Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2019 COMC 34

Date de la décision : 2019-03-29

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Pentastar Transportation Ltd.

Opposante

et

 

FCA US LLC

Requérante

 

1,432,154 pour la marque de commerce PENTASTAR

Demande

Introduction

[1]  Pentastar Transportation Ltd. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce PENTASTAR, qui fait l’objet de la demande no 1,432,154. La demande a été produite par Chrysler LLC et a subséquemment été cédée à Chrysler Group LLC, qui a ensuite changé son nom pour FCA US LLC (Chrysler LLC, Chrysler Group LLC et FCA US LLC sont appelées la Requérante sauf indication contraire).

[2]  Dans sa version modifiée, la demande relative à la Marque vise les produits suivants et est fondée sur l’emploi projeté au Canada [Traduction] :

Moteurs pour véhicules automobiles, nommément automobiles, camionnettes, fourgonnettes et véhicules utilitaires sport 

(les Produits ou Moteurs).

[3]  Le principal motif d’opposition soulevé par l’Opposante est que la demande n’est pas conforme à l’article 30e) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), parce que la Requérante n’avait pas l’intention véritable d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits.

[4]  Pour les raisons exposées ci-dessous, j’estime qu’il y a lieu de rejeter l’opposition.

Le dossier

[5]  La demande relative à la Marque a été produite le 24 mars 2009 et elle revendique la priorité sur le fondement de la demande américaine no 77697097 produite le 23 mars 2009.

[6]  La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 30 mai 2012.

[7]  Le 30 octobre 2012, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de la Loi. Des déclarations d’opposition modifiées ont été produites le 4 novembre 2013, le 14 décembre 2015 et le 1er mars 2016; ces dernières ont toutes été admises par le registraire. Bien que plusieurs motifs d’opposition aient au départ été invoqués, l’Opposante a fini par retirer tous les motifs à l’exception de ceux soulevés en vertu des articles 38(2)a) et 30e) de la Loi.

[8]  La Requérante a produit une contre-déclaration le 4 juillet 2013.

[9]  Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Terry Kuzma et une copie certifiée de la demande de la Requérante. Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Kristen Spano et de Dane Penney. En réponse, l’Opposante a produit l’affidavit de Genny Louise Delores Joanne Tremblay. La Requérante a subséquemment demandé et obtenu la permission de produire un autre affidavit de Kristen Spano comme preuve supplémentaire au titre de l’article 44 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement). M. Kuzma, M. Penney, Mme Tremblay et Mme Spano (à la fois pour son premier affidavit et son second affidavit) ont été contre-interrogés relativement à leurs affidavits respectifs; les transcriptions ainsi que leurs réponses aux engagements ont été versées au dossier.

  • [10] Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit. Suivant la production de son plaidoyer écrit, l’Opposante a corrigé une erreur typographique au paragraphe 185 du document.

[11]  Les parties étaient également toutes deux représentées à l’audience qui a été tenue.

Fardeau de preuve initial et fardeau ultime

[12]  Avant d’examiner les motifs d’opposition, j’estime nécessaire de rappeler certaines exigences en ce qui concerne i) le fardeau de preuve initial dont doit s’acquitter un opposant, soit celui d’étayer les allégations contenues dans la déclaration d’opposition, et ii) le fardeau ultime qui incombe au requérant, soit celui d’établir sa preuve.

[13]  En ce qui concerne le point i) ci-dessus, un opposant doit s’acquitter du fardeau de preuve initial d’établir les faits sur lesquels il fonde les allégations contenues dans sa déclaration d’opposition [John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293, (CF 1re inst), à la p 298]. Le fait qu’un fardeau de preuve initial soit imposé à l’opposant à l’égard d’une question donnée signifie que, pour que la question soit considérée, la preuve doit être suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. En ce qui concerne le point ii) ci-dessus, le requérant a le fardeau ultime de démontrer que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, ainsi que l’allègue l’opposant (mais uniquement à l’égard des allégations relativement auxquelles l’opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve initial). Le fait que le fardeau ultime incombe au requérant signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l’encontre du requérant.

Aperçu de la preuve

[14]  En plus de produire une copie certifiée de l’historique du dossier de la demande en cause, l’Opposante a produit comme preuve, en vertu de l’article 41 du Règlement, l’affidavit de Terry Kuzma, un enquêteur privé (souscrit le 4 novembre 2013). L’affidavit de M. Kuzma présente les résultats d’enquêtes qu’il a menées relativement à des documents se rapportant au lancement, à la production et à la vente des moteurs PENTASTAR de la Requérante au Canada et aux États-Unis. L’affidavit contient également des extraits de l’historique du dossier de la demande américaine correspondante no 77697097 de la Requérante, ainsi que les résultats de recherches effectuées en ligne fournissant des renseignements quant aux mesures prises depuis le lancement, la production et la vente du moteur PENTASTAR, de la Dart 2013 et du Jeep Cherokee 2014. D’autres parties de l’affidavit Kuzma se rapportent à des motifs d’opposition qui ne sont plus en cause.

[15]  Comme preuve, la Requérante a produit, en vertu de l’article 42 du Règlement, l’affidavit de Kristen Spano (souscrit le 24 octobre 2014), l’avocate principale en marques de commerce de la Requérante (Premier affidavit Spano). Dans le cadre de cette fonction, qu’elle assumait en février 2012, Mme Spano a la responsabilité de gérer et d’élaborer la stratégie en lien avec le portefeuille mondial de marques de commerce de Chrysler. Elle assume la responsabilité de toutes les marques de la Requérante. Mme Spano fournit une preuve se rapportant aux antécédents de Chrysler et à l’histoire du [Traduction] « logo PENTASTAR » comme symbole de la société Chrysler pendant des décennies depuis les années 1960 (para 9 à 16; pièces 4, 5). Je souligne que la marque de commerce en cause, à savoir le mot PENTASTAR, est distincte du logo PENTASTAR de la Requérante, malgré qu’elle tire son nom de ce logo de la société (para 20). Mme Spano fournit également une preuve se rapportant au lancement, au maintien et à l’annonce du moteur PENTASTAR au Canada.

