Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2019 COMC 26

Date de la décision : 2019-03-27

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS

 

Rothmans, Benson & Hedges Inc.

Opposante

et

 

Imperial Tobacco Products Limited

Requérante

 

1,580,250 et 1,580,255 toutes deux intitulées PAQUET VIOLET DESSIN

Demandes

introduction

[1]  Rothmans, Benson & Hedges Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement des marques de commerce toutes deux appelées PAQUET VIOLET DESSIN (reproduites ci-dessous) qui font respectivement l’objet des demandes d’enregistrement nos 1,580,250 et 1,580,255 fondées sur l’emploi au Canada depuis août 2011 en liaison avec des [Traduction] « produits de tabac manufacturés, nommément cigarettes » (les Produits) produites par Imperial Tobacco Products Limited (la Requérante) :

Demande no 1,580,250

(parfois appelée ci-après la Demande 250)

Demande no 1,580,255

(parfois appelée ci-après la Demande 255)

Description [Traduction] : « La marque de commerce est constituée de la couleur violette appliquée à la surface visible de l’emballage particulier, comme l’illustre le dessin ci-joint. Le dessin est hachuré pour représenter la couleur. »

Description : « La marque de commerce est constituée de la couleur violette appliquée à la surface visible de l’emballage particulier, comme l’illustre le dessin ci-joint. Le dessin est hachuré pour représenter la couleur. »

[2]  La seule différence entre les deux demandes est que la Demande 250 représente un dessin à trois dimensions alors que la Demande 255 représente un dessin à deux dimensions. Sauf indication contraire, j’appellerai collectivement ces deux marques figuratives la Marque.

[3]  Les oppositions ont été engagées en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), et les motifs d’opposition invoqués à la base sont fondés sur les articles 2 (absence de caractère distinctif); 12 (non-enregistrabilité); 16 (absence de droit à l’enregistrement); et 30 (non-conformité) de la Loi.

[4]  Pour les raisons exposées ci-dessous, j’estime qu’il y a lieu de repousser les demandes.

Le dossier

[5]  Les demandes relatives à la Marque ont toutes deux été produites le1er juin 2012 et ont été annoncées aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 9 janvier 2013 (Demande 250) et du 26 décembre 2012 (Demande 255).

[6]  Le 23 mai 2013, l’Opposante s’est opposée aux demandes par la voie de déclarations d’opposition produites auprès du registraire. En réponse à la demande de décision interlocutoire de la Requérante, par la voie de lettres officielles datées du 16 janvier 2014 (Demande 250) et du 23 janvier 2014 (Demande 255), le registraire a rayé le motif d’opposition fondé sur l’article 16 et un des motifs d’opposition fondés sur l’absence de caractère distinctif invoqués respectivement aux paragraphes 13 et 14d) de chacune des déclarations d’opposition. En conséquence, il ne reste aucun motif d’opposition fondé sur l’article 16 dans l’une ou l’autre des affaires. Sauf indication contraire, j’utiliserai le singulier pour faire référence aux deux déclarations d’opposition puisqu’elles sont pratiquement identiques (à l’exception de l’identification de la marque de commerce visée par les demandes et de certains des motifs d’opposition fondés sur l’article 30). Par souci de commodité, je reproduis respectivement aux annexes A et B de ma décision les motifs d’opposition tels qu’ils ont été invoqués par l’Opposante relativement à la Demande 250 et à la Demande 255.

[7]  Dans chaque affaire, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste les motifs d’opposition formulés dans la déclaration d’opposition.

[8]  À l’appui de chacune de ses oppositions, l’Opposante a produit les documents suivants :

  • L’affidavit de Mary P. Noonan, une recherchiste en marques de commerce à l’emploi de l’agent de marques de commerce de l’Opposante, souscrit le 30 mai 2014 (l’affidavit Noonan)
  • L’affidavit de David Morrison, un avocat adjoint à l’emploi de l’agent de marques de commerce de l’Opposante, souscrit le 30 mai 2014 (l’affidavit Morrison);
  • Une copie certifiée de l’historique du dossier de la Demande 250; et
  • Une copie certifiée de l’historique du dossier de la Demande 255.

[9]  J’utiliserai le singulier pour faire référence aux deux affidavits de chacun de ces déposants puisqu’ils sont pratiquement identiques. Une ordonnance de contre-interrogatoire de tous les déposants a été émise, mais aucun contre-interrogatoire n’a été mené.

[10]  À l’appui de chacune de ses demandes, la Requérante a produit les documents suivants :

  • L’affidavit de Jason Dacayanan, le chef de marque, notamment, de la marque de cigarettes VOGUE au sein d’Imperial Tobacco Canada Limited (ITCan), une société affiliée de la Requérante, souscrit le 22 décembre 2014 (l’affidavit Dacayanan);
  • L’affidavit de Jayson B. Dinelle, un technicien judiciaire à l’emploi de l’agent de marques de commerce de la Requérante, souscrit le 23 décembre 2014 (l’affidavit Dinelle); et
  • L’affidavit de Gay Owens, une recherchiste en marques de commerce à l’emploi de l’agent de marques de commerce de la Requérante, souscrit le 23 décembre 2014 (l’affidavit Owens).

