Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2019 COMC 36

Date de la décision : 2019-03-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

X.E.S.-NY LTD. et Joseph A. Company LLC

Opposantes

et

 

Joseph Limited

Requérante

 

 

 



 

1,424,610 pour la marque de commerce JOSEPH

 

Demande

Dossier

[1]  Le 15 janvier 2009, Joseph Limited (la Requérante) a produit une demande pour faire enregistrer la marque de commerce JOSEPH (la Marque) sur la base de son emploi projeté au Canada. Le 3 juillet 2015, une décision a été rendue dans une opposition engagée à l’encontre de la présente demande par Boutique Jacob Inc., dans laquelle certains des produits et services ont été refusés. Les produits et services restants qui sont en cause dans la présente opposition sont les suivants (les Produits et Services) [Traduction] :

(1) Cosmétiques; produits de toilette non médicamenteux, nommément déodorant, lotion pour le corps, crème pour le visage, shampooing, revitalisant, fixatif; huiles essentielles à usage personnel; lotions pour les cheveux; dentifrices; cuir et similicuir; malles; bagages; sacs à cosmétiques et housses à vêtements; mallettes; parapluies; cannes; valises; portefeuilles; articles chaussants, nommément bottes, pantoufles, sandales, chaussures d’entraînement, chaussures habillées et chaussures tout-aller; couvre-chefs, nommément chapeaux, casquettes et coiffes de mariée.

(1) Services de vente au détail de parfumerie, de cosmétiques, de produits de beauté, de maquillage, d’étuis à lunettes et à lunettes de soleil, de bijoux, d’articles en cuir, de parapluies, d’articles chaussants et de couvre-chefs; services de vente au détail par correspondance de parfumerie, de cosmétiques, de produits de beauté, de maquillage, d’étuis à lunettes et à lunettes de soleil, de bijoux, d’articles en cuir, de parapluies, d’articles chaussants et de couvre-chefs; services électroniques de vente au détail de parfumerie, de cosmétiques, de produits de beauté, de maquillage, d’étuis à lunettes et à lunettes de soleil, de bijoux, d’articles en cuir, de ceintures, de parapluies, d’articles chaussants et de couvre-chefs.

[2]  La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 21 mars 2012.

[3]  Le 20 août 2012, X.E.S.-NY LTD. a produit une déclaration d’opposition. La déclaration d’opposition a par la suite été modifiée afin d’ajouter Joseph A. Company LLC à titre de seconde opposante (sauf indication contraire, X.E.S.-NY LTD. et Joseph A. Company LLC sont collectivement appelées « l’Opposante »). Les motifs invoqués dans la déclaration d’opposition modifiée sont résumés ci-dessous :

(a)  la demande n’est pas conforme à l’article 30a) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), car les Produits et Services suivants ne sont pas décrits dans les termes ordinaires du commerce [Traduction] : parfumerie; cuir et similicuir; et bandoulières;

(b)  la demande n’est pas conforme à l’article 30e) de la Loi, car la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec chacun des Produits et Services;

(c)  la demande n’est pas conforme à l’article 30i) de la Loi, car la Requérante ne pouvait pas être convaincue d’avoir droit d’employer la Marque au Canada étant donné que la Requérante avait parfaitement connaissance de l’existence de la marque de commerce de l’Opposante;

(d)  la Marque n’est pas enregistrable suivant l’article 12(1)a) de la Loi, car la Marque est constituée d’un mot n’étant principalement que le nom ou le nom de famille d’un particulier, et la Marque n’était pas distinctive à la date de production de la demande;

(e)  a Marque n’est pas enregistrable suivant l’article 12(1)d) de la Loi, car elle crée de la confusion avec la marque de commerce JOSEPH A. QU’EST-CE QUE C’EST SILK? enregistrée sous le no LMC659,073 en liaison avec des vêtements pour dames, nommément des chandails et des gilets;

(f)  la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement suivant l’article 16(3)a) de la Loi, car la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce JOSEPH A. QU’EST-CE QUE C’EST SILK? de l’Opposante employée en liaison avec des articles vestimentaires;

(g)  la Marque n’est pas distinctive, car elle ne distingue pas véritablement ou n’est pas adaptée à distinguer ou ne peut pas distinguer les Produits et Services de la Requérante des produits et services de l’Opposante liés à la marque de commerce JOSEPH A. QU’EST-CE QUE C’EST SILK?

