Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2018 COMC 127

Date de la décision : 2018-10-31
[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

The Kingsford Products Company, LLC

Opposante

et

 

Tokai of Canada Ltd.

Requérante

 

1,684,990 pour la marque de commerce KING

Demande

Introduction

[1]  The Kingsford Products Company, LLC (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce KING (la Marque), ayant fait l’objet d’une demande d’enregistrement portant le no 1,684,990 par Tokai of Canada Ltd (la Requérante).

[2]  La demande est fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec des [Traduction] « allume-cigarettes » (les Produits).

[3]  L’Opposante possède un certain nombre d’enregistrements de marque de commerce, dont : KINGSFORD (LMC344,604); KINGSFORD CHARCOAL BRIQUETS & DESSIN (LMC335,006); KINGSFORD (LMC195,651), KINGSFORD & DESSIN (LMC196,359); et KINGSFORD (LMC386,771) (collectivement, les Enregistrements KINGSFORD, dont les détails sont indiqués à l’annexe A). Les Enregistrements KINGSFORD de l’Opposante visent une gamme de produits visant le barbecue et/ou le charbon de bois ou s’y rapportant, y compris : du charbon de bois, des allume-barbecues, de la sauce barbecue et des barbecues.

[4]  Une question clé en l’espèce concerne la probabilité de confusion avec les marques de commerce KINGSFORD visées par les enregistrements de l’Opposante. Pour les raisons exposées ci-ci-dessous, j’estime qu’il y a lieu de repousser la demande.

Le dossier

[5]  La demande relative à la Marque a été produite le 7 juillet 2014 et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 4 mars 2015.

[6]   Le 3 février 2016, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Les motifs d’opposition sont invoqués par l’Opposante sur le fondement des articles 12(1)d), 16(3)a), 16(3)c) et 2 de la Loi, lesquels portent tous sur la question de la probabilité de confusion entre la Marque visée par la demande et les marques de commerce et/ou le nom commercial Kingsford de l’Opposante. L’Opposante a également invoqué un motif d’opposition fondé sur l’article 30i) de la Loi. 

[7]  La Requérante a produit une contre-déclaration le 20 mai 2016.

[8]  À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit d’Elenita Anastacio. La Requérante a choisi de ne pas produire de preuve à l’appui de sa demande.

[9]  Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux représentées à l’audience qui a été tenue. L’audience dans cette affaire a été tenue conjointement avec celle relative à la procédure d’opposition concurrente concernant la demande no 1,539,953 pour l’enregistrement de la marque de commerce KING, pour laquelle une décision sera rendue séparément. 

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[10]  C’est au requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’opposant a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298].

[11]  Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition invoqués sont les suivantes :

·  Articles 38(2)a)/30 – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p 475];

·  Articles 38(2)b)/12(1)d) – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

·  Articles 38(2)c)/16(3) – la date de production de la demande [article 16(3) de la Loi]; et

·  Articles 38(2)d)/2 – la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 2004 CF 1185 (CanLII), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Remarques préliminaires

Bon nom de l’Opposante

[12]  La déclaration d’opposition indique que l’Opposante est « The Kingsford Product Company LLC ». Cependant, l’Opposante se présente de façon subséquente comme « The Kingsford Products Company, LLC »; les enregistrements de l’Opposante sont également au même nom.

[13]  Cette erreur typographique a été soulignée dans une procédure d’opposition antérieure entre les deux parties au terme de laquelle les parties ont convenu que la décision devait être établie au bon nom de l’Opposante [The Kingsford Products Company, LLC c Tokai of Canada Ltd 2017 COMC 83 (CanLII), au para 13]. 

[14]  À l’audience de la présente espèce, il a été confirmé que The Kingsford Products Company, LLC est le bon nom de l’Opposante, et que les parties s’entendaient pour que la décision soit établie au bon nom de l’Opposante.