[16]  La Requérante a également produit l’affidavit de Dane Penney, souscrit le 28 octobre 2014. M. Penney occupe un emploi de commis aux services de propriété intellectuelle pour l’agent de la Requérante. Une copie de l’historique du dossier de la demande en cause et des imprimés de différentes recherches, dont une recherche menée dans Google Images du [Traduction] « logo Pentastar », des articles de Wikipédia sur des sujets comprenant l’histoire de Chrysler et des résultats de recherche des termes « pentastar » et « #pentastar » tirés du site Web Twitter, sont inclus dans l’affidavit Penney. Des imprimés de pages Web de tiers (avec des versions archivées tirées du site Wayback Machine) qui mentionnent le terme « Pentastar » en liaison avec la Requérante et les véhicules de la Requérante, ainsi que des vidéos de publicités télévisées (qui ne semblent pas se limiter au Canada) tirées du site Web YouTube se rapportant aux véhicules de la Requérante, certaines remontant aux années 1970, sont également inclus.

[17]  Comme preuve, l’Opposante a produit, en vertu de l’article 43 du Règlement, l’affidavit de Genny Louise Delores Joanne Tremblay, souscrit le 11 mai 2016. Mme Tremblay est une enquêteuse privée à qui l’agent de l’Opposante a demandé de mener une enquête et de rassembler des documents concernant la présence du mot PENTASTAR sur des documents accompagnant les véhicules achetés auprès d’un concessionnaire Chrysler situé dans la région d’Ottawa-Gatineau lorsque les clients prennent possession de ces véhicules (affidavit Tremblay, para 4). L’affidavit de Mme Tremblay présente en preuve les détails des visites qu’elle a rendues en mai 2016 (contre-interrogatoire Tremblay, Q3 et Q4) à un concessionnaire automobile Chrysler situé à Ottawa et de ses demandes de renseignements concernant la présence du mot PENTASTAR sur les véhicules (à savoir, un Jeep Wrangler 2016) et sur les documents se rapportant aux véhicules (pour le Jeep Wrangler et le Chrysler 200 2016 ), dont des contrats de vente, des documents promotionnels et des manuels de l’utilisateur et du propriétaire. L’affidavit Tremblay inclut aussi des photographies de moteurs dans des Jeep Wrangler 2013 appartenant à des tiers et des documents connexes.

[18]  La Requérante a subséquemment demandé et obtenu la permission, en vertu de l’article 44 du Règlement, de produire l’affidavit de Kristen Spano, souscrit le 7 novembre 2016 (Second affidavit Spano). Des renseignements supplémentaires sur les Chrysler 200 vendus par la Requérante avec les moteurs PENTASTAR, ainsi que des factures représentatives de la Requérante adressées au même concessionnaire automobile auquel Mme Tremblay a rendu visite se rapportant à des véhicules, dont un Chrysler 200C et un Jeep Wrangler, sont inclus dans cet affidavit.

[19]  Aux fins de ma décision, j’ai tenu compte de l’ensemble de la preuve au dossier. Cependant, seules les parties de la preuve qui sont en rapport direct avec mes conclusions sont mentionnées.

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30e)

[20]  L’Opposante a invoqué deux motifs d’opposition fondés sur l’article 38(2)a) et l’article 30e). Le principal motif invoqué par l’Opposante est que, suivant l’article 38(2)a), la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30e), parce que la Requérante n’avait pas l’intention véritable d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits. En particulier, l’Opposante a mis l’accent sur la question de savoir si, lorsque la demande a été produite, la Requérante avait véritablement l’intention d’exécuter les activités au Canada qu’exigent les articles 4(1) et 4(3) pour qu’il y ait [Traduction] « emploi » de la marque de commerce PENTASTAR.

[21]  Autrement dit, la question soulevée par l’Opposante est celle de savoir si la Requérante, à la date de production de la demande, avait véritablement l’intention que, au Canada, lors du transfert de la propriété ou de la possession des Produits, la marque de commerce PENTASTAR soit apposée sur les Produits ou sur les emballages des Produits, ou soit de toute autre manière liée aux Produits à tel point qu’avis de liaison serait alors donné à la personne à qui la propriété ou possession des Produits serait transférée.

[22]  L’Opposante adopte la position selon laquelle la preuve de la Requérante révèle un type de comportement de la date de production de la demande au contre-interrogatoire de son principal déposant plus de six ans plus tard qui concorde avec l’intention pendant toute cette période d’exécuter seulement d’autres activités qu’elle a elle-même choisies et de s’appuyer uniquement sur ces activités comme étant un « emploi ». L’Opposante soutient que ces activités, comprenant en grande partie la publicité et la promotion par la Requérante de ses Produits (examinées ci-dessous), ne sont pas ce qu’exige la Loi, de sorte que la revendication de la Requérante d’une intention d’employer la Marque en liaison avec les Produits à la date de production de la demande, selon la définition « d’emploi » énoncée dans la Loi, était erronée et n’était donc pas véritable.

L’Opposante s’est-elle acquittée de son fardeau de preuve?

