Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2019 COMC 7

Date de la décision : 2019-01-29
[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Bacardi & Company Limited

Partie requérante

et

 

La Fée LLP

Propriétaire inscrite

 

LMC834,461 pour la marque de commerce NV

Enregistrement

 

[1]  La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée à l’égard de l’enregistrement no LMC834,461 de la marque de commerce NV (la Marque), appartenant à La Fée LLP.

[2]  La Marque est actuellement enregistrée en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

  • (1) Boissons alcoolisées, nommément boissons alcoolisées contenant de l’absinthe ou de l’anis; liqueurs; absinthe; ustensiles de table et cuillères; dessous-de-plat et napperons; appareils distributeurs de boissons; verres à boire; couverts; imprimés, nommément livres, livrets, magazines, bulletins d’information, journaux, dépliants et périodiques.

  • (2) Boissons alcoolisées, nommément boissons alcoolisées contenant de l’absinthe ou de l’anis; spiritueux à base d’anis; liqueurs; liqueurs à base d’anis; absinthe.

[3]  Pour les raisons exposées ci-après, je conclus qu’il y a lieu de maintenir l’enregistrement à l’égard de [Traduction] « l’absinthe », mais également de le modifier afin de supprimer les autres produits.

La procédure

[4]  Le 24 août 2016, le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à La Fée LLP (la Propriétaire). L’avis a été donné à la demande de Bacardi & Company Limited (la Partie requérante).

[5]  L’avis enjoignait à la Propriétaire de fournir une preuve établissant qu’elle a employé la Marque au Canada à un moment quelconque entre le 24 août 2013 et le 24 août 2016 en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement. Si la Marque n’avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons du défaut d’emploi depuis cette date.

[6]  La définition pertinente d’« emploi » est énoncée à l’article 4(1) de la Loi, lequel est libellé comme suit :

4(1)  Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[7]  Il est bien établi que l’article 45 de la Loi a pour objet et portée d’offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort ». À ce titre, le niveau de preuve auquel le propriétaire inscrit doit satisfaire est peu élevé [Performance Apparel Corp c Uvex Toko Canada Ltd, 2004 CF 448, 31 CPR (4th) 270] et il n’est pas nécessaire de produire une « surabondance d’éléments de preuve » [voir Union Electric Supply Co c Canada (Registraire des marques de commerce) (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst), au para 3]. Cependant, il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits visés par l’enregistrement [voir Uvex Toko, supra; et John Labatt Ltd c Rainier Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[8]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de George William Rowley, souscrit le 17 novembre 2016, accompagné des pièces A à N.

[9]  Bien que seule la Partie requérante ait produit des représentations écrites, les parties étaient toutes deux présentes à l’audience qui a été tenue dans la présente affaire.

La preuve

[10]  En plus d’être l’associé directeur de la Propriétaire, M. Rowley atteste qu’il est le directeur général de Bohemia Beer House Limited, qui exerce ses activités sous le nom de BBH Spirits (BBH). BBH, explique-t-il, se spécialise dans la vente en gros de boissons alcoolisées et d’autres boissons et est aussi la chef de marque mondiale [Traduction] « de l’absinthe, du gin, de la vodka, du rhum et du whisky [de la Propriétaire], et de la Marque de la Propriétaire ».

[11]  M. Rowley atteste que BBH détient une licence écrite de la Propriétaire qui l’autorise à employer la Marque au Canada en liaison avec les produits visés par l’enregistrement et en vertu de laquelle la [Traduction] « Propriétaire exerce un contrôle direct sur les caractéristiques et la qualité des Produits NV sur lesquels BBH a apposé la Marque de commerce », qui sont importés et vendus au Canada. Il explique que, conformément aux conditions de l’accord de licence conclu avec la Propriétaire, BBH a retenu les services d’un fabricant français, la Compagnie d’Armagnac Ducastaing (Ducastaing), pour fabriquer, étiqueter, dédouaner et expédier l’absinthe de marque NV de la Propriétaire directement aux clients au Canada et dans d’autres pays. Il affirme que BBH exerce un contrôle sur l’apposition d’étiquettes préimprimées arborant la Marque sur les bouteilles contenant l’absinthe de la Propriétaire.

[12]  M. Rowley affirme que la Propriétaire, par l’entremise de ses licenciées, a importé et vendu les produits visés par l’enregistrement au Canada dans la pratique normale de ses activités commerciales pendant la période pertinente, et que la Marque était alors apposée sur les produits visés par l’enregistrement et sur leur emballage. En particulier, il affirme qu’un des produits visés par l’enregistrement que BBH importe et vend au Canada dans la catégorie des [Traduction] « Boissons alcoolisées, nommément boissons alcoolisées contenant de l’absinthe ou de l’anis; spiritueux à base d’anis; liqueurs; liqueurs à base d’anis; absinthe » est l’absinthe de la Propriétaire, commercialisée et offerte sous la Marque.

