Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2018 COMC 126

Date de la décision : 2018-10-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

The Kingsford Products Company, LLC

Opposante

et

 

Tokai of Canada Ltd.

Requérante

 

1,539,953 pour la marque de commerce KING

Demande

Introduction

[1]  The Kingsford Products Company, LLC (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce KING (la Marque), ayant fait l’objet d’une demande d’enregistrement portant le no 1,539,953 par Tokai of Canada Ltd (la Requérante).

[2]  La demande est fondée sur l’emploi au Canada depuis au moins aussi tôt que le 30 décembre 2010, en liaison des [Traduction] : « briquets pour barbecues et foyers ».

[3]  L’Opposante possède un certain nombre d’enregistrements de marque de commerce, dont : KINGSFORD (LMC344,604); KINGSFORD CHARCOAL BRIQUETS & DESSIN (LMC335,006); KINGSFORD (LMC195,651), KINGSFORD & DESSIN (LMC196,359); et KINGSFORD (LMC386,771) (collectivement, les Enregistrements KINGSFORD, dont les détails sont indiqués à l’annexe A). Les Enregistrements KINGSFORD de l’Opposante visent une gamme de produits pour le barbecue et/ou le charbon de bois ou s’y rapportant, y compris : du charbon de bois, des allume-barbecues, de la sauce barbecue et des barbecues (collectivement, les Enregistrements KINGSFORD).

[4]  Une question clé en l’espèce concerne la probabilité de confusion avec les Enregistrements KINGSFORD de l’Opposante. Pour les raisons exposées ci-dessous, j’estime qu’il y a lieu de repousser la demande.

Le dossier

[5]  La demande relative à la Marque a été produite le 9 août 2011 et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 24 avril 2013.

[6]   Le 24 septembre 2013, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Les motifs d’opposition sont invoqués par l’Opposante sur le fondement des articles 12(1)d), 16(1)a), 16(1)c) et 2 de la Loi, lesquels portent tous sur la question de la probabilité de confusion entre la Marque visée par la demande et les marques de commerce et/ou le nom commercial Kingsford de l’Opposante. L’Opposante a également invoqué des motifs d’opposition fondés sur les articles 30i) et 30b) de la Loi.

[7]  La Requérante a produit une contre-déclaration le 6 décembre 2013.

[8]  À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit d’Elenita Anastacio. À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de M. John William Tucker. M. Tucker a été contre-interrogé au sujet de son affidavit et la transcription de son contre-interrogatoire a été versée au dossier.

[9]  Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux représentées à l’audience qui a été tenue. L’audience dans cette affaire a été tenue conjointement avec celle relative à la procédure d’opposition concurrente concernant la demande no 1,684,990 pour l’enregistrement de la marque de commerce KING, pour laquelle une décision sera rendue séparément.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[10]  C’est au requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’opposant a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298].

[11]  Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition invoqués sont les suivantes :

·  Articles 38(2)a)/30 – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p 475];

·  Articles 38(2)b)/12(1)d) – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

·  Articles 38(2)c)/16(1) – la date de premier emploi alléguée dans la demande [article 16(1) de la Loi]; et

·  Articles 38(2)d)/2 – la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 2004 CF 1185 (CanLII), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Remarques préliminaires

Bon nom de l’Opposante

[12]  La déclaration d’opposition indique que l’Opposante est « The Kingsford Product Company LLC ». Cependant, l’Opposante se présente de façon subséquente comme « The Kingsford Products Company, LLC »; les enregistrements de l’Opposante sont également au même nom.

[13]  Cette erreur typographique a été soulignée dans une procédure d’opposition antérieure entre les deux parties au terme de laquelle les parties ont convenu que la décision devait être établie au bon nom de l’Opposante [The Kingsford Products Company, LLC c Tokai of Canada Ltd 2017 COMC 83 (CanLII), au para 13].

[14]  À l’audience de la présente espèce, il a été confirmé que The Kingsford Products Company, LLC est le bon nom de l’Opposante, et que les parties s’entendaient pour que la décision soit établie au bon nom de l’Opposante.

Décision rendue dans une procédure d’opposition antérieure concernant la demande d’enregistrement no 1,655,739 pour la marque de commerce KING

[15]  Comme je l’ai souligné précédemment, les parties ont été engagées dans une procédure d’opposition antérieure concernant la marque de commerce identique KING visée par la demande no 1,655,739 produite en liaison avec les produits [Traduction] « butane » [The Kingsford Products Company, LLC c Tokai of Canada Ltd, supra]. Dans cette affaire, l’Opposante a obtenu gain de cause en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi parce qu’il existait une probabilité raisonnable de confusion entre la marque de commerce KING visée par la demande et les marques de commerce KINGSFORD de l’Opposante, de sorte que le registraire a repoussé la demande. En appel devant la Cour fédérale, le juge Manson a maintenu la décision du registraire [Tokai of Canada Ltd c The Kingsford Products Company, LLC 2018 CF 951].

[16]  À l’audience, les parties ont toutes deux mentionné cette procédure d’opposition antérieure. Reconnaissant que les faits de la présente procédure sont différents, je mentionnerai tout de même la décision antérieure du registraire lorsque cela sera nécessaire.

