Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2018 COMC 156

Date de la décision : 2018-12-10

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

October’s Very Own IP Holdings

Opposante

et

 

Michael Di Cosmo

Requérant

 

1,707,760 pour la marque de commerce 6IX

Demande

Introduction

[1]  Michael Di Cosmo (le Requérant), qui est un disque-jockey professionnel et producteur de musique, a produit une demande d’enregistrement relative à la marque de commerce 6IX (la Marque). Le Requérant allègue qu’il a employé la Marque au Canada depuis le 3 avril 2000 en liaison avec les produits et les services suivants [Traduction] :

Produits : Articles promotionnels, nommément vêtements de sport pour hommes et femmes, y compris chemises, tee-shirts, chandails, pulls d’entraînement, chapeaux, tuques, bandanas, pantalons d’entraînement, chaussettes, coupe-vent et vestes d’extérieur.

Services : Services de disque-jockey.

[2]  October’s Very Own IP Holdings (l’Opposante) est propriétaire de la demande no 1,743,190 relative à la marque de commerce 6IX pour emploi en liaison avec un large éventail d’articles et d’accessoires vestimentaires ainsi qu’avec des services de magasins au détail et en gros et des services de divertissement. La demande relative à la marque de l’Opposante a été produite le 25 août 2015 et est fondée sur l’emploi au Canada depuis au moins aussi tôt que le mois d’août 2014 en liaison avec des [Traduction] « tee-shirts, chandails à capuchon et casquettes de baseball », sur l’emploi au Canada depuis au moins aussi tôt que le 24 août 2015 en liaison avec des [Traduction] « ensembles d’épingles » et sur l’emploi projeté, par ailleurs.

[3]  L’Opposante s’oppose à la demande du Requérant pour plusieurs motifs, y compris que la demande n’est pas conforme à l’article 30b) de la Loi parce que le Requérant n’a pas employé la Marque depuis la date de premier emploi revendiquée et que la Marque n’est pas distinctive des produits et services du Requérant étant donné l’emploi de 6IX par l’Opposante et par d’autres.

[4]  Pour les raisons exposées ci-après, la demande est repoussée à l’égard des Produits et l’opposition est rejetée à l’égard des Services.

Le dossier

[5]  La demande pour la Marque a été produite le 18 décembre 2014.

[6]  La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 16 septembre 2015. Le 12 février 2016, l’Opposante s’y est opposée en produisant une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Les motifs d’opposition sont fondés sur les articles 30a), 30b), 30i), 16(1)a) et 2 de la Loi.

[7]  Le Requérant a produit une contre-déclaration dans laquelle il nie chacune des allégations formulées dans la déclaration d’opposition.

[8]  Comme preuve à l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de D. Jill Roberts, une parajuriste, souscrit le 22 juillet 2016 à Ottawa, en Ontario.

[9]  À l’appui de sa demande, le Requérant a produit son propre affidavit, souscrit le 15 novembre 2016 à Toronto, en Ontario.

[10]  Aucun des déposants n’a été contre-interrogé relativement à son affidavit. L’Opposante n’a produit aucune preuve en réponse.

[11]  Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux représentées à l’audience qui a été tenue le 5 novembre 2018.

[12]  À l’audience, l’Opposante a abandonné les motifs d’opposition fondés sur les articles 30a), 30i) et 16 de la Loi.

[13]  Il me reste donc à examiner les motifs d’opposition fondés sur les articles 30b) et 2 de la Loi.

Fardeau de preuve

[14]  C’est au Requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Cependant, l’Opposante doit d’abord présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298; Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155].

Dates pertinentes

[15]  Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

·  articles 38(2)a)/30 en ce qui concerne la non-conformité à l’article 30 – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p 475]; et

·  articles 38(2)d)/2 en ce qui concerne l’absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317].

Motif d’opposition fondé sur la conformité à l’article 30

[16]  L’Opposante allègue ce qui suit :

L’Opposante fonde son opposition sur le motif prévu à l’article 38(2)a), à savoir que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 en ce que le Requérant n’a pas employé la marque de commerce ainsi qu’il est allégué dans la demande, voire pas du tout. Plus particulièrement, l’Opposante affirme que le Requérant n’a vendu aucune des marchandises énoncées dans la demande depuis la date de premier emploi alléguée, ni à aucun autre moment.

