Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2018 COMC 149

Date de la décision : 2018-11-30

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

ISTOCKPHOTO LP

Opposante

et

 

Istockhomes Marketing Ltd.

Requérante

 

1,633,986 pour la marque de commerce ISTOCKHOMES

Demande

Introduction

[1]  ISTOCKPHOTO LP (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce ISTOCKHOMES (la Marque) qui fait l’objet de la demande no 1,633,986. La demande a été produite par Bradley D. Camp (Camp) et Paul V. Hoffman (Hoffman), et a par la suite été cédée à Istockhomes Marketing Ltd. (Istockhomes Marketing) (Camp, Hoffman et Istockhomes Marketing, collectivement appelés la Requérante, sauf indication contraire).

[2]  La demande relative à la Marque vise les services suivants (les Services), et est fondée sur un emploi projeté au Canada [Traduction] :

Offre d’un portail Web d’information dans le domaine des immeubles résidentiels et commerciaux; offre d’un babillard en ligne dans le domaine des logements à vendre et à louer; exploitation d’un site Web dans le domaine des rénovations domiciliaires; services immobiliers; publicité des marchandises et des services de tiers; publicité par babillard électronique des marchandises et des services de tiers.

[3]  L’Opposante est propriétaire des enregistrements relatifs aux marques de commerce suivantes : ISTOCK (LMC719,307), ISTOCKPHOTO (LMC660,331), ISTOCKPRO (LMC669,030), ISTOCKAUDIO (LMC727,658) et ISTOCKVIDEO (LMC728,325) (collectivement les Marques de commerce ISTOCK et les Enregistrements ISTOCK, dont les détails sont indiqués à l’annexe A). Les Enregistrements ISTOCK de l’Opposante, et plus précisément les enregistrements relatifs aux marques de commerce ISTOCK et ISTOCKPHOTO, visent une gamme de services comprenant généralement l’offre d’une banque en ligne interrogeable de photographies numériques, d’illustrations, de pistes audio, de vidéos, de polices de caractères, de séquences de codes, et d’autres éléments graphiques, qui permet d’offrir pour la vente, ou d’offrir sans frais et pour téléchargement des photographies numériques, des illustrations, des pistes audio, des vidéos, des polices de caractères, des séquences de codes et d’autres éléments graphiques à des tiers.

[4]  L’Opposante invoque des motifs d’opposition fondés sur la non-conformité aux articles 30e) et 30i) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), sur la confusion [article 12(1)d)], sur le droit à l’enregistrement [article 16(3)a) et c)] et sur le caractère distinctif (article 2). Une question clé en l’espèce concerne la probabilité de confusion avec les Marques de commerce ISTOCK de l’Opposante.

[5]  Pour les raisons exposées ci-dessous, l’opposition est rejetée.

Le dossier

[6]  La demande relative à la Marque a été produite par Camp et Hoffman le 4 juillet 2013 et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 4 juin 2014. La demande a été cédée à Istockhomes Marketing le 1er octobre 2014.

[7]  Le 4 novembre 2014, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi.

[8]  Dans une contre-déclaration produite le 30 mars 2015, la Requérante a contesté chacun des motifs d’opposition invoqués.

[9]  À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit les affidavits de Kjelti Wilkes Kellough et de Penelope Brady. À l’appui de sa demande, la Requérante a produit les affidavits de Bradley David Camp et de Coreen Adelle Hanson. Aucun contre-interrogatoire n’a été mené.

[10]   Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit; aucune audience n’a été tenue.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[11]  C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298].

[12]  Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition invoqués sont les suivantes :

·  Articles 38(2)a)/30 – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p 475];

·  Articles 38(2)b)/12(1)d) – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

·  Articles 38(2)c)/16(3) – la date de production de la demande [article 16(3) de la Loi]; et

·  Articles 38(2)d)/2 – la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185 (CanLII), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Analyse des motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i) – rejeté sommairement

[13]  L’Opposante a allégué que, en contravention des articles 38(2)a) et 30i), la Requérante ne pouvait pas, à la date de la production de la demande ni présentement, être convaincue d’avoir droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Services visés par la demande à la lumière de l’emploi antérieur au Canada par l’Opposante des Marques de commerce ISTOCK de l’Opposante.

[14]  Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30i) de la Loi, un motif d’opposition fondé sur l’article 30i) ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p 155]. Le simple fait de connaître l’existence de la marque de commerce d’un opposant ne peut pas, en soi, servir de fondement à une allégation selon laquelle un requérant ne pouvait pas être convaincu de son droit à l’emploi de la Marque [Woot Inc c Woot Restaruants Inc/Les Restaurants Woot Inc 2012 COMC 197 (CanLII)].

[15]  En l’espèce, la Requérante a fourni la déclaration exigée et il ne s’agit pas d’un cas exceptionnel. En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) est rejeté.

Motif fondé sur l’article 30e)

[16]  L’Opposante a allégué que, en contravention des articles 38(2)a) et 30e) de la Loi, la demande a été produite sur le fondement d’un emploi projeté et que la Marque avait été employée avant la date de production de la demande.

[17]  Une demande fondée sur un emploi projeté sera refusée s’il ressort de la preuve que le requérant a employé la marque visée par la demande avant la date de production de la demande [Sao Paulo Alpargatas c But Fashion Solutions (Comercio e Industria de Artigos em Pele, LDA), 2012 COMC 178 (CanLII)].