[11]  J’utiliserai le singulier pour faire référence aux deux affidavits de chacun de ces déposants puisqu’ils sont pratiquement identiques. M. Dacayanan a été contre-interrogé relativement à son affidavit. La transcription de son contre-interrogatoire et de ses réponses aux engagements pris au moment de son contre-interrogatoire ont été versées au dossier.

[12]  Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit dans chaque affaire et étaient toutes deux présentes à l’audience qui a été tenue.

[13]  Le 26 juillet 2018, plus de deux semaines après l’audience, l’Opposante a demandé à l’égard des deux affaires la permission de produire une déclaration d’opposition modifiée. Dans une lettre datée du 31 juillet 2018, la Requérante s’est opposée à la demande de l’Opposante dans les deux affaires. La Requérante a ensuite indiqué qu’elle ne s’opposait pas à ce que le registraire traite la demande de permission de l’Opposante dans le cadre de la décision du registraire à l’égard de la procédure d’opposition sur le fond. En conséquence, je me pencherai d’abord ci-dessous sur la demande de permission de l’Opposante.

remarques préliminaires

Demande de permission de produire une déclaration d’opposition modifiée

[14]  Comme il est indiqué dans l’Énoncé de pratique concernant la procédure d’opposition en matière de marques de commerce, la permission de modifier une déclaration d’opposition ne sera accordée que si le registraire est convaincu qu’il est dans l’intérêt de la justice de le faire, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, y compris : l’étape où en est rendue la procédure d’opposition; la raison pour laquelle la modification n’a pas été faite plus tôt; l’importance de la modification; et le tort qui sera causé à l’autre partie.

[15]  Dans sa demande de permission, l’Opposante soutient que [Traduction] « faisant preuve d’un excès de prudence », elle demande une permission de modifier chacune de ses déclarations d’opposition dans le but de [Traduction] :

clarifier les motifs d’opposition précédemment invoqués au titre de l’absence de caractère distinctif, fondés sur [les articles] 30b) et 2, en précisant que ces motifs d’opposition englobent l’allégation portant que l’emploi présumé de la marque en question sous licence ne s’applique pas au profit de la Requérante. Ces modifications visent à rendre compte de la position de l’Opposante à l’égard de cette question et à faire preuve de cohérence tout au long de la procédure, comme le précisent les observations écrites de l’Opposante.

[16]  Comme l’a toutefois souligné la Requérante dans sa lettre datée du 31 juillet 2018, dans laquelle elle s’oppose à la demande de permission de l’Opposante, les motifs d’opposition de l’Opposante fondés sur les articles 30b) et 2 de la Loi dans chacune des présentes affaires établissent clairement des motifs d’opposition portant sur la nature de la marque de commerce elle-même et sur la capacité de la marque de commerce reproduite dans la demande de servir de marque de commerce (à titre d’exemple, l’Opposante allègue que la marque de commerce n’est pas représentée de la façon revendiquée dans la demande, qu’elle est simplement décorative, qu’il s’agit simplement d’une couleur de fond, etc.) [voir para 5, 6 et 14 de la déclaration d’opposition reproduite aux annexes A et B].

[17]  Je conviens avec la Requérante qu’il est impossible d’interpréter raisonnablement les paragraphes susmentionnés de la déclaration d’opposition comme invoquant un motif d’opposition fondé sur un emploi sans licence d’une marque de commerce ne s’appliquant pas au profit de la Requérante au titre de l’article 50 de la Loi. Les modifications demandées par l’Opposante modifient fondamentalement la nature des motifs d’opposition invoqués par l’ajout de motifs d’opposition complètement nouveaux et différents.

[18]  Comme l’a rappelé la Requérante à l’audience et dans sa lettre, il existe une jurisprudence importante où des opposants, comme en l’espèce, ont tenté de soulever une question de licence à un stade avancé de la procédure, une fois l’étape de la preuve terminée, sans mentionner ce motif dans leur déclaration d’opposition [voir, à titre d’exemple, Apotex Inc c Smithkline Beecham Corporation (2005), 54 CPR (4th) 104 (COMC); et Mattel U.S.A. Inc c 3894207 Canada Inc (2002), 23 CPR (4th) 395 (COMC)]. Dans chaque affaire, le registraire a refusé d’examiner la question de licence puisqu’elle n’avait pas été plaidée correctement dans la déclaration d’opposition.

[19]  Comme l’a souligné la Requérante, le préjudice occasionné à la Requérante est évident d’emblée et une telle demande de permission ne peut être présentée à un stade si avancé de la procédure. Comme indiqué précédemment, la demande a été présentée plus de deux semaines après l’audience tenue dans ces affaires. Comme l’a souligné la Requérante, l’Opposante aurait pu demander une permission de modifier sa déclaration d’opposition après avoir mené le contre-interrogatoire du déposant de la Requérante, ou après avoir reçu les réponses écrites de la Requérante aux engagements pris au moment du contre-interrogatoire. Si l’Opposante avait allégué à ce moment que l’emploi sous licence de la Marque présenté en preuve par le déposant même de la Requérante ne s’appliquait pas au profit de la Requérante, la Requérante aurait peut-être présenté une preuve pour étayer sa position contraire. Je conviens avec la Requérante que les décisions du registraire rendues dans Spin Master Ltd c George & Company, LLC, 2015 COMC 157 et dans Karma Candy Inc c Cadbury UK Limited, 2013 COMC 119 s’avèrent particulièrement instructives, puisque dans ces affaires, l’opposant demandait une permission de modification pour inclure des motifs d’opposition supplémentaires lors de l’audience et après l’audience, respectivement, et dans les deux affaires, la demande de permission de modification a été refusée.