Décision rendue dans une procédure d’opposition antérieure concernant la demande d’enregistrement no 1,655,739 pour la marque de commerce KING

[15]  Comme je l’ai souligné précédemment, les parties ont été engagées dans une procédure d’opposition antérieure concernant la marque de commerce identique KING visée par la demande no 1,655,739 produite en liaison avec les produits [Traduction] « butane » [The Kingsford Products Company, LLC c Tokai of Canada Ltd, supra]. Dans cette affaire, l’Opposante a obtenu gain de cause en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi parce qu’il existait une probabilité raisonnable de confusion entre la marque de commerce KING visée par la demande et les marques de commerce KINGSFORD de l’Opposante, de sorte que le registraire a repoussé la demande. En appel devant la Cour fédérale, le juge Manson a maintenu la décision du registraire [Tokai of Canada Ltd c The Kingsford Products Company, LLC 2018 CF 951].

[16]  À l’audience, les parties ont toutes deux mentionné cette procédure d’opposition antérieure. Reconnaissant que les faits de la présente procédure sont différents, je mentionnerai tout de même la décision antérieure du registraire lorsque cela sera nécessaire.

Procédure prévue à l’article 45 engagée à l’encontre des différents enregistrements KINGSFORD de l’Opposante

[17]  Le 31 mai 2018, une décision a été rendue dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 en ce qui concerne les enregistrements de l’Opposante pour les marques de commerce KINGSFORD (LMC195,651) et KINGSFORD & DESSIN (LMC196,359), qui sont tous deux mentionnés dans la déclaration d’opposition de l’Opposante. L’état déclaratif des produits de chacun de ces enregistrements a été modifié pour indiquer [Traduction] « charbon de bois et allume-barbecues » [Tokai of Canada Ltd c The Kingsford Products Company, LLC 2018 COMC 52].

Analyse des motifs d’opposition

Motifs d’opposition rejetés sommairement

Articles 16(3)a), 16(3)c) et 2

[18]  Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard des motifs fondés sur les articles 16(3)a) et 16(3)c) de la Loi, un opposant doit démontrer que, à la date de production de la demande du Requérant pour la Marque au Canada, sa marque de commerce ou son nom commercial avait déjà été employé ou révélé au Canada et qu’il n’avait pas été abandonné à la date d’annonce de la demande du requérant [article 16(5) de la Loi].

En l’espèce, la preuve produite par l’Opposante est constituée d’imprimés sur lesquels figurent les détails de ses enregistrements tirés de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes (affidavit Anastacio, para 2 et 3; pièce A). Cette preuve ne suffit pas à établir l’emploi de l’une ou l’autre des marques de commerce déposées de l’Opposante ou de son nom commercial et de sa dénomination sociale Kingsford. L’Opposante ne s’est donc pas acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de ces motifs.

[19]  En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 2, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau initial d’établir qu’à la date de production de sa déclaration d’opposition, ses marques de commerce KINGSFORD étaient connues dans une mesure suffisante pour faire perdre à la Marque visée par la demande son caractère distinctif [Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 2006 CF 657 (CanLII), 48 CPR (4th) 427 (CF)]. Pour ce faire, l’Opposante doit établir que ses marques de commerce sont soit connues dans une certaine mesure au Canada, soit bien connues dans une région précise du Canada [Bojangles, supra, aux para 33 et 34]. En l’espèce, l’Opposante n’a produit aucune preuve établissant la mesure dans laquelle ses marques de commerce KINGSFORD sont devenues connues au Canada.

[20]  Étant donné que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, ces motifs d’opposition sont rejetés sommairement.

Article 30i)

[21]  Le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) de la Loi est reproduit ci-dessous [Traduction] :

À la date de la demande, la Requérante était au fait de l’existence des enregistrements KINGSFORD bien connus, ainsi que du nom commercial et de la dénomination sociale Kingsford bien connus. De plus, une recherche effectuée dans le registre canadien des marques de commerce aurait permis de repérer les marques invoquées par l’Opposante. Par conséquent, la Requérante ne pouvait avoir été convaincue au titre de l’article 30i) de la Loi d’avoir droit d’employer ladite marque. La Requérante connaissait ou aurait dû connaître l’emploi, l’enregistrement et la réputation de l’Opposante avant la date de production de sa demande et a délibérément employé la partie KING de la marque KINGSFORD de l’Opposante pour compromettre l’achalandage et la réputation des Enregistrements et de la marque KINGSFORD de l’Opposante.

