Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2018 COMC 90

Date de la décision : 2018-08-04

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

USA PRO IP Limited

Opposante

et

 

Courtaulds Textiles America, Inc.

Requérante



1,603,627 pour la marque de commerce USAPRO & Dessin

Demande

Introduction

[1]  Comme le démontreront les éléments de preuve, USA PRO IP Limited (l’Opposante) vend des vêtements et de l’équipement de sport en liaison avec la marque de commerce USA PRO dans de nombreux pays à travers le monde. De 2011 à 2014, l’Opposante a vendu pour plus de 40 millions de livres sterling de produits de marque USA PRO. Plusieurs années avant la production de cette demande relative à la marque de commerce USAPRO & Dessin, reproduite ci-dessous, par Montfort Services Sdn. Bhd (« Montfort Services »), une entreprise liée à Montfort Services, cette dernière était en négociation avec le prédécesseur en titre de l’Opposante pour l’acquisition de 50 % des parts de l’entreprise.

[2]  Pour les raisons exposées ci-dessous, je repousse cette demande. En l’absence de toute preuve produite par Montfort Services ou la propriétaire actuelle de la marque de commerce Courtaulds Textiles America, Inc., je ne peux conclure que la demande est conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 [Loi], lequel exige que le requérant se déclare convaincu d’avoir droit d’employer la marque de commerce au Canada.

Contexte

[3]  Le 22 novembre 2012, Montfort Services a produit une demande d’enregistrement relative à la Marque. Cette marque de commerce a subséquemment été cédée à Courtaulds Textiles America, Inc. (les deux entités étant appelées collectivement la Requérante). La demande a été produite sur la base de l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les Produits suivants [Traduction] :

(1) Cuir et similicuir; sacs, nommément sacs de sport, sacs à dos, sacs et sacs fourre-tout pour vêtements de sport, sacs à dos de promenade, sacs polochons, sacs de sport, sacs à dos de sport, petits havresacs, havresacs, sacs banane, sacs à main et sacs de voyage; valises, sacs d’école, étuis pour trousses de voyage, mallettes de toilette, sacs à cordonnet, sacs à bandoulière, sacs militaires, sacs à provisions, sacs de plage, mallettes, portefeuilles, étuis porte-clés, porte-cartes de crédit, porte-monnaie; parapluies, parasols; cannes.

(2) Vêtements, nommément chemises, chemisiers, tee-shirts, débardeurs, shorts, chandails, cardigans, chandails, pulls d’entraînement, pantalons d’entraînement, vestes, gilets, jupes, robes, costumes, pantalons, jeans, manteaux, coupe-vent, imperméables, bonneterie, chaussettes, foulards; vêtements sport et de détente, nommément soutiens-gorge de sport, jupes, shorts, polos, vestes, pantalons d’exercice, collants, chemises, robes de tennis, sous-vêtements, pantalons isothermes, vestes isothermes, gilets de soutien, camisoles, débardeurs; couvre-chefs, nommément chapeaux, casquettes de baseball, tuques, bandanas, bandeaux; articles chaussants, nommément chaussures, bottes, sandales.

(3) Jeux et articles de jeu, nommément articles de gymnastique, articles et équipement d’exercice et de sport, nommément poutres, barres fixes, tapis, anneaux, cerceaux de gymnastique rythmique, rubans et cordes, trampolines, tabourets d’entraînement; poids d’exercice pour chevilles et poignets, équipement de sport, nommément dispositifs d’entraînement, nommément poids à fixer autour de la taille, ceintures élastiques pour l’étirement des mollets, des quadriceps et du dos, cordes à sauter, ceintures d’haltérophilie, sacs spécialement conçus pour l’équipement de sport, balles et ballons de sport, nommément balles de cricket, balles de golf, ballons de basketball, ballons de soccer, ballons de rugby, ballons de football, balles de tennis, ballons lestés et ballons gonflables, haltères longs, balles et ballons d’exercice, barres d’exercice; poids d’exercice, poids pour jambes, tapis d’exercice, porte-skis portatifs, gants de course, protège-tibias pour le sport, épaulières pour le sport, bandes élastiques utilisées pour le yoga et l’exercice physique, tapis roulants, sacs-chariots spécialement conçus pour l’équipement de sport, gants d’haltérophilie, gants d’entraînement, protège-poignets de sport, tapis de yoga.

