Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2019 COMC 15

Date de la décision : 2019-02-25

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Gowling WLG (Canada) LLP

Partie requérante

et

 

Buca, Inc.

Propriétaire inscrite

 

LMC843,560 pour la marque de commerce BUCA DI BEPPO

Enregistrement

Introduction

[1]  Le 20 avril 2016, à la demande de Gowling WLG (Canada) LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Buca, Inc. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement nLMC843,560 de la marque de commerce BUCA DI BEPPO (la Marque).

[2]  La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

Gelato, sorbet et crème glacée et desserts glacés à base de gelato, sorbet et crème glacée, nommément gâteaux, tartes, cornets à crème glacée, cornets à gelato, desserts laitiers congelés et friandises congelées, pour consommation sur place ou pour emporter.

[3]  L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique, à l’égard de chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, qu’il précise la date à laquelle la marque a été employée en dernier lieu et la raison du défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 20 avril 2013 au 20 avril 2016.

[4]  La définition pertinente d’« emploi » en liaison avec des produits est énoncée à l’article 4 de la Loi, qui est ainsi libellé :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]  Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement au cours de la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].

[6]   En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Thomas Avallone, président de la Propriétaire, souscrit le 6 décembre 2016 à Orlando, en Floride. Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites et étaient toutes deux représentées à l’audience qui a été tenue.

La preuve du Propriétaire

[7]  Dans son affidavit, M. Avallone affirme que la marque BUCA DI BEPPO est liée à une chaîne de restauration spécialisée dans les mets italo-américains et que la Marque est employée [Traduction] « dans de nombreux territoires » en liaison avec de tels services de restauration ainsi qu’avec des [Traduction] « aliments et des desserts apparentés » (para 3).

[8]  M. Avallone indique que, en raison du roulement de personnel au sein des services juridiques et de marketing de la Propriétaire, cette dernière ne dispose pas d’un [Traduction] « dossier exhaustif faisant état de l’emploi de la marque » (para 4).

[9]  M. Avallone affirme plutôt que la personne responsable du marketing des produits visés par l’enregistrement au Canada a quitté son poste au sein de la société mère de la Propriétaire en avril 2016 (para 5). M. Avallone ajoute que la personne responsable [Traduction] « a tenté d’organiser la création d’un emballage pour les Produits en vue de leur vente au Canada au cours de la Période pertinente » et il fournit une image de l’emballage de crème glacée de la Propriétaire qui [Traduction] « est le même dans chaque territoire » (para 5). La Marque figure sur l’emballage.

[10]  M. Avallone explique aussi que la Propriétaire a connu un autre roulement des employés au sein de son service des marques de commerce qui [Traduction] « sont responsables de s’assurer que nos marques sont employées dans les différents territoires, y compris au Canada ». Il précise qu’une personne est partie en 2016 et qu’une autre [Traduction] « est actuellement en congé de maladie et n’a pas pu contribuer à fournir des éléments de preuve dans le cadre de la présente procédure » (para 6).

[11]  Étant donné ce roulement de personnel, M. Avallone affirme que [Traduction] « nous avons eu de la difficulté à obtenir et à préparer des éléments de preuve et nous demandons un délai additionnel pour ce faire » (para 7).

[12]  Il conclut son affidavit en affirmant que la Marque est [Traduction] « très importante » pour la Propriétaire, faisant référence au fait qu’elle s’est opposée à cinq demandes d’enregistrement de marques de commerce canadiennes produites par The King Street Company Inc.

Analyse

[13]  Premièrement, en ce qui concerne la demande de délai additionnel de la Propriétaire que mentionne M. Avallone dans son affidavit, je souligne que, le 20 décembre 2016, la Propriétaire a obtenu un délai allant jusqu’au 20 février 2017 pour produire une preuve supplémentaire. Cela s’ajoutait à la prolongation de délai jalon de quatre mois, allant jusqu’au 20 novembre 2016, qui a été accordée par le registraire le 19 juillet 2016. Le 21 février 2017, la Propriétaire a confirmé qu’elle ne produirait pas d’autre preuve à ce moment-là.

[14]  Dans ses représentations écrites, la Partie requérante souligne que la preuve de la Propriétaire ne fournit pas : i) de preuve que la Marque a été employée au Canada au cours de la période pertinente; ii) d’explication justifiant le défaut d’emploi; et iii) de déclaration ou de preuve quant au début ou à la reprise de l’emploi de la Marque au Canada (para 1).

[15]  Néanmoins, dans ses représentations écrites, la Propriétaire soutient que la preuve produite par M. Avallone établit que : i) l’emballage arborant la Marque a été créé au cours de la période pertinente pour vendre les produits visés par l’enregistrement au Canada; ii) en raison de circonstances indépendantes de la volonté de la Propriétaire, une preuve propre au Canada n’a pas pu être produite étant donné les départs d’employés et la maladie ayant touché des membres de l’équipe de la Propriétaire; et iii) la Marque est importante pour la Propriétaire, comme en témoigne son opposition à diverses marques de commerce BUCA dont l’enregistrement a été demandé par The King Street Comapny Inc. (para 1).

[16]  La Propriétaire soutient également que [Traduction] « la preuve établit que l’emballage pour la vente au Canada arborant la Marque a été produit au cours de la Période pertinente » (para 12). Cependant, l’affidavit de M. Avallone est plutôt équivoque à ce sujet, puisqu’il ne fait qu’affirmer que, à sa connaissance, la personne responsable [Traduction] « a tenté d’organiser la création d’un emballage pour les Produits ». Mises à part les questions de ouï-dire, l’expression [Traduction] « a tenté d’organiser la création d’un emballage » n’établit pas que la Propriétaire a même créé un tel emballage. Quoi qu’il en soit, il n’y a aucune preuve de transfert de l’un quelconque des produits visés par l’enregistrement au Canada par la Propriétaire au cours de la période pertinente ou à tout autre moment.