[22]  Dans la mesure où un requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30i), ce motif d’opposition ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [Sapodilla Co c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p 155]. Le simple fait de connaître l’existence de la marque de commerce d’un opposant ne peut pas, en soi, servir de fondement à une allégation selon laquelle un requérant ne pouvait pas être convaincu de son droit à l’emploi de la Marque [Woot Inc c Woot Restaurants Inc/Les Restaurants Woot Inc 2012 COMC 197 (CanLII)]. La demande relative à la Marque comprend la déclaration exigée et rien dans la preuve n’indique qu’il s’agit d’un cas exceptionnel.

[23]  En conséquence, ce motif d’opposition est également rejeté sommairement.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[24]  L’Opposante a soutenu que la Marque n’est pas enregistrable au titre de l’article 12(1)d) compte tenu des enregistrements KINGSFORD de l’Opposante, dont les détails sont fournis à l’annexe A. Dans le cadre de sa preuve, l’Opposante fournit, par l’intermédiaire de l’affidavit d’Elenita Anastacio, les détails complets de ces marques de commerce qui ont été téléchargés par Mme Anastacio à partir de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes (affidavit Anastacio, para 2 et 3; pièce A).

[25]  Ayant exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire de consulter le registre [Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986)11 CPR (3d) 410 (COMC)], je confirme que ces enregistrements, y compris les enregistrements nos LMC195,651 et LMC196,359 modifiés récemment, sont en règle. L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif d’opposition.

[26]  L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau initial, je dois maintenant déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec les Enregistrements KINGSFORD de l’Opposante. 

[27]  Aux fins de l’évaluation de ce motif d’opposition, j’axerai mon examen sur les enregistrements de l’Opposante relatifs à la marque verbale KINGSFORD (LMC195,651; LMC344,604; LMC386,771) puisque j’estime que ces enregistrements représentent l’argument le plus solide de l’Opposante. S’il s’avère qu’il n’existe pas de probabilité de confusion entre la Marque et ces enregistrements, la confusion ne serait pas plus probable entre la Marque et les autres enregistrements de l’Opposante. 

Test en matière de confusion

[28]  Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[29]  Ainsi, la question de la confusion ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais la confusion portant à croire que des produits et services provenant d’une source proviennent d’une autre source. En l’espèce, la question que soulève l’article 6(2) de la Loi est celle de savoir si les acheteurs des Produits vendus en liaison avec la marque de commerce KING croiraient que ces articles ont été fabriqués ou autorisés par l’Opposante, ou qu’ils font l’objet d’une licence concédée par cette dernière.

[30]  Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc  (2006), 2006 CSC 22 (CanLII), 49 CPR (4th) 321 (CSC); et Masterpiece c Alavida Lifestyles Inc  (2011), 2011 CSC 27 (CanLII), 92 CPR (4th) 361 (CSC)]. 

Caractère distinctif inhérent

[31]  La Marque est constituée du mot du dictionnaire « king » [roi], qui est défini comme [Traduction] « [l]e souverain d’un État indépendant, plus précisément un homme occupant ce poste par droit de sang » (Canadian Oxford Dictionary, 2e éd) [voir Tradall SA c Devil’s Martini Inc, 2011 COMC 65 (CanLII) au para 29 qui indique que le registraire peut admettre d’office les définitions du dictionnaire].

[32]  Étant donné qu’il n’existe pas de lien clair entre les Produits [Traduction] « allume-cigarettes » de la Requérante et le mot « king » [roi], j’estime que la Marque possède un caractère distinctif inhérent assez élevé.

