Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2019 COMC 23

Date de la décision : 2019-03-21
[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

MLT Aikins LLP

Partie requérante

et

 

Shafer-Haggart Ltd.

Propriétaire inscrite

 

LMC254,580 pour la marque de commerce FOUR STAR

LMC367,760 pour la marque de commerce FOUR STAR & Dessin

Enregistrements

  • [1] La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée à l’égard des enregistrements nos LMC254,580 et LMC367,760 des marques de commerce FOUR STAR et FOUR STAR & Dessin, respectivement, reproduites ci-dessous (les Marques), appartenant à Shafer-Haggart Ltd.

FOUR STAR & DESIGN

[2]  Les Marques sont toutes deux enregistrées pour emploi en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

Fruits, légumes, poissons, viandes et champignons frais, congelés et en conserve.

  • [3] Pour les raisons exposées ci-après, je conclus qu’il y a lieu de maintenir les enregistrements, mais uniquement à l’égard des [Traduction] « légumes en conserve ».

La procédure

[4]  Le 22 mars 2017, le registraire des marques de commerce a donné les avis prévus à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Shafer-Haggart Ltd. (la Propriétaire). Ces avis ont été donnés à la demande de MLT Aikins LLP (la Partie requérante).

  • [5] Les avis enjoignaient à la Propriétaire de fournir une preuve établissant qu’elle a employé les Marques au Canada, à un moment quelconque entre le 22 mars 2014 et le 22 mars 2017 en liaison avec chacun des produits spécifiés dans les enregistrements. Si les Marques n’avaient pas été ainsi employées, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la ou les dates auxquelles les Marques ont été employées en dernier lieu et les raisons de leur défaut d’emploi depuis cette ou ces dates.

  • [6] La définition pertinente d’« emploi » en l’espèce est énoncée comme suit à l’article 4(1) de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

  • [7] Il est bien établi que l’article 45 de la Loi a pour objet et portée d’offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort ». À ce titre, le niveau de preuve auquel le propriétaire inscrit doit satisfaire est peu élevé [voir Woods Canada Ltd c Lang Michener et al (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et il n’est pas nécessaire de produire une [Traduction] « surabondance d’éléments de preuve » [voir Union Electric Supply Co c Canada (Registraire des marques de commerce) (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)]. Néanmoins, il faut présenter une preuve suffisante pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement [voir Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp, 2004 CF 448, 31 CPR (4th) 270 et John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)]. De simples allégations d’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)].

  • [8] Une marque de commerce qui n’a pas été employée selon la définition reproduite ci-dessus est susceptible de radiation, conformément à l’article 45(3) de la Loi, sauf si le défaut d’emploi est attribuable à des circonstances spéciales qui justifient ce défaut d’emploi.

  • [9] En réponse aux avis du registraire, la Propriétaire a produit des affidavits identiques de Brian Dougall, le chef de l’exploitation de la Propriétaire, souscrits le 20 octobre 2017 et accompagnés des pièces A à G.

  • [10] Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites. Comme dans le cas de la preuve, les représentations écrites produites dans le cadre de chaque procédure sont en grande partie identiques. Aucune des parties n’a sollicité la tenue d’une audience.

La preuve

[11]  M. Dougall atteste que la Propriétaire est une négociante en produits alimentaires d’envergure internationale qui importe des produits en fonction des commandes de clients pour lesquelles elle a remporté l’appel d’offres. Il explique que, lors de l’importation, la Propriétaire appose sur les produits des étiquettes arborant les Marques et vend ces produits à des clients au Canada.

[12]  M. Dougall affirme que la Propriétaire a employé les Marques au Canada en liaison avec des [Traduction] « légumes en conserve » pendant la période pertinente. À l’appui, il joint comme pièces B et C de son affidavit, respectivement, des factures représentatives faisant état de ventes de ces prétendus produits et un exemple d’emballage. La pièce B est composée de 29 factures, datées du 4 avril 2014 au 8 juin 2015, indiquant « FOUR STAR » comme une marque de haricots en sauce tomate. Chaque facture fait état de quantités de produits vendus, allant jusqu’à 600 caisses de 24 boîtes de 398 ml vendues en une seule fois. La pièce C est composée d’un exemple représentatif d’emballage/étiquette arborant la marque FOUR STAR & Dessin, sous laquelle apparaît du texte indiquant que la caisse contient des haricots en sauce tomate.