[18]  Étant donné que les faits concernant les intentions de la Requérante relèvent avant tout de la connaissance de la Requérante, le fardeau initial dont doit s’acquitter l’Opposante à l’égard de l’article 30e) est plus léger qu’à l’accoutumée [Molson Canada c Anheuser-Busch Inc (2003), 2003 CF 1287 (CanLII), 29 CPR (4th) 315 (CF 1re inst); Green Spot Co c JB Food Industries (1986), 13 CPR (3d) 206 (COMC)Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. Je suis également consciente que, même si un opposant n’est pas en mesure de présenter une preuve concernant l’emploi de la Marque avant la date de production, l’opposant n’est pas tenu de s’appuyer uniquement sur une preuve « clairement incompatible » produite par le requérant : voir Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd., 2014 CF 323, aux paragraphes 30 à 38 (CanLII). À cet égard, toute la preuve pertinente au dossier doit être évaluée selon le critère habituel, c’est-à-dire en prenant en considération sa provenance (y compris sa qualité et sa fiabilité), l’absence de preuves qui devraient raisonnablement exister et la question de savoir si la preuve a été mise à l’épreuve en contre-interrogatoire et si tel est le cas, comment elle a réussi cette épreuve. De nombreux facteurs variés guident l’évaluation des éléments de preuve (Corporativo, supra au paragraphe 37).

[19]  Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante souligne qu’elle a présenté la preuve suivante à l’appui de son allégation portant que la Requérante a employé la Marque avant la date de production de la demande, à savoir le 4 juillet 2013 :

§  La Requérante a créé un compte Twitter en avril 2013 (affidavit Brady, pièce Q). Le pseudonyme Twitter « @istockhomes » englobe la Marque;

§  La page LinkedIn de la Requérante indique qu’elle a été fondée en 2012 (affidavit Brady, pièce O); et

§  Le nom de domaine www.istockhomes.com de la Requérante a été créé le 24 avril 2013. Le nom de domaine comprend la Marque (affidavit Brady, pièce M).

[20]  L’Opposante soutient également que le seul élément de preuve fournit par la Requérante à cet égard porte sur un message Tumblr que M. Camp allègue avoir affiché sur la page Tumblr de la Requérante le 28 juillet 2013, indiquant que la Requérante [Traduction] « était sur le point d’ouvrir ses portes ». Par souci de commodité, des parties du paragraphe pertinent de l’affidavit Camp sont reproduites ci-dessous (affidavit Camp, para 6) [Traduction] :

6. … Le 28 juillet 2013, j’ai affiché un message sur la page Tumblr de la Requérante pour indiquer que cette dernière « était sur le point d’ouvrir ses portes », ce qui voulait dire que je n’avais pas encore commencé à employer la Marque de la Requérante. Le 28 juillet 2013, j’ai également affiché un lien vers ce message Tumblr sur la page Twitter de la Requérante. J’ai devant moi une copie d’un extrait imprimé de la page Tumblr de la Requérante montrant le message du 28 juillet 2013; cette copie est jointe comme pièce 2. J’ai devant moi une copie d’un extrait imprimé de la page Twitter de la Requérante montrant le message du 28 juillet 2013; cet extrait est joint comme pièce 3.

[21]   L’Opposante soutient que ce message ne peut être interprété comme une preuve claire et sans équivoque portant que la Requérante n’avait pas encore commencé à employer la Marque au Canada en liaison avec les Services à la date de dépôt de la demande. L’Opposante soutient que la notion d’une entreprise qui est sur le point [Traduction] « d’ouvrir ses portes » ne signifie pas nécessairement que les services revendiqués ou que des services accessoires n’étaient pas déjà fournis en liaison avec la Marque. L’Opposante ajoute que, curieusement, la preuve de la Requérante ne comporte aucun message Tumblr ni gazouillis Twitter ultérieur à ce message Tumblr, et que, étant donné l’utilisation de ces médias sociaux par la Requérante avant [Traduction] « d’ouvrir ses portes, il semble étonnant que des annonces du même genre n’aient pas été affichées après le lancement de l’entreprise et lorsqu’elle était en exploitation ».

[22]  À mon avis, la preuve au dossier présentée ci-dessus ne suffit pas pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve lorsque la preuve est évaluée en fonction des critères énoncés dans Corporativo, supra.

[23]   En ce qui concerne l’enregistrement du nom de domaine, il a été établi que le simple enregistrement d’un nom de domaine ne constitue pas l’emploi d’une marque de commerce, au sens de l’article 4 de la Loi [Sun Media Corporation c The Montreal Sun (Journal Anglophone) Inc 2011 CarswellNat 940 (COMC) 2011 COMC 15 (CanLII); 4358376 CanSada Inc c 770879 Ontario Ltd 2012 COMC 213 (CanLII), CarswellNat 5263 (COMC); Lofaro c Esurance Inc 2010 COMC 216 (CanLII)]. De façon similaire, j’estime que ni la simple création d’un compte Twitter sous le pseudonyme Twitter « @istockhomes » ni le fait que la Requérante puisse avoir été fondée en 2012 (comme l’indique la référence LinkedIn) n’appuient une conclusion d’emploi, au sens de l’article 4 de la Loi. J’estime plutôt que la fondation de la Requérante, la création du compte Twitter, le nom de domaine et la page Tumblr constituent une preuve d’intention d’employer la Marque [Opus Corporation c HomeOpus, 2017 COMC 57].

[24]  En ce qui concerne les observations de l’Opposante portant sur l’absence « curieuse » de messages dans la preuve de la Requérante, y compris de messages Tumblr ultérieurs à l’unique message Tumblr fourni, je ne peux pas spéculer sur les motifs qui expliquent pourquoi la Requérante a choisi de ne pas présenter une telle preuve dans le cadre de cette opposition. De plus, comme M. Camp n’a pas été contre-interrogé, je n’ai aucune raison de tirer des inférences négatives de toute lacune dans sa preuve.