[4]  La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 7 octobre 2015.

[5]  Le 7 mars 2016, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition. À la suite d’une demande de la Requérante, le registraire a rendu une décision interlocutoire. Le 31 août 2016, la permission de modifier la déclaration d’opposition conformément à la décision interlocutoire a été accordée. À la suite d’une demande de l’Opposante, la permission de produire une deuxième déclaration d’opposition modifiée a été accordée le 24 janvier 2017. Chaque fois qu’il sera fait mention des motifs d’opposition dans la présente décision, il s’agira des motifs d’opposition invoqués dans la deuxième déclaration d’opposition modifiée.

[6]  Les motifs d’opposition sont résumés ci-dessous :

(a)  La demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30e) de la Loi, parce que la déclaration de la Requérante portant qu’elle a l’intention d’employer la Marque en liaison avec les produits visés par la demande est fausse.

(b)  La demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi, parce que la Requérante ne pouvait pas être convaincue au moment de produire la demande d’avoir droit d’employer la Marque.

(c)  La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant les articles 16(3)a) et 16(3)c) de la Loi, parce que la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce USA PRO et le nom commercial USA PRO de l’Opposante.

(d)  La Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi.

[7]  La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

[8]  Comme preuve, l’Opposante a produit les affidavits et les déclarations de Linda Joyce Elford, de Cameron Olsen, d’Andrew Ngo et de Dane Penney ainsi qu’une copie certifiée de la demande no 1,454,804.  Pour en arriver à ma décision, je n’ai pas jugé nécessaire de tenir compte de l’affidavit de M. Penney. Par conséquent, il ne sera ni mentionné ni examiné dans ma décision.

[9]   La Requérante n’a produit aucune preuve. L’Opposant a produit un plaidoyer écrit. Les parties étaient toutes deux présentes à l’audience qui a été tenue.

Fardeau ultime et fardeau initial

[10]  Avant d’examiner les motifs d’opposition, j’estime nécessaire de rappeler certaines exigences techniques en ce qui concerne i) le fardeau de preuve dont doit s’acquitter un opposant, soit celui d’étayer les allégations contenues dans sa déclaration d’opposition, et ii) le fardeau ultime qui incombe au requérant, soit celui d’établir sa preuve.

[11]  En ce qui concerne le point i) ci-dessus, conformément aux règles de preuve habituelles, l’opposant a le fardeau de preuve initial d’établir les faits sur lesquels il appuie les allégations formulées dans la déclaration d’opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited, 30 CPR (3d) 293, à la p 298 (CF 1re inst)]. Le fait qu’un fardeau de preuve initial soit imposé à l’opposant signifie que, pour qu’une question particulière soulevée par l’opposant soit prise en considération, il doit exister une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. En ce qui concerne le point ii) ci-dessus, c’est au requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi ainsi que l’allègue l’opposant dans la déclaration d’opposition (concernant les allégations pour lesquelles l’opposant s’est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait). Le fait que le fardeau ultime incombe au requérant signifie que, s’il est impossible de parvenir à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l’encontre du requérant.

Preuve de M. Olsen

[12]  Étant donné que la présente affaire repose sur la preuve de M. Olsen, je fournis ci-dessous un bref résumé de son affidavit et j’aborde les deux questions soulevées par la Requérante à l’audience.

