Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2018 COMC 116

Date de la décision : 2018-10-16

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Watch Tower Bible Tract Society of Pennsylvania

Opposante

et

 

Society of Jesus’ Words

Requérante

 

1,720,973 pour la marque de commerce JW

Demande

[1]  Le 25 mars 2015, Society of Jesus’ Words (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce JW (la Marque) sur le fondement de l’emploi au Canada depuis le 22 juin 2014 en liaison avec les services suivants [Traduction] :

Offre d’activités éducatives et culturelles par l’exploitation d’un site Web public qui diffuse de l’information à caractère spirituel.

[2]  La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 16 mars 2016.

[3]  Le 16 mai 2016, Watch Tower Bible Tract Society of Pennsylvania (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition sur le fondement de plusieurs motifs, y compris que la Marque crée de la confusion avec ses marques de commerce JW et JW.ORG qui ont été antérieurement employées au Canada en liaison avec une gamme de publications et de services présentant des renseignements à caractère religieux portant sur les principes de la confession des Témoins de Jéhovah.

[4]  La Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations contenues dans la déclaration d’opposition.

[5]  La preuve de l’Opposante, produite au titre de l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce (le Règlement), est constituée de l’affidavit de Richard E. Devine, souscrit le 19 novembre 2016, et de l’affidavit de Maria Hawkins, souscrit le 18 novembre 2016.

[6]  La preuve de la Requérante, produite au titre de l’article 42 du Règlement, est constituée de l’affidavit de Randy Wall, souscrit le 26 mars 2017.

[7]  Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit. La tenue d’une audience n’a pas été sollicitée par l’une ou l’autre des parties.

Déclaration d’opposition

[8]  Les motifs d’opposition peuvent être résumés comme suit :

·  Articles 38(2)a)/30b) – la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30b) de la Loi, car la Requérante n’employait pas la Marque en liaison avec les services à la date de production de la demande, à savoir le 25 mars 2015. À titre subsidiaire, si la Requérante avait employé la Marque à la date de la production de la demande, la date de premier emploi alléguée, à savoir le 22 juin 2014, n’est pas la date à compter de laquelle la Requérante a employé la Marque au Canada.

·  Articles 38(2)a)/30i) – la Requérante ne pouvait pas être convaincue au moment de produire la demande d’avoir droit d’employer la Marque au Canada. La Requérante ne pouvait en être convaincue, car la Requérante était au courant du fait que l’Opposante avait antérieurement employé au Canada ses marques figuratives JW et JW.ORG et son nom commercial JW avec lesquels la Marque créait de la confusion.

·  Articles 38(2)c)/16(1)a) – la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’article 16(1)a) de la Loi car, à la date de premier emploi de la Marque au Canada par la Requérante, la Marque créait de la confusion avec les marques figuratives JW et JW.ORG de l’Opposante, qui avaient été employées et/ou révélées antérieurement au Canada.

·  Articles 38(2)c)/16(1)c) – la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’article 16(1)c) de la Loi car, à la date de premier emploi de la Marque au Canada par la Requérante, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial JW de l’Opposante, qui avait été employé antérieurement au Canada par l’Opposante en liaison avec la fourniture de renseignements éducatifs imprimés et numériques en lien avec la confession des Témoins de Jéhovah.

·  Articles 38(2)d)/2 – la Marque n’est pas distinctive de la Requérante au sens de l’article 2 de la Loi, car elle ne distingue pas véritablement ni n’est adaptée à distinguer les services de la Requérante des produits et services de tiers, y compris les produits et services en liaison avec lesquels les marques figuratives JW et JW.ORG de l’Opposante ont été employées et révélées au Canada.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[9]  C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [John Labatt c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298].

[10]  Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

·  Articles 38(2)a)/30b) et 30i) de la Loi – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p 475].

·  articles 38(2)c)/16(1)a) et 16(1)c) de la Loi – la date de premier emploi revendiquée dans la demande [voir l’article 16(1) de la Loi];

·  Articles 38(2)d)/2 de la Loi – la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317, à la p 321].