[25]  En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 30e) est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d)

[26]  L’Opposante a allégué que la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec les Enregistrements ISTOCK de l’Opposante. J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire de consulter le registre [Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986)11 CPR (3d) 410 (COMC)], et je confirme que les Enregistrements ISTOCK de l’Opposante sont en règle. Plus précisément, je souligne que l’enregistrement relatif à la marque de commerce ISTOCK de l’Opposante, qui vise les services suivants, est en règle [Traduction] :

Offre d’une base de données de photographies numériques en ligne, d’illustrations numériques, d’enregistrements audionumériques, d’enregistrements vidéonumériques, de polices de caractères numériques et d’autres éléments graphiques numériques permettant la vente ou l’offre de cadeaux publicitaires et le téléchargement de photographies numériques, d’illustrations numériques, d’enregistrements audionumériques, d’enregistrements vidéonumériques, de polices de caractères numériques et d’autres éléments graphiques numériques à des tiers; (2) Offre d’un réseau social et d’un forum de discussion en ligne ayant trait aux photographies numériques, illustrations numériques, enregistrements audionumériques, enregistrements vidéonumériques, polices de caractères numériques et autres éléments graphiques numériques, nommément forums de discussion ayant trait aux sujets suivants : outils, logiciels et matériel informatique pour la conception numérique; procédés et méthodes de création ayant trait à la création, à l’édition et à l’utilisation de contenu numérique; procédés et méthodes de photographie classiques et numériques; questions de propriété intellectuelle, formation, articles, tutoriels et jeux-questionnaires ayant trait à la création, à l’édition et à l’utilisation de contenu visuel et de contenu audio; (3) Services de soutien en ligne pour télécharger vers l’amont et télécharger vers l’aval des photographies, des illustrations, des fichiers audio, des fichiers vidéo et des polices de caractères numériques ainsi que d’autres contenus numériques sur Internet.

[27]  L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif.

[28]  L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve initial, je dois maintenant déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec les Marques de commerce ISTOCK de l’Opposante.

[29]  Aux fins de l’évaluation de ce motif d’opposition, j’axerai mon examen sur les enregistrements de l’Opposante relatifs à la marque de commerce ISTOCK (LMC719,307) puisque j’estime que cet enregistrement représente l’argument le plus solide de l’Opposante. S’il s’avère qu’il n’existe pas de probabilité de confusion entre la Marque et cet enregistrement, la confusion ne serait pas plus probable entre la Marque et les autres enregistrements de l’Opposante.

Test en matière de confusion

[30]  Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[31]  Ainsi, l’article 6(2) ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais une confusion qui porterait à croire que les produits ou les services d’une source proviennent d’une autre source. En l’espèce, la question que soulève l’article 6(2) de la Loi est celle de savoir si des acheteurs des Services de la Requérante fournis sous la marque de commerce ISTOCKHOMES croiraient que ces Services ont été fournis par l’Opposante, ou que la Requérante était autorisée ou détenait une licence concédée par l’Opposante, qui offre des services sous la marque de commerce ISTOCK.

[32]  Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc 2006 CSC 22 (CanLII), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Masterpiece c Alavida Lifestyles Inc 2011 CSC 27 (CanLII), 92 CPR (4th) 361 (CSC) (Masterpiece)]. Toutefois, comme l’a souligné la Cour suprême du Canada dans Masterpiece, le degré de ressemblance est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu à l’article 6(5) de la Loi (Masterpiece, para 49).

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[33]  La marque de commerce ISTOCK de l’Opposante possède un faible caractère distinctif inhérent puisqu’elle évoque fortement les services de l’Opposante portant sur l’offre (ou le « stockage ») d’une banque de photographies interrogeable. À cet égard, je souligne l’inclusion par la Requérante de la rubrique [Traduction] « banque de photographies » de Wikipédia (pièce 11, affidavit Hanson), qui se définit comme [Traduction] :

« la fourniture de photographies autorisées à être utilisées à des fins précises souvent aux termes d’une licence. La banque de photographies répond à des besoins de création, évitant d’avoir à faire appel à un photographe, souvent à moindre coût. De nos jours, les banques d’images peuvent être des bases de données en ligne interrogeables. Les images peuvent être achetées et téléchargées en ligne... »

[34]  J’accepte cette preuve tirée de Wikipédia, même s’il s’agit d’une preuve par ouï-dire puisque l’Opposante a eu l’occasion d’y répondre [Virgin Enterprises Limited c Body Shop International Plc, 2015 COMC 37 (CanLII) au para 42; Association of Professional Engineers, Geologists and Geophysicists of Alberta c Alberta Institute of Power Engineers, 2008 CanLII 88222 (COMC)].

[35]  Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que la lettre « I » de la marque de commerce ISTOCK de l’Opposante évoque des services en ligne puisque cette lettre est généralement reconnue comme désignant « Internet », bien qu’aucune rubrique de dictionnaire ou autre référence du même genre n’ait été présentée pour étayer cette affirmation. Quoi qu’il en soit, peu importe si la lettre « I », dans le contexte de la marque de commerce ISTOCK, peut suggérer que les services sont en ligne ou s’il s’agit simplement d’un pronom personnel, j’estime que la marque de commerce ISTOCK de l’Opposante est de nature fortement suggestive.

[36]  De façon similaire, je suis d’avis que la Marque ISTOCKHOMES possède un caractère distinctif inhérent assez faible puisqu’elle évoque également les Services, qui comprennent [Traduction] « offre d’un portail Web d’information dans le domaine des immeubles résidentiels; services immobiliers ».

[37]  Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que la Marque est à double sens puisqu’elle évoque également un détective de fiction, Sherlock Holmes, quoiqu’elle ne fournisse aucune preuve établissant que le consommateur moyen ferait ce lien. Bien que je ne considère pas que la Marque ait un double sens, pour le cas où cette conclusion serait erronée, je souligne que cela n’aurait pas d’incidence sur ma conclusion en ce qui concerne ce facteur.