Procédure prévue à l’article 45 engagée à l’encontre des différents enregistrements KINGSFORD de l’Opposante

[17]  Le 31 mai 2018, une décision a été rendue dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 en ce qui concerne les enregistrements de l’Opposante pour les marques de commerce KINGSFORD (LMC195,651) et KINGSFORD & DESSIN (LMC196,359), qui sont tous deux mentionnés dans la déclaration d’opposition de l’Opposante. L’état déclaratif des produits de chacun de ces enregistrements a été modifié pour indiquer [Traduction] « briquets pour barbecues et foyers » [Tokai of Canada Ltd c The Kingsford Products Company, LLC 2018 COMC 52].

Admissibilité de la preuve présentée dans le cadre du contre-interrogatoire de M. Tucker

[18]  Dans son affidavit, M. Tucker fournit les chiffres de vente annuels approximatifs des Produits vendus en liaison avec la marque de commerce KING au Canada depuis son lancement le 30 décembre 2010 jusqu’en 2014 (affidavit Tucker, para 5). En contre-interrogatoire, M. Tucker a confirmé que ces chiffres de vente lui avaient été fournis par Calvin Kwok, le vice-président des finances de la Requérante (contre-interrogatoire, Q64 à 69). Pendant le réexamen, l’agent de la Requérante a demandé si M. Tucker avait une mise à jour relative aux ventes de 2015, et a demandé à quel (montant) s’élevait ces ventes (réexamen, Q135 et 136). Il a ensuite demandé confirmation du fait que la Requérante avait vendu ses Produits au Canada au cours d’une période totale de six ans (réexamen, Q138).

[19]  L’Opposante soutient que les chiffres de vente mis à jour de la Requérante (pour l’année 2015) relativement aux briquets de marque KING au Canada et la période pendant laquelle des ventes ont été faites relativement aux briquets de la Requérante au Canada ne sont pas des points qui ont été soulevés par l’Opposante en contre-interrogatoire. L’Opposante soutient que la preuve fournie par M. Tucker à cet égard ne visait pas à préciser les réponses données en contre-interrogatoire, et que ce réexamen de la preuve est donc inapproprié puisqu’il s’agit de nouveaux éléments de preuve ou d’une preuve portant sur de nouveaux éléments qui n’ont pas été abordés pendant le contre-interrogatoire.

[20]  Je conviens que les chiffres de vente de 2015 présentés pendant le réexamen ne visaient pas à préciser des réponses données en contre-interrogatoire puisqu’aucune question n’a été posée par l’Opposante en ce qui concerne les chiffres de vente. Ainsi, je n’accorderai aucun poids aux chiffres de vente de 2015 et à la mise à jour correspondante relative à la période pendant laquelle des ventes ont été faites au Canada. J’ajouterais que même si j’avais tort en tirant une telle conclusion, le résultat global en l’espèce serait le même puisque, comme je l’expliquerai ci-après, je suis convaincue que la mesure dans laquelle les marques des parties sont devenues connues et la période pendant laquelle elles ont été en usage favorisent légèrement la Requérante.

Analyse des motifs d’opposition

Motifs d’opposition rejetés sommairement

Articles 16(1)a), 16(1)c) et 2

[21]  Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard des motifs fondés sur les articles 16(1)a) et 16(1)c) de la Loi, un opposant doit démontrer que, à la date alléguée de premier emploi de la Marque du requérant au Canada, sa marque de commerce ou son nom commercial avait déjà été employé ou révélé au Canada et qu’il n’avait pas été abandonné à la date d’annonce de la demande du requérant [article 16(5) de la Loi]. En l’espèce, la preuve produite par l’Opposante est constituée d’imprimés sur lesquels figurent les détails de ses enregistrements tirés de la Base de données de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (affidavit Anastacio, para 2 et 3; pièce A). Cette preuve ne suffit pas à établir l’emploi de l’une ou l’autre des marques de commerce déposées de l’Opposante ou de son nom commercial et de sa dénomination sociale Kingsford. L’Opposante ne s’est donc pas acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de ces motifs.

[22]  En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 2, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau initial d’établir qu’à la date de production de sa déclaration d’opposition, ses marques de commerce KINGSFORD étaient connues dans une mesure suffisante pour faire perdre à la Marque visée par la demande son caractère distinctif [Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 2006 CF 657 (CanLII), 48 CPR (4th) 427 (CF)]. Pour ce faire, l’Opposante doit établir que ses marques de commerce sont soit connues dans une certaine mesure au Canada, soit bien connues dans une région précise du Canada [Bojangles, supra, aux para 33 et 34]. En l’espèce, l’Opposante n’a produit aucune preuve établissant la mesure dans laquelle ses marques de commerce KINGSFORD sont devenues connues au Canada.

[23]  Étant donné que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, ces motifs d’opposition sont rejetés sommairement.