À l’audience, l’Opposante a abandonné le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)a). Ce motif d’opposition ne sera donc pas examiné plus en détail.

[4]  La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

[5]  Comme preuve, l’Opposante a produit l’affidavit de Manu Mirchandani. Comme preuve, la Requérante a produit les affidavits de Carolyn Hewitt, Michael Stephan, Nina Dyson, Lindsay Owen, Kimberley Newport-Mimran, Tina LeBrun, Thomas James et Catherine Palmer. Comme preuve en réponse, l’Opposante a produit l’affidavit de Bonnie Stein. M. Mirchandani a été contre-interrogé relativement à son affidavit.

[6]  Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux présentes à l’audience qui a été tenue.

Dates pertinentes et fardeau de preuve

[7]  Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

–articles 38(2)a)/30 de la Loi – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p 475];

 

–articles 38(2)b)/12(1)d) de la Loi – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

 

–articles 38(2)c)/16(3)a) de la Loi – la date de production de la demande; et

 

  • - –article 38(2)d) de la Loi – la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[8]  Avant d’examiner les motifs d’opposition, j’estime nécessaire de rappeler certaines exigences techniques en ce qui concerne i) le fardeau de preuve dont doit s’acquitter un opposant, soit celui d’étayer les allégations formulées dans la déclaration d’opposition, et ii) le fardeau ultime qui incombe à un requérant, soit celui de prouver sa cause.

[9]  S’agissant du point i) ci-dessus, l’opposant a le fardeau de preuve d’établir les faits sur lesquels il appuie les allégations formulées dans la déclaration d’opposition : John Labatt Limited c Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298. Le fait qu’un fardeau de preuve soit imposé à l’opposant à l’égard d’une question donnée signifie que, pour que cette question soit prise en considération, il doit y avoir une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. En ce qui concerne le point ii) ci-dessus, le requérant a le fardeau ultime de démontrer que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, ainsi que l’allègue l’opposant (mais uniquement à l’égard des allégations relativement auxquelles l’opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve). Le fait que le fardeau ultime incombe au requérant signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l’encontre du requérant.

Questions préliminaires

Question préliminaire : Admissibilité de l’affidavit de Mme Stein

[10]  La Requérante s’oppose à l’affidavit en réponse de Bonnie Stein au motif qu’il ne constitue pas une preuve en réponse adéquate.  Selon l’article 43 du Règlement sur les marques de commerce DORS/96-195, la preuve en réponse doit se limiter strictement aux matières servant de réponse.  La Requérante soutient que l’affidavit en réponse de M. Stein est inadéquat parce qu’il contient des éléments de preuve qui auraient pu être inclus dans la preuve principale de l’Opposante. L’Opposante soutient que la preuve en réponse est adéquate, car elle comble des lacunes dans la preuve constatées lors du contre-interrogatoire. À l’exception du paragraphe 6 qui fournit des éléments de preuve concernant la disponibilité de marques de gammes inférieures et supérieures dans le même établissement, les autres éléments de preuve auraient pu être produits dans le cadre de la preuve principale de l’Opposante et sont inadéquats [Halford c Seed Hawk Inc 2003 CFPI 141, aux para 14 et 15]. Si j’ai tort de conclure que ces paragraphes sont inadmissibles, je souligne que l’exclusion de ces éléments de preuve n’aurait pas eu d’incidence sur ma décision en l’espèce.