[23]  Étant donné que les faits concernant les intentions de la Requérante relèvent principalement de la connaissance de la Requérante, le fardeau de preuve qui incombe à l’Opposante en ce qui concerne ce motif est plus léger [Molson Canada c Anheuser-Busch Inc (2003), 2003 CF 1287 (CanLII), 29 CPR (4th) 315 (CF 1re inst); Canadian National Railway Co c Schwauss (1991), 35 CPR (3d) 90 (COMC)]; et Green Spot Co c JB Food Industries (1986), 13 CPR (3d) 206 (COMC)]. L’Opposante peut s’appuyer sur sa propre preuve et sur la preuve de la Requérante [Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) (CF 1re inst)]. Cependant, l’Opposante peut uniquement s’appuyer sur la preuve de la Requérante si cette dernière est clairement incompatible avec les revendications que la Requérante a formulées dans sa demande ou si elle les met en doute. À cet égard, toute la preuve pertinente au dossier doit être évaluée selon les critères habituels, c’est-à-dire en prenant en considération sa provenance (y compris sa qualité et sa fiabilité), l’absence de preuve qu’il faudrait raisonnablement s’attendre à observer et la question de savoir si la preuve a été mise à l’épreuve en contre-interrogatoire et si tel est le cas, comment elle a réussi cette épreuve. De nombreux facteurs variés guident l’évaluation des éléments de preuve [Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd 2014 CF 323, para 37].

[24]  La date pertinente pour évaluer un motif d’opposition fondé sur l’article 30e) de la Loi est la date de production de la demande [Canadian National Railway Co c Schwauss, supra]. Cependant, bien que la date pertinente soit la date de production de la demande, cela n’empêche pas de tenir compte d’éléments de preuve postérieurs à cette date dans la mesure où ces derniers peuvent indiquer une situation qui existait à la date pertinente [Bacardi & Co c Jack Spratt Manufacturing (1984), 1 CPR (3d) 122, aux p 125 et 126 (COMC); Santa Barbara Restaurant Group, Inc c Jay Veto, 2014 COMC 286 (CanLII), au para 18].

[25]  L’Opposante a centré l’évaluation de son fardeau de preuve sur l’examen de quatre questions, censées toutes se rapporter à l’intention de la Requérante d’employer la Marque conformément à l’article 4 de la Loi. Chaque question est longuement évaluée dans le plaidoyer écrit de l’Opposante; un bref résumé des principales observations se rapportant à chaque question est présenté ci-dessous.

La Requérante avait-elle l’intention de vendre des Moteurs arborant la Marque?

[26]  L’Opposante soutient que la preuve met sérieusement en doute le fait que la Requérante ait déjà eu l’intention que le mot PENTASTAR soit apposé sur les Moteurs. L’Opposante soutient que la preuve démontre que, après six ans de présence sur le marché canadien et de ventes considérables, les moteurs décrits par Mme Spano comme étant les moteurs PENTASTAR n’arborent pas le mot PENTASTAR. En particulier, l’Opposante souligne ce qui suit :

·  Le 8 avril 2009, Chrysler a dévoilé un nouveau moteur V6 de 3,6 litres appelé PENTASTAR d’après le logo Pentastar de Chrysler (Premier affidavit Spano, para 20; pièce 15). La production du moteur PENTASTAR a été lancée en mars 2010 et ces moteurs étaient inclus dans les véhicules de la Requérante vendus aux États-Unis, au Canada et ailleurs à compter de l’automne 2010 (l’année modèle 2011) (Premier affidavit Spano, para 21).

·  Le 29 octobre 2013, la production des moteurs PENTASTAR de Chrysler avait atteint 3 millions d’unités, et Chrysler Canada a indiqué que 48 % de tous les véhicules du groupe Chrysler vendus au Canada de janvier à octobre 2013 (plus de 100 000 véhicules) étaient équipés d’un moteur PENTASTAR (Premier affidavit Spano, para 22; pièce 17; Premier contre-interrogatoire Spano, Q355).

·  Le moteur PENTASTAR est présent dans un grand nombre des véhicules de la Requérante (Premier contre-interrogatoire Spano, Q355). Le moteur PENTASTAR est disponible dans les Dodge Journey, Avenger, Charger, Challenger, Grand Caravan et Durango; les Jeep Wrangler et Grand Cherokee; les Chrysler 200, 300 et Town & Country; et le RAM 1500, le Van et le Promaster (Premier affidavit Spano, para 25).

·  Depuis le lancement du moteur PENTASTAR avec l’année modèle 2011, la Requérante a vendu plus de 500 000 véhicules équipés du moteur PENTASTAR au Canada (para 26).

·  Pendant le contre-interrogatoire de Mme Spano en décembre 2015, la Requérante a reconnu que la Marque ne figure pas sur les moteurs (Premier contre-interrogatoire Spano, Q242; Q253).

·  L’enquête de Mme Tremblay menée en mai 2016 a révélé que la Marque ne figure pas sur les moteurs. Lors de sa visite chez un concessionnaire Chrysler de la région d’Ottawa, Mme Tremblay a demandé à voir, et on lui a montré, un Jeep Wrangler de l’année 2016 (para 7). Elle a regardé le moteur du Jeep Wrangler et n’a vu le mot PENTASTAR nulle part sur le moteur (affidavit Tremblay, para 9, pièce GT-1). D’autres inscriptions, comme JEEP et V6, figuraient sur le moteur (affidavit Tremblay, para 9, pièce GT-1).

