Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Citation: 2018 COMC 160

Date de la décision: 2018-12-19

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45

 

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN LLP

Partie requérante

et

 

6892078 Canada Inc.

Propriétaire inscrite

 

LMC850,026 pour la marque de commerce Oval avec silhouette de femme, fleur. Milieu avec lettres stylisées

Enregistrement

[1]  Le 13 mai 2016, à la demande de FASKEN MARTINEAU DUMOULIN LLP (la Partie requérante), le registraire a envoyé l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à 6892078 Canada Inc. (la Propriétaire), titulaire de l’enregistrement n° LMC850,026 pour la marque de commerce « Oval avec silhouette de femme, fleur. Milieu avec lettres stylisées », reproduite ci-dessous (la Marque) :

[2]  La Marque est enregistrée en liaison avec les produits et services suivants :

Produits

(1) Produits naturels à usage humain nommément substituts de repas sous forme de barres de remplacement de repas à saveur d’arachides, crème caramel, aux fruits, au chocolat, pomme-cannelle, café, granola et pépites de chocolat pour aider à la perte et au maintien du poids.

(2) Cosmétiques. Gels, huiles et lotions de massage, huiles essentielles pour utilisation personnelle et pour l’aromathérapie. Savons pour la peau; solutions de trempage pour les pieds et les mains; baumes, crèmes et lotions hydratantes, raffermissant, tonifiantes et adoucissantes pour la peau; lait pour la peau; exfoliants pour la peau; crèmes et lotions anticellulite; masques de beauté; vaporisateurs pour le visage et le corps; crèmes de rasage; crèmes pour les mains et les pieds; crèmes antisolaires; crèmes et lotions de bronzage; traitements réparateurs pour les yeux, crèmes antirides, crèmes pour les paupières; onguent pour le soin de la peau; préparations émulsifiantes pour hydrater, nettoyer, exfolier, protéger et régénérer la peau et les muqueuses et pour traiter et prévenir les désordres reliés au vieillissement ou maladies affectant la peau et les muqueuses. Produits de cure thermale, nommément boue détoxifiante, boue revitalisante, enveloppements pour le corps. Produits pour le bain, nommément désincrustants au sel de mer, gel douche, gel moussant, lait de bain, perles pour le bain, sels de bain. Produits pour les cheveux, nommément fixatifs, gels, produits de rinçage capillaire, revitalisants, shampooings, teintures, traitements réparateurs pour cheveux endommagés, pommades, brosses, peignes, séchoirs, diffuseur, fer à défriser. Produits pour soins des ongles, nommément vernis a ongles, couche de base et de finition, limes a ongles, faux ongles, laques à ongles, acétone, traitement pour ongles fragiles et les cuticules, paraffine pour le traitement des mains. Produits pour la mise de cils, nommément faux cils, colle, revitalisant, décorations pour faux cils, brosses à cils. Miroirs à mains; serviettes de tissus; chandelles, pot-pourri.

Services

(1) Services de spa; services de spa médical; services de soins esthétiques, nommément épilation à la cire et au laser, manucure, pédicure, maquillage, facials, pose d’ongles; salon de coiffure; soins corporels, nommément services de massothérapie, massages corporels, thalassothérapie, bains thérapeutiques, bains de vapeur, bains turcs, bains scandinaves, cures d’algues, douches corporelles, douches à jets, saunas, drainages lymphatiques, vibrothérapie, galvanothérapie, pressothérapie, enveloppements corporels, hydrothérapie, traitements d’aromathérapie, injections de toxine botulique, injections d’acide hyaluronique, traitement de rajeunissement de la peau au laser, imagerie de la peau, traitements au laser pour veines faciales et rougeurs, traitement des tâches [sic] pigmentaires et rosacée de la peau; microdermabrasion, naturopathie, réflexologie, algothérapie. Traitement physique visant à corriger les anomalies de posture; physiothérapie, orthothérapie, pressothérapie, kinésithérapie, nommément l’emploi thérapeutique des mouvements de gymnastique et des diverses formes de massages. Conseils et séminaires dans le domaine de l’esthétique, soins corporels et sur la forme physique. Services de bronzage. Vente au détail de cosmétiques, de produits pour les cheveux, de produits pour l’aromathérapie, de produits pour le bain, de produits pour cure thermale, de suppléments alimentaires.