Article 30i)

[24]  Le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) de la Loi est reproduit ci-dessous [Traduction] :

À la date de la demande, la Requérante était au fait de l’existence des enregistrements KINGSFORD bien connus, ainsi que du nom commercial et de la dénomination sociale Kingsford bien connus. De plus, une recherche effectuée dans le registre canadien des marques de commerce aurait permis de repérer les marques invoquées par l’Opposante. Par conséquent, la Requérante ne pouvait avoir été convaincue au titre de l’article 30i) de la Loi d’avoir droit d’employer ladite marque. La Requérante connaissait ou aurait dû connaître l’emploi, l’enregistrement et la réputation de l’Opposante avant la date de production de sa demande et la date de premier emploi alléguée et a délibérément employé la partie KING de la marque KINGSFORD de l’Opposante pour compromettre l’achalandage et la réputation des Enregistrements et de la marque KINGSFORD de l’Opposante. De surcroît, en contravention à l’article 22 de la Loi, l’emploi par la Requérante de la marque KING au Canada a diminué la valeur des Enregistrements KINGSFORD de l’Opposante ainsi que du nom commercial et de la dénomination sociale Kingsford bien connus.

[25]  Dans la mesure où un requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30i), ce motif d’opposition ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [Sapodilla Co c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p 155]. Le simple fait de connaître l’existence de la marque de commerce d’un opposant ne peut pas, en soi, servir de fondement à une allégation selon laquelle un requérant ne pouvait pas être convaincu de son droit à l’emploi de la Marque [Woot Inc c Woot Restaurants Inc/Les Restaurants Woot Inc 2012 COMC 197 (CanLII)]. La demande relative à la Marque comprend la déclaration exigée et rien dans la preuve n’indique qu’il s’agit d’un cas exceptionnel.

[26]  De plus, l’Opposante n’a pas produit la moindre preuve d’une diminution de la valeur de l’achalandage attachée à l’une des marques qui font l’objet des enregistrements de l’Opposante, ainsi qu’il est exigé pour démontrer qu’il y a violation de l’article 22 de la Loi [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 (CanLII), au para 46].

[27]  En conséquence, ce motif d’opposition est également rejeté sommairement.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[28]  L’Opposante a soutenu que la Marque n’est pas enregistrable au titre de l’article 12(1)d) compte tenu des enregistrements KINGSFORD de l’Opposante, dont les détails sont fournis à l’annexe A. Dans le cadre de sa preuve, l’Opposante fournit, par l’intermédiaire de l’affidavit d’Elenita Anastacio, les détails complets de ces marques de commerce qui ont été téléchargés par Mme Anastacio à partir de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes (affidavit Anastacio, para 2 et 3; pièce A).

[29]  Ayant exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire de consulter le registre [Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986)11 CPR (3d) 410 (COMC)], je confirme que ces enregistrements, y compris les enregistrements nos LMC195,651 et LMC196,359 modifiés récemment, sont en règle. L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif d’opposition.

[30]  L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau initial, je dois maintenant déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec les Enregistrements KINGSFORD de l’Opposante.

[31]  Aux fins de l’évaluation de ce motif d’opposition, j’axerai mon examen sur les enregistrements de l’Opposante relatifs à la marque verbale KINGSFORD (LMC195,651; LMC344,604; LMC386,771) puisque j’estime que ces enregistrements représentent l’argument le plus solide de l’Opposante. S’il s’avère qu’il n’existe pas de probabilité de confusion entre la Marque et ces enregistrements, la confusion ne serait pas plus probable entre la Marque et les autres enregistrements de l’Opposante.

Test en matière de confusion

[32]  Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[33]  Ainsi, la question de la confusion ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais la confusion portant à croire que des produits et services provenant d’une source proviennent d’une autre source. En l’espèce, la question que soulève l’article 6(2) de la Loi est celle de savoir si les acheteurs des Produits vendus en liaison avec la marque de commerce KING croiraient que ces articles ont été fabriqués ou autorisés par l’Opposante, ou qu’ils font l’objet d’une licence concédée par cette dernière.

[34]  Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 2006 CSC 22 (CanLII), 49 CPR (4th) 321 (CSC); et Masterpiece c Alavida Lifestyles Inc (2011), 2011 CSC 27 (CanLII), 92 CPR (4th) 361 (CSC)].

Caractère distinctif inhérent

[35]  La Marque est constituée du mot du dictionnaire « king » [roi], qui est défini comme [Traduction] « [l]e souverain d’un État indépendant, plus précisément un homme occupant ce poste par droit de sang » (Canadian Oxford Dictionary, 2e éd) [voir Tradall SA c Devil’s Martini Inc, 2011 COMC 65 (CanLII) au para 29 qui indique que le registraire peut admettre d’office les définitions du dictionnaire].

[36]  Étant donné qu’il n’existe pas de lien clair entre les Produits [Traduction] « briquets pour barbecues et foyers » de la Requérante et le mot « king » [roi], j’estime que la Marque possède un caractère distinctif inhérent assez élevé.