Question préliminaire : Déclarations de M. Mirchandani au sujet de la confusion

[11]   Les déclarations de M. Mirchandani quant à la possibilité de confusion ont été écartées. Comme l’a expliqué le registraire dans Advance Magazine Publishers Inc c Casciato, 2004 CanLII 72180 (COMC), aux para 12 à 14 [Traduction] :

Il n’est pas rare que les souscripteurs d’affidavits expriment leur opinion sur le risque de confusion et ainsi de suite, mais le registraire ne tient pas compte de ces déclarations intéressées parce qu’il n’appartient généralement pas au souscripteur d’affidavit de tirer de telles conclusions.

Motifs d’opposition fondés sur la confusion

[12]  La déclaration d’opposition comprend trois motifs d’opposition fondés sur la confusion. Je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard de chacun de ces motifs compte tenu de l’enregistrement invoqué et de la preuve de M. Mirchandani, le vice-président et chef des services financiers de Joseph A. Company LLC :

(a)  En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), l’Opposante s’est acquittée de son fardeau, car après consultation du registre, je confirme que l’enregistrement no LMC659,073 de la marque JOSEPH A. QU’EST-CE QUE C’EST SILK? qui vise des vêtements pour dames, nommément des chandails et des gilets, existe bel et bien [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)].

(b)  En ce qui concerne le motif fondé sur l’article 16(3)a), l’Opposante s’est acquittée de son fardeau grâce à la preuve i) d’emploi de la marque de commerce par Joseph A. Company LLC au Canada sur des étiquettes volantes et des étiquettes en tissu, et ii) de ventes de vêtements pour dames tels que des hauts, des chandails et des vestes avant la date de production de la demande [affidavit Mirchandani, pièces B à H; pièces J à L].

(c)  En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif, la preuve de M. Michandani, y compris la présence de la marque de commerce de l’Opposante sur des étiquettes en tissu et des étiquettes volantes ainsi que les renseignements relatifs aux ventes examinés ci-dessous, démontre que la marque de commerce de l’Opposante était devenue suffisamment connue pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [Bojangles, Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst), à la p 58].

Test en matière de confusion

[13]  Des marques de commerce créent de la confusion lorsqu’il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l’article 6(2) de la Loi sur les marques de commerce :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués. . . ou que les services liés à ces marques sont. . . exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[14]  Ainsi, la question de la confusion ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais la confusion portant à croire que des produits et des services provenant d’une source proviennent d’une autre source. En l’espèce, la question que soulève l’article 6(2) est de savoir si les acheteurs des Produits et Services, vendus en liaison avec la marque de commerce JOSEPH, croiraient que ces articles ont été fabriqués ou autorisés par l’Opposante ou qu’ils font l’objet d’une licence octroyée par l’Opposante.

[15]  Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à prendre en considération pour déterminer si deux marques créent de la confusion sont « toutes les circonstances de l’espèce », y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux varie en fonction du contexte propre à chaque affaire [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, [2006] 1 RCS 772 (CSC), au para 54]. Je m’appuie également sur l’arrêt Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), dans lequel la Cour suprême du Canada a indiqué au para 49 que le critère énoncé à l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques, est souvent celui qui revêt le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

Caractère distinctif inhérent

[16]  La Marque étant constituée d’un prénom, elle ne possède qu’un très faible caractère distinctif inhérent [Glaskoch B. Koch Jr GmbH & Co KG c Anglo Canadian Mercantile Co (2006), Carswell Nat 5362 (COMC)]. La marque de commerce déposée JOSEPH A. QU’EST-CE QUE C’EST SILK? de l’Opposante possède également un caractère distinctif inhérent limité, car elle est constituée d’un prénom, d’une initiale et de la phrase suggestive QU’EST-CE QUE C’EST SILK?