(2) Programme de contrôle/perte de poids.

[3]  Sauf indication à l’effet contraire, l’emploi du terme « Produits » dans la décision réfère collectivement aux produits énoncés à (1) et (2) ci-dessus. De même, l’emploi du terme « Services » réfère collectivement aux services énoncés à (1) et (2) ci-dessus, autrement individuellement désignés comme les « Services (1) » et les « Services (2) », respectivement.

[4]  L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit d’une marque de commerce indique, à l’égard de chacun des produits ou services spécifiés dans l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, qu’il précise la date à laquelle la marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente s’étend du 13 mai 2013 au 13 mai 2016.

[5]  Les définitions pertinentes d’« emploi » sont énoncées à l’article 4 de la Loi et sont libellées comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[6]  En ce qui concerne les services, la présentation de la marque de commerce dans l’annonce des services suffit pour satisfaire aux exigences de l’article 4(2) de la Loi du moment que le propriétaire de la marque de commerce offre et est prêt à exécuter les services au Canada [Wenward (Canada) Ltd c Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (COMC)].

[7]  Il est bien établi que l’article 45 de la Loi a pour objet et portée d’offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort ». Bien que de simples allégations d’emploi ne soient pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte d’une procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 63 (CAF)], le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure est peu élevé [Lang, Michener, Lawrence & Shaw c Woods Canada Ltd, 1996 CanLII 17297, 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co c Canada (Registraire des marques de commerce) (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)]. Il s’agit d’établir prima facie un emploi de la Marque [1459243 Ontario Inc c Eva Gabor International, Ltd, 2011 CF 18 (CF 1re inst)].

[8]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit un affidavit d’Issam Dweik, souscrit le 10 août 2016 accompagné des pièces P-1 à P-5.

[9]  Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites.

[10]  Bien que la tenue d’une audience ait été sollicitée par les deux parties, seule la Partie requérante y a participé.

Remarques préliminaires

[11]  À l’audience, la Partie requérante a soulevé quelques questions procédurales, abordées ci-dessous.

Admissibilité de la preuve de la Propriétaire

[12]  La Partie requérante soutient que l’affidavit de M. Dweik n’est pas admissible en preuve puisqu’il a été soumis au registraire par Me Alexandru Mihu du cabinet Draghia Avocats. Elle prétend que ni Me Mihu, ni le cabinet au sein duquel il œuvre ne sont inscrits à la Liste des agents de marques de commerce tenue par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada et qu’ils n’avaient donc pas la capacité de s’adresser au registraire.

[13]  Je note toutefois que le registraire, par voie d’une lettre officielle datée du 18 août 2016, confirmait la désignation de Me Mihu comme représentant pour signification pour la Marque. À la même date, par voie d’une autre lettre officielle, le registraire confirmait également réception de la preuve de la Propriétaire. Je note qu’aucune problématique visant la preuve soumise n’a alors été soulevée, que ce soit par le registraire ou la Partie requérante. Dans les circonstances et considérant la nature de la présente procédure, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de discuter plus avant de cette question et suis d’avis que l’affidavit de M. Dweik est admissible en preuve.

Manquements concernant les représentations écrites de la Propriétaire

Copie

[14]  La Partie requérante soutient qu’elle n’a pas reçu copie des représentations écrites de la Propriétaire.

[15]  Dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 de la Loi, la signification n’est pas requise. Ce qui est requis d’une partie qui correspond avec le registraire, c’est de transmettre copie de toute correspondance à l’autre partie à la procédure, incluant les représentations écrites; et de confirmer, dans toute correspondance adressée au registraire, qu'une copie complète a été transmise à l’autre partie [énoncé de pratique intitulé Procédure prévue à l’article 45].