[37]  La marque de commerce KINGSFORD de l’Opposante n’est pas un mot du dictionnaire, mais elle est constituée des mots « king(s) » [roi(s)] (défini ci-dessus) et « ford » [gué], qui est défini comme [Traduction] « [un] endroit peu profond d’une rivière ou d’un ruisseau permettant à quelqu’un de traverser à pied ou avec un véhicule » (Canadian Oxford Dictionary, 2e éd). Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante soutient qu’il n’y a aucune preuve au dossier qui suggère que les Marques KINGSFORD, et plus précisément les mots « king » [roi] ou « kingsford », permettent de décrire les produits de l’Opposante. Je suis d’accord avec cette observation et j’estime que la marque de commerce KINGSFORD possède également un caractère distinctif inhérent assez élevé.

[38]  Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que KINGSFORD est le nom de famille du fondateur de l’entreprise de l’Opposante, E.G. Kingsford, et qu’à ce titre, elle ne possède pas un caractère distinctif inhérent élevé. Cependant, comme je ne dispose d’aucune preuve à cet égard, je n’ai accordé aucun poids à cette déclaration.

[39]  Dans l’ensemble, j’estime que ce facteur ne favorise ni l’une ni l’autre des parties.

Période pendant laquelle les marques ont été en usage et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[40]  Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l’emploi.

[41]  L’Opposante n’a produit aucune preuve d’emploi de l’une ou l’autre de ses marques de commerce KINGSFORD.

[42]  Bien que l’enregistrement no LMC195,651 de l’Opposante soit fondé sur l’emploi depuis au moins aussi tôt que le 1er juin 1953, sans preuve d’emploi réel, j’aurais tendance à n’accorder aucun poids à cette allégation d’emploi étant donné qu’aucune copie certifiée de cet enregistrement n’a été produite comme preuve [Tokai of Canada Ltd c The Kingsford Products Company, LLC 2018 CF 951 au para 37]. Je souligne que les enregistrements nos LMC344,604 et LMC386,771 de l’Opposante sont uniquement fondés sur l’emploi et l’enregistrement aux États-Unis.

[43]  La Requérante a produit une preuve d’emploi de la Marque par voie de l’affidavit de John William Tucker, administrateur de la Requérante. Les parties pertinentes de l’affidavit Tucker sont résumées ci-dessous :

  • La Requérante est une filiale en propriété exclusive de Scripto-Tokai, LLC, d’Ontario, en Californie, un important fabricant mondial de briquets, qui exerce ses activités au Japon, aux États-Unis, au Canada, en Chine, à Hong Kong, en Allemagne, au Mexique, en Indonésie et en Australie (para 2).

 

  • La Requérante fabrique et vend ses produits en gros à des détaillants au Canada. Plus précisément, la Requérante distribue ses produits à Wal-Mart Canada Corp, qui exploite la chaîne de grands magasins WALMART dans toutes les provinces du Canada (para 3).

 

  • La Requérante a employé la marque de commerce KING au Canada en liaison avec les Produits depuis au moins aussi tôt que le 30 décembre 2010. La marque de commerce stylisée KING figure bien en vue sur les deux côtés de l’emballage des briquets KING, et est gravée sur le corps plastique du briquet même, environ au centre du corps, au-dessus de la gâchette (para 4, pièce A).

 

  • Depuis le lancement de la marque le 30 décembre 2010 et jusqu’en 2014, le total des ventes en gros des briquets KING au Canada a dépassé les 460 450 $ CA (para 5). Des factures représentatives faisant état de ventes des briquets KING de la Requérante au Canada entre le 30 décembre 2010 et le 12 février 2015 sont jointes comme pièce B. Je souligne que toutes les factures sont émises par « Tokai of Canada » avec une adresse à Ontario, en Californie, aux États-Unis d’Amérique, et sont émises à l’intention d’un seul client « WMT01 » - Wal-Mart Canada.

[44]   Les faits et les aveux pertinents qui ont fait surface lors du contre-interrogatoire de M. Tucker comprennent ce qui suit :

·  L’adresse américaine de Tokai of Canada présente sur les factures produites en pièce B est l’adresse du siège social de la société mère Tokai, qui s’occupe de la facturation pour le compte de Tokai Canada en dehors des États-Unis (contre-interrogatoire Tucker, Q51).

·  Wal-Mart est le seul client de la Requérante au Canada (réexamen Tucker, page 45, ligne 1). La Requérante ignore à quel endroit les briquets KING sont vendus dans les magasins Wal-Mart (réexamen, page 45, lignes 15 à 23).

·  Tokai ne fait pas de publicité directement au Canada, et la Requérante ignore si Wal-Mart a fait de la publicité visant des briquets utilitaires au Canada. Les briquets de marque KING sont plutôt des [Traduction] « articles dont l’achat est très impulsif » (réexamen, page 45, lignes 1 à 12).

[45]   À l’audience, l’Opposante a fait valoir que même si les Produits de la Requérante avaient été facturés par la Requérante à Wal-Mart Canada (affidavit Tucker, pièce B), on peut se demander si des Produits ont, dans les faits, été expédiés. À l’appui de cette observation, l’Opposante fait observer que sur les formulaires de commande produits comme pièce B, bien qu’il y ait un chiffre (vraisemblablement le nombre d’unités commandées) sous la catégorie « REQ » [commandé], le chiffre correspondant dans la colonne adjacente « SHIP » [expédié] est zéro. Je souligne que cette différence alléguée n’a pas été relevée pendant le contre-interrogatoire de M. Tucker.