[38]  Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être accru par la promotion ou l’emploi. En l’espèce, l’Opposante a présenté une preuve, par voie de l’affidavit de Kjelti Wilkes Kellough, vice-présidente, avocate de société de l’Opposante et de sa société mère, Getty Images, Inc (Getty Images), montrant l’emploi des marques de commerce ISTOCK et ISTOCKPHOTO au Canada.

[39]  Des parties de l’affidavit Kellough sont résumées ci-dessous. Plus précisément, Mme Kellough affirme que [Traduction] :

·  L’Opposante est une société en commandite constituée sous le régime des lois de l’Alberta, au Canada. Elle a commencé à exercer ses activités en 2000, comme un des premiers sites Web à héberger sur Internet des images générées par les utilisateurs pour utilisation et téléchargement par ses utilisateurs. À l’origine, ces images étaient offertes gratuitement aux utilisateurs du site Web (para 5 et 6).

·  Peu après 2000, l’Opposante est passée à un système de micropaiements pour l’utilisation et le téléchargement des images de son site Web (para 7).

·  En février 2006, l’Opposante a été acquise par Getty Images, et à la suite de cette acquisition, l’Opposante est devenue une filiale en propriété exclusive de Getty Images (para 8).

·  À ce jour, l’Opposante continue d’offrir aux utilisateurs de son site Web, www.istockphoto.com (le site Web de l’Opposante), des images, des photographies et des éléments média et des dessins générés par les utilisateurs qui sont libres de droits et qui sont proposés par des contributeurs autorisés du public. Par l’intermédiaire du site Web de l’Opposante, l’Opposante et ses sociétés affiliées offrent des millions de photographies, d’illustrations, de vidéos et de pistes audio triées sur le volet, qui peuvent, pour l’essentiel, être utilisées à des fins commerciales (para 9). À l’heure actuelle, la collection de l’Opposante compte des dizaines de millions d’actifs numériques (para 10).

·  En plus d’offrir une banque en ligne d’images, de vidéos et de pistes audio, l’Opposante exploite également en ligne un réseau social et un forum de discussion, un service de soutien en ligne et des services connexes (para 11), et toutes les activités mentionnées sont exécutées en liaison avec les marques de commerce ISTOCK et ISTOCKPHOTO de l’Opposante (para 12).

·  L’Opposante a abondamment employé les marques de commerce ISTOCK et ISTOCKPHOTO dans le cadre de ses activités, y compris en liaison avec le site Web de l’Opposante (para 14). En fait, le site Web de l’Opposante est le moteur principal de ses activités. Les services offerts par l’Opposante, à partir de sa banque d’images, de vidéos et de pistes audio, sont fournis sur Internet et plus précisément sur le site Web de l’Opposante (para 15). De plus, le réseau social et le forum de discussion en ligne de l’Opposante sont hébergés sur le site Web de Getty Images, sur lequel la marque de commerce ISTOCK de l’Opposante figure bien en vue (para 15).

·  La pièce B comprend des imprimés tirés du site Web de l’Opposante dans sa version actuelle. Je souligne que la marque de commerce ISTOCK figure sur le site Web (et figure également en filigrane sur les photographies de la banque d’images du site Web), et que le site Web comprend également un avis attribuant les droits d’auteur de la « marque graphique istock » à l’Opposante. La pièce C comprend des captures d’écran tirées du site archive.org présentant le site Web de l’Opposante dans sa version de 2001 à 2013; je souligne que les marques de commerce ISTOCKPHOTO et ISTOCK figurent sur plusieurs de ces captures d’écran (para 15; pièces B et C).

·  L’Opposante a enregistré le nom de domaine www.istockphoto.com le 6 janvier 2000. Getty Images est propriétaire des enregistrements relatifs aux noms de domaines www.istock.com, www.istockaudio.com, et www.istockvideo.com. Ces domaines redirigent l’utilisateur vers le site Web www.istockphoto.com, qui est actuellement enregistré au nom de Getty Images (para 16, pièce D).

·  Par l’intermédiaire du site Web de l’Opposante, les utilisateurs peuvent naviguer parmi les images, les vidéos et les pistes audio générées par d’autres utilisateurs qui ont été autorisés par l’Opposante à effectuer des téléversements. Pour acquérir le droit de télécharger et d’utiliser du contenu du site Web de l’Opposante, un utilisateur doit acheter des « crédits », qui représentent les devises transactionnelles employées sur le site Web de l’Opposante. Les utilisateurs peuvent acheter des crédits avec des devises réelles, y compris des dollars canadiens et américains. Le nombre de crédits requis pour acheter du contenu sur le site Web de l’Opposante varie selon le contenu en question (para 17).

·  Autrement, un utilisateur peut acheter un abonnement mensuel ou annuel pour du contenu sous licence par l’intermédiaire du site Web de l’Opposante (para 18).

·  Les Canadiens ont accès au site Web de l’Opposante depuis son lancement en 2000, et bon nombre de Canadiens ont accédé au site Web de l’Opposante et l’ont utilisé. Au cours des cinq dernières années, le site Web de l’Opposante a enregistré des dizaines de millions de visiteurs uniques par année; les visiteurs canadiens représentent plus d’un million de visites uniques par année depuis 2011 (para 19).

·  En 2007, l’Opposante a enregistré des ventes mondiales (représentant la valeur totale des crédits vendus sur le site Web de l’Opposante) totalisant plus de 70 millions de dollars américains, et ses activités ont augmenté depuis (para 20). Je ne dispose toutefois d’aucune indication quant au montant ou au pourcentage de ces ventes mondiales qui serait attribuable aux consommateurs en provenance de Canada. Je souligne également qu’aucun autre renseignement relatif aux ventes (par exemple, une ventilation des ventes par marque de commerce ou toute autre donnée relative aux ventes annuelles) n’a été fourni.

