Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2018 COMC 138

Date de la décision : 2018-11-14

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Blake, Cassels & Grayson LLP

Partie requérante

et

 

Cobblestone Vineyards LLC

Propriétaire inscrite

 

LMC626,913 pour la marque de commerce COBBLESTONE

Enregistrement

Introduction

[1]  Le 12 juillet 2016, à la demande de Blake, Cassels & Graydon LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Cobblestone Vineyards LLC (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC626,943 de la marque de commerce COBBLESTONE (la Marque).

[2]  La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec des [Traduction] « vins » et du [Traduction] « vin de table ».

[3]  L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique, à l’égard de chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, qu’il précise la date à laquelle la marque a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 12 juillet 2013 au 12 juillet 2016.

[4]  La définition pertinente d’« emploi » en liaison avec des produits est énoncée à l’article 4 de la Loi, qui est ainsi libellé :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]  Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement pendant la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[6]   En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Stephanie Levine, directrice du marketing de la Propriétaire, souscrit le 8 mai 2017 à Los Angeles, en Californie. Seule la Partie requérante a produit des représentations écrites; la tenue d’une audience n’a pas été sollicitée.

La preuve du Propriétaire

[7]  Dans son affidavit, Mme Levine indique que la Propriétaire est une entreprise de la Californie qui produit des vins issus des cépages Chardonnay, Cabernet Sauvignon et Pinot Noir, et possède des domaines viticoles en Californie et en Nouvelle-Zélande.

[8]  Mme Levine n’allègue pas l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement pendant la période pertinente au Canada. Elle affirme plutôt qu’à un certain moment après le 27 octobre 2004, les ventes des vins de Propriétaire au Canada [Traduction] « ont cessé ». Elle explique qu’en raison de changements de personnel et d’une absence de registres, la dernière date d’emploi de la Marque qu’elle a pu confirmer est le 27 octobre 2004, bien qu’elle affirme que la Marque [Traduction] « a probablement été employée au Canada au-delà de cette date » (para 5).

[9]  Quoiqu’il en soit, Mme Levine expose en détail les efforts déployés par la Propriétaire le but de recommencer à vendre ses vins au Canada depuis septembre 2012, date à laquelle Mme Levine a commencé à exercer ses fonctions de directrice du marketing de l’entreprise. Elle affirme toutefois ce qui suit [Traduction] :

... cette tâche s’est avérée difficile en raison des monopoles que les régies des alcools contrôlées par l’État détiennent sur l’importation, la distribution et la vente d’alcool dans les provinces canadiennes. Les producteurs de vins étrangers comme [la Propriétaire] doivent attendre que les régies des alcools provinciales canadiennes émettent des appels d’offres périodiques pour certains produits en vue de les importer et de les vendre dans leur province respective; et ce n’est que dans la mesure où les vins recherchés, à tel ou tel moment, par les régies des alcools provinciales incluent des vins produits par [la Propriétaire] que [la Propriétaire] peut alors présenter une proposition aux régies des alcools provinciales relativement à la vente des vins de [la Propriétaire] au Canada dans le cadre des monopoles détenus par ces régies des alcools. (para 6)

[10]  À cet égard, Mme Levine indique que la Propriétaire a fait les efforts suivants :

·  Novembre 2012 — présentation d’une proposition concernant la vente des vins de la Propriétaire à la Régie des alcools de l’Ontario (LCBO) en réponse à un appel d’offres pour des vins provenant des vallées de Napa ou de Sonoma. La proposition n’a pas été retenue par la LCBO (para 7; pièce B).

·  Juillet 2013 — présentation d’une proposition concernant la vente des vins de la Propriétaire à la Société des alcools du Québec (SAQ) en réponse à un appel d’offres émis par la SAQ pour des vins du type de ceux produits par la Propriétaire. La SAQ n’a retenu aucun des vins de la Propriétaire (para 8; pièce C).

·  Décembre 2015 — étude d’une proposition d’un importateur de vins canadien qui souhaitait présenter les vins de la Propriétaire à la LCBO en vue de leur vente en Ontario. Mme Levine atteste que les conditions proposées par l’importateur [Traduction] « ne présentaient pas d’intérêt » pour la Propriétaire à ce moment-là (para 9; pièce D).

[11]  Mme Levine atteste qu’avant septembre 2012, l’ancien directeur du marketing de la Propriétaire [Traduction] « a, de façon similaire, recherché activement les occasions de proposer les produits de [la Propriétaire] en réponse à des appels d’offres d’entités au Canada » (para 10). Elle affirme que la Propriétaire [Traduction] « continuera de répondre aux appels d’offres émis par les régies des alcools provinciales et d’autres entités au Canada et continuera, par ailleurs, de rechercher les occasions de reprendre les ventes » des vins de la Propriétaire au Canada (para 11).