[16]  Dans sa lettre au registraire du 21 avril 2017 soumettant les représentations écrites de la Propriétaire, le nouvel agent au dossier agissant pour le compte de la Propriétaire indique qu’une copie de celles-ci a été transmise à l’autre partie. Qui plus est, la Partie requérante a indiqué lors de l’audience avoir réussi à mettre la main sur une copie des représentations écrites de la Propriétaire par sa diligence à suivre l’évolution de la présente procédure. Dans les circonstances, je ne vois aucune raison de revoir la décision du registraire de verser les représentations écrites de la Propriétaire au dossier.

Contenu

[17]  La Partie requérante critique également le contenu des représentations écrites de la Propriétaire. Plus spécifiquement, elle souligne que la Propriétaire introduit plusieurs allégations de fait qui ne sont pas autrement supportées par la preuve et qui devraient par conséquent être ignorées. Mention est notamment faite de soi-disant pièces P-6 et P-7, n’ayant pas été introduites en preuve par l’affidavit de M. Dweik et n’apparaissant nulle part au dossier.

[18]  Je confirme ne pas avoir tenu compte des éléments de preuve additionnels, ni des arguments n’étant pas supportés par la preuve versée au dossier.

Absence de la Propriétaire à l’audience

[19]  La Partie requérante souligne enfin que la Propriétaire n’a pas été représentée à l’audience, dont elle a expressément demandé la tenue.

[20]  Or, dans le cadre de la présente procédure, il n’y a pas de sanction pour l’absence non-annoncée et/ou inexpliquée en tant que telle d’une partie à l’audience, que cette partie en ait ou non préalablement requis la tenue.

La preuve au dossier

[21]  Dans son bref affidavit, M. Dweik se décrit comme [Traduction] « administrateur » (director) de la Propriétaire et son [Traduction] « représentant dûment autorisé » (duly authorized representative).

[22]  M. Dweik affirme que la Propriétaire :

[Traduction] « […] exploite une clinique esthétique offrant des programmes de perte de poids et de traitement anti-âge (ci-après le « Commerce Esthétique ») et ayant trois places d’affaires […] ».

[…] operates an aesthetics clinic offering weight loss and anti-age treatment programs (hereinafter the « Aesthetics Business ») and having three places of business […].

[23]  M. Dweik fournit les adresses de ces trois places d’affaires, deux situées à Montréal (sur les rues Monkland et Sherbrooke respectivement) et une sur la Rive-Sud de Montréal (sur le Boulevard Salaberry à Châteauguay), et affirme que :

[Traduction] « [d]epuis sa constitution, la Propriétaire a employé la Marque au quotidien en liaison avec le Commerce Esthétique qu’elle exploite et plus particulièrement […] ».

Since its incorporation, the Registrant has used the Trade-mark on a daily basis in association with the Aesthetics Business it operates and more particularly […].

[24]  M. Dweik fait plus précisément référence à l’emploi de la Marque sur les cartes professionnelles de la Propriétaire, sur son site web, sur l’ensemble de son matériel publicitaire, à ses trois places d’affaires et sur les véhicules qu’elle utilise dans le cadre de son commerce. Il produit à cet effet, au soutien de son affidavit, une carte professionnelle, un extrait dudit site web, des exemples de matériel publicitaire, deux photographies de places d’affaires de la Propriétaire, de même que trois photographies d’un véhicule automobile (respectivement les pièces P-1 à P-5). Je vais rapidement passer en revue les pièces en question.

Pièce P-1

[25]  La pièce P-1 consiste en une carte professionnelle. Je note qu’elle arbore la Marque, l’adresse www.911spamedical.com, les trois adresses des places d’affaires de la clinique de la Propriétaire et des informations de contact, de même que la description : « Clinique anti-âge, d’amaigrissement et de santé naturelle Anti-Age, Weight Loss & Natural Health Clinic ».

Pièce P-2

[26]  La pièce P-2 consiste en un extrait de ce que M. Dweik affirme être le site web de la Propriétaire. L’extrait produit n’est pas daté et l’adresse du site n’y est pas visible. On y voit la Marque, une annonce visant des « lipomassages » et des « lipolasers », ainsi que les mêmes numéro de téléphone et adresse courriel que sur la carte professionnelle produite en pièce P-1.