Degré de ressemblance entre les marques de commerce

[17]  La marque de commerce de l’Opposante comprend le nom JOSEPH A. et la phrase QU’EST-CE QUE C’EST SILK? La marque de commerce de la Requérante est constituée uniquement du nom JOSEPH. Il existe donc une ressemblance considérable entre les marques dans la présentation et dans le son du fait de l’élément commun JOSEPH. La ressemblance dans les idées suggérées est moindre, car la Marque suggère des Produits et Services conçus par un créateur prénommé JOSEPH et la marque de commerce de l’Opposante suggère des vêtements conçus par un créateur du nom de JOSEPH A. (le A étant la première lettre du second prénom ou du nom de famille du designer) qui sont doux comme de la soie. Lorsque je tiens compte de chacun des trois aspects du dernier facteur énoncé à l’article 6(5), c’est-à-dire la présentation, le son et les idées suggérées, je conclus que la ressemblance entre les marques ne favorise de manière significative aucune des parties ou favorise légèrement la Requérante.

Mesure dans laquelle les marques sont devenues connues et période pendant laquelle elles ont été en usage

[18]  Ces facteurs favorisent l’Opposante, car cette dernière a employé sa marque de commerce JOSEPH A. QU’EST-CE QUE C’EST SILK? dans une mesure plus importante et pendant une plus longue période comparativement à l’emploi que la Requérante a fait de sa Marque en liaison avec les Produits et Services. La preuve produite par M. Mirchandani indique ce qui suit :

(a)  Des produits de marque JOSEPH A. QU’EST-CE QUE C’EST SILK? sont vendus dans plusieurs établissements de vente au détail partout au Canada, dont Winners, La Maison Simons et Beyond the Rack (affidavit Mirchandani, para 8).

(b)  Les factures représentatives établissent des ventes, de 2009 à 2013, de hauts décrits comme des cardigans, des cols roulés, des hauts ras-du-cou, des débardeurs et une veste en jersey bouclette (affidavit Mirchandani, pièce B) vendus accompagnés d’étiquettes et d’étiquettes volantes arborant la marque de commerce JOSEPH A. QU’EST-CE QUE C’EST SILK?

(c)  Les ventes annuelles de l’Opposante au Canada se sont élevées à plus de 0,9 million de dollars au cours de chacune des années 2011 à 2014 (affidavit Mirchandani, para 9, réponses aux engagements).

[19]  La déposante de la Requérante, Mme Palmer, qui est la directrice juridique et administrative de la Requérante, a produit une preuve indiquant ce qui suit :

(a)  La Requérante est une maison de couture fondée par Joseph Ettedgui en 1972. Elle offre une collection complète pour femmes et élargit présentement sa gamme de vêtements pour hommes (affidavit Palmer, para 4). Ses vêtements et ses sacs à main sont offerts en vente au Canada depuis 2001 et depuis l’été 2013, respectivement, dans des magasins de détail au Canada tels que Holt Renfrew, La Baie, Pink Tartan et T.N.T., et sont vendus par des détaillants en ligne tels que www.net-a-porter.com et www.shopbop.com (affidavit Palmer, para 6, 11, 14 et 15, pièce F). Mme Palmer explique que les produits de la Requérante sont des vêtements de haute couture et des articles de mode haut de gamme (para 15). Je souligne que les chemises à manches courtes de la Requérante sont offertes en vente sur le site Web de Pink Tartan, à l’adresse www.pinktartan.com, au prix approximatif de 495 $ US (affidavit Palmer, pièce H). Or, cette preuve n’aide en rien la Requérante à établir la mesure dans laquelle la Marque est devenue connue, car les Produits et Services ne comprennent ni vêtements ni sacs à main.

(b)  La Requérante emploie la marque de commerce JOSEPH depuis le 1er février 2013 au Canada en liaison avec des services de vente au détail en ligne (affidavit Palmer, para 8, pièce G). Or, aucun renseignement n’a été fourni pour établir l’emploi de la Marque en liaison avec les Services, par opposition à des ventes en ligne de produits tels que des vêtements.