·  Mme Tremblay a demandé quel était le type de moteur dans le véhicule et l’associé aux ventes l’a informée qu’il s’agissait d’un [Traduction] « 3,6 », « le Pentastar ». Mme Tremblay a demandé à l’associé aux ventes comment il savait qu’il s’agissait d’un « Pentastar » et il lui a répondu que [Traduction] « rien n’indique vraiment qu’il s’agit d’un Pentastar, nous savons seulement qu’il s’agit d’un Pentastar » (affidavit Tremblay, para 10).

·  Des photographies d’un autre des moteurs de la Requérante montrent qu’une marque de commerce (HEMI) est apposée sur ces moteurs (Premier contre-interrogatoire Spano, Q288).

[27]  Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante a également soutenu que Mme Spano n’a pas affirmé que la Requérante avait l’intention, au moment de la production de la demande ou un jour, que la marque PENTASTAR figure sur les moteurs PENTASTAR dans les véhicules qui seraient vendus au Canada. À l’audience, en réponse à cette observation, la Requérante a souligné que l’Opposante n’a pas demandé à Mme Spano en contre-interrogatoire si la Requérante avait l’intention exigée au moment de la production de la demande, de sorte qu’on ne peut considérer que l’Opposante a obtenu une réponse clairement contradictoire sur ce point.

La Requérante avait-elle l’intention de vendre des Moteurs dans des emballages arborant la Marque?

[28]  L’Opposante soutient que la preuve met sérieusement en doute le fait que la Requérante ait déjà eu l’intention que le mot PENTASTAR soit apposé sur les emballages dans lesquels les Moteurs seraient vendus. Plus précisément, l’Opposante souligne que la seule preuve se rapportant aux emballages se trouve dans le contre-interrogatoire lié au Premier affidavit Spano, pendant lequel Mme Spano a affirmé que le mot PENTASTAR figure [Traduction] « probablement » sur les emballages (Premier contre-interrogatoire Spano, Q242), pour les pièces de rechange (Q243). Cependant, aucune preuve d’emballages de moteur arborant la Marque n’a été jointe au Premier affidavit Spano (Q244, Q245), pas plus qu’une telle preuve ne figure ailleurs au dossier.

La Requérante avait-elle l’intention d’apposer la Marque au Canada sur les Moteurs ou sur les emballages qui les contiennent quand les Moteurs seraient exportés du Canada?

[29]  En plus des observations de l’Opposante concernant l’intention de la Requérante d’employer la Marque sur les Moteurs ou sur les emballages des Moteurs (énoncées ci-dessus), l’Opposante soutient qu’il n’y a rien dans la preuve qui donne à penser que la Requérante a déjà eu l’intention d’exporter les Moteurs du Canada.

[30]  L’Opposante soutient que, au contraire, en réalité, la preuve donne à penser que l’intention de la Requérante a toujours été que les Moteurs soient fabriqués aux États-Unis et au Mexique. À cet égard, il est fait mention d’un certain nombre de communiqués de presse inclus dans le Premier affidavit Spano, qui décrivent des usines pour la production du moteur PENTASTAR situées à Trenton, au Michigan, et à Saltillo, au Mexique (pièces 15, 17).

[31]  À l’audience, la Requérante a encore une fois souligné que l’Opposante n’a pas demandé, pendant le Premier contre-interrogatoire Spano, quelle était l’intention de la Requérante à cet égard. La Requérante soutient que le fait qu’elle peut ne pas encore s’être prévalue de l’occasion d’exporter du Canada ne l’empêche pas d’avoir eu l’intention ou d’avoir l’intention de fabriquer les Produits au Canada et de se prévaloir par la suite de l’article 4(3) de la Loi.

La Requérante avait-elle l’intention de vendre les Produits liés à la Marque lors du transfert des Produits de sorte qu’un avis de liaison serait donné?

[32]  L’Opposante soutient que la preuve fait largement ressortir l’intention de la Requérante en tout temps d’annoncer et de promouvoir ses Moteurs en liaison avec la Marque, mais pas dans la publicité ou le matériel promotionnel à remettre aux acheteurs lors du transfert des véhicules comprenant les Moteurs.

[33]  Dans son plaidoyer écrit et à l’audience, l’Opposante a insisté sur la déclaration suivante faite par Mme Spano en contre-interrogatoire (Premier contre-interrogatoire Spano, Q252) [Traduction] :

Q

Permettez-moi de reformuler. Pouvez-vous me montrer dans votre preuve une image montrant l’endroit où le mot PENTASTAR figure sur un moteur?

R (de Mme Spano)

Je peux vous montrer une image de PENTASTAR employé comme le nom d’un moteur dans des documents au point de vente, ce qui est suffisant pour établir l’emploi de la marque de commerce.

 

[34]  L’Opposante estime qu’il s’agit là d’une déclaration claire de l’intention de la Requérante quant à la manière dont la Marque devait être employée et serait employée.

[35]  Dans le Premier affidavit Spano, Mme Spano a affirmé que la Requérante [Traduction] « fait l’annonce et la promotion de ses véhicules et de leurs caractéristiques respectives, dont les moteurs PENTASTAR, auprès des utilisateurs finaux par l’intermédiaire de médias publicitaires nationaux, comme dans des publicités télévisées et des publications imprimées, ainsi que sur les sites Web des marques Chrysler, Jeep, Dodge et Ram », et auprès des utilisateurs finaux chez les concessionnaires au Canada (Premier affidavit Spano, para 27 à 29, pièces 18 à 20). Les documents des concessionnaires joints à l’affidavit semblent être des brochures (pièce 20) arborant la Marque.