[46]  Dans l’ensemble, selon un examen impartial de l’affidavit Tucker et de la transcription du contre-interrogatoire correspondant, je conclus que la Marque est devenue connue dans une certaine mesure au Canada, mais de manière peu significative compte tenu du nombre d’années d’emploi et de l’absence de publicité et de promotion de la Marque. En revanche, l’Opposante n’a produit aucune preuve d’emploi de l’une ou l’autre de ses marques de commerce KINGSFORD. J’estime, par conséquent, que ce facteur favorise légèrement la Requérante.

[47]  Je souligne que même si je présumais d’un emploi de minimis des marques de commerce KINGSFORD de l’Opposante, j’estimerais tout de même que ce facteur favorise légèrement la Requérante.

Le genre de produits et la nature du commerce

[48]  Mon appréciation de ce facteur repose sur la comparaison de l’état déclaratif des produits de la Requérante, tel qu’il figure dans la demande, avec les produits visés par les enregistrements de l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktein c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr. Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); Miss Universe Inc c Bohna (1994), 1994 CanLII 3534 (CAF), 58 CPR (3d) 381 (CAF)]. Cet examen des états déclaratifs doit cependant être effectué dans l’optique de déterminer le type probable d’entreprise ou de commerce envisagé par les parties et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober. La preuve de la nature véritable des commerces exercés par les parties est utile à cet égard [McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 1996 CanLII 3963 (CAF), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); et American Optional Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[49]  Les enregistrements de l’Opposante relatifs à la marque verbale KINGSFORD visent une gamme de produits visant le barbecue et/ou le charbon de bois ou s’y rapportant, y compris : du charbon de bois, des allume-barbecues (LMC195,651), de la sauce barbecue (LMC344,604) et des barbecues (LMC386,771).

[50]  La demande de la Requérante est inscrite pour emploi en liaison avec les produits [Traduction] « briquets pour barbecues et foyers ». Je souligne que le devant de l’emballage des Produits de la Requérante présenté dans l’affidavit Tucker (pièce A) indique précisément que le produit est un briquet utilitaire et illustre le produit utilisé pour allumer du charbon de bois dans un barbecue. L’arrière de l’emballage indique que le produit est idéal pour allumer, entre autres, [Traduction] « des barbecues, du charbon de bois ou des grils au gaz » et « des foyers ».

[51]  En ce qui concerne les voies de commercialisation des parties, la preuve de la Requérante démontre que la Requérante vend les Produits uniquement aux magasins Wal-Mart (réexamen Tucker, page 45, ligne 18). La Requérante ignore dans quels rayons précis ou à quel endroit dans les magasins Wal-Mart les Produits sont vendus, mais indique que ce sont des [Traduction] « articles dont l’achat est très impulsif » (réexamen Tucker, page 45, lignes 1 à 12). L’Opposante n’a produit aucune preuve établissant les voies de commercialisation de ses produits (y compris le charbon de bois et les allume-barbecues) qui sont vendus sous la marque KINGSFORD de l’Opposante.

[52]  Dans ses observations écrites, l’Opposante soutient qu’il n’y a aucune preuve au dossier qui suggère que les Produits de la Requérante n’emprunteraient pas les mêmes voies de commercialisation et ne viseraient pas la même clientèle que les produits de l’Opposante. Ni la demande ni les enregistrements de l’Opposante relatifs aux marques KINGSFORD ne comprennent de restriction quant aux voies de commercialisation et il est raisonnable de conclure qu’il est fort probable que les voies de commercialisation se recoupent directement. Compte tenu de la relation étroite entre le genre des produits des parties et en l’absence de preuve contraire, j’estime qu’il est raisonnable de conclure que les produits des parties emprunteraient les mêmes voies de commercialisation [Atlantic Promotions Inc c Warimex Waren-Import Export Handels GmbH 2016 COMC 179 (COMC) aux para 44 à 46].

[53]  Par conséquent, ces facteurs favorisent l’Opposante.

Degré de ressemblance

[54]  Bien que le degré de ressemblance soit mentionné en dernier lieu à l’article 6(5) de la Loi, il s’agit souvent du facteur prévu par la Loi susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion [Masterpiece, supra, au para 49].

[55]  Lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble. Le test qu’il convient d’appliquer est celui de la première impression produite dans l’esprit d’un consommateur ayant un souvenir imparfait de la marque de commerce d’un opposant; il ne consiste pas à placer les marques côte à côte dans le but de les comparer [Veuve Cliquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée (2006), 2006 CSC 23 (CanLII), 49 CPR (4th) 401, au para 20].

[56]  Dans Masterpiece, la Cour suprême du Canada a fait observer que, même si le premier mot d’une marque de commerce peut, dans certains cas, pour établir le caractère distinctif, être l’élément le plus important [Conde Nast Publications Inc. c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)], il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique [Masterpiece, supra, au para 64].