[13]  En ce qui concerne les autres produits visés par l’enregistrement, M. Dougall affirme que le défaut d’emploi des Marques pendant la période pertinente en liaison avec les produits autres que les [Traduction] « légumes en conserve » était dû à des circonstances exceptionnelles indépendantes de la volonté de la Propriétaire. Plus précisément, M. Dougall explique que la Propriétaire n’a pas reçu suffisamment de commandes pour des produits autres que les [Traduction] « légumes en conserve » pendant la période pertinente.

[14]  Enfin, M. Dougall atteste que la Propriétaire a toujours l’intention sérieuse de reprendre et de continuer l’emploi des Marques en liaison avec tous les produits visés par les enregistrements. À l’appui, il fournit comme pièces D à G des factures et des emballages faisant état de ventes de champignons en conserve et de fruits en conserve réalisées juste avant et juste après la période pertinente.

Analyse et motifs de décision

[15]  Dans ses représentations écrites, la Partie requérante soutient que la Propriétaire a seulement présenté une preuve à l’égard de haricots cuits en conserve et que, à ce titre, la Propriétaire n’a produit aucune preuve d’emploi des Marques à l’égard de quelque produit [Traduction] « frais » ou « congelé », pas plus qu’à l’égard de fruits, poissons, viandes et champignons en conserve pendant la période pertinente [citant John Labatt, supra, réf : obligation d’établir l’emploi en liaison avec chacun des produits visés par l’enregistrement].

[16]  De plus, la Partie requérante soutient que la preuve relative aux haricots cuits en conserve produite comme pièces B et C ne constitue pas une preuve d’emploi des Marques en liaison avec des [Traduction] « légumes en conserve ». La Partie requérante soutient plutôt que [Traduction] « techniquement, des haricots blancs... sont des légumineuses (une forme de protéine) et non des légumes ».

[17]  Cependant, comme le souligne à juste titre la Propriétaire, [Traduction] « il faut se garder d’examiner avec un soin méticuleux le langage utilisé dans un état déclaratif des marchandises » [Levi Strauss & Co c Canada (Registraire des marques de commerce), 2006 CF 654, 51 CPR (4th) 434]. Selon ce principe, conjointement avec l’objectif de la procédure prévue à l’article 45 et l’attestation d’emploi de M. McDougall [sic], j’estime que les haricots en sauce tomate en conserve s’inscrivent dans la catégorie des produits [Traduction] « légumes en conserve » [voir Countryside Canners Co c Canada (Registraire des marques de commerce) (1981), 55 CPR (2d) 25 (CF)].

[18]  De plus, la Partie requérante soutient que la Propriétaire n’a pas produit une preuve suffisante de transfert, de possession ou de vente des produits considérant que les factures présentées sont inadéquates et ne fournissent aucune donnée à l’égard des ventes [citant Lewis Thomson & Son Ltd c Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 CPR (3d) 483. Plus précisément, la Partie requérante soutient que les factures produites comme preuve sont inadéquates parce que les renseignements concernant l’acheteur, le lieu d’expédition des produits et le montant facturé sont manquants. À ce titre, la Partie requérante soutient que les factures ne fournissent pas de preuve de transfert des produits ou de possession des produits au Canada ni de paiement reçu [citant Cordon Blue International Ltd c Renaud Cointreau & Cie (2000), 10 CPR (4th) 367 au para 12 (CF)]. La Partie requérante soutient que cette ambiguïté doit être interprétée à l’encontre de la Propriétaire [selon Plough, supra].