[13]  M. Olsen est le secrétaire général de l’Opposante (para 1) et il occupe ce poste depuis le 4 décembre 2013 (para 2). Il atteste qu’il a accès à tous les registres comptables de l’Opposante (para 3). M. Olsen fournit des renseignements concernant la propriété par l’Opposante des marques de commerce USA PRO (et des versions graphiques de cette marque de commerce) dans différents pays (para 8, pièce C), les ventes et la publicité relatives à ses vêtements de sport (para 6, 7 et 11) et la relation de l’Opposante avec une entreprise apparentée à la Requérante (para 14 et 15, pièce F). M. Olsen joint à son affidavit des factures, des reçus, des documents de marketing et des mentions par des tiers de la marque USA PRO (pièces B, D et E).

Ambiguïtés dans la preuve

[14]  À l’audience, la Requérante a soutenu que toute ambiguïté dans la preuve doit être résolue à l’encontre de l’Opposante. Je suis d’accord. Même si la Requérante peut avoir demandé le contre-interrogatoire de M. Olsen pour clarifier les éléments de preuve qui comportent des ambiguïtés, elle n’était pas tenue de le faire puisque le registraire a toujours statué que de telles ambiguïtés doivent être résolues à l’encontre de la partie qui présente la preuve dans une affaire d’opposition [Power Budd, LLP c Beaudry, 2006 CanLII 80342 (COMC); Ben Sherman Group Limited c Knautz, 2013 COMC 122, au para 53].

Absence de traductions certifiées conformes

[15]  M. Olsen joint à son affidavit plusieurs décisions rendues dans des procédures d’opposition et de radiation concernant des demandes relatives à USA PRO. Il indique que ces demandes ont été produites par la Requérante ou par Courtaulds dans d’autres pays (para 17, pièce H). Certaines des décisions ne sont pas traduites et d’autres décisions comprennent des traductions qui ne sont pas certifiées conformes. Je conviens avec la Requérante que les pièces qui sont dans une langue autre que le français ou l’anglais et qui ne sont pas accompagnées d’une traduction certifiée conforme ne sont pas admissibles. Cette conclusion est conforme à l’article 68(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, qui stipule que « …tout document dont les présentes règles exigent le dépôt dans le cadre d’une instance est rédigé en français ou en anglais, ou est accompagné d’une traduction française ou anglaise et d’un affidavit attestant la fidélité de la traduction ».

Motifs d’opposition

[16]  Ci-dessous, j’examine chacun des motifs d’opposition, en commençant par le motif d’opposition fondé sur l’article 30i).

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)

[17]  L’Opposante allègue que la demande n’est pas conforme à l’article 30i) de la Loi, parce que la Requérante ne pouvait pas être convaincue au moment de produire la demande d’avoir droit d’employer la Marque au Canada. L’Opposante allègue que la Requérante ne pouvait pas en être convaincue puisque :

(a)  elle était au courant à ce moment que l’Opposante et/ou son prédécesseur en titre avait antérieurement employé au Canada une ou plusieurs des marques de commerce USA PRO et le nom commercial USA PRO, sachant que la [Marque] créait de la confusion avec ces derniers...; et/ou

(b)  elle était au courant, d’après la relation commerciale entre elle et/ou son prédécesseur en titre et l’Opposante et/ou son prédécesseur en titre, que l’Opposante était la propriétaire légitime de la [Marque] et elle savait que son emploi serait illégal et/ou violerait les droits de l’Opposante (la Requérante savait cela puisqu’une entreprise apparentée à la Requérante a engagé des discussions en 2007 et en 2008 avec le prédécesseur en titre de l’Opposante pour l’acquisition de 50 % des parts du prédécesseur en titre de l’Opposante, à la suite de quoi l’entreprise apparentée à la Requérante aurait offert du financement pour l’expansion et la croissance de la marque USA PRO à l’échelle mondiale); et/ou

(c)  elle était au courant que la cession à la suite de laquelle elle avait fait l’acquisition de la demande n’avait aucun effet sur le plan juridique ou était nulle ab initio, et elle savait que son emploi de la [Marque] serait illégal et/ou violerait les droits de l’Opposante.

[18]  La date pertinente pour l’examen de ce motif d’opposition est le 22 novembre 2012, la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469, à la p 475].