Preuve de l’Opposante

Affidavit de Richard E. Devine

[11]  M. Devine est le vice-président de l’Opposante et il occupe ce poste depuis le 6 juin 2016 (para 1). Les parties pertinentes de son affidavit sont résumées ci-dessous :

[12]  L’Opposante est un organisme sans but lucratif créé à l’origine en 1881 pour apporter un soutien au travail d’éducation biblique du groupe chrétien connu sous le nom des Étudiants de la Bible (para 3). En juillet 1931, ce groupe a adopté le nom de Témoins de Jéhovah (para 4). Le Collège central des Témoins de Jéhovah est un corps ecclésiastique qui fournit un accompagnement spirituel aux Témoins de Jéhovah dans le monde entier (para 4). L’Opposante aide l’organisme international des Témoins de Jéhovah et le Collège central à s’acquitter de leur mission d’éducation biblique dans le monde entier par l’impression et la distribution de bibles et de publications axées sur la Bible (para 4 et 7).

[13]  L’Opposante distribue ses publications au Canada depuis longtemps, depuis une époque qui remonte à la fin du 19e siècle. En 1931, l’Opposante avait commencé à publier et à distribuer de la documentation à l’appui du ministère des Témoins de Jéhovah, en employant la marque de commerce JW sur ses publications (para 5). La pièce A comprend deux exemples de publications relatives à un congrès tenu à Colombus, en Ohio, en 1931, intitulées The Messenger [le messager]. La marque JW figure au haut de la publication.

[14]  Au nombre de ses différentes publications, l’Opposante publie deux revues largement diffusées au Canada, à savoir La Tour de Garde et Réveillez-vous!, toutes deux arborant la marque figurative JW.ORG. M. Devine explique ce qui suit au paragraphe 11 de son affidavit [Traduction] :

[La Tour de Garde], distribuée de porte-à-porte par les Témoins de Jéhovah, est accessible en ligne en version électronique, en formats audio et vidéo sur le site Web www.jw.org depuis 2008, sur les applications mobiles JW Library® et JW Library Sign Language, et sur des tables et des chariots de documentation dans les régions métropolitaines.

[15]  Depuis 2006, le nombre de revues imprimées La Tour de Garde qui sont distribuées au Canada est toujours chaque année de plus de dix millions d’exemplaires (para 12). Le nombre de revues La Tour de Garde téléchargées à partir du site jw.org n’a cessé d’augmenter chaque année, passant de plus de 100 000 exemplaires en 2008 à plus de 4 millions d’exemplaires au cours des neuf premiers mois de 2016 (para 12).

[16]  De même, les revues Réveillez-vous! sont largement diffusées au Canada, environ 8 millions d’exemplaires imprimés étant distribués chaque année depuis 2006, et les téléchargements à partir du site jw.org sont passés de plus de 51 000 en 2008 à plus de 660 000 au cours des neuf premiers mois de 2016 (para 14).

[17]  En 1997, l’Opposante a lancé le site Web officiel www.watchtower.org, sur lequel l’Opposante a publié ses revues La Tour de Garde et Réveillez-vous! pour téléchargement en format audio (para 16). En 2012, les sites Web watchtower.org, jw-media.org et jw.org ont été regroupés en un site Web accessible au www.jw.org (para 16). Ce site Web a été désigné comme étant le site Web officiel des Témoins de Jéhovah par le Collège central (para 16). La pièce B comprend des exemples du contenu du site Web www.jw.org. La marque figurative JW.ORG, reproduite ci-dessous, figure au haut de chaque page Web.

[18]  Depuis 2008, des versions numériques et audio des publications de l’Opposante sont accessibles sur le site jw.org, et l’Opposante a publié une vaste collection de matériel numérique comprenant des vidéos, des vidéoclips et des livres numériques. La pièce E est un tableau de douze pages énumérant les vidéos affichées sur le site Web depuis 2013. Depuis juin 2013, l’Opposante offre des applications pour les tablettes et les appareils mobiles qui sont identifiées par les logos JW LIBRARY et JW Language (reproduits à la pièce H). En novembre 2016, l’application JW Library avait été téléchargée 225 000 fois au Canada, alors que l’application JW Library Sign Language avait été téléchargée 32 000 fois au Canada (para 19).