[36]  En contre-interrogatoire, Mme Spano a également énuméré divers documents au point de vente qui seraient utilisés, comme des brochures et des étiquettes volantes apposées sur les véhicules (Premier contre-interrogatoire Spano, Q446 à Q450), et d’autres documents des concessionnaires utilisés pour faire l’annonce et la promotion du moteur PENTASTAR (dont des supports de roue, des brochures de petit format, des affiches et des chevalets; Premier contre-interrogatoire Spano, Q457, Q343 à Q345). Cependant, à l’exception des brochures (Premier affidavit Spano, au para 29, pièce 20), aucun autre document n’est joint à son affidavit. De plus, Mme Spano n’a aucune connaissance réelle de ce qui se passe chez un concessionnaire et ne peut que nous informer de ce qu’elle présume s’y passer (Q344, 345).

[37]  L’Opposante soutient que Mme Spano n’a produit aucune preuve indiquant que les brochures, la publicité ou les documents au point de vente accompagnent les véhicules lorsque les clients prennent possession ou acquièrent la propriété des véhicules comprenant les Moteurs. L’Opposante soutient en outre que Mme Spano [Traduction] « n’a pas non plus produit de preuve indiquant que les plans de la Requérante étaient à un moment quelconque que les brochures, la publicité ou les “documents au point de vente” accompagnent les véhicules lorsque les clients prennent possession ou acquièrent la propriété des véhicules » (soulignement ajouté) (plaidoyer écrit de l’Opposante, para 143 et 144).

[38]  L’Opposante soutient que la seule preuve de ce qui se passe réellement chez un concessionnaire se trouve dans l’affidavit Tremblay. Lorsque Mme Tremblay s’est rendue chez le concessionnaire Chrysler en mai 2016, elle a obtenu des copies de sections d’un manuel renfermant certains renseignements à propos du Jeep Wrangler et un dépliant sur le Chrysler 200 2016 (affidavit Tremblay, para 12 à 15; pièces GT-2 et GT-3), arborant dans tous les cas la Marque. Mme Tremblay a demandé à l’associé aux ventes si ces documents accompagnent le véhicule lorsque ce dernier est livré au client et l’associé aux ventes lui a répondu que ce n’était pas le cas (affidavit Tremblay, para 16).

[39]  De plus, contrairement à la déclaration de Mme Spano selon laquelle tout véhicule qui est équipé d’un moteur PENTASTAR serait accompagné d’un manuel de l’utilisateur qui mentionne le moteur PENTASTAR (Premier contre-interrogatoire Spano, Q450), l’Opposante soutient que les enquêtes de Mme Tremblay n’ont permis de repérer aucune mention du Moteur PENTASTAR dans divers guides de l’utilisateur du véhicule (Jeep Wrangler 2013 et 2016) et manuels du propriétaire (Jeep Wrangler 2015 et 2016) (affidavit Tremblay, para 21 à 24; pièce GT-5). L’Opposante souligne en outre que, pendant le contre-interrogatoire de Mme Tremblay, le contenu de ces guides de l’utilisateur et de ces manuels du propriétaire n’a pas été mis en doute par la Requérante (contre-interrogatoire Tremblay, les Q47 à Q52 se rapportent uniquement aux années des guides de l’utilisateur fournis).

[40]  L’Opposante a aussi présenté, par la voie de l’affidavit Tremblay, une ébauche de document fournie en réponse à la demande de Mme Tremblay d’un contrat de vente pour le Jeep Wrangler [Traduction] « qui serait remis à un client lorsque le client achète le véhicule » (affidavit Tremblay, para 17). Le mot PENTASTAR ne figure pas dans le document (para 20, pièce GT-4).

[41]  De véritables factures datées de 2016 pour l’achat des véhicules de la Requérante — émises par la filiale canadienne FCA Canada Inc. de la Requérante et adressées au même concessionnaire chez lequel Mme Tremblay s’est rendue — ont été présentées dans le Second affidavit Spano. FCA Canada Inc. (auparavant Chrysler Canada Inc.) est une licenciée de la Requérante (Premier affidavit Spano, para 7). L’Opposante a mis en doute le bien-fondé et la crédibilité des factures, soutenant qu’elles n’ont pas été produites en réponse à l’affidavit de Mme Tremblay, mais plutôt [Traduction] « dans le seul but de remédier à ce qui n’avait pas été fourni avant » (plaidoyer écrit, au para 163). À l’audience, la Requérante a soutenu que, étant donné que la permission de produire le Second affidavit Spano a été obtenue et que l’Opposante n’a pas demandé le contrôle judiciaire de la décision du registraire, l’affidavit doit être considéré comme une preuve valable au titre de l’article 44 du Règlement. Je suis d’accord et je n’ai donc pas mis en doute le bien-fondé de la preuve.

[42]  Dans le Second affidavit Spano, Mme Spano explique que ni FCA US ni FCA Canada Inc. n’a de droit de propriété à l’égard de la plupart des concessionnaires canadiens (para 4) et que FCA Canada Inc. facture les concessionnaires pour les véhicules livrés à ces concessionnaires (para 10). Des factures datées de 2016 se rapportant à un Chrysler 200C, à un Jeep Wrangler Unlimited Rubicon et à un Dodge Grand Caravan SE/SXT sont incluses (pièce 4). Mme Spano affirme ce qui suit (au para 10) [Traduction] :

…La facture du véhicule Chrysler 200C indique qu’un moteur PENTASTAR VVT V6 de 3,6 litres vient en option au coût de 1 760 $. La facture du Jeep Wrangler Unlimited Rubicon et une facture liée au véhicule Dodge Grand Caravan SE/SXT indiquent qu’un moteur PENTASTAR VVT V6 de 3,6 litres est [Traduction] « sans frais » (car dans ces deux modèles de véhicule, il n’y a pas d’option liée au moteur; le moteur PENTASTAR VVT V6 de 3,6 litres est le moteur standard). Ces factures pour des véhicules sont représentatives d’autres factures transmises à Metro Plymouth Chryslers Ltd., ainsi qu’à d’autres concessionnaires canadiens, en 2016 et au cours des années précédentes (remontant notamment au moment où le moteur de marque PENTASTAR a été lancé pour la première fois au Canada) pour les modèles Chrysler 200C, Jeep Wrangler Unlimited Rubicon et Dodge Grand Caravan SE/SXT livrés à des concessionnaires canadiens.

