Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2019 COMC 6

Date de la décision : 2019-01-24
[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

 

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Protein 2 O LLC

Partie requérante

et

 

Inutrition Inc.

Propriétaire inscrite

 

LMC800,391 pour la marque de commerce PROTEIN 2 GO

Enregistrement

 

[1]  La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée à l’égard de l’enregistrement no LMC800,391 de la marque de commerce PROTEIN 2 GO (la Marque) appartenant à Inutrition Inc.

[2]  La Marque est actuellement enregistrée en liaison avec les produits [Traduction] :

(1) Aliments enrichis, nommément suppléments alimentaires sous forme de barres alimentaires, de biscuits, de muffins, de poudres, de mélanges à boissons, de gels, de comprimés, de capsules et de boissons pour donner de l’énergie, favoriser la bonne santé et aider à la perte de poids.

[3]  Pour les raisons exposées ci-dessous, je conclus qu’il y a lieu de radier l’enregistrement.

La procédure

[4]  Le 19 août 2016, le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Inutrition Inc. (la Propriétaire). Cet avis a été donné à la demande de Protein 2 O LLC (la Partie requérante).

[5]  L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique, à l’égard de chacun des produits et des services spécifiés dans l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, qu’il précise la date à laquelle la marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 19 août 2013 au 19 août 2016.

[6]  La définition pertinente d’« emploi » est énoncée à l’article 4(1) de la Loi, qui est ainsi libellé :

4(1)  Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[7]  Il est bien établi que l’article 45 de la Loi a pour objet et portée d’offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort ». À ce titre, le niveau de preuve auquel le propriétaire inscrit doit satisfaire est peu élevé [Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp, 2004 CF 448, 31 CPR (4th) 270] et il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [voir Union Electric Supply Co c Canada (le Registraire des marques de commerce) (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)]. Il n’en faut pas moins, cependant, présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits visés par l’enregistrement.

[8]  Une marque de commerce qui n’a pas été employée selon la définition reproduite ci-dessus est susceptible de radiation, conformément à l’article 45(3) de la Loi, sauf si le défaut d’emploi est attribuable à des circonstances spéciales.

[9]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Robert DeSimone, le président de la Propriétaire, souscrit le 17 mars 2017 et accompagné des pièces 1 à 7.

[10]  Seule la Partie requérante a produit des représentations écrites. La tenue d’une audience n’a pas été sollicitée.

La preuve

[11]  M. DeSimone affirme que, le 22 février 2013, la Propriétaire a conclu une convention d’achat-vente confidentielle avec BDO Canada Limited, le séquestre privé ayant possession des biens de l’ancienne propriétaire de la Marque, Nutrimix Laboratories, Inc. Il atteste que la convention d’achat-vente comprenait l’enregistrement de la Marque, mais que la Propriétaire n’a pas autrement reçu de documents établissant l’emploi de la Marque par l’ancienne propriétaire.

[12]  M. DeSimone explique que le 19 mars 2013, la Cour supérieure de l’Ontario a autorisé la Propriétaire à acquérir l’enregistrement de la Marque, et que cette acquisition a eu lieu le 27 mars 2013. La cession a subséquemment été inscrite auprès du Bureau canadien des marques de commerce le 29 novembre 2013. Comme pièces 1, 2 et 3, il joint respectivement à son affidavit l’information figurant au registre, l’ordonnance du tribunal autorisant l’acquisition, et le certificat du séquestre.

[13]  M. DeSimone atteste que sa société exerce des activités de conception, de fabrication, de promotion et de vente de suppléments alimentaires comme des barres, des poudres, des comprimés, des capsules et des boissons protéinées. Il atteste que la Propriétaire emploie une entreprise de développement de produits du nom de Pro-Amino International, Inc. pour concevoir, tester et perfectionner des recettes de nouveaux suppléments alimentaires nutritionnels et diététiques, un processus qui, d’après son expérience, peut prendre jusqu’à deux ou trois ans. Il explique que, lorsqu’une recette est terminée et approuvée par la Propriétaire, Pro-Amino fabrique le nouveau produit qui sera distribué et vendu par la Propriétaire sous ses propres marques de distributeur. Il atteste que l’emballage et le graphisme du nouveau produit sont réalisés par l’équipe interne de marketing de la Propriétaire. Il atteste que la Propriétaire distribue le nouveau produit emballé à son réseau de distributeurs qui, à leur tour, vendent les produits emballés aux magasins de détail.