·  L’Opposante et Getty Images ont utilisé les marques de commerce ISTOCKPHOTO et ISTOCK sur des factures adressées à des clients relativement à l’achat de crédits à partir du site Web de l’Opposante, ainsi que relativement à des abonnements payés sur le site Web de l’Opposante. Je souligne qu’au nombre des échantillons représentatifs de factures fournies par l’Opposante se trouvent deux factures adressées à des clients au Canada, l’une datée du 8 juin 2015 et arborant la marque de commerce ISTOCK et l’autre datée du 15 janvier 2010 et arborant la marque de commerce ISTOCKPHOTO (para 21, pièce E).

·  Afin de promouvoir ses services, l’Opposante les annonce au moyen de bannières publicitaires sur quelque 300 sites Web dans le monde entier. Des dizaines de millions de copies de ces bannières ont été envoyées à des utilisateurs canadiens au cours des trois dernières années (para 22, pièce F).

·  L’Opposante annonce également ses services par l’acquisition de mots clés et par des publicités dans des moteurs de recherche, y compris Google et Yahoo, ayant dépensé des dizaines de milliers de dollars chaque année pour la même période (para 22; pièce G). L’Opposante fait également la promotion de ses services par l’intermédiaire de médias sociaux comme Facebook, Instagram et Twitter; des imprimés de captures d’écran de ces sites arborant la marque de commerce ISTOCK sont joints comme pièce H (para 23).

·  L’Opposante a également fait paraître des annonces relatives à ses services de publicités imprimées dans le monde entier (para 24). Je souligne que, bien que l’Opposante ait indiqué différentes publications visant l’Amérique du Nord, elle n’indique pas le nombre ni la proportion de publicités visant les consommateurs canadiens ou qui auraient été vues par des consommateurs au Canada (para 24, pièce I).

[40]  Compte tenu de ce qui précède, j’estime que la marque de commerce ISTOCK de l’Opposante a acquis un caractère distinctif marqué.

[41]  L’affidavit Kellough nous permet de croire que la société mère de l’Opposante, Getty Images, a également employé la Marque. Cependant, la Requérante n’a pas indiqué que cela pourrait avoir une incidence sur le caractère distinctif de la marque de commerce de l’Opposante. Étant donné que Mme Kellough n’a pas été contre-interrogée, je suis disposée à inférer que la marque de commerce de l’Opposante n’a pas perdu son caractère distinctif à la suite de tout emploi possible de la marque de commerce par Getty Images.

[42]  En ce qui concerne la Marque visée par la demande, laquelle est fondée sur un emploi projeté au Canada, la Requérante, par l’intermédiaire de l’affidavit de M. Camp, administrateur de la Requérante, indique que la Requérante a maintenant commencé à employer la Marque en liaison avec au moins certains des services énumérés dans la Demande (affidavit Camp, para 9). La preuve d’emploi de la Marque fournie est limitée. Il s’agit principalement d’imprimés de pages de médias sociaux (qui datent d’environ novembre 2015, quoique les dates ne sont pas facilement vérifiables pour tous les imprimés) de la Requérante, à savoir Facebook, LinkedIn, Twitter, Tumblr et Google+ annonçant certains des Services (affidavit Camp, para 5; pièce 1).

[43]  Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[44]  L’enregistrement relatif à la marque de commerce ISTOCK de l’Opposante revendique un emploi depuis au moins aussitôt que le 1er janvier 2005. Comme je l’ai souligné précédemment, l’Opposante a produit une preuve d’emploi de la marque de commerce ISTOCK.

[45]  En revanche, la demande de la Requérante relative à la Marque est fondée sur un emploi projeté et la Requérante a produit une preuve d’emploi très limitée.

[46]  Par conséquent, ce facteur favorise également l’Opposante.

Le genre de services et la nature du commerce

[47]  S’agissant des facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) de la Loi, l’évaluation de la probabilité de confusion aux termes de l’article 12(1)d) de la Loi repose sur la comparaison de l’état déclaratif des produits et services qui figure dans la demande avec l’état déclaratif des produits et services qui figure dans l’enregistrement de l’opposant [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. Cet examen des états déclaratifs doit cependant être effectué dans l’optique de déterminer le type probable d’entreprise ou de commerce envisagé par les parties et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober. À cet égard, une preuve des commerces véritablement exploités par les parties est utile [McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); American Optical Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[48]  Les services et les entreprises des parties sont d’un genre très différent. Par l’intermédiaire du site Web de l’Opposante, l’Opposante offre aux utilisateurs des images, des photographies et des éléments média et des dessins générés par des utilisateurs (c.-à-d., la banque d’images) qui sont libres de droits et qui sont proposés par des contributeurs autorisés du public Les utilisateurs se font offrir des millions de photographies, d’illustrations, de vidéos et de pistes audio triées sur le volet, dont la plupart peuvent être utilisées à des fins commerciales (affidavit Kellough, para 7 et 9).

[49]  En revanche, les Services énumérés par la Requérante englobent ce qui suit [Traduction] « offre d’un portail Web d’information dans le domaine des immeubles résidentiels et commerciaux; offre d’un babillard en ligne dans le domaine des logements à vendre et à louer; exploitation d’un site Web dans le domaine des rénovations domiciliaires; services immobiliers; publicité des marchandises et des services de tiers; publicité par babillard électronique des marchandises et des services de tiers ». La Requérante exploite un site Web à l’adresse www.istockhomes.com (affidavit Camp, para 6).