[33]  La marque de commerce KINGSFORD de l’Opposante n’est pas un mot du dictionnaire, mais elle est constituée des mots « king(s) » [roi(s)] (défini ci-dessus) et « ford » [gué], qui est défini comme [Traduction] « [un] endroit peu profond d’une rivière ou d’un ruisseau permettant à quelqu’un de traverser à pied ou avec un véhicule » (Canadian Oxford Dictionary, 2e éd). Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante soutient qu’il n’y a aucune preuve au dossier qui suggère que les Marques KINGSFORD, et plus précisément les mots « king » [roi] ou « kingsford », permettent de décrire les produits de l’Opposante. Je suis d’accord avec cette observation et j’estime que la marque de commerce KINGSFORD possède également un caractère distinctif inhérent assez élevé.

[34]  Je souligne que dans la procédure d’opposition antérieure entre les parties relativement à la demande no 1,655,739, la membre Reynolds a conclu, dans son examen du caractère distinctif inhérent des marques des parties, que même si les marques comprennent des mots du dictionnaire d’usage courant, les marques des parties possédaient tout de même un certain caractère distinctif inhérent [The Kingsford Products Company, LLC c Tokai of Canada Ltd, supra au para 24]. En appel, le juge Manson a fait observer que le registraire avait eu raison de conclure que [Traduction] « la marque de commerce KING et les marques de commerce déposées KINGSFORD possèdent un certain caractère distinctif; elles sont de nature arbitraire et elles ne sont ni descriptives ni évocatrices des produits associés aux marques de commerce… » [Tokai of Canada Ltd c The Kingsford Products Company, LLC 2018 CF 951, au para 32]. 

[35]  Compte tenu de ce qui précède, j’estime que ce facteur ne favorise ni l’une ni l’autre des parties.

Période pendant laquelle les marques ont été en usage et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[36]  Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l’emploi.

[37]  L’Opposante n’a produit aucune preuve d’emploi de l’une ou l’autre de ses marques de commerce KINGSFORD. Comme je l’ai souligné précédemment, seuls des imprimés des détails de ses enregistrements KINGSFORD tirés de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes ont été fournis (affidavit Anastacio, para 2 et 3; pièce A).

[38]  L’enregistrement no LMC195,651 de l’Opposante est fondé sur l’emploi depuis au moins aussi tôt que le 1er juin 1953. Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que dans la mesure où l’Opposante invite la Commission à tenir compte de la date de premier emploi revendiquée, cette façon de procéder est inappropriée puisque l’Opposante n’a pas produit de copies certifiées des marques de commerce invoquées, l’empêchant donc d’invoquer les paragraphes 54(2) ou 54(3) de la Loi.

[39]   Dans Tokai of Canada Ltd. c Kingsford Products Company, LLC, 2018 CF 951, le juge Manson a abordé la question, soulignant au paragraphe 35 que [Traduction] « ...sans qu’aucun élément de preuve de l’usage réel n’ait été présenté, j’aurais tendance à n’accorder aucun poids à ces allégations d’usage, sauf si, à tout le moins, des copies certifiées des enregistrements sont produites en preuve ».  De la même façon, je suis portée à n’accorder aucun poids aux revendications d’emploi de l’Opposante.

[40]  La demande de la Requérante est fondée sur un emploi projeté et je ne dispose d’aucune preuve établissant que la Requérante a employé la Marque au Canada. Par conséquent, j’estime que ce facteur ne favorise ni l’une ni l’autre des parties.

[41]  Je souligne que même si l’Opposante avait fourni des copies certifiées de ses enregistrements, et si j’avais accordé un poids au moins de minimis à la date de premier emploi revendiquée dans l’enregistrement de l’Opposante (depuis au moins aussi tôt que le 1er juin 1953), cela n’aurait pas d’incidence sur ma conclusion en ce qui concerne ce facteur.

Le genre de produits et la nature du commerce

[42]  Mon appréciation de ce facteur repose sur la comparaison de l’état déclaratif des Produits de la Requérante, tel qu’il figure dans la demande, avec les produits visés par les enregistrements de l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktein c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr. Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); Miss Universe Inc c Bohna (1994), 1994 CanLII 3534 (CAF), 58 CPR (3d) 381 (CAF)].