[19]  La marque figurative JW.ORG figure également sur les cartes de visite du ministère personnel des Témoins de Jéhovah afin de diriger les gens vers le site Web de l’Opposante pour obtenir des renseignements sur la Bible (pièce I).

[20]   Enfin, le dessin JW.ORG figure à l’extérieur des édifices servant de lieu de culte aux Témoins de Jéhovah dans le monde entier (pièce J).

Affidavit de Maria Hawkins

[21]  Mme Hawkins atteste qu’elle est une employée de l’agent de l’Opposante. Elle atteste que, le 14 novembre 2016, elle a effectué les recherches suivantes :

·  une recherche de dénomination sociale dans NUANS pour repérer une entité juridique du nom de « Society of Jesus’ Words ». Des copies des rapports de recherche dans NUANS pour l’Alberta et le Canada sont jointes comme pièce A à son affidavit. Au paragraphe 2 de son affidavit, Mme Hawkins explique qu’un rapport de recherche dans NUANS [Traduction] « est un rapport complet comprenant les noms des organismes constitués en société en Alberta et au Canada, y compris des sociétés religieuses constituées en vertu de la Religious Societies’ Land Act de l’Alberta, dont le nom est identique ou semblable au nom recherché ».

·  Une recherche effectuée sur Internet à l’aide de google.ca pour repérer « Society of Jesus’ Words » [société de la parole de Jésus] (pièce B).

·  Une recherche effectuée dans la base de données WHOIS accessible au www.whois.net pour repérer le nom de domaine « jw », établissant que le nom de domaine jw.com est déjà enregistré (pièce C).  Des imprimés des pages d’accueil des sites www.jw.com, www.jw.net et www.jw.edu sont également joints comme pièce D à l’affidavit de Mme Hawkins.

·  Une recherche effectuée dans la base de données WHOIS accessible au www.whois.cira.ca pour repérer le nom de domaine jw.ca (pièce E). Des imprimés tirés du site Web accessible au jw.ca sont également joints comme pièce F à l’affidavit de Mme Hawkins.

Preuve de la Requérante

Affidavit de Randy Wall

[22]  Dans son affidavit, M. Wall atteste que la Requérante est une association non incorporée en société située à Calgary, en Alberta (para 1). M. Wall n’indique pas autrement son lien avec la Requérante, affirmant simplement que la Requérante lui a demandé de [Traduction] « créer un site Web présentant des renseignements à caractère spirituel » (para 2). M. Wall affirme que, dans le cadre de cette tâche, il a effectué une recherche pour repérer la marque de commerce JW de la Requérante dans le registre des noms de domaine GoDaddy.com. Il affirme que le registre semblait indiquer que le nom de domaine jw.org.pe pouvait être enregistré, alors M. Wall l’a enregistré pour que la Requérante l’emploie (para 3 et 4). Il atteste que des pages Web comprenant des renseignements à caractère spirituel ont été affichées sur le site Web [Traduction] « au plus tard le 22 juin 2014 » (para 5).

[23]  Les pièces suivantes sont jointes à l’affidavit de M. Wall :

·  Pièces A et B : des imprimés tirés de la page d’accueil du site jw.org.pe. Je souligne que la Marque figure au haut de la page d’accueil, au-dessus des mots « Jesus’ Words » [la parole de Jésus].

·  Pièce C : des imprimés tirés du site google.ca montrant les résultats d’une recherche effectuée pour repérer le nom de la Requérante et le site Web de la Requérante.

·  Pièce D : des imprimés tirés du site www.archive.org montrant la page d’accueil du site jw.org.pe telle qu’elle s’affichait le 20 mars 2015.

·  Pièce E : des imprimés de courriels tirés du site webcitation.org confirmant la réussite de captures d’écran faites à partir du site Web de la Requérante le 4 juillet 2014.