[50]  Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante fait valoir que [Traduction] « bien qu’à première vue l’objet des Services semble être différent de l’objet des services de l’Opposante, essentiellement, le site Web par lequel la Requérante exerce ses activités (le site Web de la Requérante) et le site Web de l’Opposante sont tous les deux des marchés où des entreprises et des consommateurs individuels peuvent acheter des produits et des services ». Cependant, bien qu’il soit possible que les deux parties proposent un marché sur Internet, je ne considère pas que cela soit déterminant puisque cela englobe une très vaste catégorie et que les domaines d’activités des parties (une banque d’images et de médias numériques par opposition à des services liés aux données immobilières et à la rénovation) sont largement différents et se concentrent sur des domaines très différents.

[51]  L’Opposante a également soutenu que les services de l’Opposante [Traduction] « visent des consommateurs de tous les secteurs industriels possibles, y compris mais sans s’y limiter, les consommateurs du domaine de l’immobilier, du marketing immobilier et des prêts hypothécaires. » Je présume que cette déclaration fait référence à la déclaration de Mme Kellough portant que [Traduction] « au nombre des dizaines de millions d’actifs numériques de la collection de l’Opposante se trouvent des images numériques de maisons et de résidences, qui peuvent être employées dans le domaine du marketing immobilier et dans des industries connexes » (affidavit Kellough, para 10). L’Opposante soutient également que ces mêmes personnes, à savoir des agents immobiliers, des professionnels du marketing immobilier et des professionnels des prêts hypothécaires, comptent au nombre des consommateurs prévus pour les Services de la Requérante.

[52]   Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que [Traduction] « il est difficile d’imaginer quoi que ce soit qui ne serait pas susceptible d’être compris comme objet dans au moins certaines des “dizaines de millions” d’images de la collection de l’Opposante », et que les services de l’Opposante ne recoupent pas plus les Services de la Requérante que des services relatifs à des objets de l’une ou l’autre des images de la collection de l’Opposante. Je suis d’accord avec le raisonnement de la Requérante et j’estime que la probabilité de recoupement ne revêt pas une importance particulière.

Degré de ressemblance

[53]  Lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance entre des marques de commerce, il faut considérer les marques dans leur ensemble et éviter de placer les marques côte à côte dans le but de les comparer et de relever les similitudes ou les différences entre leurs éléments constitutifs [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 (CanLII), au para 20].

[54]  Il existe une ressemblance significative entre les marques des parties dans la présentation, dans le son et dans les idées qu’elles suggèrent, car la Marque incorpore la totalité de la marque de commerce déposée ISTOCK de l’Opposante. J’estime que l’ajout du mot HOMES [maison] ne diminue pas la ressemblance qui existe entre les marques de commerce des parties considérant qu’elle semble suggérer les Services de la Requérante (entre autres, offre d’information dans le domaine des immeubles résidentiels; offre d’un babillard en ligne dans le domaine des logements à vendre et à louer; exploitation d’un site Web dans le domaine des rénovations domiciliaires).

[55]  Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que [Traduction] « le mot HOMES [maison], qui est la caractéristique dominante de la Marque de la Requérante, ne figure dans aucune des Marques de commerce ISTOCK de l’Opposante, et que cela suggère des idées qui ne sont présentes dans aucune des Marques de commerce de l’Opposante, plus précisément, un endroit où habiter et le nom de famille d’un détective de fiction célèbre » (caractères gras ajoutés). Comme je l’ai mentionné précédemment, j’estime que la Marque n’évoque aucunement le détective de fiction Sherlock Holmes. Bien que la preuve de la Requérante indique que, dans son emploi réel, la Marque figure à proximité d’une image représentant [Traduction] « un détective avec une loupe qui évoque Sherlock Holmes » (affidavit Camp, para 7; pièce 4), rien n’indique que les consommateurs associeraient cette image avec le détective de fiction Sherlock Holmes. De plus, quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas là d’une considération pertinente puisque la question de la confusion doit être tranchée à l’égard de la Marque telle qu’elle est visée par la demande [PEI Licensing Inc c Disney Online Studios Canada Inc, 2012 COMC 49 au para 26]. En l’espèce, la Marque visée par la demande est composée uniquement de l’expression ISTOCKHOMES.

[56]  En conséquence, ce facteur favorise fortement l’Opposante.

Circonstance de l’espèce – famille de marques

[57]  Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante soutient avoir enregistré et employé une famille de marques comprenant l’élément ISTOCK, et que cette famille de marques devrait bénéficier d’une protection plus grande que si l’Opposante n’était propriétaire que d’une seule de ces marques. L’Opposante soutient que cela tient au fait que le public risque de croire que la Marque est simplement une autre marque de la famille de marques ISTOCK de l’Opposante en raison des similarités entre la Marque et les Marques de commerce de l’Opposante et du recoupement entre les services, les activités et la nature du commerce de chaque partie.

[58]  En présence d’une famille de marques de commerce, il existe parfois une plus grande probabilité que le public confonde avec une autre marque de commerce de la famille une marque de commerce semblable et, par conséquent, suppose que le produit ou le service lié à cette marque de commerce est fabriqué ou exécuté par la même personne [Everex Systems Inc c Everdata Computer Inc, (1992), 44 CPR (3d) 175 à 183 (CF 1re inst)]. Cependant, dans une procédure d’opposition, on ne peut pas présumer l’existence d’une famille de marques de commerce. La partie qui cherche à établir l’existence d’une famille de marques doit démontrer qu’elle emploie plus d’une ou deux marques appartenant à la famille alléguée [ Techniquip Ltd c Canadian Olympic Assn (1998), 145 FTR 59 (CF 1re inst), conf par 250 NR 302 (CAF); Now Communications Inc c CHUM Ltd (2003), 32 CPR (4th) 168 (COMC)].