[13]  M. Rowley atteste que, pendant la période pertinente, l’absinthe de la Propriétaire a été vendue au Canada dans des bouteilles arborant la Marque et qu’elle a été expédiée à des clients au Canada dans des caisses arborant la Marque. En outre, il explique que BBH reçoit un bon de commande pour l’absinthe de la Propriétaire de la part de divers clients au Canada, comme des régies des alcools. BBH demande ensuite à Ducastaing de fournir l’absinthe de la Propriétaire directement au client, Ducastaing facture BBH et BBH facture ensuite le client.

[14]  À l’appui de ce qui précède, M. Rowley fournit ce qui suit :

Pièces B et G — des copies de bons de commande représentatifs reçus de deux régies provinciales des alcools, portant tous deux une date comprise dans la période pertinente, pour un total de 30 caisses de l’absinthe de la Propriétaire.

 

Pièces C et H — des copies d’instructions d’étiquetage représentatives que BBH a fournies à Ducastaing pour donner suite aux bons de commande des pièces B et G. Les instructions comprennent dans les deux cas une représentation de la bouteille portant une étiquette arborant clairement la Marque qui, affirme M. Rowley, est représentative des produits vendus au Canada pendant la période pertinente.

 

Pièces D et E — des photographies d’une bouteille représentative de l’absinthe de la Propriétaire et de sa caisse d’expédition, arborant tous deux clairement la Marque, qui, affirme-t-il, a été vendue au Canada pendant la période pertinente.

 

Pièces F et I – des copies de documents d’exportation français remplis par Ducastaing pour les douanes françaises, qui portent tous deux une date comprise dans la période pertinente et correspondent respectivement aux bons de commande des pièces B et G.

 

Pièces J et K — des copies de factures représentatives que Ducastaing a transmises à BBH relativement aux bons de commande remplis par les régies provinciales des alcools respectives présentés aux pièces B et G.

 

Pièces L et M – des copies de factures représentatives que BBH a transmises aux régies provinciales des alcools respectives, relativement aux achats dont font état les pièces B et G.

Pièce N – une copie d’une facture représentative datant de cinq mois avant la période pertinente par laquelle BBH a facturé ICON Fine Wine and Spirits de Vancouver, en Colombie-Britannique, pour la vente de 84 bouteilles de l’absinthe de la Propriétaire.

 

Analyse et motifs de décision

[15]  La Partie requérante soutient que la Propriétaire n’a pas établi un seul emploi de la Marque en soi ni démontré que BBH ou Ducastaing peuvent à juste titre être considérées comme des licenciées au sens de la Loi. La Partie requérante soutient que, bien que M. Rowley ait inclus des instructions concernant l’apposition d’étiquettes arborant la Marque sur les bouteilles d’absinthe, il n’a fourni aucune preuve que ces instructions provenaient de la Propriétaire ou qu’elles ont été approuvées par la Propriétaire; au contraire, au paragraphe 19 de son affidavit, M. Rowley affirme que BBH a fourni à Ducastaing les instructions jointes à son affidavit comme pièce C. Ainsi, soutient la Partie requérante, il semble que ce soit BBH, et non la Propriétaire, qui exerce un contrôle sur les caractéristiques ou la qualité des produits de la Propriétaire.

[16]  La Partie requérante soutient que, bien qu’il ne soit pas nécessaire de produire un accord de licence écrit et bien qu’une licence n’ait pas à être écrite, la Propriétaire n’a pas expliqué la relation entre la Propriétaire et BBH, en dehors des postes occupés par M. Rowley au sein de ces entreprises [citant 3082833 Nova Scotia Co c Lang Michener LLP, 2009 CF 928, [2009] ACF no 1142, au para 32]. La Partie requérante soutient qu’une simple déclaration portant qu’il existe un accord de licence n’est pas suffisante pour satisfaire aux exigences de l’article 50 de la Loi; une preuve relative au contrôle exercé, que la Propriétaire aurait facilement pu fournir, doit être produite.

[17]  Quoi qu’il en soit, la Partie requérante soutient que le seul produit inclus dans la liste de produits mentionnée dans l’un quelconque des éléments de preuve fournis par la Propriétaire est l’absinthe.

[18]  Enfin, la Partie requérante soutient que l’affidavit ne contient aucune déclaration décrivant le genre d’entreprise de la Propriétaire, ses clients ou ses voies de commercialisation. L’affidavit décrit plutôt les clients et les voies de commercialisation de BBH. La Propriétaire ne fournit donc aucune description de la pratique normale du commerce de ses produits. Sans cette information, il est impossible de déterminer si les ventes alléguées, telles qu’elles sont présentées en détail dans les factures jointes comme pièces à l’affidavit, ont eu lieu dans la pratique normale du commerce.