[19]  L’article 30i) exige que le requérant indique dans sa demande qu’il est convaincu d’avoir droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les produits et les services visés par la demande. La déclaration prévue à l’article 30i) est censée être la preuve que le requérant a produit sa demande de bonne foi [Cerverceria Modelo SA de CV c Marcon (2008), 70 CPR (4th) 355 (COMC), à la p 366]. Le registraire explique ce qui suit dans la décision FremantleMedia North America Inc c Wright Alternative Advertising Inc (2009), 77 CPR (4th) 311, à la p 317 [Traduction] :

L’alinéa 30i) de la Loi prévoit que le requérant doit déclarer qu’il est convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce en liaison avec les marchandises ou services décrits dans la demande. Dans l’ouvrage Canadian Trade-marks Act – Annotated Robic Leger, rev. ed. (Scarborough, Ont. : Carswell) (feuilles mobiles), H.G. Richard examine l’alinéa 30i) (l’ancien alinéa 29i)) de la manière suivante aux pages 30 à 47 et 30 à 48 :

[Traduction]
Le dernier facteur dont il faut tenir compte avant de rechercher dans les index et d’examiner la marque elle-même est de savoir si le requérant est convaincu « qu’il a droit d’employer la marque de commerce au [sic] en liaison avec les marchandises ou services décrits dans la demande ». Ce facteur peut être considéré comme une sorte de contrat entre le requérant et le public établissant que tous les renseignements et les éléments de preuve à l’appui, y compris les révisions et les ajouts apportés à ceux-ci, ont été présentés de bonne foi et que le requérant approuve la demande, telle qu’elle est formulée... (caractère gras ajouté)

[20]  Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30i), ce motif d’opposition ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels. Le registraire a déjà conclu à l’existence de cas exceptionnels lorsqu’il y avait i) une preuve que le requérant est de mauvaise foi [Sapodilla Co Ltd c Bristol Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p 155]; et ii) une preuve prima facie de non-conformité à une loi fédérale, telle que la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, ch C-42 ou la Loi sur les aliments et drogues, LRC 1985, ch F-27 [Interactiv Design Pty Ltd c Grafton-Fraser Inc (1998), 87 CPR (3d) 537 (COMC), aux p 542 et 543].

L’Opposante s’est-elle acquittée de son fardeau de preuve?

[21]  D’emblée, j’admets qu’une personne peut produire une demande relative à une marque de commerce au Canada tout en sachant que cette marque a été employée ou enregistrée dans un autre pays, et cela ne constitue pas nécessairement de la mauvaise foi [Viper Room Development, LLC c 672661 Alberta Ltd, 2014 COMC 201, au para 14; Santa Barbara Restaurant Group, Inc c Jay Veto, 2014 COMC 286, aux para 32 et 33; Taverniti SARL c DGGM Bitton Holdings Inc (1986), 8 CPR (3d) 400 (COMC), aux p 404 et 405].  À mon avis, ce qui distingue la présente affaire est la relation préexistante entre les entreprises apparentées à la Requérante et à l’Opposante que j’estime pertinente à l’égard de la question de la bonne foi. Même si l’opposition en l’espèce se distingue certes de l’affaire CBM Kabushiki Kaisha c Lin Trading Co (1987), 14 CPR (3d) 32 (CF 1re inst) en raison de l’état des négociations entre les parties et du passage du temps entre les négociations et la production de la demande, j’estime que les commentaires suivants du juge Joyal sont instructifs (para 19 et 20) [Traduction] :

Je ne voudrais pas laisser entendre que la nature de la propriété de la marque de commerce employée ailleurs qu’au Canada par le répondant interdit nécessairement l’enregistrement par un requérant d’une marque de commerce identique au Canada. Je tiens à répéter que la question qui m’est soumise est due aux relations particulières entre les parties, alors que non seulement des contrats ont été conclus pour l’achat et la vente de montres Q & Q au Canada, mais des communications ont été échangées en ce qui concerne la possibilité de faire de l’appelant le distributeur exclusif des montres Q & Q et la mise sur pied d’un système de montage de pièces de montre au Canada. Je devrais douter, dans ces circonstances, que l’appelant puisse faire valoir avec succès que la marque de commerce n’avait pas été révélée au Canada par un tiers. Pas plus que l’appelant puisse établir avec succès être la personne ayant droit à l’enregistrement. Arriver à une autre conclusion équivaudrait à faire fi du fait que l’appelant a, avant toute chose, prétendu adopter la marque de commerce. Arriver à une autre conclusion équivaudrait à faire d’une conduite douteuse une vertu et à conférer une légitimité à ce que j’estime être des pratiques commerciales douteuses.