[17]  Ce motif d’opposition correspond à l’article 30b) de la Loi. Bien qu’il ne semble concerner que la question de savoir si le Requérant avait employé sa Marque en liaison avec les Produits, à l’audience, l’Opposante a présenté des observations relatives à la question de savoir si le Requérant avait employé la Marque en liaison avec ses Services également. Étant donné que le Requérant n’a soulevé aucune objection, je considérerai que ce motif s’applique aussi bien aux Produits qu’aux Services du Requérant.

[18]  Le fardeau initial qui incombe à un opposant à l’égard de la question de la non-conformité à l’article 30b) de la Loi est léger, car les faits concernant le premier emploi par un requérant relèvent essentiellement de la connaissance du requérant [Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986) 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. L’opposant peut s’acquitter de ce fardeau de preuve en s’appuyant aussi bien sur sa propre preuve que sur la preuve du requérant [Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst)]. Cependant, l’opposant ne peut s’appuyer avec succès sur la preuve du requérant pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial que s’il démontre que la preuve du requérant met en doute les revendications formulées dans la demande du requérant [Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd 2014 CF 323, aux para 30 à 38].

[19]  En l’espèce, l’Opposante s’appuie sur la preuve du Requérant pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif.

[20]  Les définitions pertinentes d’« emploi » en liaison avec des produits et des services sont énoncées à l’article 4 de la Loi, lequel est ainsi libellé :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[21]  Dans son affidavit, le Requérant atteste qu’il est un disque-jockey et producteur de musique professionnel (para 1). Il affirme que depuis aussi tôt que mars 2000, il a employé la Marque de manière continue dans l’annonce et l’exécution de ses services de disque-jockey, lesquels comprennent l’exécution de ses services dans des boîtes de nuit et dans le cadre d’événements privés et la distribution d’enregistrements de ses mixages de DJ et de CD par Internet (para 5).

[22]  Quant à l’emploi de la Marque en liaison avec les Produits, il affirme ce qui suit aux paragraphes 13 et 14 [Traduction] :

13. Depuis au moins aussi tôt que le 3 avril 2000, j’ai distribué des Produits arborant la marque 6IX à des spectateurs ayant assisté à mes prestations et à certains visiteurs de ma page Facebook. Bien que je n’aie fixé aucun prix spécifique pour ces Produits, je les ai remis [...] à des spectateurs en échange d’une inscription à un concours ou d’une mention « j’aime » sur ma page Facebook, ou encore pour avoir assisté à mes prestations pour lesquelles ils ont normalement payé un prix d’entrée.

14. Des images de tee-shirts que j’ai distribués en 2015 de la manière décrite ci-dessus sont jointes aux présentes comme pièce E.

[23]  Je commencerai par examiner la preuve du Requérant en ce qui concerne les Produits. Cependant, j’estime utile au préalable de reproduire ci-dessous un extrait de la décision Bremont Watch Company Ltd c Bremont Homes Corporation, 2016 COMC 100, dans laquelle la présente Commission s’est penchée sur les circonstances qui doivent exister pour que la distribution de produits de marque constitue un emploi d’une marque de commerce au sens de l’article 4(1) [Traduction] :

… à propos des pratiques de la Requérante pour distribuer ses produits, la décision Lin Trading Co c CBM Kabushiki Kaisha (1985), 5 CPR (3d) 27 (COMC), confirmée par (1987), 14 CPR (3d) 32 (CF) et (1988), 21 CPR (3d) 417 (CAF) permet d’affirmer que le terme « pratique normale du commerce » doit être interprété comme exigeant que le transfert fasse partie d’une transaction impliquant les produits réalisée dans le but d’acquérir un achalandage et de tirer des profits des produits de marque.