·  Pièces F et G : des imprimés tirés du site www.webcitation.org montrant la page d’accueil du site Web de la Requérante telle qu’elle s’affichait le 4 juillet 2014 et le 5 mars 2015, respectivement.

·  Pièces H à J : des documents relatifs à la marque officielle J.W., no 903,771, et le consentement correspondant de l’Université Western Ontario autorisant la Requérante à employer la Marque.

Analyse

[24]  Étant donné que la présente affaire repose sur des allégations de confusion, je me pencherai d’abord sur les motifs d’opposition fondés sur les articles 16 et 2 de la Loi. Étant donné que je considère que la preuve de Mme Hawkins est non pertinente à l’égard de ces motifs, je ne l’examinerai pas.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) – Absence de droit à l’enregistrement en raison de l’emploi de la marque de commerce

[25]  L’Opposante fait valoir que, suivant l’article 16(1)a) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement parce que, à la date de premier emploi revendiquée, la Marque créait de la confusion avec les marques figuratives JW et JW.ORG de l’Opposante employées antérieurement.

[26]  En ce qui concerne ce motif d’opposition, il incombe à l’Opposante d’établir l’emploi de sa ou ses marques de commerce avant la date de premier emploi revendiquée (22 juin 2014) et de démontrer qu’elle n’a pas abandonné sa ou ses marques de commerce à la date de l’annonce de la demande de la Requérante (16 mars 2016).

[27]  Comme je l’ai indiqué ci-dessus dans l’examen de l’affidavit de M. Devine, je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial d’établir l’emploi de ses marques de commerce JW avant la date de premier emploi revendiquée dans la demande en cause. Plus précisément, à la lumière de la preuve non contestée de l’Opposante à cet égard, j’estime que :

·  L’Opposante a employé sa marque de commerce JW au Canada en liaison avec des publications dans le domaine de l’éducation religieuse depuis 1931.

·  L’Opposante a employé ses marques de commerce JW et JW.ORG en liaison avec des services d’éducation religieuse en ligne au Canada depuis 2012 (affidavit Devine, paragraphe 16, pièces B et C).

[28]  L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve initial, je dois maintenant déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec les marques de commerce JW de l’Opposante.

Test en matière de confusion

[29]  Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[30]  Pour trancher cette question, l’article 6(2) de la Loi exige de tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[31]  Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321, Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc,2011 SCS 27, 92 CPR (4th) 361].

Article 6(5)a) - Caractère distinctif inhérent et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[32]  En règle générale, les marques de commerce constituées d’une simple combinaison de lettres ou d’initiales sont considérées comme des marques « faibles » possédant un faible caractère distinctif inhérent [GSW Ltd c Great West Steel Industries Ltd (1975), 22 CPR (2d) 154 (CF 1re inst), aux p 163 et 164; Alfred Grass Gesellschaft mbH Metallwarenfabrik c Grant Industries Inc (1991), 47 FTR 231 (CF 1re inst)].

[33]  En l’espèce, aucune des marques des parties ne possède un caractère distinctif inhérent particulièrement fort, puisqu’elles sont toutes constituées d’un acronyme composé des deux mêmes lettres, JW, ou de l’acronyme JW accompagné de l’élément descriptif .ORG qui indique le nom de domaine d’un organisme. En ce qui concerne la marque figurative JW.ORG de l’Opposante, cette marque de commerce possède un caractère distinctif légèrement plus marqué en raison de ses éléments graphiques.

[34]  Cependant, il n’y a aucune preuve que la Marque de la Requérante est devenue connue dans une quelconque mesure et rien ne permet donc d’inférer que la Marque a acquis un caractère distinctif au Canada. En revanche, la preuve de l’Opposante établit que la marque de commerce JW est devenue connue au Canada en raison d’un emploi à grande échelle.

Article 6(5)b) – Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[35]  En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues, je ne dispose d’aucune preuve établissant que la Marque a été employée au Canada. La Requérante n’a fourni aucune preuve établissant la mesure dans laquelle les Canadiens peuvent avoir accédé au site Web de la Requérante entre la date de premier emploi revendiquée (22 juin 2014) et la date de production de la demande (25 mars 2015).  Même si j’inférais un emploi de minimis pendant cette période, cette dernière représente moins de dix mois.