[59]  En l’espèce, l’Opposante a uniquement établi l’emploi des marques de commerce ISTOCK et ISTOCKPHOTO. S’il existe une preuve que les marques de commerce ISTOCKAUDIO et ISTOCKVIDEO ont été englobées dans des noms de domaine qui réacheminent les visiteurs vers le site Web de l’Opposante (www.istockphoto.com), j’estime que cela ne constitue pas un emploi de marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi, plus précisément considérant que je ne dispose d’aucune preuve que l’une ou l’autre de ces marques de commerce, dans leur adresse URL originale (www.istockaudio.com et www.istockvideo.com), aurait été présentée en liaison avec les services de l’Opposante offerts sur le site Web de l’Opposante après que l’utilisateur y a été acheminé [McMillan LLP c SportsLine.com, Inc, 2014 COMC 51 (CanLII). Voir également Sun Media Corporation c The Montreal Sun, supra qui établit que le simple enregistrement d’un nom de domaine ne constitue pas l’emploi d’une marque de commerce, au sens de l’article 4 de la Loi].

[60]  Par conséquent, j’estime que l’Opposante n’a pas démontré qu’elle possède une famille de marques de commerce ISTOCK de sorte qu’il y aurait une probabilité accrue de confusion.

Circonstance de l’espèce – examen de la Marque par l’OPIC et à l’USPTO

[61]  Par voie de l’affidavit Camp, la Requérante a fourni une copie d’un extrait tiré du site Web de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) faisant état de la demande de la Requérante au 27 mars 2014 (affidavit Camp, para 8; pièce 5). M. Camp affirme que [Traduction] « le 27 mars 2014, l’OPIC a autorisé la demande sans publier de rapport d’examen indiquant qu’une quelconque marque de commerce déposée ou en instance aurait pu créer de la confusion avec la Marque de la Requérante ». La Requérante soutient que cela corrobore sa prétention voulant qu’il n’existe pas de probabilité de confusion entre les marques de commerce des parties.

[62]   Nonobstant le fait qu’aucune copie de l’historique du dossier de la demande n’a été fournie, il a déjà été établi que cette Commission n’est pas en mesure d’expliquer les conclusions de la section de l’examen de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada [Drummond Brewing Company Ltd c Moosehead Breweries Ltd, 2017 COMC 113 au para 62]. La section de l’examen ne dispose pas des éléments de preuve qui sont produits par les parties dans une procédure d’opposition et le fardeau est différent lors de l’examen [voir les articles 37 et 38 de la Loi; Thomas J Lipton Inc c Boyd Coffee co (1991), 40 CPR (3d) 272, à la p 277 et Proctor & Gamble Inc c Morlee Corp (1993), 48 CPR (3d) 377, à la p 386].

[63]  La Requérante fournit également une copie d’un extrait de la lettre officielle originale du United States Patent and Trademark Office (USPTO) favorable à la demande correspondante de la Requérante visant l’enregistrement de la marque de commerce ISTOCKHOMES aux États-Unis (affidavit Camp, para 9; pièce 6). M. Camp affirme que la recherche effectuée par l’USPTO dans ses dossiers [Traduction] « n’a pas permis de retrouver des marques semblables, déposées ou en instance, qui empêcheraient l’enregistrement de la marque de commerce aux États-Unis ». Cependant, le registraire n’est pas lié par le simple fait que des marques peuvent coexister aux registres des marques de commerce d’autres pays (quoique, en l’espèce, une telle preuve n’a même pas été produite) [Quantum Instruments Inc c Elinca SA (1995), 60 CPR (3d) 264 (COMC)]. À cet égard, il peut exister d’autres facteurs qui justifient la coexistence de deux marques dans un registre étranger qui n’existent pas au Canada (p. ex. des différences dans le droit, un état du registre différent, etc.) [Barilla G c Nam Phuong VN Company Limited, 2016 COMC 174 (CanLII) au para 45].

[64]  Par conséquent, j’estime qu’il ne s’agit pas d’une circonstance de l’espèce favorisant la Requérante.

Conclusion

[65]  Comme je l’ai indiqué précédemment, l’article 6(2) de la Loi ne porte pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais sur la confusion quant à la source des services.

[66]  En l’espèce, l’évaluation de la confusion exige de déterminer si, à la vue de la Marque employée en liaison avec les Services, un consommateur croirait à tort que les Services sont fournis par l’Opposante qui, par l’intermédiaire de son site Web, offre aux utilisateurs un accès à des millions de photographies libres de droits qui peuvent, pour l’essentiel, être utilisées à des fins commerciales. Selon la prépondérance des probabilités, j’estime que ce ne serait pas le cas.

[67]  Bien que le facteur énoncé à l’article 6(5)e) favorise largement l’Opposante, et que les facteurs énoncés aux articles 6(5)a) et b) favorisent également l’Opposante, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, et plus précisément des différences dans le genre des services et des entreprises des parties, je conclus que la prépondérance des probabilités entre la conclusion qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion et la conclusion qu’il existe une probabilité raisonnable de confusion favorise légèrement la Requérante. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

[68]  Je souligne que si l’Opposante avait établi l’emploi d’une famille de marques de commerce, cela aurait pu me convaincre que la prépondérance des probabilités, en l’espèce, aurait été égale; et j’aurais été portée à conclure que la Requérante ne se serait pas acquittée de son fardeau de preuve.

Articles 16(3)a) et c) et 2

[69]  En l’espèce, la date à laquelle la question de la confusion est évaluée n’a pas d’incidence sur le résultat de mon analyse. Par conséquent, dans la mesure où l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard de ces motifs d’opposition, ils sont tous rejetés pour des raisons semblables à celles exposées précédemment relativement au motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d).

Décision

[70]   Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.  