Pièce P-3

[27]  La pièce P-3 consiste en des exemples de matériel publicitaire. La Propriétaire fournit à ce titre un éventail de documents parmi lesquels on retrouve des coupons rabais, un dépliant et plusieurs brochures promotionnelles décrivant divers services, une pochette pour certificats cadeaux, de même que des extraits d’une revue ethnique et d’un journal local faisant état de certains des services offerts par la Propriétaire. Je reviendrai sur les points saillants de ces documents dans le cadre de mon analyse ci-dessous.

Pièce P-4

[28]  La pièce P-4 consiste en ce que M. Dweik affirme être des photographies montrant la Marque comme employée aux places d’affaires de la Propriétaire. La première photo illustre en partie la vitre d’une porte d’entrée arborant la Marque, un numéro de téléphone (le même que celui apparaissant sur la carte professionnelle produite en pièce P-1), l’adresse www.911slim.com, et la description, partiellement lisible, reproduite ci-dessous :

On fait plus que vous maquiller: o[?] We do more than just make-up: W[?] Clinique d’amaig[rissement] anti-âge et sant[é]

  • o Perte de poids

  • o Lipomassage par ende[?]

  • o Traitements anti-cellulite

  • o Systèmes de désintoxicatio[n]

  • o Naturothérapie

  • o Body sculpturing

  • o Lifting non chirurgical

  • o Soins de la peau [?]

[29]  La deuxième photo illustre en partie la devanture d’une maison à l’entrée de laquelle on voit notamment une pancarte titrant « OUVERTURE Sur rendez-vous seulement GRAND OPENING By appointment only » sur laquelle apparaît aussi la Marque. Les références au numéro de téléphone et au site web visibles sur la première photo apparaissent aussi à différents endroits sur la deuxième, de même que la description « Clinique anti-âge, d’amaigrissement et de santé naturelle Anti-age, weight loss and natural health clinic ».

Pièce P-5

[30]  La pièce P-5 consiste en trois photographies d’un véhicule automobile, visiblement immatriculé au Québec, sur lequel sont notamment affichés la Marque, une description similaire à celles retrouvées sur la carte professionnelle produite en pièce P-1 et sur la deuxième photo produite en pièce P-4, et les mêmes numéro de téléphone et adresse de site web que ceux retrouvés dans la pièce P-4.

Analyse

[31]  Dans ses représentations, la Partie requérante remet en question plusieurs aspects de la preuve de la Propriétaire. De façon générale, elle allègue des lacunes dans la preuve, faisant valoir que l’affidavit de M. Dweik est imprécis, vague et susceptible de nombreuses interprétations. Passant la preuve en revue pièce par pièce, elle insiste sur le fait qu’aucune de ces pièces ne constitue une preuve valable d’emploi de la Marque pendant la période pertinente, que ce soit en association avec les Produits ou les Services.

Emploi en liaison avec les Produits

[32]  En ce qui concerne les Produits visés par l’enregistrement, je conviens avec la Partie requérante que M. Dweik ne fournit aucune preuve d’emploi de la Marque y relative au cours de la période pertinente ou à un moment quelconque. L’affidavit de M. Dweik est silencieux à ce sujet et les éparses mentions de produits que je note en examinant l’ensemble de la preuve concernent plutôt la vente de produits arborant des marques de commerce différentes, telles « RIVAGE » et « BATH FAIRY ».

[33]  La Propriétaire n’a par ailleurs présenté aucun fait pouvant être considéré à titre de circonstance spéciale justifiant le défaut d’emploi de la Marque en liaison avec les Produits pendant la période pertinente. Les Produits seront donc radiés de l’enregistrement.

Emploi en liaison avec les Services

[34]  En ce qui concerne les Services visés par l’enregistrement, M. Dweik affirme que, depuis sa constitution, la Propriétaire a employé la Marque au quotidien en liaison avec son Commerce Esthétique tel que démontré plus particulièrement par les pièces P-1 à P-5.