Genre de produits et services, et nature du commerce

[20]  J’estime que ces facteurs ne favorisent aucune des parties. Les produits visés par l’enregistrement de l’Opposante sont des vêtements pour dames, nommément des chandails et des gilets, et cette dernière a établi l’emploi en liaison avec divers hauts pour dames, dont des cardigans, des cols roulés, des hauts ras-du-cou, des débardeurs et une veste en jersey bouclette (affidavit Mirchandani, pièces B à I). Les Produits et Services peuvent être décrits comme étant d’un genre apparenté, car ils comprennent d’autres articles de mode, c.-à-d. des articles chaussants et des couvre-chefs ainsi que des articles tels que des cosmétiques et des mallettes, lesquels pourraient très bien être vendus dans des magasins vendant des vêtements pour dames. Cela dit, les Produits et Services seraient probablement vendus dans des rayons différents de ces magasins. Le fait que les produits des parties soient vendus à des [Traduction] « niveaux de prix » différents - ceux de l’Opposante étant vendus à des prix inférieurs et ceux de la Requérante à des prix supérieurs [voir l’affidavit Stephan, para 2 à 7; l’affidavit Mirchandani, pièce M] - n’est pas pertinent du point de vue de la question de la confusion [Bagagerie SA c Bagagerie Willy Ltée (1992), 45 CPR (3d) 503 (CAF), aux p 509 à 551]. En outre, je souligne qu’il existe une preuve non contredite que des produits haut de gamme liés à des marques de créateurs et des produits de gammes inférieures moins coûteux peuvent être vendus dans les mêmes magasins (affidavit Stein, para 6).  Enfin, compte tenu de la collection restreinte de vêtements vendue par l’Opposante, je ne pense pas que les Produits et Services se situent dans la zone naturelle d’expansion de l’Opposante.

Preuve de l’état du registre et de l’état du marché

[21]  La preuve de l’état du registre et de l’état du marché présentée dans les affidavits de Thomas James, un analyste-recherchiste en marques de commerce à l’emploi de Thomson CompuMark, et de Michael Stephan, un enquêteur principal, ne constitue pas une circonstance pertinente de l’espèce. La preuve de la Requérante concernant l’existence de marques de commerce constituées des noms JOSEPH ou JOSEF ou comprenant ces noms, dont JOSEF, JOSEPH ABBOUD, JOSEPH JANARD, JOSEPH & FEISS et JOSEPH, n’est pas suffisante en nombre pour que je conclue que la probabilité de confusion entre le Marque et la marque de commerce de l’Opposante s’en trouve réduite [Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst), (1991), 36 CPR (3d) 562 (COMC); Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)]. De plus, il faudrait que les marques comprenant les éléments communs fassent l’objet d’un emploi passablement abondant sur le marché dans lequel les marques en cause sont employées ou seront employées [Kellog Salada, supra, à la p 359], mais il n’y a aucune preuve de cette nature en l’espèce. Par conséquent, il m’est impossible d’inférer que les consommateurs canadiens ont l’habitude d’être exposés à de nombreuses marques de commerce constituées du nom JOSEPH ou comprenant ce nom dans le domaine d’intérêt des parties et qu’ils seraient, de ce fait, à même de distinguer ces marques entre elles.

Circonstance de l’espèce : jurisprudence concernant les marques de commerce faibles

[22]  La jurisprudence concernant les marques de commerce faible favorise la Requérante de manière significative. Il est bien établi que des marques de commerce constituées d’un prénom ne peuvent bénéficier que d’une protection très limitée [Sarah Coventry Inc c Abrahamian (1984), 1 CPR (3d) 238 (CF 1re inst), à la p 24; Joseph Ltd c XES-NY Ltd 2005 CarswellNat 522, 2005 CarswellNat 523, 44 CPR (4th) 314] et que des différences relativement peu marquées seront suffisantes pour distinguer entre elles des marques faibles [Boston Pizza International Inc c Boston Chicken Inc (2001), 15 CPR (4th) 345 (CF 1re inst), au para 66]. Dans Provigo Distribution Inc c Max Mara Fashion Group SRL (2005), 46 CPR (4th) 112, au para 31 (CF 1re inst), le juge de Montigny a expliqué que [Traduction] :