[19]  En ce qui concerne l’octroi d’une licence, la Propriétaire soutient que M. Rowley, qui dirige à la fois la Propriétaire et BBH, a affirmé à plusieurs reprises sous serment que le contrôle exigé est exercé. De plus, la Propriétaire soutient que la preuve, qui renvoie aux deux entités, établit que ces dernières partagent des locaux et que BBH est la chef de marque mondiale de l’absinthe de la Propriétaire, et non la propriétaire de la Marque; ainsi, la relation entre les deux entités est claire. La Propriétaire soutient que la preuve n’a pas à être parfaite [citant Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184, 90 CPR (4th) 428] et que, par conséquent, suivant la décision rendue dans l’affaire Nova Scotia, supra, la preuve en l’espèce est suffisante. Je suis du même avis.

[20]  En effet, comme l’a indiqué la Cour fédérale, le propriétaire d’une marque de commerce dispose essentiellement de trois méthodes pour démontrer qu’il exerce le contrôle exigé par l’article 50(1) de la Loi : premièrement, attester clairement qu’il exerce le contrôle exigé; deuxièmement, fournir une preuve démontrant qu’il exerce le contrôle exigé; ou troisièmement, fournir une copie de l’accord de licence qui prévoit l’exercice du contrôle exigé [tel qu’établi dans Empresa Cubana Del Tabaco Trading c Shapiro Cohen, 2011 CF 102, 91 CPR (4th) 248, au paragraphe 84]. En l’espèce, non seulement M. Rowley a-t-il fait une déclaration sous serment attestant le contrôle exercé par la Propriétaire sur BBH [voir Rubicon Corp c Comalog Inc (1990), 33 CPR (3d) 58 (COMC) en ce qui concerne les déclarations sous serment], mais la preuve dans son ensemble permet également d’inférer que ce contrôle est exercé [voir, à titre d’exemple, Petro-Canada c 2946661 Canada Inc (1998), 83 CPR (3d) 129 (CF) en ce qui concerne la direction parallèle de deux entités]. En outre, M. Rowley a clairement attesté que, conformément aux conditions de l’accord de licence conclu avec la Propriétaire, BBH a sous-traité la fabrication des produits et exerce un contrôle sur l’apposition de la Marque sur l’absinthe de la Propriétaire par le fabricant, Ducastaing.

[21]  En ce qui concerne les observations de la Partie requérante selon lesquelles la preuve se rapporte uniquement à [Traduction] « l’absinthe », la Propriétaire soutient qu’on peut dire les choses de différentes façons. En d’autres termes, si l’on consultait les définitions des produits en l’espèce, on constaterait qu’elles correspondent à la signification d’absinthe, tandis que, dans Labatt, supra, les produits étaient des produits distincts.

[22]  Cependant, je conviens avec la Partie requérante que, tout comme l’a fait la Cour dans Labatt, supra, en maintenant l’enregistrement uniquement en liaison avec de la [Traduction] « bière », même si la bière est une [Traduction] « boisson de malt », il convient en l’espèce de considérer les produits séparément. En effet, la preuve met en évidence le fait que chacun des produits visés par l’enregistrement est considéré comme un produit distinct, car l’étiquette de la pièce E pour l’absinthe de la Propriétaire indique que l’absinthe peut être mélangée à de la [Traduction] « limonade, soda au gingembre ou votre boisson énergisante préférée ». Tel qu’établi dans Labatt, supra, la spécification de produits autres que l’absinthe donne à penser, en l’absence d’une preuve contraire, que chaque produit visé par l’enregistrement est en effet différent dans une certaine mesure; s’il en était autrement, cette spécification serait superflue.

[23]  Enfin, en ce qui concerne les observations de la Partie requérante alléguant l’absence d’une preuve quant à la pratique normale du commerce de la Propriétaire, je ne suis pas d’accord. À cet égard, j’estime que M. Rowley a fait des déclarations sous serment claires et a fourni des éléments de preuve corroborants en ce qui concerne la chaîne des transactions relatives à l’absinthe de la Propriétaire, allant de la Propriétaire à des clients au Canada comme les régies provinciales des alcools [voir Manhattan Industries Inc c Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6 (CF 1re inst)].

[24]  Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que la Propriétaire a établi l’emploi de la Marque en liaison avec de [Traduction] « l’absinthe » au sens des articles 4(1) et 45 de la Loi. Cependant, la Propriétaire n’a pas établi l’emploi en liaison avec les autres produits, et l’existence de circonstances spéciales qui justifieraient ce défaut d’emploi n’a pas été démontrée. En conséquence, les autres produits seront supprimés de l’enregistrement.

Décision

[25]  En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de supprimer les produits autres que [Traduction] « l’absinthe », selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

[26]  L’état déclaratif des produits modifié sera donc libellé comme suit :

(1)  Absinthe.

(2)  Absinthe.

 

 

Kathryn Barnett

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2018-09-25

COMPARUTIONS

Coleen Morrison

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Gervas Wall

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

AGENT(S) AU DOSSIER

Perry + Currier

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Deeth Williams Wall LLP

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

 

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