[43]   Je confirme que la Marque figure dans le corps de ces factures et est apposée comme marque de commerce dans la description des Moteurs.

[44]  Lorsqu’on lui a demandé à quel moment les factures seraient reçues par le concessionnaire dans le processus, Mme Spano a affirmé qu’elle ne savait pas si les concessionnaires reçoivent le véhicule et reçoivent ensuite la facture ou s’ils reçoivent la facture et reçoivent ensuite le véhicule, ou si les deux sont reçus simultanément (Second contre-interrogatoire Spano, Q68). Lorsque l’Opposante lui a demandé de confirmer que sa déclaration (faite au para 10 de l’affidavit) n’indique pas que les factures accompagnent les véhicules lorsqu’ils sont livrés aux concessionnaires, Mme Spano a affirmé que [Traduction] « il n’y a pas de déclaration d’une façon ou d’une autre » (Second contre-interrogatoire Spano, Q140).

[45]  Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante a fait valoir qu’on peut présumer de l’emploi systématique que fait Mme Spano du mot « sent » [transmises] en parlant des factures et de « delivered » [livrés] en parlant des véhicules, dans l’affidavit ainsi que dans les réponses qu’elle a données en contre-interrogatoire, que les factures et les véhicules n’arrivaient pas ensemble chez le concessionnaire (plaidoyer écrit, para 170), de sorte que les factures ne constituent pas un emploi de la Marque au sens de l’article 4.

[46]  Par la voie du Second affidavit Spano, la Requérante présente également des imprimés tirés du site Web Chrysler.ca indiquant que le moteur PENTASTAR est l’une des deux options liées au moteur dans le Chrysler 200 et que les consommateurs canadiens peuvent choisir le véhicule et en établir le prix sur le site Web (pièces 2 et 3). Mme Spano affirme qu’un consommateur canadien qui souhaiterait acheter un Chrysler 200 2016 équipé du moteur PENTASTAR de 3,6 litres devrait choisir le bloc-moteur qu’il souhaite acheter et payer les frais d’amélioration s’il choisit l’option du moteur PENTASTAR. Mme Spano affirme qu’elle croit comprendre que [Traduction] « ce processus de sélection est représentatif de la possibilité de choisir sur le site Web les modèles précédents de Chrysler 200 2011 à 2015 et d’en établir le prix, qui permettait également au consommateur de choisir expressément le bloc-moteur PENTASTAR de 3,6 litres comme option d’amélioration par rapport au moteur standard de 2,4 litres et d’obtenir les frais supplémentaires pour cette amélioration » (para 8 et 9; pièce 3).

[47]  En contre-interrogatoire, Mme Spano a indiqué qu’elle ne croyait pas qu’il était possible de choisir, de payer et de faire livrer une voiture à partir du site Web (Second contre-interrogatoire Spano, Q147 à Q149). Elle a également confirmé qu’il n’y a aucune déclaration dans son affidavit qui indique que les extraits liés au choix et au prix sur le site Web accompagnent le véhicule lorsque celui-ci est livré au concessionnaire (Q155). Mme Spano croit que les marchands peuvent vérifier le site Web chez le concessionnaire s’ils veulent informer le consommateur ou donner au consommateur davantage de renseignements à propos du véhicule (Q153), même si, comme l’a souligné l’Opposante, lorsque Mme Tremblay s’est rendue chez un concessionnaire, l’outil en ligne pour choisir un véhicule et en établir le coût ne fonctionnait pas (affidavit Tremblay, para 17). L’Opposante soutient en outre que, quoi qu’il en soit, le site Web n’accompagne pas les véhicules lorsque ces derniers sont livrés.

  • [48] Citant BMW Canada Inc c Nissan Canada Inc, 2007 CAF 255, l’Opposante soutient que, pour que l’emploi de la Marque dans l’un quelconque de ces documents soit suffisamment lié aux Moteurs pour constituer un emploi au sens de l’article 4(1) de la Loi, ce document devrait accompagner les véhicules comprenant les Moteurs lors de leur transfert à l’acheteur. Bien qu’il existe une preuve que la Marque figure systématiquement en liaison avec les Produits dans les documents de marketing, et même dans les factures, l’Opposante soutient que ce qui fait clairement et gravement défaut est une preuve que cet avis de liaison a déjà été donné au moment exigé.

Analyse

[49]  Je conviens que la preuve au dossier n’établit pas de façon concluante l’emploi de la Marque en liaison avec les Produits au sens de l’article 4 de la Loi. Cependant, il ne s’agit pas là de la question à considérer au titre de l’article 30e) de la Loi. Au contraire, l’article30e), reproduit ci-dessous, concerne exclusivement l’intention d’un requérant d’employer la marque de commerce :

30. Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant… e) dans le cas d’une marque de commerce projetée, une déclaration portant que le requérant a l’intention de l’employer, au Canada, lui-même ou par l’entremise d’un licencié, ou lui-même et par l’entremise d’un licencié;

[50]  Lorsque toutes les exigences préalables ont été satisfaites et lorsque le registraire a admis une demande de marque de commerce fondée sur l’emploi projeté, le registraire enregistre la marque de commerce sur réception d’une déclaration d’emploi (voir l’article 40(2) de la Loi). Rien n’exige qu’un requérant emploie sa marque projetée avant qu’elle soit admise [Molson, supra, au para 58].