[35]  Tel que souligné par la Partie requérante, la date de constitution de la Propriétaire n’est pas spécifiquement indiquée dans la preuve. La Propriétaire soutient qu’il découle de l’affirmation de M. Dweik à l’effet que la Marque a été employée « au quotidien » depuis sa constitution, qu’elle l’a aussi été pendant la période pertinente. La Propriétaire fait notamment valoir que, même si elle n’a pas fourni sa date de constitution, il est évident qu’elle n’aurait pu initier ou prendre part au processus d’enregistrement de la Marque sans préalablement avoir été dûment constituée.

[36]  Toutefois, lors de l’examen d’une nouvelle demande d’enregistrement, la Loi n’impose pas au registraire la responsabilité d’authentifier le nom du requérant ou son existence dans les faits, pas plus que celle de s’assurer que le statut corporatif du requérant est en règle. Je ne peux donc souscrire à l’argument qu’il existe une quelconque présomption à l’effet qu’une société est dûment constituée du simple fait qu’elle a produit une demande d’enregistrement pour une marque de commerce. Cela dit, considérant la preuve dans son ensemble, j’estime néanmoins raisonnable d’inférer qu’en affirmant que la Propriétaire emploie la Marque « depuis sa constitution », M. Dweik entendait « avant même la demande d’enregistrement » ayant abouti à l’enregistrement visé par la présente procédure, auquel il réfère expressément dans son affidavit.

[37]  La Propriétaire soutient également que l’affidavit de M. Dweik, même s’il apparaît général, répond à tous les critères de l’article 45 de la Loi. Plus spécifiquement, elle fait valoir que tant ce document que les pièces y annexées montrent clairement l’emploi de la Marque en liaison avec les Services pendant la période pertinente.

[38]  Je conviens avec la Partie requérante qu’il est possible de relever diverses lacunes lorsqu’on examine individuellement et méticuleusement chacune des pièces soumises par la Propriétaire. Je rappelle toutefois que dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 de la Loi, il est important de considérer la preuve dans son ensemble. En ce sens, même si plusieurs des représentations de la Partie requérante ne sont pas sans mérite, son approche consistant à disséquer et considérer isolément chaque élément de preuve soumis par la Propriétaire, me paraît inappropriée [voir Kvas Miller Everitt c Compute (Bridgend) Limited (2005), 47 CPR (4th) 209 (COMC)].

[39]  La preuve n’a pas à être parfaite. Tel qu’indiqué plus haut, un propriétaire inscrit doit seulement présenter une preuve prima facie d’emploi au sens des articles 4 et 45 de la Loi. Ce fardeau de preuve est léger; la preuve n’a qu’à exposer des faits à partir desquels une conclusion d’emploi peut s’inférer logiquement [Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184].

[40]  Ainsi, considérant l'ensemble de la preuve produite dans le cadre de la présente procédure, j’estime que la Propriétaire a rencontré son fardeau de démontrer que la Marque ne constitue pas du « bois mort », à tout le moins pour ce qui est d’une partie des Services (1) de même que pour l’intégralité des Services (2).

Emploi en liaison avec les Services (1)

[41]  Bien que les faits y avancés soient limités, objectivement interprétée et considérée dans son ensemble, la preuve produite par la Propriétaire fait état de plus que de simples allégations d’emploi et permet en effet de tirer des inférences raisonnables suffisantes en vue de conclure à l’emploi de la Marque en liaison avec une partie des Services (1) pendant la période pertinente. À mon avis, celles des pièces soumises qui se recoupent établissent suffisamment de liens permettant de corroborer l’exactitude des faits mis de l’avant par l’affidavit de M. Dweik, et de combler, du moins dans une certaine mesure, les éléments moins précis des affirmations y contenues.

