventes est très faible, d’autres faits sont généralement nécessaires pour permettre de tirer la même conclusion [voir Wallace c Geoservices (1988), 19 CPR (3d) 561 (COMC)]. À cet égard, des renseignements sur la chaîne de distribution, la clientèle et les pratiques de vente d’un propriétaire peuvent aider le registraire à déterminer si des ventes apparemment isolées ont néanmoins été faites dans la pratique normale du commerce. Ces renseignements peuvent aussi permettre de résoudre des incohérences évidentes, par exemple, lorsque les ventes présentées en preuve semblent avoir été faites par un tiers.

[33]  En l’espèce, Mme Kerr parle du volume et du lieu des ventes, mais elle le fait seulement en des termes généraux, affirmant essentiellement que les raccords de conduit de ventilation SPEEDI-SLEEVE ont été vendus [Traduction] « tout au long » de la période pertinente [Traduction] « à de nombreux endroits en Colombie-Britannique et dans les provinces de l’Atlantique, ainsi qu’à plusieurs endroits en Alberta ».

[34]  Si Mme Kerr avait fourni des chiffres de vente, la question à trancher aurait été celle de savoir s’il est raisonnable d’inférer de ce seul chiffre que les ventes étaient des transactions commerciales normales. Dans l’état actuel, je dois déterminer si la déclaration solennelle de Mme Kerr attestant de [Traduction] « nombreuses » ventes permet de tirer la même inférence. Si l’on interprète cette déclaration de Mme Kerr en particulier dans son contexte, je conclus qu’elle le permet.

[35]  Bien que la formulation de Mme Kerr ne soit pas précise, je suis d’avis qu’elle est suffisante. À cet égard, non seulement Mme Kerr fait-elle une distinction entre, essentiellement, de [Traduction] « nombreuses » ventes et [Traduction] « plusieurs » ventes, mais elle atteste aussi des ventes à [Traduction] « de nombreux endroits » dans chacune de deux régions différentes : la Colombie-Britannique et les provinces de l’Atlantique. Alors que [Traduction] « plusieurs » ventes dans une province unique peut nous laisser dans l’ignorance quant à savoir si ces ventes ont été faites dans la pratique normale du commerce d’un vendeur, en l’espèce, j’estime raisonnable d’inférer du fait que des ventes [Traduction] « tout au long » de la période pertinente à [Traduction] « de nombreux endroits » dans chacune de deux régions différentes (ainsi qu’à plusieurs autres endroits dans une troisième région, l’Alberta) que ces ventes représentent de véritables transactions commerciales et la pratique « normale » du commerce de la Propriétaire.

[36]  La présente affaire peut se distinguer des affaires citées par la Partie requérante. Dans SC Johnson, il semble que la seule preuve concernant le volume des ventes était que des [Traduction] « unités » du produit avaient été vendues dans chacune des dix provinces, pendant une période prolongée d’environ six ans. Dans Majdell, la preuve a seulement établi une transaction commerciale pertinente, pour une quantité relativement petite. C’est dans de telles circonstances que la Cour fédérale nécessitait des renseignements sur la nature des pratiques commerciales habituelles et les acheteurs habituels des propriétaires, de manière à permettre de tirer l’inférence que les ventes limitées présentées en preuve avaient été faites dans la pratique normale du commerce. À cet égard, les circonstances s’apparentaient à celles de l’affaire Guido, supra, dans laquelle la Cour fédérale a affirmé que, [Traduction] « si un propriétaire inscrit choisit de ne produire la preuve que d’une seule vente, il joue avec le feu, car il doit alors fournir suffisamment de renseignements concernant le contexte dans lequel s’est déroulée la vente pour éviter de susciter dans l’esprit du registraire ou de la Cour des doutes qui pourraient jouer contre lui » [au paragraphe 20].

[37]  En l’espèce, bien que le terme [Traduction] « nombreuses » soit imprécis, le contexte précis dans lequel il est employé par Mme Kerr suppose des volumes de vente suffisamment substantiels. À tout le moins, il serait difficile de conclure qu’aucune des nombreuses ventes faites en Colombie-Britannique et qu’aucune des nombreuses ventes faites dans les provinces de l’Atlantique n’a été faite dans la pratique normale du commerce. À mon avis, une telle interprétation reviendrait à conclure que la déclarante a tenté d’induire en erreur et je ne vois aucune raison de tirer une telle conclusion.

[38]  En outre, il ne s’agit pas en l’espèce d’une affaire dans laquelle les produits semblent avoir été vendus dans un but autre que d’acquérir un achalandage lié à ces produits et de tirer des profits des ventes. Au contraire, les feuilles d’instructions produites en pièce donnent à penser que les raccords de conduit de ventilation de la Propriétaire ont été vendus comme un produit utilitaire sur un marché existant. De plus, bien que rien ne prouve clairement que les feuilles d’instructions aient été fournies avec de tels raccords, Mme Kerr affirme qu’elles ont été fournies aux [Traduction] « installateurs et acheteurs » des raccords. Cela donne à penser que la Propriétaire fait directement affaire avec des entreprises ou des personnes qui installent et réparent du matériel de conduits de ventilation et possiblement aussi avec des acheteurs qui ne sont pas eux-mêmes des installateurs, comme d’autres fournisseurs. Le fait de fournir des instructions d’installation à une telle clientèle pendant plus de vingt ans serait compatible avec des ventes commerciales des produits installés faites de bonne foi à de nombreux clients sur un marché établi. Par conséquent, les feuilles d’instructions tendent à étayer l’inférence que les ventes révélées par Mme Kerr ont été faites dans la pratique normale du commerce.

[39]  En conséquence, dans les circonstances particulières de l’espèce, je suis d’avis que le manque de précision ou de renseignements dans les déclarations de la déclarante en ce qui concerne les transferts pendant la période pertinente n’est pas déterminant. Quoi qu’il en soit, la procédure prévue à l’article 45 a une portée limitée et n’est pas censée trancher des questions de fait contestées ou prévoir un moyen supplémentaire de contester une marque de commerce autre que la procédure litigieuse courante visée par l’article 57 de la Loi [voir Lewis, supra; Meredith & Finlayson c Canada (Registraire des marques de commerce) (1991), 40 CPR (3d) 409 (CAF); et United Grain Growers Ltd c Lang Michener, 2001 CAF 66, 12 CPR (4th) 89].

[40]  En résumé, bien que la Propriétaire ne fournisse pas de chiffres de ventes précis ou de détails à propos de la manière dont les ventes sont faites, j’estime qu’il est raisonnable d’inférer, selon une interprétation objective de la preuve dans son ensemble, que la Propriétaire a vendu au moins quelques raccords de conduit de ventilation arborant la Marque dans la pratique normale du commerce pendant la période pertinente. Bien que les faits à cet égard soient limités, il y a plus qu’une simple allégation d’emploi.

Décision

[41]  Compte tenu de tout ce qui précède, je suis convaincue que la Propriétaire a établi l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement au sens des articles 4(1) et 45 de la Loi.

[42]  En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera maintenu selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

 

Oksana Osadchuk

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue

AGENT(S) AU DOSSIER

Paul D. Gornall (ELC Law Corp.)

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Perley-Robertson, Hill & McDougall LLP

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

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