[43]  Les produits de l’Opposante visent des barbecues et la cuisson sur le barbecue et comprennent du charbon de bois et des allume-barbecues (LMC195,651), de la sauce barbecue (LMC344,604) et des barbecues (LMC386,771). Les Produits de la Requérante sont restreints aux [Traduction] « allume-cigarettes ».

[44]  Bien que leurs demandes respectives diffèrent – l’enregistrement no LMC195,651 de l’Opposante visant expressément des [Traduction] « allume-barbecues » et la demande de la Requérante visant expressément des [Traduction] « allume-cigarettes » – on peut tout de même concevoir qu’il existe un certain lien ou une certaine association entre ces produits des parties puisqu’ils représentent tous deux un type de briquet.

[45]  En ce qui concerne les voies de commercialisation, dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que les produits de l’Opposante sont des produits saisonniers qui seraient vendus dans des quincailleries ou des magasins de matériaux de construction, comme Home Hardware, Home Depot, Rona et Canadian Tire, alors que les Produits de la Requérante, étant des articles pour fumeurs, seraient généralement vendus dans des magasins de détail où l’on vend des cigarettes, à savoir des épiceries, des stations-service et des tabagies. À l’audience, la Requérante a également souligné que, dans un magasin de détail, les consommateurs chercheraient les Produits de la Requérante à proximité de la caisse; il est donc peu probable qu’ils soient vendus à proximité des produits que le consommateur associerait aux types de produits de l’Opposante. Cependant, comme l’a souligné l’Opposante à l’audience, la Requérante n’a produit aucune preuve établissant l’endroit où seraient vendus les Produits de la Requérante ou par quelles voies de commercialisation ils le seraient. Je souligne que, de la même façon, rien dans la preuve n’indique par quelles voies de commercialisation les produits de l’Opposante (en particulier les allume-barbecues) auraient été vendus. En l’absence d’une telle preuve, et en l’absence de restrictions dans l’état déclaratif des produits de la Requérante, rien ne me permet de conclure qu’il n’y aurait pas de recoupement potentiel des voies de commercialisation respectives des parties.

Degré de ressemblance

[46]  Bien que le degré de ressemblance soit mentionné en dernier lieu à l’article 6(5) de la Loi, il s’agit souvent du facteur prévu par la Loi qui est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion [Masterpiece, supra, au para 49].

[47]  Lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble. Le test qu’il convient d’appliquer est celui de la première impression produite dans l’esprit d’un consommateur ayant un souvenir imparfait de la marque de commerce d’un opposant; il ne consiste pas à placer les marques côte à côte dans le but de les comparer [Veuve Cliquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée (2006), 2006 CSC 23 (CanLII), 49 CPR (4th) 401, au para 20].

[48]  Dans Masterpiece, la Cour suprême du Canada a fait observer que, même si le premier mot d’une marque de commerce peut, dans certains cas, pour établir le caractère distinctif, être l’élément le plus important [Conde Nast Publications Inc. c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)], il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique [Masterpiece, supra, au para 64].

[49]  À l’audience, l’Opposante a mentionné l’analyse du degré de ressemblance effectuée par la membre Reynolds dans une procédure d’opposition antérieure entre les parties concernant la demande no 1,655,739, et plus précisément sa conclusion portant qu’il existe un degré de ressemblance assez élevé entre les marques des parties. Les paragraphes 32 et 33 de la décision sont reproduits ci-dessous [Traduction] :

 [32] La Marque est simplement constituée du mot KING [roi], qui est un mot du dictionnaire d’usage courant. De façon similaire, la marque de commerce KINGSFORD de l’Opposante est aussi formée d’une combinaison de mots du dictionnaire d’usage courant. Comme je l’ai indiqué précédemment, il n’y a aucune preuve que la marque de l’une ou l’autre des parties a une signification ou un sens quelconque en lien avec les produits des parties. Il n’y a aucun fondement probatoire non plus me permettant de conclure que la partie FORD de la marque de commerce de l’Opposante possède un caractère distinctif inhérent plus marqué que la première partie de sa marque, à savoir KINGS. Ainsi, je ne suis pas d’accord avec la prétention de la Requérante portant que FORD altérerait KINGS dans la marque de commerce de l’Opposante de manière à réduire son caractère distinctif dans une mesure significative.