Pour ceux qui souscrivent à l’école de droit de Kelsen et qui pourraient s’opposer à toute lecture moraliste de l’interprétation des lois, j’ajouterais que de reconnaître la prétention de l’appelant irait, à mon humble avis, à l’encontre de la politique publique et imposerait une signification factice aux dispositions des alinéas 16 et 29 de la Loi sur les marques de commerce.

[22]  À mon avis, les éléments de preuve suivants sèment le doute quant à la bonne foi de la Requérante dans la production de sa demande et ils sont suffisants pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve :

(a)  Il y a eu des négociations entre Courtaulds et le prédécesseur en titre de l’Opposante pour l’acquisition de 50 % des parts du prédécesseur en titre de l’Opposante, à la suite de quoi l’entreprise apparentée à la Requérante aurait offert du financement pour l’expansion et la croissance de la marque USA PRO à l’échelle mondiale (para 14 et 15). Ces négociations ont eu lieu entre janvier 2007 et février 2008 (para 14).

(b)  M. Olsen joint des courriels internes concernant ces négociations. Même si ces courriels peuvent ne pas satisfaire aux critères de l’exception à la règle du ouï-dire concernant les registres d’entreprise, je suis convaincue que les courriels sont admissibles, parce qu’il était nécessaire que M. Olsen les produise pour que l’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve et parce qu’ils sont fiables. M. Olsen indique au paragraphe 2 de son affidavit que les faits et les questions exposés dans son affidavit relèvent de sa connaissance personnelle ou qu’ils sont fondés sur les registres de l’Opposante auxquels il a entièrement accès (directement ou par l’entremise de ses collègues). Même s’ils sont peu détaillés, je conclus à la lumière des courriels que le prédécesseur en titre de l’Opposante a rencontré Mike Ellis de Courtaulds pour discuter de l’obtention d’un financement important (courriel de Kevin Jarvis daté du 30 janvier 2007); que des négociations ont eu lieu à l’égard d’un paiement de 2 millions de livres sterling pour l’acquisition de 50 % des parts (courriel de Kevin Jarvis daté du 31 octobre 2007); et que l’entente n’a pas été conclue (courriel de Kevin Jarvis daté du 28 février 2008).

(c)  Le courriel daté du 27 février 2008 joint à l’affidavit de M. Olsen mentionne une rencontre avec Courtaulds à laquelle ont participé Mike Ellis et Chris McQuoid (avocat interne) (pièce F). Je souligne que Christopher McQuoid est également désigné comme le fondé de pouvoir de Montfort Services (l’entité qui a produit la présente demande) et comme le directeur de Courtaulds Textiles America, Inc. (l’entité qui est actuellement propriétaire de la présente demande) dans le document de cession de la marque de commerce daté du 19 mars 2015 et produit à l’égard de la présente demande (affidavit de Mme Elford).

(d)  Une entité que M. Olsen désigne comme étant la Requérante et/ou Courtaulds a produit des demandes relatives aux marques de commerce USAPRO dans différents pays et l’Opposante s’y est opposée (para 17, pièce H). Comme des traductions certifiées conformes des présumées décisions jointes à l’affidavit de M. Olsen n’ont pas été fournies, je ne tiens pas compte de la preuve relative au résultat de ces procédures d’opposition et de radiation. Cela dit, compte tenu du poste qu’occupe M. Olsen au sein de l’entreprise, j’admets sa preuve portant que la Requérante ou Courtaulds a produit des demandes en Argentine, au Japon, à Macao, à Taïwan, en Corée du Sud et en Malaisie, et que l’Opposante s’est opposée à ces demandes. Si j’ai tort, je souligne que j’aurais tout de même conclu que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial.