Comme les deux marques en elles-mêmes sont faibles, il est juste d’affirmer que même de petites différences suffiraient à les différencier. S’il en était autrement, le premier utilisateur de termes couramment employés se verrait conférer injustement un monopole de ces termes. Les tribunaux ont également justifié cette conclusion en affirmant qu’on s’attend à ce que le public soit plus prudent lorsque des noms commerciaux faibles comme ceux-ci sont employés…

[23]  En outre, il a été établi qu’une partie qui adopte une marque de commerce faible accepte un certain risque de confusion [General Motors c Bellows (1949), 10 CPR 101, aux p 115 et 116 (CSC)].

Circonstance de l’espèce : l’Opposante détient un enregistrement ne comportant aucune restriction quant aux voies de commercialisation

[24]  À l’audience, l’Opposante a soutenu que, puisqu’elle détient un enregistrement qui ne comporte aucune restriction quant aux voies de commercialisation, elle a droit à une protection plus étendue. Le registraire a toujours maintenu que, lorsqu’un enregistrement est obtenu à l’égard d’une marque de commerce faible, cet enregistrement est assorti d’une protection limitée [voir, à titre d’exemple, Canada Games Co c Llumar Star Kites Inc (1994) 55 CPR (3d) 251 (COMC)].

Circonstance de l’espèce : les vêtements ont été retirés de la demande

[25]  À l’audience, l’Opposante a soutenu que le fait que la demande a été modifiée afin de supprimer les vêtements constituait une circonstance pertinente de l’espèce. La preuve indique que la Requérante et l’Opposante ne se font pas concurrence dans l’industrie du vêtement et qu’elles ne ciblent pas les mêmes consommateurs. Par conséquent, le fait que la demande, lorsqu’elle a été produite, incluait des vêtements qui ont subséquemment été supprimés ne me semble pas favoriser l’Opposante dans une mesure significative.

Circonstance de l’espèce : preuve provenant d’intervenantes de l’industrie de la mode

[26]  Je ne considère pas que les déclarations de Nina Dyson, de Lindsay Owen et de Kimberley Newport-Mimran, selon lesquelles aucune de ces personnes n’a eu connaissance de cas de confusion entre la Marque et la marque de commerce JOSEPH A. QU’EST-CE QUE C’EST SILK? de l’Opposante, constituent une circonstance pertinente de l’espèce. Ces déposantes attestent toutes être à la tête ou à l’emploi d’un magasin de vêtements haut de gamme qui offre les vêtements de la Requérante et affirment n’avoir jamais vendu les produits de l’Opposante. Elles affirment toutes également n’avoir jamais eu connaissance d’un quelconque cas de confusion.  L’absence de confusion réelle peut peut-être s’expliquer par le fait que les parties ne vendent pas présentement leurs produits dans les mêmes magasins [Levi Strauss & Co c Warehouse One Clothing Ltd 2015 COMC 209, au para 60]. Par conséquent, je ne suis pas disposée à tirer une inférence défavorable de l’absence d’une preuve de cas de confusion réelle en l’espèce.

Circonstances de l’espèce : des éléments distinctifs supplémentaires sont requis

[27]  Dans ses observations écrites et à l’audience, l’Opposante a fait valoir que des éléments supplémentaires sont nécessaires pour rendre la Marque distinctive et faire en sorte qu’elle puisse être distinguée de la marque de commerce de l’Opposante. Je reproduis ci-dessous des paragraphes tirés du plaidoyer écrit de l’Opposante (citations omises) [Traduction] :

7v

Il est vrai que le registre canadien des marques de commerce révèle que la Marque JOSEPH A. des Opposantes coexiste avec d’autres marques enregistrées ou admises qui contiennent l’élément « JOSEPH », mais ces autres marques comprennent toutes un ou plusieurs autres éléments en plus de « JOSEPH » (par exemple, « JOSEPH ABBOUD ») ou sont orthographiées différemment (par exemple, JOSEF). La Marque JOSEPH A. des Opposantes ne coexiste au registre avec aucune autre marque constituée uniquement de l’élément « JOSEPH » et employée en liaison avec des « vêtements ».