 

[33] Étant donné que la totalité de la Marque est intégrée à la marque de commerce de l’Opposante et qu’elle figure dans la première partie dominante des marques de deux parties, il existe certaines ressemblances visuelles et phonétiques entre les marques de commerce des parties. Dans la mesure où l’élément KING dans la Marque et dans la marque de commerce de l’Opposante pourrait être perçu de manière similaire, on peut également dire que les marques présentent certaines similitudes en ce qui concerne la connotation. Compte tenu de ce qui précède, j’estime qu’il existe un degré de ressemblance assez élevé entre les marques des parties.

[50]  En l’espèce, je suis également d’avis que, étant donné que la marque de commerce de l’Opposante englobe entièrement la Marque et que celle-ci figure en première position dominante des marques de commerce des parties, il existe des ressemblances entre les marques des parties sur les plans de la présentation, de la prononciation et des idées suggérées, ce qui entraîne un degré assez élevé de ressemblance entre les marques de commerce des parties.

Conclusion

[51]  Le test à appliquer est celui de la première impression que la vue de la Marque employée en liaison avec les Produits produit dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé qui n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce KINGSFORD de l’Opposante et qui ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [Veuve Clicquot (supra), au para 20].

[52]  Après examen de l’ensemble des circonstances de l’espèce, j’estime que la prépondérance des probabilités est également partagée entre la conclusion qu’il existe une probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce KINGSFORD de l’Opposante et la conclusion qu’il n’existe pas de probabilité de confusion. Étant donné que c’est à la Requérante qu’incombe le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce, je dois donc trancher à l’encontre de la Requérante. Bien que j’aie tenu compte du fait que les marques de commerce des deux parties possèdent un caractère distinctif inhérent assez élevé, et que la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues et la période pendant laquelle elles ont été en usage ne favorisent ni l’une ni l’autre des parties, j’ai également conclu que le genre des produits des parties peut être considéré comme étant lié ou associé dans une certaine mesure en raison de leur fonction principale. J’ai également tenu compte du fait qu’il existe un degré de ressemblance assez élevé entre les marques de commerce KINGSFORD et KING.

[53]  En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est accueilli.

Décision

[54]  Conformément aux pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

Jennifer Galeano

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.


Annexe A

No d’enregistrement

Marque de commerce

Produits
[Traduction]

Revendication d’emploi

LMC344,604

KINGSFORD

Sauce barbecue

Employée aux ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE.

Enregistrée dans ou pour les ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE le 6 janvier 1987 sous le no 1,424,150.

LMC335,006

 

 

 

Briquettes de charbon

Employée aux ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE.

Enregistrée aux ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE le 19 mars 1985 sous le

no 1,325,370.

LMC195,651

KINGSFORD

Charbon de bois et allume-barbecues

Employée au Canada depuis au moins aussi tôt que le 1er juin 1953.

LMC196,359

Charbon de bois et allume-barbecues

Employée au Canada depuis au moins aussi tôt que le 1er juin 1953.

LMC386,771

KINGSFORD

Barbecues

Employée aux ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE.

Enregistrée dans ou pour les ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE le 11 avril 1989 sous le no 1,534,164.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2018-06-27

COMPARUTIONS

Kenneth McKay

POUR L’OPPOSANTE

Antonio Turco

POUR LA REQUÉRANTE

AGENT(S) AU DOSSIER

Marks & Clerk

POUR L’OPPOSANTE

Blake, Cassels & Graydon LLP

POUR LA REQUÉRANTE

 

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