[14]  M. DeSimone atteste que, à titre de nouvelle venue dans l’industrie des suppléments alimentaires nutritionnels et diététiques, la Propriétaire prend des mesures concrètes pour relancer les produits visés par l’enregistrement en liaison avec la Marque, y compris en travaillant avec Pro-Amino depuis aussi tôt que le 4 février 2015, pour concevoir de nouvelles recettes de produits à mettre en vente. Comme pièce 4, il joint à son affidavit un échange de courriels ayant eu lieu le 21 décembre 2015 entre la Propriétaire et un employé de Pro-Amino, au sujet des caractéristiques d’une barre alimentaire. Une photographie qui accompagnait cet échange de courriels, illustrant une barre alimentaire dans un emballage sans marque, est jointe comme pièce 5.

[15]  M. DeSimone joint comme pièce 6 une image de l’emballage proposé pour la barre alimentaire conçu par la Propriétaire, en date du 9 février 2016. La Marque figure bien en vue sur l’emballage représenté sur cette image.

[16]  M. DeSimone atteste que la Propriétaire a dépensé des dizaines de milliers de dollars pendant la période pertinente pour la conception de nouvelles recettes, les nouveaux emballages et le marketing des produits, et qu’elle a rencontré des détaillants pour connaître leur avis sur les produits. Il estime que la Propriétaire est, comme prévu, en voie de commencer à vendre des produits arborant la Marque au Canada au cours du deuxième trimestre de 2018. Comme pièce 7, il joint à son affidavit une confirmation de l’enregistrement du nom de domaine Protein2Go.ca, qui, atteste-t-il, sera mis en ligne lorsque la Propriétaire relancera la marque PROTEIN 2 GO au cours du deuxième trimestre de 2018.

Analyse et motifs de décision

[17]  La Propriétaire ne revendique pas l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement pendant la période pertinente. Comme je l’ai indiqué précédemment, en l’absence d’une preuve d’emploi, une marque de commerce est susceptible de radiation conformément à l’article 45(3) de la Loi, sauf si le défaut d’emploi est attribuable à des circonstances spéciales. Par conséquent, la question qui se pose en l’espèce est celle de savoir s’il existait des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque pendant la période pertinente.

[18]  En règle générale, la question de savoir s’il existait des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi repose sur l’examen de trois critères, énoncés dans Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF). Le premier est la durée de la période pendant laquelle la marque n’a pas été employée, le deuxième consiste à déterminer si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit, et le troisième, à déterminer s’il existe une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la marque à court terme. De plus, en ce qui concerne le deuxième critère, les circonstances du défaut d’emploi doivent être de celles qui n’existent pas dans la majorité des cas de défaut d’emploi ou, de façon similaire, doivent être des [Traduction] « circonstances qui sont inhabituelles, rares ou exceptionnelles » [voir John Labatt Ltd c The Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst)].

[19]  La décision rendue dans Scott Paper Ltd c Smart & Biggar, 2008 CAF 129, 65 CPR (4th) 303, apporte des précisions supplémentaires quant à l’interprétation du deuxième critère, à savoir que ce critère doit obligatoirement être rempli pour que l’on puisse conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi d’une marque de commerce. En d’autres termes, les deux autres critères sont pertinents, mais ils ne sauraient à eux seuls constituer des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi.

[20]  En ce qui concerne le premier critère, un propriétaire inscrit doit généralement indiquer ou autrement établir à quel moment la marque de commerce a été employée pour la dernière fois. Lorsque, comme en l’espèce, aucune date de dernier emploi n’est fournie, la date de l’enregistrement ou la date de la cession de la marque de commerce au propriétaire actuel sera généralement celle qui sera prise en compte [Cassels Brock & Blackwell LLP c Montorsi Francesco E Figli-SpA (2004), 35 CPR (4th) 35 (CF); Sim & McBurney c Hugo Boss AG (1996), 67 CPR (3d) 269 (COMC); GPS (UK) c Rainbow Jean Co (1994), 58 CPR (3d) 535 (COMC)]. Ainsi, aux fins de la présente analyse, la date de dernier emploi est la date a laquelle a eu lieu l’acquisition du présent enregistrement, c’est-à-dire le 27 mars 2013, soit environ cinq mois avant le début de la période pertinente.

[21]  En ce qui concerne le deuxième critère du test énoncé dans Harris Knitting , la Partie requérante soutient qu’il n’y avait pas de circonstances indépendantes de la volonté de la Propriétaire, et certainement aucune circonstance pouvant être considérée comme inhabituelle, rare ou exceptionnelle. Les raisons à l’origine du défaut d’emploi en l’espèce, comme l’a expliqué M. DeSimone, sont que la Propriétaire a fait l’acquisition de la Marque peu avant le début de la période pertinente et a dû prendre des mesures préparatoires préalablement à son entrée sur le marché. À cet égard, M. DeSimone atteste que, d’après son expérience, cela peut prendre jusqu’à deux ou trois ans pour concevoir, tester et perfectionner des recettes de nouveaux suppléments alimentaires nutritionnels et diététiques.