La Requérante s’est-elle acquittée de son fardeau ultime?

[23]  Comme la Requérante n’a produit aucune preuve, elle ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer qu’elle était convaincue d’avoir droit d’employer la Marque au Canada. Bien qu’il soit fort possible que la Requérante ait fait des recherches et n’ait trouvé aucune preuve d’emploi ou de réputation de la marque de commerce USA PRO de l’Opposante au Canada de sorte qu’elle puisse se déclarer convaincue d’avoir droit d’employer la Marque, il n’y a aucune preuve que cela s’est dans les faits produit.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30e)

[24]   L’Opposante allègue que la demande n’est pas conforme à l’article 30e) de la Loi parce que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque en liaison avec les produits, puisqu’elle n’avait pas l’intention :

(a)  d’employer la Marque en liaison avec tous les produits;

(b)  d’employer la Marque, puisqu’elle n’avait pas l’intention d’employer le terme USAPRO avec l’élément graphique présent dans la Marque;

(c)  d’employer la Marque en liaison avec tous les produits d’une manière qui constituerait un emploi au sens de l’article 4 de la Loi;

(d)  d’exercer un contrôle suffisant sur les caractéristiques ou la qualité de tous les produits; et/ou

(e)  d’employer la Marque; la Requérante a plutôt produit la demande dans le seul but d’empêcher des tiers d’employer ou d’enregistrer la Marque et/ou des marques de commerce dont la similitude est susceptible de créer de la confusion.

[25]  La date pertinente pour l’examen de ce motif d’opposition est le 22 novembre 2012, soit la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd, supra]. Aucune preuve n’a été produite à l’appui du motif d’opposition fondé sur l’article 30e) de la Loi. En conséquence, ce motif d’opposition est rejeté parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a)

[26]  L’Opposante allègue que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce USA PRO de l’Opposante, ainsi qu’avec les cinq versions graphiques de cette marque de commerce qui comprennent l’élément USA PRO dans un format stylisé (collectivement, les marques de commerce USA PRO de l’Opposante), reproduites ci-dessous.

[27]  Pour s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante doit démontrer qu’elle a employé une ou plusieurs de ses marques de commerce USA PRO invoquées avant le 22 novembre 2012 et qu’elle n’avait pas abandonné sa ou ses marques de commerce avant la date de l’annonce de la demande en cause (7 octobre 2015) [voir les articles 16(3)a), 16(5) et 17(1) de la Loi].

[28]  M. Olsen fournit des copies de quelques factures datées de 2017 faisant état de ventes de produits de marque USA PRO de l’Opposante avec une adresse canadienne indiquée dans la partie « Deliver to » [adresse de livraison] (pièce B). Après examen de la preuve dans son ensemble, je suis convaincue que les factures nos 51330, 51332, 51606, 51607, 51608 et 51892 me permettent de conclure que l’Opposante a employé sa marque de commerce au Canada avant la date de production de la demande relative à la Marque en liaison avec les produits qui y sont mentionnés. À l’audience, la Requérante a fait valoir que les factures n’indiquaient pas si la marque de commerce USA PRO figurait sur les produits ou si les factures accompagnaient les produits au moment du transfert. Je suis d’accord avec la Requérante en ce qui concerne la livraison des factures et je n’ai pas tenu compte de l’emploi de la marque de commerce sur les factures. Bien que toute ambiguïté dans la preuve doive être résolue à l’encontre de l’Opposante, compte tenu de la preuve dans son ensemble, je déduis que les produits arboraient la marque de commerce USA PRO. À cet égard, les catalogues joints comme pièce D à l’affidavit de M. Olsen présentent la marque de commerce USA PRO sur le même genre de vêtements que ceux mentionnés sur les factures. Compte tenu de ce qui précède, l’Opposante s’est acquittée de la première partie de son fardeau de preuve.