[36]  En revanche, l’Opposante a établi l’emploi de sa marque de commerce JW au Canada depuis 1931 en liaison avec des produits et des services liés à la diffusion de renseignements à caractère religieux. De plus, l’Opposante a établi l’emploi de ses marques figuratives JW et JW.ORG en liaison avec l’exploitation d’un site Web dans le domaine de l’éducation et des renseignements à caractère religieux depuis 2012 (para 16, pièce B).

Articles 6(5)c) et d) – Genre de produits, services ou entreprises et nature du commerce

[37]  Il existe un recoupement important dans le genre des produits et services des parties. Les services de la Requérante sont décrits comme étant [Traduction] « l’offre d’activités éducatives et culturelles par l’exploitation d’un site Web public qui diffuse de l’information à caractère spirituel ».

[38]  L’Opposante caractérise ses produits et services comme suit [Traduction] :

produits et services [dans] le domaine … des renseignements à caractère religieux et de l’éducation religieuse et comprenant l’offre d’un site Web présentant des renseignements à caractère religieux, des enregistrements audio et vidéo, des publications imprimées téléchargeables, des émissions et d’autre contenu numérique ainsi qu’une gamme de publications imprimées et de matériel numérique dans le domaine de l’éducation religieuse. (Plaidoyer écrit de l’Opposante, paragraphe 51)

Compte tenu de la preuve de l’Opposante en ce qui concerne l’emploi de ses marques de commerce JW en liaison avec des publications et des renseignements en ligne à caractère religieux portant sur les principes de la confession des Témoins de Jéhovah, je conviens avec l’Opposante que les services visés par la demande recoupent les produits et services de l’Opposante. De plus, les services de la Requérante ne comportent aucune restriction quant à ses voies de commercialisation. Par conséquent, compte tenu du recoupement des services en cause, il existe une possibilité de recoupement des voies de commercialisation.

Article 6(5)e) – Degré de ressemblance

[39]  La Marque est identique dans le son et la présentation à la marque de commerce JW de l’Opposante. Elle ressemble étroitement à la marque figurative JW.ORG de l’Opposante, la partie « .ORG » étant descriptive d’une partie du nom de domaine d’un site Web offert par un organisme. En ce qui concerne les idées suggérées, compte tenu de la preuve du caractère distinctif acquis de la marque de commerce JW de l’Opposante, ses marques de commerce évoquent les Témoins de Jéhovah. Comme la Requérante n’a produit aucun élément de preuve établissant que les Canadiens connaissent bien la Marque, on ne sait pas exactement ce que la Marque évoquerait pour les consommateurs, outre les initiales elles-mêmes ou peut-être une référence à la marque de commerce de l’Opposante ou à l’Opposante. Je ne vois aucune raison d’inférer que les consommateurs comprendraient que JW signifierait « Jesus’ Words » [la parole de Jésus].

Conclusion quant à la confusion

[40]  Dans la plupart des cas, lorsqu’il s’agit de trancher la question de la confusion, le facteur le plus important est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent; les autres facteurs jouent un rôle secondaire dans l’ensemble des circonstances de l’espèce [Beverly Bedding & Upholstery Co c Regal Bedding & Upholstery Ltd (1980), 47 CPR (2d) 145, conf par 60 CPR (2d) 70 (CAF)].