62

Les caractéristiques courantes communes aux marques détenues par différents commerçants sont considérées comme « un élément courant dans le commerce », ce qui tend à leur faire perdre tout caractère exclusif. Par conséquent, l’existence de marques comprenant le même mot courant employées en liaison avec des produits identiques ou similaires empêche un commerçant de revendiquer un monopole à l’égard de ce mot en liaison avec ces produits.

65

Employé seul, l’élément « JOSEPH » est, lui aussi, dépourvu d’un caractère exclusif et ne peut faire l’objet d’un monopole, car il existe une preuve abondante que de nombreux commerçants ont fait enregistrer et emploient des marques constituées de « JOSEPH » et d’un ou plusieurs autres éléments, en liaison avec leurs produits et services dans l’industrie de la mode.

66

La Requérante a, elle aussi, adopté la position selon laquelle « JOSEPH » est un élément courant dans le commerce.

67

Un monopole ne peut pas être revendiqué à l’égard de l’élément courant « JOSEPH » employé seul. La [Marque] est, par conséquent, dépourvu d’un caractère distinctif inhérent.

70

Parce que la [Marque] n’a pas été « employée » en liaison avec les produits et services énumérés dans la Demande, la [Marque] est également dépourvu d’un caractère distinctif acquis en liaison avec ces produits et services.

[28]  Premièrement, même si d’autres commerçants ont adopté et fait enregistrer JOSEPH comme élément de leurs marques de commerce, la preuve ne me permet pas de conclure que des marques de commerce constituées du seul élément JOSEPH sont couramment adoptées. Deuxièmement, dans la mesure où la Marque ne crée pas de confusion avec la marque de commerce invoquée par l’Opposante dans sa déclaration d’opposition et où la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime relativement à la question du caractère distinctif (qui, en l’espèce, est fondée sur une allégation de confusion avec la marque de commerce de l’Opposante), l’opposition doit être rejetée. Plus particulièrement, en ce qui concerne le motif de l’Opposante fondé sur le caractère distinctif, lequel est reproduit ci-dessous, je ne considère pas que l’Opposante a allégué que la marque de commerce est dépourvue d’un caractère distinctif. Par conséquent, il ne m’est pas permis de le rejeter sur cette base [Massif Inc. c. Station Touristique Massif du Sud (1993) Inc. (2011), 95 CPR (4th) 249 (CF), aux para 27 à 29].

[Traduction]
La Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, car elle ne distingue pas véritablement, n’est pas adaptée à distinguer ou ne peut pas distinguer les [Produits et Services], des marchandises et services de tiers et, plus particulièrement, des marchandises des Opposantes en liaison avec lesquelles ces dernières ont employé et emploient toujours leur marque de commerce JOSEPH A. QU’EST-CE QUE C’EST SILK? au Canada.

Circonstance de l’espèce : l’examinateur n’a pas donné d’avis en vertu de l’article 37(3)

[29]  Le fait que l’examinateur n’ait pas donné d’avis en vertu de l’article 37(3) de la Loi ne constitue pas une circonstance pertinente de l’espèce (voir l’historique du dossier joint comme pièce 1 à l’affidavit de Carolyn Hewitt). Une décision d’un examinateur de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada n’a pas valeur de précédent pour la Commission des oppositions, car le fardeau de preuve à satisfaire et la preuve à présenter devant un examinateur diffèrent du fardeau de preuve à satisfaire et de la preuve à présenter devant la Commission des oppositions [Thomas J Lipton Inc c Boyd Coffee Co (1991), 40 CPR (3d) 272 (COMC), à la p 277 et Procter & Gamble Inc c Morlee Corp (1993), 48 CPR (3d) 377 (COMC), à la p 386].