[42]  Par exemple, lorsque j’examine la pièce P-3, de la douzaine de documents soumis à titre de matériel publicitaire, je retiens plus spécifiquement trois brochures promotionnelles aux dates complètes clairement rattachées à la période pertinente, soit les « Promotions de printemps », « Promos d’automne », et « Promotions d’hiver » expirant respectivement les 15 juin 2015, 1er décembre 2015, et 1er mars 2016. Elles contiennent toutes des descriptions recoupant une partie des Services (1) (dont plusieurs se recoupent au fil des promotions). Les brochures réfèrent aussi à un numéro de téléphone (le même que celui apparaissant sur les pièces P-1, P-2, P-4 et P-5) et à un site web (correspondant également à celui apparaissant sur les pièces P-4 et P-5).

[43]  Une quatrième brochure promotionnelle, intitulée « Promotions d’ouverture » (décrivant des services recoupant, pour la plupart, ceux annoncés dans les trois brochures promotionnelles discutées plus haut), porte une date d’expiration en format numérique, soit « 01.06.2016 », et mentionne les adresses des trois places d’affaires de la Propriétaire. Le matériel publicitaire de la Propriétaire étant majoritairement bilingue, je ne dispose pas d’information permettant de déterminer avec certitude si les promotions y annoncées expirent le 6 janvier 2016 ou le 1er juin 2016 et donc, de clairement situer cette brochure promotionnelle à l’intérieur de la période pertinente. Quoiqu’il en soit, considérant cette brochure à la lumière des autres documents produits en liasse sous la pièce P-3, dont notamment un dépliant non daté mentionnant seulement les adresses des places d’affaires de la rue Monkland et du Boulevard Salaberry, et un coupon rabais assorti à cette promotion mentionnant « Pour mieux vous servir maintenant 3 succursales » avec l’adresse de chacune des trois places d’affaires de la Propriétaire et dont l’une des promotions s’applique uniquement à la succursale de la rue Sherbrooke à Montréal, je conclus que la place d’affaires de la rue Sherbrooke est la dernière des succursales de la Propriétaire à avoir lancé ses activités. En d’autres mots, les « Promotions d’ouverture » annoncées dans la brochure promotionnelle arborant la date d’expiration « 01.06.2016 » visent à souligner l’ouverture d’une troisième succursale en complément des services déjà offerts par le biais des deux autres succursales de la Propriétaire, sises sur la rue Monkland et le Boulevard Salaberry.

[44]  En effet, bien que M. Dweik ne précise pas la date d’ouverture de chacune de ses trois succursales, ni auxquelles des trois succursales précisément se rattachent les photographies des deux places d’affaires produites sous la pièce P-4, la trame factuelle qui se dégage de l’ensemble de la preuve m’amène à conclure qu’à tout le moins deux des trois succursales de la Propriétaire étaient en activité pendant la période pertinente.

[45]  Me fondant sur les éléments ressortant des trois brochures promotionnelles pouvant clairement être rattachées à la période pertinente discutées plus haut, dont le langage utilisé dans celles-ci (comme par exemple : « Profitez dès maintenant! [de] 3 sessions de […] », « Achetez un produit corporel ou de bain et obtenez une thérapie de bain ou une session de hammam gratuite »; « Perdez du poids […] »), les listes de prix (promotionnels vs. réguliers) y indiqués; etc., j’estime raisonnable de conclure que la Propriétaire était prête à rendre à tout le moins les services y annoncés pendant la période pertinente.

[46]  À cet égard, bien que je convienne avec la Partie requérante que M. Dweik n’a pas fourni de détails quant à la façon dont ces brochures ont été distribuées ou au lieu de leur distribution, je ne vois aucune raison, dans le présent cas, de conclure que celles-ci n’ont pas été distribuées pendant la période pertinente et de ne pas accorder foi à l’affirmation de M. Dweik à l’effet que pareil matériel publicitaire a été, de fait, employé par la Propriétaire dans le cadre de l’exploitation et de l’annonce de son Commerce Esthétique [pour une conclusion semblable, voir K-2 Corp c 4164652 Canada Inc, 2014 COMC 58, au para 19].