[22]  En ce qui concerne le troisième critère, la Partie requérante soutient qu’il y a très peu d’éléments de preuve pour étayer les déclarations faites par M. DeSimone dans son affidavit quant aux mesures que prend la Propriétaire pour relancer la marque PROTEIN 2 GO.

[23]   Il est raisonnable de présumer qu’un nouveau propriétaire puisse avoir besoin de temps pour prendre les arrangements nécessaires à l’emploi d’une marque de commerce nouvellement acquise [voir Hudson’s Bay Co c Bombay & Co, 2013 CarswellNat 3556; Baker & McKenzie c Garfield’s Fashions Ltd (1993), 52 CPR (3d) 274 (COMC)]. Cela concorde avec l’intention apparente du législateur selon laquelle un propriétaire inscrit dispose généralement d’un délai de démarrage maximal de trois ans pour commencer à faire un usage commercial sérieux de sa marque de commerce au Canada à compter de la date d’enregistrement de cette dernière [voir 2001237 Ontario Ltd c Footstar Corp, 2003 CarswellNat 6253 (COMC)]. En l’espèce, toutefois, la période de défaut d’emploi dépasse ce délai de démarrage maximal d’environ deux ans. En guise d’explication, M. DeSimone indique que la Propriétaire travaille avec Pro-Amino depuis aussi tôt que le 4 février 2015, pour concevoir de nouvelles recettes de produits en liaison avec lesquels elle projette d’employer la Marque, et estime que la Propriétaire est en voie de commencer à employer la Marque en liaison avec les produits en 2018. Cette estimation indique une période totale de défaut d’emploi de la Marque d’environ cinq ans, y compris une période allant du 27 mars 2013 au 4 février 2015 à l’égard de laquelle aucune information ou explication n’est fournie.

[24]  De plus, comme dans Footstar, le déposant ne fait qu’affirmer d’une manière estimative et conjecturale portant que l’emploi de la Marque devrait commencer sou peu, sans présenter quoi que ce soit de plus concret que des rencontres avec des détaillants potentiels pour discuter des produits et connaître leur avis. En outre, je souligne que la preuve fournie par la Propriétaire quant aux mesures prises pour reprendre l’emploi ne concerne qu’un seul des produits visés par l’enregistrement, à savoir les barres alimentaires.

[25]  Bien que je reconnaisse que la preuve produite par M. DeSimone montre que certaines mesures ont été prises en vue de commencer l’emploi de la Marque en liaison avec des barres alimentaires, rien ne me permet de conclure que les circonstances décrites dans l’affidavit de M. DeSimone sont à ce point [Traduction] « inhabituelles, rares ou exceptionnelles » qu’elles correspondent aux circonstances spéciales qui sont décrites dans John Labatt, supra, en particulier si l’on tient compte de la période de défaut d’emploi inexpliquée de près de deux ans. J’admets la déclaration de M. DeSimone portant qu’il faut compter environ deux à trois ans pour commercialiser un produit, mais je ne dispose d’aucune preuve me permettant de conclure que ce processus a commencé avant le 4 février 2015, ou que ce délai était d’une manière ou d’une autre indépendant de la volonté de la Propriétaire. De plus, même si j’admettais que la preuve de la Propriétaire indique une intention sérieuse de reprendre l’emploi, la loi établit clairement qu’une telle intention ne saurait constituer une circonstance spéciale en soi, comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale dans Scott Paper, supra [Traduction] :

[28] Il appert de cette analyse que l’intention de l’inscrivant de reprendre l’emploi d’une marque qui était absente du marché ne peut correspondre aux circonstances spéciales qui justifient le non‑emploi de la marque et ce, même si des mesures ont été prises pour actualiser ces plans. Les plans d’usage futur n’expliquent pas la période de non-emploi et ne sauraient donc constituer des circonstances spéciales. Aucune interprétation raisonnable des mots utilisés à l’article 45 ne pourrait mener à cette conclusion.

[26]  Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la Propriétaire a démontré l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque pendant la période pertinente.

décision

[27]  En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

 

 

Kathryn Barnett

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue.

AGENT(S) AU DOSSIER

Smart & Biggar

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Gowling WLG (Canada) LLP

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Theo Yates

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

Bereskin & Parr LLP/S.E.N.C.R.L., s.r.l.

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

 

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