[20]  Dans les présentes affaires, il n’est pas dans l’intérêt de la justice de permettre à l’Opposante de modifier sa déclaration d’opposition comme demandé puisque le délai et le préjudice l’emportent sur l’importance de la modification. Compte tenu de tout ce qui précède, la demande de l’Opposante de permettre la modification de sa déclaration d’opposition est refusée dans chaque affaire.

Procédures d’opposition antérieures engagées entre les parties

[21]  Les parties aux présentes procédures se connaissent. Elles sont des concurrentes directes sur le marché canadien des cigarettes et ont été parties à des procédures d’opposition antérieures qui concernaient les demandes d’enregistrement des marques de commerce nos 1,317,127 (maintenant LMC908,657) et 1,317,128 (maintenant LMC908,626) de la Requérante, toutes deux appelées PAQUET ORANGE DESSIN. Lesdites demandes étaient pratiquement les mêmes que celles visées aux présentes procédures quant à la représentation et à la description de la marque de commerce visée par les demandes, outre la couleur revendiquée et la forme précise représentée, et elles faisaient l’objet d’une opposition engagée par l’Opposante des présentes affaires ainsi que par JTI MacDonald TM Corp., pour des motifs d’opposition semblables. Les décisions du registraire rejetant chacune des deux oppositions de l’Opposante et rejetant les oppositions de JTI MacDonald TM Corp. [voir Rothmans, Benson & Hedges c Imperial Tobacco Products, 2012 COMC 226 (la Décision 226); JTI-Macdonald TM Corp c Imperial Tobacco Products Limited, 2012 COMC 116 (la Décision 116); et JTI-Macdonald TM Corp c Imperial Tobacco Products Limited, 2012 COMC 117 (la Décision 117)] ont été maintenues par la Cour fédérale dans Rothmans, Benson & Hedges, Inc c Imperial Tobacco Products Limited, 2014 CF 300 (la Décision CF 300) et JTI-Macdonald TM Corp c Imperial Tobacco Products Limited, 2013 CF 608 (la Décision CF 608), ainsi que par la Cour d’appel fédérale dans Rothmans, Benson & Hedges, Inc c Imperial Tobacco Products Limited, 2015 CAF 111 (la Décision CAF 111) (parfois ci-après appelées collectivement les Décisions ORANGE).

[22]  Comme on pouvait s’y attendre, la Requérante s’appuie largement sur les Décisions ORANGE dans les présentes affaires. Ces décisions antérieures ne sont toutefois pas nécessairement déterminantes quant aux questions soulevées. Il suffit de mentionner que chaque affaire repose sur des faits qui lui sont propres. Cela dit, j’adopterai certains des raisonnements exposés dans les Décisions ORANGE lorsque j’estime qu’il convient de le faire.

le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[23]  C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst à la p 298].

Aperçu de la preuve

La preuve de l’Opposante

L’affidavit Noonan

[24]  L’affidavit Noonan contient des imprimés des résultats de la recherche effectuée par Mme Noonan dans le registre canadien des marques de commerce pour trouver [Traduction] « toute demande ou tout d’enregistrement de marque de commerce relativement à une seule couleur, sans portion nominale, en liaison avec du tabac et des marchandises liées au tabac ». Les détails de 10 de ces demandes et enregistrements sont fournis à la pièce MN-1.

L’affidavit Morrison

[25]  L’affidavit Morrison contient des photographies d’un paquet de cigarettes VOGUE slims lequel a été acheté au International News du 130 rue King Ouest, à Toronto, en Ontario, accompagnées d’une copie du reçu relatif à cet achat [pièces DM-1 et DM-2].

[26]  L’affidavit Morrison contient également des imprimés de règles et règlements canadiens sur l’information relative aux produits de tabac et à l’étiquetage des produits de tabac qui prévoient, entre autres, la présence obligatoire de diverses étiquettes d’avertissement sur la santé qui doivent figurer sur tous les paquets de cigarettes vendus au Canada [pièces DM-3 à DM-8].

La preuve de la Requérante

L’affidavit Dacayanan

[27]  Dans les paragraphes d’introduction de son affidavit, M. Dacayanan fournit des renseignements généraux au sujet de la propriété et de l’octroi de licence relativement à la gamme de cigarettes VOGUE Superslims. Il explique que, aux termes d’un accord de licence conclu entre ITCan et sa filiale en propriété exclusive Imperial Tobacco Products Limited (ITPL), ITCan détient [Traduction] « une licence d’emploi des [marques de commerce] d’ITPL en liaison avec la fabrication et la vente de produits de tabac » et qu’ITPL exerce [Traduction] « un contrôle direct et indirect sur les caractéristiques et la qualité » de ces produits [Traduction] « fabriqués et vendus par ITCan aux termes d’une licence ». M. Dacayanan joint comme pièce A à son affidavit une copie caviardée de cet accord de licence conclu le 1er février 2000 [para 2].