La distribution de ces produits [paniers-cadeaux]. . . était liée aux services de la Requérante qui consistent à vendre des maisons et ne remplissait aucune autre fonction, et la distribution visant uniquement à promouvoir ses propres services ne constitue pas un emploi dans la pratique normale du commerce [. . . Riches, McKenzie & Herbert LLP c Park Pontiac Buick GMC Ltd (2005), 50 CPR (4th) 391 (COMC); Smart & Biggar c Sutter Hill Corporation, 2012 COMC 121; Kids’ Club Media, LLC c Kyle, 2014 COMC 134 (CanLII); et Oyen Wiggs Green c Flora Manufacturing and Distributing, 2014 COMC 105 (CanLII)].

[24]  Dans son bref plaidoyer écrit, l’Opposante soutient ce qui suit [Traduction] :

Il ressort clairement de la preuve que le Requérant n’a pas vendu ses [Traduction] « articles promotionnels » ainsi qu’il est allégué et que, comme il s’agit d’« articles promotionnels » et non de [Traduction] « produits destinés à la vente », leur distribution ne constitue pas un emploi de la marque de commerce en liaison avec des marchandises. Par conséquent, l’opposition doit être accueillie à l’égard des marchandises.

[25]  À l’audience, l’Opposante s’est appuyée sur l’extrait suivant de Oyen Wiggs Green & Mutala c Flora Manufacturing and Distributing Ltd, 2014 COMC 105 [Traduction] :

Pour expliquer, le terme « commerce » à l’article 4(1) de la Loi [traduction] « envisage une forme de transaction commerciale (achat, vente, location) impliquant les marchandises en question ou bien envisage que les marchandises soient l’objet de transactions faites dans le but de créer de l’achalandage pour les marchandises et en retirer des profits » [Renaud Cointreau & Cie. c. Cordon Bleu International Ltée (1993), 52 CPR (3d) 284 (C.O.M.C.), décision confirmée par la Cour fédérale dans 2000 CanLII 16251 (FC),188 FTR 29]. Même si la distribution gratuite de publications, par exemple, peut constituer un transfert dans la pratique normale du commerce au sens de l’article 4 de la Loi [voir Now Communications Inc. c. Chum Ltd. (2000), 5 CPR (4th) 275 (COMC) et Times Mirror Co c Transcontinental Distribution Inc (2004), 42 CPR (4th) 1 (COMC)], l’Inscrivante doit démontrer que la distribution gratuite n’est pas simplement un outil de promotion de ses autres produits et services, mais qu’elle fait l’objet d’un commerce en elle-même, aboutissant à un quelconque paiement ou à une quelconque contrepartie en échange des imprimés. [para 19]

[26]  L’Opposante s’est également appuyée sur l’extrait suivant de Riches, McKenzie & Herbert LLP c Cosmetic Warriors Limited, 2018 CF 63 (en appel devant la Cour d’appel fédérale) [Traduction] :

Il est clair que les produits promotionnels distribués gratuitement en tant que tels ne satisfont pas aux exigences du paragraphe 4(1) de la Loi. Les transferts de biens simplement pour l’acquisition d’achalandage sont insuffisants pour constituer un transfert ou un emploi dans la pratique normale du commerce. Toutefois, bien que la distribution gratuite de produits ne soit pas habituellement considérée comme la pratique normale du commerce en vertu du paragraphe 4(1), si un tel emploi fait partie d’une pratique normale du commerce pour une entreprise, qu’elle est exécutée dans le but d’engendrer des profits et de développer un achalandage pour les produits, elle pourrait constituer un emploi dans la pratique normale du commerce de cette entreprise, plus particulièrement si les produits distribués gratuitement sont les produits habituels de l’entreprise. [para 18]

[27]  Par conséquent, l’Opposante a soutenu que, puisque dans la présente affaire aucun profit n’a été réalisé à la suite de la vente ou de l’échange des Produits, la distribution gratuite de tee-shirts, par exemple, lors des prestations du Requérant ne peut pas être considérée comme ayant eu lieu dans la pratique normale du commerce; les Produits eux-mêmes n’ayant pas fait l’objet d’un commerce.