Analyse

[12]  En l’absence d’une preuve d’emploi de la Marque pendant la période pertinente, la question qui se pose est celle de savoir si, aux termes de l’article 45(3) de la Loi, il existait des circonstances spéciales justifiant ce défaut d’emploi.

[13]  En règle générale, le défaut d’emploi doit être sanctionné par la radiation, mais il peut être fait exception à cette règle lorsque le défaut d’emploi est attribuable à des circonstances spéciales [Scott Paper Ltd c Smart & Biggar, 2008 CAF 129, 65 CPR (4th) 303].

[14]  Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été établie, le registraire doit en premier lieu déterminer les raisons pour lesquelles la marque de commerce n’a pas été employée pendant la période pertinente. En second lieu, le registraire doit déterminer si les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)]. Les circonstances spéciales sont des circonstances ou des raisons qui sont inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst)].

[15]  S’il détermine que les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales, le registraire doit encore déterminer si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi. Cette détermination repose sur l’examen de trois critères : i) la durée de la période pendant laquelle la marque n’a pas été employée; ii) si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et iii) s’il existe une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la marque à court terme [selon Harris Knitting Mills, supra].

[16]  L’intention de reprendre l’emploi à court terme doit être corroborée par un [Traduction] « fondement factuel suffisant » [NTD Apparel Inc c Ryan, 2003 CFPI 780, 27 CPR (4th) 73, au para 26; voir aussi Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst)].

[17]  Ces critères sont tous trois pertinents, mais le deuxième critère doit obligatoirement être rempli pour que l’on puisse conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [selon Scott Paper, supra].

[18]  En l’espèce, bien qu’on ne sache pas très bien pourquoi la Propriétaire [Traduction] « a cessé » de vendre ses vins au Canada à un certain moment après octobre 2004, il semble que la raison pour laquelle la marque de commerce n’a pas été employée pendant la période pertinente soit [Traduction] « l’incapacité » persistante de la Propriétaire à reprendre les ventes de ses vins au Canada.

[19]  Mme Levine indique que la reprise des ventes est difficile en raison des monopoles que les régies des alcools contrôlées par l’État détiennent sur l’importation, la distribution et la vente d’alcool dans les provinces canadiennes et de la pratique de ces régies consistant à émettre périodiquement des appels d’offres pour certains produits de vin.

[20]  Dans ses représentations écrites, la Partie requérante soutient que la preuve démontre que la Propriétaire n’a fait [Traduction] « pratiquement aucun effort pour vendre ses vins au Canada et que, même lorsque des occasions se sont présentées, [la Propriétaire] a pris la décision commerciale de ne pas mettre à profit ces occasions » (para 26). Elle fait valoir que [Traduction] « même si l’affidavit de Mme Levine contient une vague déclaration selon laquelle il est difficile de vendre aux régies des alcools, elle ne fournit aucun détail en ce qui concerne les difficultés que [la Propriétaire] aurait rencontrées ou les démarches (s’il en est) qu’elle a entreprises pour surmonter ces difficultés (para 31).

[21]  Or, il est bien établi que, de façon générale, des conditions de marché défavorables ne sont pas le genre de raisons inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles à l’origine d’un défaut d’emploi que l’on considère comme des circonstances spéciales [voir, à titre d’exemple, Harris Knitting Mills, supra; et John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co, supra]. Il est vrai que la preuve indique que le seul moyen pour la Propriétaire de vendre ses vins au Canada consiste à passer par les régies des alcools susmentionnées, mais il en irait de même pour tout commerçant de même secteur. L’affidavit de Mme Levine n’indique pas en quoi l’incapacité de la Propriétaire à vendre ses produits est « peu commune, inhabituelle ou exceptionnelle ».

[22]  Par conséquent, je ne suis pas convaincu que les raisons du défaut d’emploi de la Marque au Canada pendant la période pertinente constituent des circonstances spéciales.

[23]  Ainsi, il n’est pas nécessaire que je détermine si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi. Disons seulement que la période de défaut d’emploi, qui, selon la preuve, a débuté en octobre 2004, est très longue. En outre, bien que Mme Levine affirme que la Propriétaire continue de [Traduction] « rechercher activement les occasions » de reprendre les ventes de ses vins au Canada, on ne sait pas du tout à quel moment, le cas échéant, l’emploi de la Marque reprendrait au Canada.

[24]  Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a établi l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque.

Décision

[25]  En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

 

Andrew Bene

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue

AGENT(S) AU DOSSIER

Oyen Wiggs Green & Mutala LLP

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Blake, Cassels & Grayson LLP

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

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