[28]  M. Dacayanan affirme qu’aux termes de cette licence, ITCan [Traduction] « a fabriqué ou a fait fabriquer des cigarettes de marque VOGUE, y compris la gamme de cigarettes VOGUE Superslims, vendues au Canada depuis au moins aussi tôt qu’août 2011 ». Il affirme que la gamme de cigarettes VOGUE Superslims est commercialisée et vendue au Canada par ITCan par l’entremise de son distributeur, Imperial Tobacco Company Limited (ITCL) à des détaillants de cigarettes, et parfois par l’entremise de grossistes [para 3].

[29]  Par ailleurs, bien que l’accord de licence susmentionné, joint comme pièce A, n’ait pas été modifié pour comprendre explicitement la Marque visée par les demandes lancée en août 2011, je suis disposée à reconnaître que la Requérante a, en tout temps, exercé le contrôle requis sur les caractéristiques et la qualité des produits vendus en liaison avec la Marque visée par les demandes au sens de l’article 50 de la Loi. Comme il ressortira de la présente affaire, la Marque n’a jamais figuré seule sur les paquets de cigarettes, mais plutôt toujours en combinaison avec la marque de commerce VOGUE. L’accord de licence comprend explicitement des conditions qui obligent le licencié à fabriquer, à étiqueter et à emballer les produits arborant la marque de commerce VOGUE en conformité stricte avec les spécifications et les normes établies par le concédant de licence; à soumettre les matières employées dans la fabrication des produits pertinents au concédant aux fins d’approbation; à soumettre des échantillons du produit final au concédant aux fins d’approbation, etc. À titre d’exemple, l’article 5.3 de l’accord de licence prévoit explicitement que [Traduction] :

Avant d’annoncer, de promouvoir ou de commercialiser les Produits, le Licencié doit soumettre au Concédant de licence les renseignements concernant ses propositions, y compris des échantillons de tout Produit connexe et des exemples de tout document publicitaire et promotionnel à être utilisé, et le Concédant de licence aura le droit absolu d’interdire l’utilisation de la totalité ou d’une partie des documents qui n’obtient pas son approbation.

[30]  À cet égard, M. Dacayanan a confirmé en contre-interrogatoire qu’avant le lancement de la Marque, l’équipe travaillait à obtenir [Traduction] « l’approbation du président d’ITPL qui, à la même période, [était] également vice-président du marketing d’[ITCan] » et que cela fait partie de leurs [Traduction] « activités quotidiennes de tenir [leur] vice-président informé au sujet des projets » [contre-interrogatoire, p 47, Q 166]. Je reconnais également l’observation que la Requérante a faite à l’audience portant que la Requérante peut avoir choisi d’attendre que la Marque donne lieu à un enregistrement avant de modifier l’accord de licence.

[31]  Pour conclure sur ce point, je ne tirerai aucune inférence négative du fait que la Marque n’était pas explicitement indiquée dans l’accord de licence.

[32]  Pour revenir à l’affidavit de M. Dacayanan, M. Dacayanan affirme que la gamme de cigarettes VOGUE Superslims a été lancée par ITCan en août 2011, avec une campagne de mise en marché qui [Traduction] « comprenait une nouvelle palette de couleurs mettant l’accent sur la couleur violette ». Il affirme que, [Traduction] « dans le cadre de cette campagne, s’inscrit le lancement des cigarettes VOGUE Superslims vendues dans un paquet violet (ci-après le “PAQUET VIOLET”) » [para 4 et 5]. Comme M. Dacayanan fait par la suite référence dans son affidavit au produit en tant que « PAQUET VIOLET », je ferai de même dans l’examen de son affidavit.

[33]  À l’appui, M. Dacayanan joint les pièces suivantes à son affidavit :

  • Pièce B : Des photographies de paquets de cigarettes VOGUE Superslims vendus dans le PAQUET VIOLET au Canada.

  • Pièce B.1 : Des cigarettes VOGUE Superslims vendues au Canada dans le PAQUET VIOLET d’août 2011 à mars 2012.

  • Pièce B.2 : Des cigarettes VOGUE Superslims vendues au Canada dans le PAQUET VIOLET de mars 2012 à la date de souscription de son affidavit.

[34]  La différence entre les pièces B.1 et B.2 tient au pourcentage de la surface du paquet qu’occupent les avertissements obligatoires sur la santé (au moins 50 % du paquet d’août 2011 à mars 2012 et au moins 75 % depuis mars 2012).

[35]  M. Dacayanan explique également que les cigarettes VOGUE Superslims vendues dans le PAQUET VIOLET font partie de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims, qui comprend également une [Traduction] « variante » vendue dans un paquet bleu ainsi qu’une variante vendue dans un paquet vert [para 6].

[36]  M. Dacayanan affirme que [Traduction] « la couleur violette associée aux cigarettes VOGUE Superslims vendues dans le PAQUET VIOLET, et la couleur violette utilisée pour promouvoir la gamme de cigarettes VOGUE Superslims, a été choisie par ITPL et ITCan parce que la couleur est considérée comme très distinctive, inoubliable et attrayante » et parce qu’elle « n’était pas utilisée pour des paquets de cigarettes par un autre fabricant, importateur ou distributeur de cigarettes au Canada » au moment où les cigarettes VOGUE Superslims vendues dans le PAQUET VIOLET ont été lancées en août 2011 » [para 7].