[19]  La Propriétaire soutient qu’elle n’est pas tenue de présenter quelque type de preuve spécifique que ce soit et que la preuve doit être considérée dans son ensemble [citant également Lewis Thomson, supra]. En effet, la Cour a statué dans Lewis Thomson qu’un propriétaire inscrit devait simplement [Traduction] « établir une preuve prima facie de l’emploi de la marque de commerce, c’est tout ce qu’on lui demande » et que « les faits ne sont pas censés être contestés sans fin ». En l’espèce, j’estime raisonnable de reconnaître, sur le fondement des déclarations sous serment de M. Dougall, que les transactions indiquées dans les factures présentées comme pièce B ont eu lieu au Canada. De plus, à la différence de la décision dans Cordon Bleu, supra, je souligne qu’il y a de nombreuses factures qui couvrent plus d’une année de la période pertinente, dont plusieurs font état de ventes de grandes quantités de haricots en sauce tomate en conserve de marque FOUR STAR.

[20]  Enfin, en ce qui concerne les [Traduction] « légumes en conserve », la Partie requérante soutient que rien n’indique que les étiquettes produites comme pièce C étaient apposées sur une boîte ou sur tout autre type d’emballage des produits vendus sur le marché. Cependant, M. Dougall affirme clairement dans son affidavit que l’étiquette était apposée sur les emballages de légumes en conserve pendant la période pertinente et que la pratique normale du commerce de la Propriétaire comprend l’apposition d’étiquettes arborant la Marque sur des produits vendus à des clients au Canada.

[21]  Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que la Propriétaire a présenté une preuve suffisante permettant d’établir une preuve prima facie de l’emploi des Marques au Canada en liaison avec des légumes en conserve pendant la période pertinente.

Circonstances spéciales

[22]  En ce qui concerne les produits visés par l’enregistrement autres que les légumes en conserve (les autres produits), M. Dougall tente d’établir des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi des Marques pendant la période pertinente.

[23]  Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été établie, le registraire doit en premier lieu déterminer les raisons pour lesquelles la marque de commerce n’a pas été employée pendant la période pertinente. En second lieu, le registraire doit déterminer si les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)]. Les circonstances spéciales sont des circonstances ou des raisons qui sont inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst)].

[24]  S’il détermine que les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales, le registraire doit encore déterminer si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi. Cette décision repose sur l’examen de trois critères : i) la durée de la période pendant laquelle la marque n’a pas été employée; ii) si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et iii) s’il existe une intention sérieuse de reprendre l’emploi à court terme [selon Harris Knitting Mills, supra].

[25]  L’intention de reprendre l’emploi à court terme doit être corroborée par un [Traduction] « fondement factuel suffisant » [NTD Apparel Inc c Ryan, (2003) 27 CPR (4th) 73, au para 26; voir aussi Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst)].

[26]  Ces critères sont tous trois pertinents, mais le deuxième critère doit obligatoirement être rempli pour que l’on puisse conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [selon Scott Paper, supra].

[27]  En l’espèce, la Propriétaire soutient que les Marques n’ont pas été employées en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. Plus précisément, la Propriétaire souligne que les déclarations de M. Dougall portant que la Propriétaire importe des produits en fonction des commandes de clients et que la Propriétaire n’avait pas reçu de commandes pertinentes à l’égard des autres produits pendant la période pertinente.

[28]  Cependant, la Partie requérante soutient à juste titre que, de façon générale, des conditions de marché défavorables ne sont pas le genre de raisons inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles à l’origine d’un défaut d’emploi que l’on considère comme des circonstances spéciales [Harris Knitting Mills, supra; et John Labatt, supra]. En effet, il a été statué que des conditions de marché défavorables à l’égard des produits ou l’absence de commandes des produits, comme en l’espèce, n’étaient pas suffisantes pour constituer des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [voir Garrett c Langguth Cosmetic GMBH (1991), 39 CPR (3d) 572 (COMC)].

[29]  Par conséquent, je ne suis pas convaincue que les raisons du défaut d’emploi des Marques en liaison avec les autres produits au Canada pendant la période pertinente constituent des circonstances spéciales de sorte que le défaut d’emploi des Marques soit justifié.

décision

[30]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, les enregistrements seront maintenus seulement à l’égard des produits [Traduction] « légumes en conserve » selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

 

Kathryn Barnett

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue.

AGENT(S) AU DOSSIER

Norton Rose Fulbright Canada LLP/S.E.N.C.R.L., S.R.L.

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

MLT Aikins LLP

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

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