[28]  Dans ses représentations écrites, le Requérant soutient ce qui suit [Traduction] :

L’affidavit Di Cosmo contient une preuve non contestée indiquant que, depuis au moins aussi tôt que le 3 avril 2000, le Requérant a distribué l’ensemble des Produits, y compris, par exemple, ceux arborant la Marque qui sont présentés en pièce E, à des spectateurs en contrepartie de l’achat de billets pour assister à ses prestations et à des visiteurs de sa page Facebook en échange de mentions « j’aime » ou de leur participation à des concours. (para 20)

[29]  À l’audience, le Requérant a également soutenu que la jurisprudence citée par l’Opposante ne s’appliquait pas aux faits de la présente espèce. À cet égard, le Requérant fait valoir que ce type d’échange de produits en contrepartie d’une présence à une prestation, d’une participation à un concours ou de mentions « j’aime » sur Facebook, n’a pas été examiné par le registraire ou les tribunaux dans la jurisprudence.

[30]  À mon avis, la distribution gratuite de tee-shirts et d’autres Produits en échange d’une présence à une prestation, d’une participation à un concours ou de mentions « j’aime » sur la page Facebook du Requérant, comme l’a indiqué le Requérant, avait assurément pour but d’acquérir un achalandage. Toutefois, on ne sait pas clairement en quoi le fait d’aimer une page Facebook, de participer à un concours ou d’assister à une prestation de DJ équivaut au paiement d’un tee-shirt duquel le demandeur pourrait tirer profit. Ces échanges me donnent à penser que les tee-shirts distribués ne sont pas des produits qui font normalement partie de la pratique normale du commerce du Requérant, mais qu’il s’agit plutôt d’outils pour promouvoir les services de DJ du Requérant. Comme l’indique la jurisprudence énoncée ci-dessus, cela ne constitue pas un emploi d’une marque de commerce au sens de l’article 4(1).

[31]  Je suis donc convaincue que l’Opposante a mis en doute la date de premier emploi revendiquée par le Requérant à l’égard des Produits. Le Requérant ne s’est pas acquitté du fardeau de démontrer l’emploi continu de la Marque en liaison avec les Produits depuis la date de premier emploi revendiquée, l’Opposante obtient gain de cause relativement au motif d’opposition fondé sur l’article 30b) à l’égard des Produits.

[32]  En ce qui concerne les services, à l’audience, l’Opposante a fait valoir que la preuve du Requérant n’établit pas l’emploi de la Marque depuis le 3 avril 2000, mais montre plutôt une évolution de différentes marques de commerce employées par le Requérant, passant de « SIK 6IX » à « DJ SIX », à « 6IX ».

[33]  Dans ses observations verbales, le Requérant a fait valoir que la publicité en pièce A arborant « SIK 6IX » est antérieure à la date de premier emploi revendiquée et que les autres publicités arborant « DJ 6IX » et « 6IX » corroborent la déclaration « non contestée » du Requérant indiquant qu’il emploie la Marque depuis le 3 avril 2000.

[34]  En effet, dans son affidavit, le Requérant affirme ce qui suit [Traduction] :

7. Depuis mars 2000, j’ai donné des prestations en tant que 6IX à plus de 200 occasions pour plusieurs milliers de clients dans des boîtes de nuit et lors d’événements spéciaux partout dans le sud de l’Ontario. Les Services que j’ai offerts lors de tels événements étaient été liés à 6IX au moyen, entre autres, de dépliants m’identifiant comme 6IX, lesquels ont servi à annoncer les événements à l’avance, et d’affiches m’identifiant comme 6IX apposées dans les lieux où j’ai exécuté les Services.

8. Avec les années, les boîtes de nuit et les promoteurs d’événements en sont venus à réserver mes Services plusieurs semaines avant la tenue d’événements. Ces événements ont été annoncés en ligne et dans des dizaines de milliers de dépliants distribués sur les lieux des événements ou à l’extérieur de ceux-ci, ou dans des points de vente au détail comme des magasins de musique ou de vêtements. Ces dépliants m’identifiaient comme 6IX et mon nom figurait souvent parmi les noms d’autres DJ qui donnaient des prestations lors des mêmes événements ou à d’autres occasions.

9. Une sélection de dépliants qui ont été distribués au fil des ans annonçant des événements où j’ai exécuté mes Services en tant que 6IX sont joints aux présentes comme pièce « A ». Certains de ces dépliants concernent un événement en particulier. D’autres sont des annonces générales de mes Services, y compris mes prestations en direct et la distribution de mes mixages de DJ préenregistrés.