[37]  M. Dacayanan se penche ensuite sur les ventes de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims dans le PAQUET VIOLET. Il affirme que d’août 2011 à la date de la production des présentes déclarations d’opposition, ITCan [Traduction] « a vendu plus de 980 000 paquets de cigarettes VOGUE Superslims dans le PAQUET VIOLET à des détaillants, à des distributeurs et à des grossistes de cigarettes au Canada, ce qui représente des ventes de plus de 4 800 000 $ CAN » [para 8]. Le tableau ci-dessous établit la répartition annuelle du nombre de paquets et du total des ventes de cigarettes VOGUE Superslims vendues dans le PAQUET VIOLET au Canada d’août 2011 à novembre 2014 [para 9].

Année

Paquets de cigarettes (plus de)

Montant des ventes (plus de)

2011

180 000

875 000 $

2012

615 000

3 000 000 $

2013

690 000

3 400 000 $

2014 (cumul en novembre)

675 000

3 500 000 $

TOTAL :

2 150 000

10 775 000 $

[38]  M. Dacayanan joint comme pièce C à son affidavit [Traduction] « des copies de factures représentatives de ventes des cigarettes VOGUE Superslims dans le PAQUET VIOLET à divers détaillants de cigarettes au Canada » [para 10].

[39]  Dans la dernière partie de son affidavit, M. Dacayanan se penche sur la promotion autorisée des cigarettes VOGUE Superslims dans le PAQUET VIOLET. Il affirme que d’août 2011 au 23 mai 2013, ITCan a dépensé [Traduction] « plus d’un million de dollars (1 000 000 $ CAN) » pour commercialiser la gamme de cigarettes VOGUE Superslims, y compris les cigarettes VOGUE Superslims dans le PAQUET VIOLET, à l’intention de détaillants et d’adultes fumeurs au Canada en utilisant des documents [Traduction] « mettant l’accent sur la couleur violette » [para 11].

[40]  M. Dacayanan affirme que [Traduction] « dans le cadre des efforts d’[ITCan] pour faire connaître la disponibilité de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims aux adultes fumeurs, ITCan a utilisé une gamme d’outils de communication » qui présentent la couleur violette « telle qu’elle est utilisée sur le PAQUET VIOLET » [para 12]. À l’appui, M. Dacayanan joint les pièces suivantes à son affidavit :

  • Pièce D : Des exemplaires d’affiches utilisées par ITCan dans le cadre de la campagne de mise en marché de VOGUE Superslims en 2011 et 2012. M. Dacayanan affirme que [Traduction] « ces affiches étaient présentes dans plus de cent (100) endroits au Canada » d’octobre à décembre 2011 et de janvier à mars 2012 [para 12].

  • Pièce E : Des exemples de communications sur le commerce distribuées par ITCan en 2011 et 2012 à des détaillants et à des grossistes au Canada, à savoir des affiches d’arrière-boutique [pièce E.1] et des exemples de fiches numérisées accessibles uniquement aux employés des détaillants et des grossistes [pièce E.2]. M. Dacayanan affirme qu’ITCan a distribué des communications sur le commerce présentant le PAQUET VIOLET à plus de 8 500 de ses détaillants au Canada en 2011 et à près de 5 000 de plus en 2012 [para 12 et 13].

L’affidavit Dinelle

[41]  M. Dinelle joint comme pièce A à son affidavit un exemplaire de l’énoncé de pratique datant du 6 décembre 2000 intitulé « Marques à trois dimensions » (Énoncé de pratique sur les marques à trois dimensions) qu’il a trouvé sur le site Web de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC).

L’affidavit Owens

[42]  Mme Owens joint comme pièce A à son affidavit des renseignements sur les 10 enregistrements suivants de marques de commerce concernant des marques de couleur visant différents produits appartenant à des tiers qu’elle a imprimés depuis le système CDName Search Corp le 23 décembre 2014 :

Marque de commerce

No d’enregistrement

DESSIN DE COULEUR « BLEUE »

LMC522,834

LOGO (DE COULEUR) BLEU

535,786

COULEUR – JAUNE

604,888

Marque de couleur (VERT)

604,887

DESSIN DE COULEUR ORANGE

616,900

LOGO (DE COULEUR) VERT

777,260

DESSIN ORANGE

576,619

Dessin de paquet

679,037

ROSE (COULEUR)

574,625

COULEUR JAUNE

733,458

analyse

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30

[43]  L’Opposante revendique de nombreux motifs d’opposition fondés sur l’article 30 de la Loi, dont plusieurs sont redondants ou se recoupent. La date pertinente qui s’applique à chacun de ces motifs d’opposition est la date de production des demandes [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)].

[44]  Comme il est indiqué dans la Décision 226, supra, au paragraphe 30, le fardeau ultime qui incombe à la Requérante de démontrer que sa demande est conforme aux exigences de l’article 30 comporte à la fois la question de savoir si la Requérante a produit une demande qui est formellement conforme aux exigences de l’article 30 et la question de savoir si les déclarations contenues dans la demande sont correctes.