[57]  La Requérante soutient que la Marque KING de la Requérante ne ressemble pas à KINGSFORD dans la présentation, la prononciation ou les idées suggérées. Dans son plaidoyer écrit, en ce qui concerne la présentation, la Requérante fait observer que KING [roi] est un mot court comptant quatre lettres, alors que KINGSFORD est deux fois plus long et compte neuf lettres. La Requérante soutient également que la deuxième partie de la marque de commerce de l’Opposante (« SFORD ») prend le dessus sur la présentation générale, établissant une distinction entre KINGSFORD et KING [roi] considérant qu’aucune des cinq lettres formant « SFORD » ne se retrouve dans les quatre lettres composant « KING » [roi].

[58]  Pour ce qui est de la prononciation, la Requérante soutient que KING [roi] est un mot d’une seule syllabe, alors qu’en revanche KINGSFORD compte deux syllabes, avec un « s » distinctif servant de liaison phonétique entre les deux. De surcroît, dans KINGSFORD, [Traduction] « la deuxième syllabe FORD [gué] comporte une voyelle forte O qui donne quasiment autant de poids phonétiquement que la première syllabe, KING [roi], transformant entièrement la sonorité générale de la marque ».

[59]  En ce qui concerne le sens, la Requérante soutient que KING [roi] ne suggère pas les mêmes idées que KINGSFORD du fait que le mot KING [roi] donne immédiatement au client ordinaire l’image d’un souverain ou d’un monarque conformément au sens courant du mot, donnant donc une impression de royauté. La Requérante soutient que KINGSFORD, pour sa part, ne possède pas un sens courant du dictionnaire, et ne donne pas plus l’impression de royauté d’un souverain ou d’un monarque. En bref, la Requérante conclut que bien que les deux marques aient en commun le mot KING [roi], cela n’indique pas que la marque KING ressemble, se prononce comme ou a le même sens que la marque KINGSFORD lorsqu’elles sont considérées dans leur ensemble.

[60]  À l’audience, l’Opposante a mentionné l’analyse du degré de ressemblance effectuée par la membre Reynolds dans une procédure d’opposition antérieure entre les parties concernant la demande no 1,655,739, et plus précisément sa conclusion portant qu’il existe un degré de ressemblance assez élevé entre les marques des parties. Les paragraphes 32 et 33 de la décision (The Kingsford Products Company, LLC c Tokai of Canada Ltd., 2017 COMC 83) sont reproduits ci-dessous [Traduction] :

 [32] La Marque est simplement constituée du mot KING [roi], qui est un mot du dictionnaire d’usage courant. De façon similaire, la marque de commerce KINGSFORD de l’Opposante est aussi formée d’une combinaison de mots du dictionnaire d’usage courant. Comme je l’ai indiqué précédemment, il n’y a aucune preuve que la marque de l’une ou l’autre des parties a une signification ou un sens quelconque en lien avec les produits des parties. Il n’y a aucun fondement probatoire non plus me permettant de conclure que la partie FORD de la marque de commerce de l’Opposante possède un caractère distinctif inhérent plus marqué que la première partie de sa marque, à savoir KINGS. Ainsi, je ne suis pas d’accord avec la prétention de la Requérante portant que FORD altérerait KINGS dans la marque de commerce de l’Opposante de manière à réduire son caractère distinctif dans une mesure significative.

 

[33] Étant donné que la totalité de la Marque est intégrée à la marque de commerce de l’Opposante et qu’elle figure dans la première partie dominante des marques de deux parties, il existe certaines ressemblances visuelles et phonétiques entre les marques de commerce des parties. Dans la mesure où l’élément KING dans la Marque et dans la marque de commerce de l’Opposante pourrait être perçu de manière similaire, on peut également dire que les marques présentent certaines similitudes en ce qui concerne la connotation. Compte tenu de ce qui précède, j’estime qu’il existe un degré de ressemblance assez élevé entre les marques des parties.

[61]  En l’espèce, je suis également d’avis qu’étant donné que la marque de commerce de l’Opposante englobe entièrement la Marque et que celle-ci figure en première position dominante des marques de commerce des parties, il existe des ressemblances entre les marques des parties sur les plans de la présentation, de la prononciation et des idées suggérées, ce qui entraîne un degré assez élevé de ressemblance entre les marques de commerce des parties.

Autre circonstance de l’espèce – marques de tiers

[62]  La Requérante soutient que la présence d’autres marques KING sur le marché est un facteur à prendre en considération. Dans son plaidoyer écrit, la Requérante évoque un certain nombre de marques de commerce KING de tiers, dont certaines ont été mentionnées dans la correspondance liée à la poursuite relative à la demande en cause. La Requérante soutient que bien que ces enregistrements de tiers et la correspondance citée ne fassent pas partie du dossier relatif à cette opposition, [Traduction] « l’OPIC a utilisé son pouvoir discrétionnaire pour prendre connaissance d’office de ses propres dossiers ».

[63]  Bien qu’il ait été établi que le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre, puisqu’il y va de l’intérêt public de s’assurer de l’intégrité du registre [American College of Chest Physicians c Medical Education Network (Canada) Inc (non publiée) [2006] COMC no 170 (23 octobre 2006)], le registraire n’exerce pas son pouvoir discrétionnaire pour prendre connaissance du contenu de son propre registre, sauf pour vérifier que les enregistrements et les demandes de marque de commerce invoqués existent [Quaker Oats Co of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canda Ltee c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC); Sandoz Nutrition Ltd c Sirois (2002), 27 CPR (4th) 570 (COMC)].