[47]  Ainsi, en corrélant les services décrits dans ces trois promotions aux Services (1) et gardant à l’esprit le principe selon lequel « il faut se garder d’examiner avec un soin méticuleux le langage utilisé dans un état déclaratif des marchandises » [Levi Strauss & Co c Canada (registraire des marques de commerce) (2006), 51 CPR (4th) 434 (CF 1re inst)], j’estime la preuve au dossier suffisante pour conclure à l’emploi de la Marque au sens de l’article 4(2) de la Loi en liaison avec les services suivants pendant la période pertinente :

Services de soins esthétiques, nommément épilation au laser, manucure, pédicure, facials; soins corporels, nommément massages corporels, bains thérapeutiques, bains de vapeur, bains turcs, saunas, enveloppements corporels, injections de toxine botulique, injections d'acide hyaluronique, traitement de rajeunissement de la peau au laser, traitement des tâches [sic] pigmentaires et rosacée de la peau; microdermabrasion, naturopathie. Vente au détail de cosmétiques, de produits pour le bain.

[48]  Pour ce qui est de la balance des Services (1), même si la preuve contient des détails concernant plusieurs d’entre eux, je ne suis pas prête à tirer les inférences nécessaires à leur maintien faute de dates ou d’allégations de faits plus précises me permettant de les rattacher à la période pertinente. Ne disposant d’aucun fait pouvant être considéré à titre de circonstance spéciale justifiant leur défaut d’emploi, ces services seront donc radiés de l'enregistrement de la Marque.

Emploi en liaison avec les Services (2)

[49]  Je suis satisfaite que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque au sens de l’article 4(2) de la Loi en liaison avec les Services (2) pendant la période pertinente, notamment en raison de la constance qui se dégage de l’ensemble des pièces y référant, ainsi que du langage correspondant utilisé par M. Dweik dans son affidavit. Par exemple, une corrélation peut être établie entre ces services et la « clinique d’amaigrissement » décrite dans la presque totalité des pièces P-1 à P-5. De même, j’estime qu’une corrélation peut être établie entre ces services et les différentes promotions visant spécifiquement la perte de poids décrites dans les trois brochures promotionnelles datées de la période pertinente et produites sous la pièce P-3 discutée plus haut.

Décision

[50]  En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de supprimer l'état déclaratif des produits dans son intégralité, de même que les descriptions suivantes de l'état déclaratif des services :

« Services de spa, services de spa médical; services de soins esthétiques, nommément épilation à la cire […], maquillage, […] pose d’ongles; salon de coiffure; soins corporels, nommément services de massothérapie, […] thalassothérapie, […] bains scandinaves, cures d’algues, douches corporelles, douches à jets, […] drainages lymphatiques, vibrothérapie, galvanothérapie, pressothérapie, […] hydrothérapie, traitements d’aromathérapie, […] imagerie de la peau, traitements au laser pour veines faciales et rougeurs […]; réflexologie, algothérapie. Traitement physique visant à corriger les anomalies de posture; physiothérapie, orthothérapie, pressothérapie, kinésithérapie, nommément l’emploi thérapeutique des mouvements de gymnastique et des diverses formes de massages. Conseils et séminaires dans le domaine de l’esthétique, soins corporels et sur la forme physique. Services de bronzage. Vente au détail […] de produits pour les cheveux, de produits pour l’aromathérapie, […] de produits pour cure thermale, de suppléments alimentaires. […] »

[51]  L’état déclaratif des services modifié sera libellé comme suit :

(1) Services de soins esthétiques, nommément épilation au laser, manucure, pédicure, facials; soins corporels, nommément massages corporels, bains thérapeutiques, bains de vapeur, bains turcs, saunas, enveloppements corporels, injections de toxine botulique, injections d’acide hyaluronique, traitement de rajeunissement de la peau au laser, traitement des tâches [sic] pigmentaires et rosacée de la peau; microdermabrasion, naturopathie. Vente au détail de cosmétiques, de produits pour le bain.

(2) Programme de contrôle/perte de poids.

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2018-08-22

COMPARUTIONS

Aucune comparution

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Amélie Béliveau

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

AGENTS AU DOSSIER

BENOÎT & CÔTÉ INC.

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN LLP

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

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