[45]  Avant d’examiner plus en détail certains des motifs fondés sur l’article 30 invoqués par l’Opposante, j’aimerais résumer quelques principes généraux qui régissent l’enregistrement de marques de couleur qui ont guidé ma démarche en l’espèce.

Principes généraux qui régissent l’enregistrement de marques de couleur

[46]  Selon la jurisprudence et la position de l’OPIC, il est possible d’enregistrer une couleur (ou une combinaison de couleurs) appliquée à un article spécifique comme une marque de commerce « ordinaire » ou un « signe distinctif » (où la couleur fait partie intégrante du mode d’empaquetage ou d’emballage des produits) [Smith, Kline & French c Registraire, [1987] 2 CF 633; Simpson Strong-Tie Co c Peak Innovations Inc [2007] COMC no 175, conf. 2009 CF 1200, conf. 2010 CAF 277; Décisions ORANGE, supra; et Énoncé de pratique sur les marques à trois dimensions]. La différence entre la couleur qui sert de marque de commerce ordinaire plutôt que simplement de signe distinctif est importante puisqu’elle a un impact à l’étape de l’examen de la demande (selon l’article 13(1) de la Loi, un requérant doit fournir une preuve établissant que le signe distinctif est déjà devenu distinctif au moment de la production de la demande d’enregistrement, alors qu’aucune disposition équivalente ne s’applique à une marque de couleur qui sert de marque de commerce ordinaire, dont le caractère distinctif ne fait pas l’objet d’un examen – un tiers doit plutôt faire des démarches pour s’opposer à une telle demande afin de mettre en question son caractère distinctif durant la procédure d’enregistrement) et cela dépend de comment la couleur est revendiquée dans la description de la marque dans la demande.

[47]  L’article 28 du Règlement sur les marques de commerce (le Règlement) prévoit que lorsque le requérant revendique une couleur comme caractéristique de la marque de commerce, la couleur est décrite et cette description doit être claire. Si la description n’est pas claire, le registraire peut exiger que le requérant produise un dessin ligné qui représente les couleurs conformément à un nuancier. La Loi ou le Règlement n’exige pas que le requérant mentionne spécifiquement la nuance ou l’intensité de la couleur revendiquée [Novopharm Ltd c Pfizer Products Inc, 2009 CarswellNat 4119 (COMC) au para 23; Décision 226, supra, au para 46].

[48]  De même, l’article 30h) de la Loi prévoit que la demande doit contenir « ... un dessin de la marque de commerce, ainsi que le nombre, qui peut être prescrit, de représentations exactes de cette marque ». Le dessin doit être une représentation significative de la marque de commerce dans le contexte de la description écrite figurant dans la demande et doit permettre de définir les limites de la marque de commerce; ces exigences sont fondées sur le principe selon lequel l’enregistrement d’une marque de commerce constitue un monopole et que la portée de cet enregistrement doit donc être précise [Apotex Inc c Searle Canada Inc (2000), 6 CPR (4th) 26 (CF 1re inst) au para 7; et Novopharm Ltd c Astra Aktiebolag (2000) 6 CPR (4th) 16 (CF 1re inst)]. Le requérant n’est pas tenu de restreindre la marque revendiquée à une dimension spécifique, à condition que les produits soient adéquatement décrits et définis [Simpson Strong-Tie, supra, à la p 57; Décision 226, supra, aux para 36 et 37; Apotex Inc c Searle Canada Inc, supra].

[49]  Une couleur qui est essentiellement fonctionnelle d’un point de vue décoratif ou utilitaire n’est pas enregistrable [Procter & Gamble Inc c Colgate-Palmolive Canada Inc (2007), 60 CPR (4th) 62 (COMC), conf. 81 CPR (4th) 343 (CF), au para 53; Énoncé de pratique sur les marques à trois dimensions].

[50]  Appliquant ces principes aux présentes affaires, je propose d’examiner les motifs d’opposition fondés sur l’article 30 invoqués par l’Opposante à travers deux thèmes principaux, à savoir i) si la Requérante a produit des demandes qui sont conformes aux exigences formelles de contenu d’une demande relative à une marque de commerce; et ii) si les déclarations comprises dans les demandes sont correctes.

Les demandes sont-elles conformes aux exigences formelles de contenu d’une demande relative à une marque de commerce?

[51]  Selon les renseignements reproduits aux annexes A et B, l’Opposante a soutenu que les demandes ne sont pas formellement conformes aux exigences de l’article 30 de la Loi pour un certain nombre de motifs « techniques » en lien avec la description et le dessin en soi de la Marque. Sans être toujours explicitement mentionnés dans les arguments de l’Opposante, ces motifs relèvent de l’article 30h) de la Loi.

[52]  Pour les raisons exposées ci-dessous, j’estime que les demandes sont conformes aux exigences formelles de l’article 30h) de la Loi, à savoir que le dessin et la description indiquent clairement que la Marque visée par les demandes n’est pas un signe distinctif, mais plutôt une marque de commerce « ordinaire » constituée d’une seule couleur appliquée sur la surface visible de reproductions de paquets de cigarettes à deux et à trois dimensions.