[35]  Je conviens avec le Requérant que, à première vue, les publicités en pièce A ne contredisent pas les déclarations faites par le Requérant dans son affidavit, relativement auquel le Requérant n’a pas été contre-interrogé. À cet égard, je souligne que le Requérant désigne les publicités produites en pièce comme une [Traduction] « sélection » des annonces distribuées au fil des ans. En outre, je conviens avec le Requérant que la marque « DJ 6IX » qui a été employée constitue une variante acceptable de la marque, puisque « DJ » est simplement descriptif des services de disque-jockey du Requérant.

[36]  À mon avis, les allégations de l’Opposante ne sont pas suffisantes pour mettre en doute la date de premier emploi revendiquée par le Requérant à l’égard des Services.

[37]  Par conséquent, en ce qui concerne les Services, je ne suis pas convaincue que l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait à l’égard de ce motif. Ce motif est donc rejeté à l’égard des Services.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

[38]  L’Opposante allègue ce qui suit :

L’Opposante fonde son opposition sur le motif prévu à l’article 38(2)d), à savoir que la marque de commerce revendiquée dans la demande n’est pas distinctive au vu des faits allégués dans la présente Déclaration d’opposition et aussi parce qu’elle n’est pas adaptée à distinguer les marchandises en liaison avec lesquelles son emploi est allégué par le Requérant des marchandises de tiers, y compris les marchandises/services de l’Opposante, et la marque de commerce du Requérant n’est pas non plus adaptée à les distinguer. L’Opposante a abondamment vendu et annoncé ses produits et services au Canada en liaison avec sa marque de commerce 6IX et, par conséquent, la marque du Requérant n’est pas distinctive du Requérant.

[39]  Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif, l’Opposante doit démontrer que, à la date de production de la déclaration d’opposition (12 février 2016), la marque de commerce de l’Opposante ou les marques de commerce de tiers étaient devenues suffisamment connues au Canada pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657].

[40]  On peut présumer que l’Opposante s’appuie sur la preuve de Mme Roberts dans le but de démontrer que des tiers ont soit vendu soit annoncé leurs produits et services en liaison avec la marque de commerce 6IX. Je souligne qu’aucun élément de la preuve de l’Opposante ne se rapporte à la marque 6IX de l’Opposante ou à l’emploi de celle-ci.

[41]  L’affidavit de Mme Roberts comprend neuf pièces, constituées d’occurrences de « 6IX » que Mme Roberts a repérées sur Internet et fait imprimer le 22 juillet 2016. Parmi les neuf pièces, seules les pièces 4, 7 et 9 semblent se rapporter au Canada de manière significative. Je vais donc me concentrer sur ces trois pièces.

[42]  La pièce 4 est constituée d’imprimés tirés du site Web raisingtheroof.org, faisant la promotion de l’événement caritatif « Sounds in the 6ix » à Toronto, décrit comme étant [Traduction] « un événement musical interactif mettant en vedette des groupes locaux » visant à soutenir des initiatives de prévention de l’itinérance. L’Opposante fait valoir qu’il existe des indicateurs périphériques, comme la liste de commanditaires, qui révèlent qu’un nombre « non négligeable » de personnes étaient au courant de l’événement ou y ont participé. Même si je pouvais inférer qu’un certain nombre de personnes étaient au courant de l’événement ou y ont participé, l’événement semble avoir été tenu le 9 juin 2016, soit après la date pertinente pour ce motif d’opposition.

[43]  La pièce 7 est un imprimé d’un article de presse publié le 10 février 2016 sur le site cbc.ca, et intitulé « CBC Toronto’s ’6ix’ campaign continues » [la campagne « 6ix » de CBC Toronto se poursuit]. L’article décrit un nouveau [Traduction] « segment récurrent » du bulletin de nouvelles de CBC Toronto intitulé « 6IX IN THE 6IX ». L’article indique également que le segment fait partie d’une [Traduction] « campagne plus globale intitulée The 6ix (un surnom pour Toronto popularisé par Drake) », qui comprend une mosaïque « Art in the 6ix » commandée par CBC Toronto et un concours musical « Song in the 6ix » lancé par CBC Toronto. Il n’y a toutefois aucune indication quant à la mesure dans laquelle cet article a été vu par des Canadiens.