[41]  Dans Masterpiece Inc, supra, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur l’importance que revêt le facteur énoncé à l’article 6(5)e) de la Loi dans l’analyse relative à la probabilité de confusion [Traduction] :

[...] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires. [au para 49]

[42]  Même si j’ai tenu compte du fait que les marques figuratives JW et JW.ORG de l’Opposante sont des marques très faibles, leur protection a été élargie en raison de l’emploi à grande échelle et de longue date par l’Opposante. En l’espèce, la Marque est identique à la marque de commerce JW de l’Opposante et elle ressemble fortement à sa marque figurative JW.ORG, il n’y a aucune preuve que la Requérante a employé la Marque ou a acquis une réputation quelconque à l’égard de la Marque et il existe un recoupement direct entre les services des parties. Compte tenu de ce qui précède, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’à la date de premier emploi revendiquée dans sa demande, il n’existait pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de commerce JW de l’Opposante. En conséquence, ce motif d’opposition est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)c) – Absence de droit à l’enregistrement en raison de l’emploi d’un nom commercial

[43]  L’Opposante a allégué que, suivant l’article 16(1)c) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque car, à la date de premier emploi revendiquée, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial JW de l’Opposante, qui avait été employé antérieurement par l’Opposante au Canada en liaison avec la fourniture de renseignements éducatifs imprimés et numériques en lien avec la confession des Témoins de Jéhovah.

[44]  En ce qui concerne ce motif d’opposition, il incombe à l’Opposante d’établir l’emploi de son nom commercial avant la date de premier emploi revendiquée (22 juin 2014) et d’établir qu’elle n’a pas abandonné son nom commercial à la date de l’annonce de la demande de la Requérante (16 mars 2016).

[45]  Après examen de l’affidavit de M. Devine, au mieux, il n’apparaît pas clairement que l’Opposante a employé JW comme nom commercial en soi. Toute mention de JW dans les pièces semble plutôt faire référence à l’emploi de JW comme marque de commerce. À titre d’exemple, je souligne que les extraits tirés du site Web jw.org (pièce B) et les extraits tirés de publications (pièce F) présentent des avis de droit d’auteur au nom de Watch Tower Bible et de Tract Society of Pennsylvania.

[46]  Dans ses représentations écrites, l’Opposante résume la preuve de M. Devine, sans souligner de cas allégués d’emploi du nom commercial JW, et reprend son argument en ce qui a trait aux troisième et quatrième motifs d’opposition (à la section F). Cependant, la preuve d’emploi des marques figuratives JW et JW.ORG par l’Opposante ne constitue pas l’emploi d’un nom commercial.

[47]  Compte tenu de ce qui précède, j’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait, et ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

[48]  L’Opposante a allégué que la Marque ne distingue pas véritablement ni n’est adaptée à distinguer les services de la Requérante des produits et services de tiers, y compris les produits et services en liaison avec lesquels les marques figuratives JW et JW.ORG de l’Opposante ont été employées et révélées au Canada.

[49]   Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif, l’Opposante doit établir que, à la date de production de la déclaration d’opposition (16 mai 2016), les marques figuratives JW et JW.ORG de l’Opposante étaient devenues suffisamment connues au Canada pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd 2006 CF 657, aux para 33 et 34].

[50]  Compte tenu de la preuve résumée aux paragraphes 11 à 20 de la décision, je suis convaincue que l’Opposante a fourni une preuve suffisante pour étayer une conclusion portant que les marques figuratives JW et JW.ORG de l’Opposante étaient devenues suffisamment connues au Canada pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif à la date du 16 mai 2016, soit la date de production de la déclaration d’opposition.

[51]  L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve initial, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque était distinctive à la date pertinente. En d’autres termes, la Requérante aurait à établir que, à la date du 16 mai 2016, sous le coup de la première impression, il n’existait pas, du point de vue du consommateur ordinaire des services visés par la demande, de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de commerce de l’Opposante.

[52]  Étant donné que cette question concerne la probabilité de confusion, pour les mêmes raisons que celles exposées à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a), j’estime que la Requérante n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque était distinctive au sens de l’article 2 de la Loi à la date pertinente. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est accueilli.

Autres motifs d’opposition

[53]  Comme l’Opposante a obtenu gain de cause relativement à deux motifs d’opposition, il n’est pas nécessaire que j’examine les autres motifs.

Décision

[54]  Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Date de l’audience : Aucune audience tenue

AGENT(S) AU DOSSIER

Hicks Intellectual Property Law

POUR L’OPPOSANTE

Aucun agent nommé

POUR LA REQUÉRANTE

 

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