[29]  Comme il n’y a aucune preuve d’emploi des marques de commerce USA PRO de l’Opposante après 2007, la question est de savoir si ces marques avaient été abandonnées ou non à la date de l’annonce de la demande en cause, le 7 octobre 2015. L’abandon requiert à la fois l’absence d’emploi et l’intention d’abandonner l’emploi d’une marque de commerce [Labatt Brewing Co c Formosa Spring Brewery Ltd (1992), 42 CPR (3d) 481 (CF 1re inst); Marineland Inc c Marine Wonderland & Animal Park Ltd (1974), 16 CPR (2d) 97 (CF 1re inst)].  La question de l’abandon en l’espèce concerne la question de savoir si l’Opposante a abandonné ses marques de commerce USA PRO au Canada mais non dans d’autres pays [Borden Inc c Hostess Food Products Ltd (1989), 28 CPR (3d) 45 (CF 1re inst), à la p 56].

[30]  À l’audience, l’Opposante a soutenu que la preuve de M. Olsen, y compris ce qui suit, permet de conclure que la marque de commerce USA PRO n’a pas été abandonnée :

·  La marque USA PRO de l’Opposante est vendue dans plus de 470 magasins dans le monde entier et par l’intermédiaire de son site Web store.usa.pro.co.uk (para 4 et 5). Les ventes de produits de marque USA PRO de 2011 à 2014 ont dépassé 40 millions de livres sterling (para 6).

·  L’Opposante a dépensé plus de 220 000 livres sterling pour la commercialisation et la promotion de sa marque USA PRO dans le monde entier de 2012 à 2014 (para 11).

·  La marque USA PRO est mentionnée dans un certain nombre d’articles de presse et de magazines en ligne (pièce E). Je souligne toutefois que tous ces articles et magazines portent un date postérieure à la date de l’annonce de la demande.

[31]  Étant donné qu’il n’y a aucune preuve d’emploi des marques de commerce USA PRO de l’Opposante au Canada pour une période de sept ans avant la date de l’annonce de la demande et comprenant cette date, j’estime qu’on peut présumer que l’Opposante avait abandonné sa marque de commerce au Canada [Iwasaki Electric Co Ltd c Hortilux Schreder BV, 2012 CAF 321, au para 21]. Bien que je reconnaisse que l’Opposante a établi des ventes mondiales, des dépenses publicitaires et que sa marque USA PRO est mentionnée dans plusieurs articles de presse et magazines en ligne (quoi qu’après la date de l’annonce), la preuve en l’espèce ne réfute pas la présomption portant que l’Opposante avait abandonné sa marque de commerce au Canada à la date de l’annonce. Par conséquent, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial et ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)c)

[32]  L’Opposante allègue que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, parce que la Marque créait de la confusion avec le nom commercial USA PRO qui avait été employé antérieurement par l’Opposante au Canada. Pour les mêmes raisons que celles exposées à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a), je rejette ce motif d’opposition parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve de démontrer qu’elle n’avait pas abandonné son nom commercial au Canada avant la date de l’annonce de la demande en cause.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[33]  L’Opposante allègue que la Marque n’est pas distinctive, parce qu’elle ne distingue pas véritablement, ni n’est pas apte à distinguer, les Produits des produits et services de l’Opposante liés à ses marques de commerce USA PRO et des activités de l’Opposante qui consistent à fournir ces produits et services en liaison avec le nom commercial USA PRO créant de la confusion.

[34]  Un motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif n’est pas restreint à la vente de produits ou de services au Canada. Un tel motif peut aussi s’appuyer sur la preuve que la marque de commerce d’un opposante est connue ou a acquis une réputation soit par le bouche-à-oreille, soit par suite d’articles parus dans des journaux ou des magazines [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd, (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst), aux p 58 et 59].