[53]  Comme indiqué précédemment, la Demande 250 et la Demande 255 sont essentiellement identiques au regard de la représentation et de la description de la marque de commerce visée par les demandes (outre la couleur revendiquée et la forme précise reproduite) aux demandes nos 1,317,128 et 1,317,127 respectivement, discutées en détail dans les Décisions ORANGE, supra [voir, entre autres, les para 32 à 38 et 51 à 59 de la Décision 226, supra; et les para 26 à 51 de la Décision CF 608, supra]. Je n’ai aucune raison de m’écarter des conclusions tirées par le registraire et la Cour fédérale dans ces affaires.

[54]  Comme dans le cas de la demande no 1,317,127, le dessin et la description compris dans la Demande 255 précisent clairement en pointillés la surface de du paquet particulier sur laquelle la couleur revendiquée dans la demande est appliquée. Appliquant à la présente affaire les commentaires formulés par la membre de la Commission Folz au paragraphe 37 de la Décision 226, supra, la Requérante ne revendique pas le paquet de cigarettes comme sa marque de commerce, mais elle emploie l’apparence d’une partie de ce que je considère être un paquet de cigarettes de forme rectangulaire standard pour indiquer qu’elle restreint la portée de sa demande à la couleur violette de l’une des faces du paquet. Autrement dit, et comme l’a souligné la Requérante, la simple mention du mot [Traduction] « emballage » dans la demande ne transforme pas la présente demande d’une demande relative à une marque de commerce ordinaire en une demande relative à un signe distinctif. Le dessin de la Marque est également conforme à l’Énoncé de pratique sur les marques à trois dimensions qui prévoit que [Traduction] « pour toute demande d’enregistrement de marque bidimensionnelle, le dessin de la marque doit représenter seulement la marque et non la marque apposée sur un objet à trois dimensions ». De plus, comme il est indiqué ci-dessus, la Requérante n’est pas obligée de restreindre la Marque visée par les demandes à une dimension spécifique.

[55]  Appliquant les commentaires formulés par la membre de la Commission Folz au paragraphe 38 de la Décision 226, supra, le même raisonnement s’applique relativement à la Demande 250, à l’exception principale que, en tant que Marque à trois dimensions, le dessin et la description indiquent clairement que la couleur, à savoir le violet, est appliquée sur le devant, l’arrière et le côté du paquet de cigarettes qui possède une largeur, une hauteur et une profondeur, contrairement à la marque visée par la demande de la Demande 255 qui s’applique à une seule face de l’emballage à deux dimensions. La Requérante ne cherche pas à protéger la forme du paquet de cigarettes, mais plutôt l’application de la couleur violette telle qu’elle figure sur le paquet de cigarettes. Le dessin et la description relatifs à la Marque dans la Demande 250 sont également conformes à l’Énoncé de pratique sur les marques à trois dimensions qui prévoit que lorsqu’une demande d’enregistrement est soumise à l’égard d’une marque à trois dimensions, la demande doit inclure une description de la marque indiquant clairement que la marque de commerce demandée est une marque à trois dimensions. La description [Traduction] « …la marque de commerce est constituée de la couleur violette à la surface visible de l’emballage particulier, comme l’illustre le dessin ci-joint », avec un dessin à trois dimensions montrant la largeur, la hauteur et la profondeur relatives de l’emballage, suffit. En fait, cette description correspond pratiquement à celle fournie dans l’énoncé de pratique en guise [Traduction] « d’exemple d’une description acceptable » d’une marque de commerce « qui [n’est] pas [un] sign[e] distincti[f], qui n’[est] pas à deux dimensions et qui consist[e] en, ou inclu[e], une ou plusieurs couleurs appliquées à la surface d’un objet à trois dimensions », à savoir : « La marque de commerce consiste en la couleur pourpre appliquée à toute la surface visible du comprimé montré dans le dessin. »

[56]  De plus, un parallèle peut être établi entre les présentes demandes et les divers enregistrements de tiers relativement à des marques de commerce ordinaires ayant une structure identique à celle de la Marque visée par les demandes qui sont présentés comme preuve dans l’affidavit Owens. Je conviens avec la Requérante que cette preuve est une preuve probante du fait qu’il serait fondamentalement injuste à l’égard de la Requérante de soutenir que la Marque n’est pas représentée adéquatement comme une marque de commerce [Rothmans, Benson & Hedges Inc c RJ Reynolds Tobacco Co (1993), 47 CPR (3d) 439 aux p 442 et 443(CF 1re inst); Décision CF 608, supra, au para 37].

[57]  Compte tenu de tout ce qui précède, les motifs d’opposition énoncés aux paragraphes 5d), 7, 8 et 9 de la déclaration d’opposition sont rejetés dans les deux affaires.

Les déclarations comprises dans les demandes sont-elles correctes?

[58]  Selon les renseignements reproduits aux annexes A et B, l’Opposante a invoqué au paragraphe 5 de sa déclaration d’opposition que les demandes ne sont pas conformes aux exigences de l’article 30 de la Loi puisque la Marque visée par les demandes n’est pas une marque de commerce et/ou n’a pas été employée comme marque de commerce au sens de l’article 2 de la Loi et tel que revendiqué dans les demandes, pour un certain nombre de raisons. Puisque les présentes demandes sont fondées sur l’emploi de la Marque visée par les demandes, et à l’exception du motif d’opposition invoqué au paragraphe 5d) qui relève davantage de l’article 30h) de la Loi, j’estime que ces motifs d’opposition relèvent de l’article 30b) de la Loi; la raison étant qu’une demande fondée sur l’emploi d’une marque de commerce depuis la date de premier emploi revendiquée ne peut être conforme à l’article 30b) de la Loi si la marque de commerce qui a été employée n’est pas une marque de commerce ou la marque de commerce visée par les demandes. Je souligne également que la Requérante n’a pas contesté le caractère suffisant des arguments de l’Opposante.