[64]  Il a également été établi que si une partie désire invoquer des renseignements qui font partie de l’historique de la demande, ce dossier doit être déposé comme preuve [Generation Nouveau Monde Inc c Teddy SPA (2006), 51 CPR (4th) 385 (COMC)].

[65]  Compte tenu de ce qui précède, j’estime qu’il n’est pas approprié que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour prendre connaissance du dossier comme le demande la Requérante. Par conséquent, puisqu’aucune preuve de marques KING de tiers n’a été versée au dossier, j’estime qu’il ne s’agit pas d’une circonstance de l’espèce pertinente.

Autre circonstance de l’espèce – absence de confusion réelle

[66]  Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient qu’en l’absence de confusion réelle malgré une longue période de coexistence, il convient de présumer qu’il n’existe pas de probabilité de confusion. À cet égard, la Requérante soutient que les Produits de la Requérante et les produits de barbecue KINGSFORD de l’Opposante ont coexisté sur le marché sans qu’aucun cas de confusion ne soit rapporté – tel qu’il est indiqué dans l’affidavit Tucker, M. Tucker n’est [Traduction] « pas au courant de cas où un client achetant des briquets KING de [son] entreprise croirait qu’il s’agit d’un produit de marque KINGSFORD, ou que les produits étaient liés d’une façon ou d’une autre » (affidavit Tucker, para 7). Cependant, comme l’a fait observer le juge Manson dans Tokai of Canada Ltd c The Kingsford Products Company, LLC, supra, la Requérante [Traduction] « n’a pas expliqué pourquoi un dirigeant devrait être au courant des plaintes de clients portant sur une confusion entre les produits, et M. Tucker a déclaré en contre-interrogatoire qu’il n’existait pas de processus particulier permettant de lui signaler de telles plaintes » [au para 22].

[67]   De surcroît, comme l’Opposante n’a produit aucune preuve d’emploi de ses marques de commerce KINGSFORD au Canada, je ne peux déterminer si un emploi concomitant a été important, de sorte que j’estime que l’absence de confusion réelle entre la Marque et les marques de commerce KINGSFORD n’est pas un facteur important en l’espèce [Mattel, supra citant Christian Dior S.A. c. Dion Neckwear Ltd (2002), 2002 CAF 29 (CanLII), 20 C.P.R. (4th) 155, au para 89].

Conclusion

[68]  Le test à appliquer est celui de la première impression que la vue de la Marque employée en liaison avec les Produits produit dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé qui n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce KINGSFORD de l’Opposante et qui ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [Veuve Clicquot, supra, au para 20].

[69]  Compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce et, en particulier, du recoupement du genre des produits et de la nature du commerce, ainsi que du degré de ressemblance assez élevé entre les marques des parties, je ne suis pas convaincue que la Requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les enregistrements relatifs à la marque de commerce KINGSFORD l’Opposante.

[70]  En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30b)

[71]  Le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) de la Loi est reproduit ci-dessous :

En contravention de l’article 30b) de la Loi, la Requérante n’a pas employé sa marque de commerce depuis la date de premier emploi alléguée ou autrement au Canada ou ailleurs sur les marchandises énoncées dans la demande. À titre subsidiaire, s’il y a eu emploi de la marque KING, l’emploi était fait par un tiers et non pas en conformité avec l’article 50 de la Loi.

[72]  À l’audience, l’Opposante a confirmé que ce motif d’opposition n’était pas retiré, mais n’a présenté aucune autre observation, axant plutôt ses observations sur le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi.

[73]  En ce qui concerne le fardeau de preuve initial d’un opposant à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’article 30b) de la Loi, dans la mesure où le requérant est plus à même de connaître les faits pertinents, le fardeau de preuve initial qui incombe à l’opposant à l’égard de ce motif d’opposition est moins exigeant [Tune Master c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. En outre, l’opposant peut s’acquitter de ce fardeau de preuve en s’appuyant aussi bien sur sa propre preuve que sur la preuve du requérant [Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) (CF 1re inst) 216]. Cependant, l’opposant ne peut s’appuyer avec succès sur la preuve du requérant pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial que s’il démontre que la preuve du requérant met en doute les revendications formulées dans la demande du requérant [Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd 2014 CF 323, aux para 30 à 38 (CanLII)].

[74]   En l’espèce, l’Opposante a produit sa propre preuve et s’est aussi appuyée sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau de preuve. La preuve de l’Opposante comprend les résultats d’une recherche effectuée sur le Web le 17 mars 2014 pour repérer le terme KING [roi] en liaison avec la Requérante (affidavit Anastacio, para 4, pièce B), recherche qui n’a donné [Traduction] « aucune mention de KING comme marque de commerce en liaison avec les marchandises énoncées dans la demande en lien avec Tokai of Canada en date du 17 mars 2014 ». La preuve comprend également des imprimés datés du 17 mars 2014 tirés de pages du site Web de la Requérante au www.tokai.ca, sur lesquels il n’est aucunement fait mention d’un produit du nom de KING. (Affidavit Anastacio, para 6, pièce C).