[44]  La pièce 9 est un imprimé d’une page d’information sur The 6IX Nightclub à Toronto, tirée du site Web www.clubcrawlers.com. Là encore, rien n’indique dans quelle mesure les Canadiens connaissaient The 6IX Nightclub mentionné à la pièce 9, ni si cet établissement était en activité avant la date pertinente.

[45]  En résumé, l’Opposante ne fournit aucune preuve concernant la mesure dans laquelle les Canadiens pourraient avoir consulté ces pages Web ou étaient au courant des événements décrits dans celles-ci avant la date pertinente ou à tout autre moment. Même on pouvait inférer qu’un certain nombre de Canadiens ont consulté ces pages ou étaient au courant des événements qui y sont mentionnés avant la date pertinente qui s’applique à ce motif, je ne conclurais pas que cette preuve est bien utile à l’Opposante. À cet égard, bien qu’une partie de ces pages concerne la musique en général, aucune d’elles n’indique que « 6IX » a été employée ou révélée en liaison avec des services de disque-jockey ou des services semblables au Canada.

[46]  L’Opposante a également soutenu que depuis la fin de 2014, « the 6IX » revêt une signification qui est [Traduction] « bien comprise » dans la région de Toronto comme désignant l’indicatif régional 416, soit la ville de Toronto. Toutefois, l’Opposante elle-même n’a soumis aucune preuve pour corroborer cette allégation. Elle se report plutôt à la preuve du Requérant, aux paragraphes 15 et 16 [Traduction] :

15. Je sais qu’à la fin de 2014, Drake, un artiste lié à l’Opposante, a annoncé le lancement d’un album vers la fin de 2014 intitulé « View from the Six ». Dans les mois qui ont suivi, « Six » et « The Six » sont devenus un [surnom] populaire pour la ville de Toronto où demeure Drake.

16. Je sais également que, depuis, d’autres ont employé le [surnom] (et l’équivalent phonétique « 6ix ») dans des écrits et l’ont apposé sur divers objets pour faire référence à Toronto ou pour indiquer Toronto comme lieu d’origine.

 

[47]  À mon avis, le fait que le Requérant puisse avoir été au courant que « Six » ou « the Six » est devenu un sobriquet populaire pour Toronto, et que d’autres l’ont employé dans des écrits ou l’ont apposé sur divers objets pour faire référence à Toronto, n’est pas suffisant pour démontrer qu’il est bien compris que « the 6IX » désigne l’indicatif régional 416, soit la ville de Toronto. Même si j’avais été convaincue que « the Six » ou « the 6ix » était devenus un sobriquet bien connu pour Toronto, là encore, je n’aurais pas conclu que cette preuve est bien utile à l’Opposante, car elle ne démontre pas que 6IX a été révélée en liaison avec des services de disque-jockey ou des services connexes.

[48]  En conclusion, bien qu’une partie de la preuve de l’Opposante relative au Canada semble concerner la musique en général, l’Opposante n’a pas établi qu’une quelconque marque de commerce 6IX de tiers était devenue suffisamment connue au Canada pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif en liaison avec les Services. Par conséquent, comme l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait, ce motif d’opposition est rejeté.

Décision

[49]  Compte tenu de tout ce qui précède, conformément aux dispositions de l’article 38(8) de la Loi et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement à l’égard des Produits et je rejette l’opposition à l’égard des Services [voir Produits Ménagers Coronet Inc c Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986), 10 CPR (3d) 482 (CF 1re inst) à titre d’autorité jurisprudentielle permettant de rendre une décision partagée].

 

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2018-11-05

COMPARUTIONS

Jamie Bordman

POUR L’OPPOSANTE

John H. Simpson

POUR LE REQUÉRANT

AGENT(S) AU DOSSIER

Moffat & Co.

POUR L’OPPOSANTE

John H. Simpson (Shift Law)

POUR LE REQUÉRANT

 

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