Conclusion

[30]  La question que soulève l’article 6(2) de la Loi est de savoir si les consommateurs des Produits et Services, fournis sous la marque de commerce JOSEPH, croiraient que ces produits et services ont été fournis ou autorisés par l’Opposante ou font l’objet d’une licence octroyée par l’Opposante, compte tenu de l’existence de sa marque de commerce JOSEPH A. QU’EST-CE QUE C’EST SILK?

[31]   Le test à appliquer est celui de la première impression que la vue de la marque JOSEPH employée en liaison avec les Produits et Services crée dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé qui a un souvenir imparfait de la marque de commerce JOSEPH A. QU’EST-CE QUE C’EST SILK? de l’Opposante et qui ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20].

[32]  Bien que l’Opposante ait établi que sa marque de commerce est connue dans une certaine mesure au Canada et qu’il existe un recoupement entre les Produits et Services et ceux de l’Opposante ainsi qu’entre les commerces exercés par les parties, la marque de commerce de l’Opposante demeure une marque de commerce faible. Dans ce contexte et compte tenu des différences entre les marques de commerce, je conclus que la prépondérance des probabilités entre la conclusion qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion et la conclusion qu’il existe une probabilité raisonnable de confusion penche légèrement en faveur de la Requérante. Ma conclusion est la même à chacune des dates pertinentes différentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition : la date de production de la demande (article 16(3)a)), la date de production de la déclaration d’opposition (caractère distinctif) et la date de ma décision (article 12(1)d)).  En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est rejeté.

Motifs d’opposition pouvant être rejetés sommairement

 

Motif d’opposition fondé sur l’article 30a)

[33]  L’Opposante allègue que la demande ne renferme pas un état dressé dans les termes ordinaires du commerce en ce qui concerne les produits décrits comme suit [Traduction] : parfumerie, cuir et similicuir et bandoulières. Le fardeau de preuve initial qui incombe à un opposant à l’égard de l’article 30a) est peu exigeant et l’opposant peut s’en acquitter en présentant des arguments [McDonald’s Corp c M.A. Comacho-Saldana International Trading Ltd (1984), 1 CPR (3d) 101 (COMC), à la p 104; Air Miles International Trading BV c Deutsche Lufthansa AG (2010), 89 CPR (4th) 230 (COMC), au para 30]. En l’espèce, l’Opposante n’a pas présenté la moindre observation ni produit la moindre preuve à l’égard de ce motif. L’Opposante ne s’est donc pas acquittée de son fardeau initial, et ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30e)

[34]  Il n’y a aucune preuve que la Requérante n’avait pas l’intention de commencer l’emploi au Canada en liaison avec les Produits et Services. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i)

[35]  Le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) porte que la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait droit d’employer la Marque parce qu’elle avait connaissance des droits détenus par l’Opposante à l’égard de sa marque de commerce. Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30i), ce motif ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve de mauvaise foi [Sapodilla Co c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la p 155]. Étant donné que la demande comprend la déclaration exigée et qu’il n’y a aucune preuve de mauvaise foi ni autres circonstances exceptionnelles, le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) est rejeté.

Décision

[36]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________
Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

 

 


 

 

 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2018-11-20

COMPARUTIONS

Janice Bereskin

Tamara Céline Winegust

POUR L’OPPOSANTE

Michelle L. Wassenar

POUR LA REQUÉRANTE

AGENT(S) AU DOSSIER

Bereskin & Parr LLP/S.E.N.C.R.L., S.R.L.

POUR L’OPPOSANTE

Method Professional Law Corporation

POUR LA REQUÉRANTE

 

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