 

Jennifer Galeano

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience tenue

AGENT(S) AU DOSSIER

Clark Wilson LLP

POUR L’OPPOSANTE

Shift Law

POUR LA REQUÉRANTE

 


 

Annexe A

No d’enregistrement

Marque de commerce

Services

Revendication d’emploi

LMC660,331

ISTOCKPHOTO

(1) Fourniture d’une base de données consultable en ligne de photographies numériques, d’illustrations, d’audio, de vidéo, de polices de caractères, d’entrefilets de code et d’autres éléments de conception permettant la vente ou le don et le téléchargement de photographies numériques, d’illustrations, d’audio, de vidéo, de polices de caractères, d’entrefilets de code et d’autres éléments de conception à des tiers; fourniture d’un forum de discussion en ligne au sujet des photographies numériques, des illustrations, de l’audio, des vidéos, des polices de caractères, des entrefilets de code et d’autres éléments de conception, de même que des groupes de discussion suivants : outils de conception numérique, logiciels et matériel informatique; démarche créatrice; méthodes et procédés de photographie numériques et conventionnels; formation, articles, tutoriels et jeux-questionnaires; fourniture de services de soutien en ligne pour le téléchargement amont et le téléchargement de photographies numériques, d’illustrations, d’audio, de vidéo, de polices de caractères, d’entrefilets de code et d’autres éléments de conception sur Internet.

Employée au CANADA depuis au moins le 7 avril 2000.

 

LMC719,307

ISTOCK

(1) Offre d’une base de données de photographies numériques en ligne, d’illustrations numériques, d’enregistrements audionumériques, d’enregistrements vidéonumériques, de polices de caractères numériques et d’autres éléments graphiques numériques permettant la vente ou l’offre de cadeaux publicitaires et le téléchargement de photographies numériques, d’illustrations numériques, d’enregistrements audionumériques, d’enregistrements vidéonumériques, de polices de caractères numériques et d’autres éléments graphiques numériques à des tiers; (2) Offre d’un réseau social et d’un forum de discussion en ligne ayant trait aux photographies numériques, illustrations numériques, enregistrements audionumériques, enregistrements vidéonumériques, polices de caractères numériques et autres éléments graphiques numériques, nommément forums de discussion ayant trait aux sujets suivants : outils, logiciels et matériel informatique pour la conception numérique; procédés et méthodes de création ayant trait à la création, à l’édition et à l’utilisation de contenu numérique; procédés et méthodes de photographie classiques et numériques; questions de propriété intellectuelle, formation, articles, tutoriels et jeux-questionnaires ayant trait à la création, à l’édition et à l’utilisation de contenu visuel et de contenu audio; (3) Services de soutien en ligne pour télécharger vers l’amont et télécharger vers l’aval des photographies, des illustrations, des fichiers audio, des fichiers vidéo et des polices de caractères numériques ainsi que d’autres contenus numériques sur Internet.

Employée au CANADA depuis au moins le 1er janvier 2005.

LMC669, 030

ISTOCKPRO

(1) Fourniture d’une base de données consultable en ligne de photographies numériques, illustrations, audio, vidéo, polices, entrefilets de codes et autres éléments de conception, qui permettent la vente ou le don gratuit et le téléchargement de photographies numériques, illustrations, audio, vidéo, polices, entrefilets de codes et autres éléments de conception à des tiers.

(2) Fourniture de forums de discussion en ligne sur les photographies numériques, les illustrations, le contenu audio, le contenu vidéo, les polices de caractères, de courts extraits du code et d’autres éléments de conception, y compris les forums de discussion portant sur les outils de conception numérique, les logiciels et le matériel; création; méthodes et procédés de photographie conventionnels et numériques; formation, articles, didacticiels et jeux-questionnaires.

(3) Services de soutien en ligne concernant le téléchargement en amont et en aval de photographies numériques, illustrations, sons, images animées, polices, entrefilets de code et autres éléments de conception sur Internet.

Employée au CANADA depuis au moins le 4 décembre 2002.

LMC727, 658

ISTOCKAUDIO

(1) Offre d’une base de données consultable en ligne d’enregistrements et de séquences audionumériques qui permettent la vente, l’octroi de licences, la distribution gratuite et le téléchargement d’enregistrements et de séquences audionumériques pour le compte de tiers; offre d’un forum de discussion en ligne concernant les enregistrements et séquences audionumériques, de forums de discussion concernant les outils, les logiciels et le matériel informatique de conception numérique, les procédés de création, les méthodes et les procédés de création audionumériques traditionnels, de la formation, des articles, des tutoriels et des jeux-questionnaires; offre de services de soutien en ligne pour le téléchargement vers l’amont et vers l’aval d’enregistrements et de séquences audionumériques sur Internet; organisation et tenue de concours en ligne en lien avec les enregistrements audionumériques.

Déclaration d’emploi produite le 9 octobre 2008.

LMC728, 325

ISTOCKVIDEO

Offre d’une base de données consultable en ligne d’enregistrements et de clips vidéonumériques qui permet la vente, l’octroi de licences, la distribution gratuite et le téléchargement d’enregistrements et de clips vidéonumériques entre utilisateurs; offre d’un forum de discussion en ligne concernant les enregistrements et les clips vidéonumériques, de forums de discussion concernant les outils, les logiciels et le matériel informatique de conception numérique, les procédés de création, les méthodes et les procédés de création de vidéos traditionnels et numériques, de la formation, des articles, des tutoriels et des jeux-questionnaires; offre de services de soutien en ligne pour le téléchargement vers l’amont et vers l’aval d’enregistrements et de clips vidéonumériques sur Internet; organisation et tenue de concours en ligne en lien avec les enregistrements vidéonumériques.

Employée au CANADA depuis au moins le 31 juillet 2006.

 

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