[75]  Bien que l’Opposante n’ait présenté aucune observation relativement à ces imprimés, et malgré le fait que les imprimés portent une date à l’extérieur de la période pertinente, je présume que cette preuve implique une présomption n’ont étayée que l’emploi d’une marque de commerce par un requérant présume nécessairement la mention par le requérant de cette marque de commerce sur Internet. J’estime que ce n’est pas le cas en l’espèce et, par conséquent, que le fait de ne pas avoir repéré de mention des Produits de la Requérante arborant la Marque dans le cadre d’une recherche très limitée effectuée sur Internet ne permet pas à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve [Daimler AG c Kielland, 2016 COMC 33 au para 33; Blistex Inc c Smiths Medical ASD, Inc, 2012 COMC 184 au para 19].

[76]   En ce qui concerne l’autre motif d’opposition fondé sur l’article 30b) de la Loi, à savoir s’il y avait emploi de la marque KING, cet emploi était par un tiers et non pas en conformité avec l’article 50 de la Loi, l’Opposante soutient ce qui suit dans son plaidoyer écrit [Traduction] :

87. La preuve versée au dossier établit que la Requérante n’exerçait aucun contrôle sur l’emploi, l’annonce et la présentation de la Marque de commerce de la Requérante par un détaillant tiers au Canada. Tel qu’énoncé au paragraphe 22d) ci-dessus, la preuve présentée par M. Tucker en contre-interrogatoire porte que la Requérante ne fait ni l’annonce ni la promotion des Produits de la Requérante au Canada, mais s’en remet plutôt au détaillant (c.-à-d. Wal-Mart Canada). Cependant, la Requérante ne cautionne ni la publicité ni la promotion que fait Wal-Mart Canada, ignore de quelle façon Wal-Mart Canada annonce ou présente la Marque de commerce ou fait la promotion des Produits de la Requérante vendus sous la Marque de commerce, et ne contrôle pas, voire ne connaît pas, la façon dont les Produits de la Requérante sont vendus, offerts en vente ou annoncés et commercialisés à l’intérieur des magasins de détail Wal-Mart.

88. Rien au dossier n’indique que la Requérante exerce le contrôle requis sur l’emploi, l’annonce ou la présentation de la Marque de commerce par Wal-Mart au Canada, c.-à-d. aucune attestation claire que la Requérante exerce le contrôle requis sur Wal-Mart, aucune preuve établissant que la Requérante exerce le contrôle requis et aucune preuve d’entente établissant que la Requérante exerce le contrôle requis sur Wal-Mart.

89. Comme la Requérante n’exerçait pas le contrôle requis sur l’emploi, l’annonce et la présentation de la Marque de commerce de la Requérante par des détaillants tiers au Canada, l’emploi de la Marque de commerce au Canada était fait par un tiers et non pas en conformité avec l’article 50 de la Loi. Par conséquent, la demande n’est pas conforme à l’article 30b) de la Loi et devrait être repoussée.

[77]  J’estime qu’il n’existe aucune preuve qui pourrait raisonnablement étayer ce motif d’opposition précis étant donné que la preuve établit clairement que Wal-Mart est simplement un détaillant vendant les Produits de la Requérante au public. À cet égard, je souligne qu’il est bien établi que la pratique normale du commerce d’un propriétaire de marque de commerce implique souvent des grossistes et des détaillants ou l’un d’eux à titre d’intermédiaire, et que si l’une ou l’autre des parties de la chaîne de distribution se trouve au Canada, comme c’est le cas en l’espèce, cela suffit généralement à établir un emploi s’appliquant en faveur de la propriétaire [Manhattan Industries Inc. c Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6 à 16 et 17 (CF 1re inst)].

[78]  En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) est rejeté.

Décision

[79]  Conformément aux pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

Jennifer Galeano

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.


Annexe A

No d’enregistrement

Marque de commerce

Produits
[Traduction]

Revendication d’emploi

LMC344, 604

KINGSFORD

Sauce barbecue

Employée aux ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE.

Enregistrée dans ou pour les ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE le 6 janvier 1987 sous le no 1,424,150.

LMC335,006

 

 

 

Briquettes de charbon

Employée aux ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE.

Enregistrée aux ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE le 19 mars 1985 sous le

no 1 325 370.

LMC195,651

KINGSFORD

Charbon de bois et allume-barbecues

Employée au CANADA au moins aussi tôt que le 1er juin 1953.

LMC196,359

Charbon de bois et allume-barbecues

Employée au CANADA au moins aussi tôt que le 1er juin 1953.

LMC386,771

KINGSFORD

Barbecues

Employée aux ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE.

Enregistrée dans ou pour les ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE le 11 avril 1989 sous le no 1,534,164.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2018-06-27

COMPARUTIONS

Kenneth McKay

POUR L’OPPOSANTE

Antonio Turco

POUR LA REQUÉRANTE

AGENT(S) AU DOSSIER

Marks & Clerk

POUR L’OPPOSANTE

Blake, Cassels & Graydon LLP

POUR LA REQUÉRANTE

 

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