[51]  À l’audience, la Requérante a soutenu que l’argument avancé par l’Opposante confond l’article30e) de la Loi avec l’article 30b). Je conviens que l’Opposante a adopté une approche utilisée de manière plus conventionnelle pour évaluer s’il y a eu emploi d’une marque de commerce en conformité avec l’article 30b). Cette approche peut ne pas convenir, étant donné que les concepts « d’emploi » et « d’intention d’employer » ne sont pas interchangeables.

[52]  Pour s’acquitter de son fardeau de preuve, l’Opposante s’est concentrée sur les activités de la Requérante menées après la production de la demande pour donner une idée de l’intention de la Requérante d’employer la Marque à la date de production. Tel que résumé ci-dessus, l’Opposante adopte la position selon laquelle la preuve établit un type de comportement plusieurs années avant la date de production de la demande qui est compatible avec l’intention seulement d’apposer la Marque dans des documents publicitaires et promotionnels au point de vente, mais pas dans la publicité ou le matériel promotionnel à remettre aux acheteurs lors du transfert des véhicules comprenant les Moteurs, et de s’y appuyer comme constituant un emploi de la marque de commerce. Si je comprends bien, l’observation de l’Opposante est que la preuve démontre que la revendication de la Requérante d’une intention d’employer la Marque est incorrecte compte tenu de sa croyance erronée (comme l’a indiqué Mme Spano) que la simple apposition de la Marque sur des documents publicitaires constituerait l’emploi exigé conformément à l’article 4 de la Loi, rendant ainsi nulle la demande dès le départ (plaidoyer écrit, aux para 187 à 190).

[53]  J’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve car, considérée dans son ensemble, la preuve n’étaye pas l’allégation de l’Opposante selon laquelle la Requérante a produit une demande relative à la Marque sans l’intention véritable ou de bonne foi d’employer la Marque, au sens de l’article 4. Bien que Mme Spano ait affirmé, pendant son premier contre-interrogatoire, que PENTASTAR employé comme le nom d’un moteur dans des documents au point de vente est suffisant pour établir l’emploi de la marque de commerce (et bien que sa preuve n’établisse pas que ces documents sont remis aux acheteurs lors du transfert des véhicules comprenant les Moteurs), elle n’indique pas que la Requérante a l’intention de s’appuyer exclusivement sur cette apposition de la Marque. Autrement dit, j’estime qu’il ne s’agit pas d’une déclaration exhaustive faite par la Requérante quant à la manière dont elle avait l’intention d’employer et elle emploie la Marque, en tant que marque de commerce. En effet, la preuve démontre que la Marque figure aussi sur des factures. À mon avis, la déclaration en question peut se distinguer d’une situation dans laquelle un requérant a indiqué sans équivoque que la seule manière dont il a employé sa marque de commerce a été telle qu’elle n’est pas conforme à l’article 4 [voir, à titre d’exemple, Cote-Reco Inc c Impressions Pro-design Inc, 2018 COMC 141, aux para 51 à 55, décision dans laquelle la membre de la Commission Robitaille a conclu que la déclaration d’un requérant selon laquelle sa marque de commerce était apposée sur des produits maison utilisés à des fins strictement promotionnelles était incompatible avec les revendications d’emploi projeté de sa marque de commerce en liaison avec ces produits].

[54]  En outre, bien que la preuve démontre que la Requérante n’a pas employé la Marque conformément à l’article 4 de la Loi, par exemple en l’apposant sur les Produits eux-mêmes ou sur leur emballage, il n’y a rien dans la preuve qui n’est pas compatible avec la conclusion selon laquelle la Requérante avait l’intention de l’employer, au moment de la production de la demande, ou qu’elle peut se prévaloir de la possibilité de l’employer dans l’avenir.

[55]  Malgré ce qui précède, j’ajouterais que, dans l’éventualité où j’aurais tort et l’Opposante se serait acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, j’estime que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime.

[56]  À cet égard, bien que l’analyse de l’Opposante soit axée sur les activités de la Requérante menées après la production de la demande pour inférer l’intention de la Requérante d’employer la Marque à la date de production de la demande (24 mars 2009), il y a aussi au dossier des éléments de preuve plus rapprochés de la date pertinente qui doivent être considérés. La Requérante attire l’attention sur l’affidavit Kuzma, qui cite des communiqués de presse présentant le moteur Pentastar le 8 avril 2009 et célébrant le lancement du moteur Pentastar le 19 mars 2010 (affidavit Kuzma, para 6 et 7; pièces TK-1 et TK-2). Les mêmes communiqués de presse confirmant cette suite d’événements sont cités dans le Premier affidavit Spano (para 20 et 21, pièces 15 et 16). La Requérante soutient que, dans les faits, cette preuve s’inscrit le plus près de cette époque où l’on peut aller, la demande produite démontrant cette intention. Je conviens qu’il n’y a rien dans la preuve des faits et gestes de la Requérante ayant précédé et suivi immédiatement la production de la demande qui indique qu’elle n’avait pas l’intention de bonne foi d’employer la Marque conformément à l’article 4 de la Loi.