[35]  La date pertinente pour l’examen du caractère distinctif est la date de production de la déclaration d’opposition, soit le 7 mars 2016 [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[36]  Les propositions qui suivent résument la jurisprudence pertinente portant sur le caractère distinctif [Bojangles’ International, LLC v Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF), aux para 33 et 34].

[Traduction]
• La charge de la preuve incombe à la partie qui allègue que la réputation de sa marque empêche la marque de l’autre partie d’être distinctive;

• Toutefois, il incombe encore à l’auteur de la demande d’enregistrement de prouver que sa marque est distinctive;

• Une marque devrait être connue au Canada au moins jusqu’à un certain point pour annuler le caractère distinctif d’une autre marque.

Subsidiairement, une marque pourrait annuler le caractère distinctif d’une autre marque si elle est bien connue dans une région précise du Canada;

• Le propriétaire d’une marque de commerce étrangère ne peut pas simplement affirmer que sa marque de commerce est connue au Canada; il doit plutôt présenter une preuve claire à ce sujet [sic].

 

L’Opposante s’est-elle acquittée de son fardeau de preuve?

[37]  Bien que la preuve de M. Olsen décrite ci-dessous permette d’inférer qu’il est possible qu’un certain nombre de Canadiens aient pu avoir connaissance des marques de commerce et du nom commercial USA PRO de l’Opposante, considérée dans l’ensemble, elle ne suffit pas à établir que l’une ou l’autre de ses marques de commerce ou son nom commercial sont devenus connus dans une certaine mesure au Canada et ont acquis au Canada une réputation importante, significative ou suffisante pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif. L’Opposante ne s’est donc pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait.

Renseignements sur les ventes et la publicité à l’échelle mondiale

[38]  M. Olsen indique que les ventes annuelles des produits de marque USA PRO de 2011 à 2014 ont dépassé 40 millions de livres sterling (para 6) et que les dépenses pour la commercialisation et la promotion de sa marque pour les années 2012 à 2014 ont été de 220 000 livres sterling (para 11). Le fait qu’il y ait d’importantes ventes et dépenses publicitaires à l’échelle mondiale ne permet pas d’inférer que la marque est connue au Canada.

Mentions sur des sites Web

[39]  M. Olsen joint des imprimés tirés du site Web store.usapro.co.uk à partir desquels il affirme que les produits sont vendus dans le monde entier (para 4 et 5, pièce A). Il n’existe toutefois aucune preuve de ventes ou de consultations du site Web à partir du Canada.

Catalogues, publicités et mentions dans des publications de tiers

[40]  M. Olsen joint des imprimés de sites Web qui indiquent que le groupe Little Mix joue le rôle d’ambassadeur de la marque USA PRO (pièce E), ainsi que des catalogues et des publicités (pièce D). Il n’existe aucune preuve que l’un ou l’autre de ces documents a été consulté par un nombre suffisant de Canadiens à la date pertinente. De plus, suivant la déclaration d’Andrew Ngo, j’estime que le fait que M. Ngo ait été en mesure d’acheter diverses publications britanniques (certaines étant des versions imprimées des quelques magazines en ligne, pièce E) ne permet pas de tirer l’inférence que les marques de commerce et le nom commercial de l’Opposante ont acquis une réputation au Canada.

Ventes au Canada

[41]  Les quelques factures fournies par l’Opposante faisant état de ventes au Canada en 2007 (pièce B) ne permettent pas d’inférer que, à la date pertinente, les marques de commerce et le nom commercial USA PRO de l’Opposante avaient acquis une quelconque réputation au Canada. La preuve à l’égard des ventes au Canada est à la fois de minimus et trop lointaine dans le temps.

Conclusion

[42]  Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait.

Décision

[43]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.

 

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2018-05-09

COMPARUTIONS

Jonathan G. Burkinshaw

POUR L’OPPOSANTE

Sarah Kilpatrick

POUR LA REQUÉRANTE

 

 

AGENTS AU DOSSIER

Bereskin & Parr LLP/S.E.N.C.R.L., s.r.l.

POUR L’OPPOSANTE

McMillan LLP

POUR LA REQUÉRANTE

 

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