[17]  En conséquence, il n’y a rien dans la preuve qui me permette de conclure que la Marque a été employée au Canada conformément aux articles 4 et 45 de la Loi.

[18]  En l’absence d’une preuve d’emploi de la Marque au cours de la période pertinente, la question qui se pose est celle de savoir si, aux termes de l’article 45(3) de la Loi, il existait des circonstances spéciales justifiant ce défaut d’emploi.

[19]  En règle générale, le défaut d’emploi doit être sanctionné par la radiation, mais il peut être fait exception à cette règle lorsque le défaut d’emploi est attribuable à des [Traduction] « circonstances spéciales » [Scott Paper Ltd c Smart & Biggar, 2008 CAF 129, 65 CPR (4th) 303].

[20]  Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été établie, le registraire doit en premier lieu déterminer les raisons pour lesquelles la marque de commerce n’a pas été employée au cours de la période pertinente. En second lieu, le registraire doit déterminer si les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)]. Les circonstances spéciales sont des circonstances ou des raisons qui sont inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst)].

[21]  S’il détermine que les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales, le registraire doit encore déterminer si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi. Cette détermination repose sur l’examen de trois critères : i) la durée de la période pendant laquelle la marque n’a pas été employée; ii) si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et iii) s’il existe une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la marque à court terme [selon Harris Knitting Mills, supra].

[22]  L’intention de reprendre l’emploi à court terme doit être corroborée par un [Traduction] « fondement factuel suffisant » [NTD Apparel Inc c Ryan, 2003 CFPI 780, 27 CPR (4th) 73, au para 26; voir aussi Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst)].

[23]  Ces trois critères sont tous pertinents, mais le deuxième critère doit obligatoirement être rempli pour que l’on puisse conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [selon Scott Paper, supra].

[24]  En l’espèce, l’affidavit de M. Avallone évoque l’incapacité de la Propriétaire à recueillir des éléments de preuve en réponse à l’avis prévu à l’article 45. Comme l’a souligné la Partie requérante, la preuve ne mentionne pas les raisons du défaut d’emploi de la Marque au Canada au cours de la période pertinente. Bien que les représentations écrites de la Propriétaire suggèrent que les départs d’employés et la maladie ayant touché le personnel étaient indépendants de la volonté de la Propriétaire (para 17), il s’agit là d’une association indue de l’incapacité de la Propriétaire à recueillir les éléments de preuve nécessaires pour répondre à l’avis prévu à l’article 45 à l’obligation d’expliquer, à tout le moins, les raisons du défaut d’emploi de la Marque au cours de la période pertinente.

[25]  À cet égard, l’affidavit de M. Avallone n’établit pas que les départs et la maladie étaient à l’origine du défaut d’emploi de la Marque au cours de la période pertinente, comme le révèle une juste interprétation de son affidavit, à savoir, que le roulement de personnel a eu lieu après que l’avis prévu à l’article 45 a été donné, en avril 2016. Même une interprétation généreuse de l’affidavit révèlerait que, au mieux, le départ de la personne responsable est survenu tard au cours de la période pertinente; cela n’explique cependant pas le défaut d’emploi de la Marque au cours de la période pertinente complète, le cas échéant.

[26]  Comme l’a souligné la Cour fédérale, les circonstances spéciales qui justifient le défaut d’emploi doivent être des circonstances auxquelles le défaut d’emploi est attribuable (Scott Paper, supra, au para 23). En l’espèce, au mieux, on ne sait pas clairement si les problèmes de personnel de la Propriétaire avaient un lien avec le défaut d’emploi de la Marque au cours de la période pertinente; par conséquent, ces problèmes ne peuvent pas constituer des circonstances spéciales.

[27]  Étant donné que la preuve de la Propriétaire ne fournit pas d’explication, je ne suis pas en mesure de déterminer pourquoi la marque de commerce n’a pas été employée au cours de la période pertinente.

[28]  En conséquence, je ne peux pas conclure que les raisons du défaut d’emploi de la Marque au Canada au cours de la période pertinente constituent des circonstances spéciales.

[29]  Par conséquent, il n’est pas nécessaire que je détermine si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi. Je me contenterai de dire que l’expression [Traduction] « a tenté » de créer un emballage pour les produits au Canada employée par M. Avallone et les procédures d’opposition engagées par la Propriétaire ne peuvent pas constituer un [Traduction] « fondement factuel suffisant » à partir duquel je peux conclure que la Propriétaire avait l’intention sérieuse de reprendre ou de commencer à court terme l’emploi de la Marque au Canada [selon NTD Apparel, supra].

[30]   À cet égard, je souligne l’observation suivante formulée par la Cour fédérale dans Plough, supra, au paragraphe 10 [Traduction] :

Il n’est pas permis à un propriétaire inscrit de garder sa marque s’il ne l’emploie pas, c’est-à-dire s’il ne l’emploie pas du tout ou s’il ne l’emploie pas à l’égard de certaines des marchandises pour lesquelles cette marque a été enregistrée.

 

Décision

[31]  Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

 

Andrew Bene

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2019-02-20

COMPARUTIONS

Stephanie Vaccari

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Kevin Sartorio

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

AGENT(S) AU DOSSIER

Baker & McKenzie LLP

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Gowling WLG (Canada) LLP

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

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