[57]  En outre, comme je l’ai souligné ci-dessus, bien que la preuve au dossier n’établisse pas de façon concluante l’emploi de la Marque en liaison avec les produits par la Requérante conformément à l’article 4 de la Loi, il ne s’agit pas là de la question à considérer, car le propriétaire d’une demande fondée sur l’emploi projeté n’est pas tenu de commencer à employer sa marque à un moment particulier, même s’il doit l’employer pour en obtenir l’enregistrement [Procter & Gamble Inc c Colgate-Palmolive Canada Inc, 2007 CanLII 81004]. En l’espèce, la preuve démontre que la Requérante avait l’intention d’employer la Marque. Suivant la production de la demande, la Requérante a apposé la Marque sur des documents au point de vente, à savoir des brochures (Premier affidavit Spano, pièce 20), et sur des factures (Second affidavit Spano, para 4, pièce 10). J’estime que le fait que la Requérante n’ait pas démontré que les factures ont été livrées en même temps que les véhicules comprenant les Moteurs ou que la Requérante n’ait pas démontré que des documents au point de vente accompagnent les véhicules comprenant les Moteurs lors du transfert n’empêche pas la Requérante de s’acquitter de son fardeau de preuve ultime.

[58]  Par ailleurs, je souligne qu’à l’audience, la Requérante a soulevé deux arguments qui n’ont pas été examinés dans son plaidoyer écrit. Si je comprends bien, un des arguments est que, suivant l’article 30e) de la Loi, « l’emploi » qui est envisagé n’est pas le même qu’à l’article 30b), à savoir l’emploi « en liaison avec chacune des catégories générales de produits ou services décrites dans la demande », de sorte que l’absence de cette formulation à l’article 30e) [Traduction] « l’écarte du libellé de l’article 4 ». La Requérante n’a cité aucune jurisprudence à l’appui de ses propos.

[59]  Malgré le fait que je puisse avoir mal compris l’allégation, je ne suis pas d’accord compte tenu de la définition « d’emploi » à l’article 2 de la Loi, qui incorpore expressément l’article 4 en prévoyant que l’emploi est, « [à] l’égard d’une marque de commerce, tout emploi qui, selon l’article 4, est réputé un emploi en liaison avec des produits ou services ».

[60]  Si je comprends bien, le second argument avancé par la Requérante (et non étayé par la jurisprudence) est que, lorsque la Marque ne figure pas sur les Produits eux-mêmes ou sur leur emballage, mais lorsqu’elle leur est d’une autre manière liée, par exemple dans des brochures ou sur des factures, il n’y a en réalité aucune exigence temporelle compte tenu de la manière dont l’article 4(1) de la Loi (reproduit ci-dessous) est libellé, plus précisément l’inclusion des mots « ou si elle est » :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée (soulignement ajouté).

[61]  Je ne suis pas d’accord et j’estime que l’exigence temporelle (un avis de liaison étant donné lors du transfert de la propriété) s’applique de manière uniforme dans l’évaluation de l’emploi au sens de l’article 4 de la Loi [Syntex Inc c Apotex Inc, [1984] 2 CF 1012 (CAF)].

[62]  En conséquence, compte tenu de ce qui précède, ce motif d’opposition est rejeté.

Autre motif d’opposition fondé sur l’article 30e)

[63]  L’Opposante a également allégué que, en contravention de l’article 38(2)a), la demande n’est pas conforme à l’article 30e) parce que [Traduction] :

… la Requérante n’a pas démontré l’intention véritable d’employer la Marque visée par l’opposition en liaison avec les Produits visés par l’opposition. En particulier, la Requérante n’a pas montré ou présenté des échantillons quelconques provenant de salons commerciaux des Produits visés par l’opposition arborant la Marque PENTASTAR visée par l’opposition ni n’a fait d’annonces à leur égard. Habituellement, les fabricants d’automobiles démontrent une certaine intention commerciale en annonçant, en diffusant ou en parlant de la production de certaines pièces, d’une marque ou d’un modèle avant la production en série. La Requérante n’a pas montré ou présenté des échantillons quelconques provenant de salons commerciaux des Produits visés par l’opposition à des fins commerciales ou pour la vente en liaison avec la Marque visée par l’opposition ni n’a fait d’annonces à leur égard. Ainsi, suivant l’article 30e), la Requérante n’a pas démontré une intention suffisante d’employer la Marque visée par l’opposition au Canada, elle-même ou par l’entremise d’un licencié, ou elle-même et par l’entremise d’un licencié.

[64]  Je souligne que l’Opposante n’a pas donné de détails sur ce motif d’opposition dans son plaidoyer écrit ni à l’audience.

[65]  L’Opposante a allégué que, habituellement, les fabricants d’automobiles démontrent une certaine intention commerciale en annonçant, en diffusant ou en parlant de la production de certaines pièces avant la production en série et que la Requérante n’a pas montré ou présenté des échantillons quelconques provenant de salons commerciaux des Produits à des fins commerciales ou pour la vente en liaison avec la Marque ni n’a fait d’annonces à leur égard. Cependant, je souligne que la preuve même de l’Opposante, à savoir l’affidavit Kuzma, démontre que la Requérante a fait des annonces concernant le lancement et la production du moteur PENTASTAR (affidavit Kuzma, para 5 à 9, pièces TK-1 à TK-3; para 22 et 23, pièces TK-12(a) et TK-12(b)).

[66]  En conséquence, ce motif d’opposition est rejeté.

Décision

[67]   Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

Jennifer Galeano

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2018-11-22

COMPARUTIONS

Bayo Odutola

POUR L’OPPOSANTE

R. Scott MacKendrick

POUR LA REQUÉRANTE

AGENT(S) AU DOSSIER

OLLIP P.C.

POUR L’OPPOSANTE

Bereskin & Parr LLP

POUR LA REQUÉRANTE

 

 

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