[59]  L’Opposante a également invoqué au paragraphe 6a) de sa déclaration d’opposition que les demandes ne sont pas conformes aux exigences de l’article 30b) de la Loi puisque la Marque visée par les demandes n’a pas été employée au Canada à la date de premier emploi revendiquée, en ce sens qu’au moment du transfert de la propriété ou de la possession des produits dans la pratique normale du commerce, la Marque visée par les demandes n’est pas visible de la manière revendiquée dans les demandes pour les personnes auxquelles la propriété ou la possession des produits est transférée. À titre subsidiaire, l’Opposante a soutenu que si la Marque visée par les demandes est visible, elle n’est pas présente sur les produits ou autrement liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est donné aux personnes à qui la propriété est transférée, pour les raisons décrites au paragraphe 6b) de sa déclaration d’opposition.

[60]  Dans la mesure où les faits pertinents relatifs à un motif d’opposition fondé sur l’article 30b) de la Loi sont plus facilement accessibles à la Requérante, le fardeau de preuve qui incombe à l’Opposante relativement à un tel motif d’opposition est moins exigeant [voir Tune Master c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. En outre, l’Opposante peut s’acquitter de ce fardeau en s’appuyant aussi bien sur sa propre preuve que sur la preuve de la Requérante [voir Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) (CF 1re inst) 216]. Cependant, l’Opposante ne peut invoquer avec succès la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau initial que si elle démontre que la preuve de la Requérante met en doute les revendications formulées dans les demandes de la Requérante [voir Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd 2014 CF 323, aux para 30 à 38 (CanLII)].

[61]  Examinant d’abord le fait que la couleur violette n’est pas visible de la manière revendiquée dans les demandes puisqu’elle ne couvre dans les faits qu’une fraction des différentes faces du paquet de cigarettes VOGUE Superslims en raison de la présence des avertissements obligatoires sur la santé qui couvrent un pourcentage de ces paquets de cigarettes (tel qu’illustré aux pièces B.1 et B.2 de l’affidavit Dacayanan), cela ne rend pas incorrectes les déclarations d’emploi comprises dans les demandes de la Requérante.

[62]  L’industrie du tabac ne fonctionne pas en vase clos, mais elle est strictement réglementée. Les présentes demandes visent [Traduction] « la couleur violette appliquée à la surface visible de l’emballage particulier, comme l’illustre le dessin [ci-joint] » [italique ajouté]. Cette surface visible correspond en fait à toute la surface du paquet autorisée par la loi comme le montre l’affidavit Dacayanan, ce qui démontre que la Requérante a appliqué la couleur violette telle qu’elle est revendiquée à toute la surface du paquet qui peut être marquée au sens de la loi. En mentionnant la surface visible de l’emballage plutôt que toute la surface de celui-ci, la description de la Marque tient compte du fait que des parties de l’emballage peuvent être bloquées ou couvertes par les avertissements obligatoires et changeants sur la santé qui empêchent l’application de la couleur revendiquée sur toute la surface de l’emballage. De plus, comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans la Décision 111, supra, les consommateurs comprendront que les avertissements sur la santé sur un paquet de cigarettes ne font pas partie de la marque de commerce. Cela m’amène à examiner les autres indications et inscriptions quant à la source qui figurent sur le paquet de cigarettes de la Requérante.

[63]  Il est manifeste que la Marque n’a jamais figuré seule sur les paquets de cigarettes, mais plutôt toujours en combinaison avec la marque nominale et la marque figurative VOGUE.

[64]  Comme le rappelle la Requérante, il est bien établi que plusieurs marques de commerce peuvent être employées ensemble sur le même produit [AW Allen Ltd c Warner Lambert Canada Inc (1985), 6 CPR (3d) 270, à la p 272 (CF 1re inst)]. Cependant, la question de savoir si l’emploi d’une marque de commerce alléguée accompagnée d’autres éléments constitue un emploi de marque de commerce est une question de fait : l’emploi d’une marque de commerce alléguée accompagnée d’autres éléments constitue un emploi de marque de commerce seulement si, sous le coup de la première impression, le public y voit un emploi de la marque de commerce alléguée [Nightingale Interloc c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC) aux para 7 et 8].

[65]  À cet égard, je ne peux que convenir avec la Requérante qu’il est possible de tracer certains parallèles entre les présentes affaires et les Décisions ORANGE dans lesquelles la membre de la Commission Folz a souligné que les paquets de cigarettes arboraient également sur le PAQUET DESSIN ORANGE de la Requérante d’autres inscriptions et indications quant à la source, à savoir les marques PETER JACKSON et le dessin d’une licorne. Dans son appel interjeté devant la Cour d’appel fédérale, l’Opposante a soutenu, comme dans les présentes affaires, que la membre Folz n’a pas dûment pris en considération ni mentionné les principes énoncés dans Nightingale, supra, dans le cadre de son examen des motifs d’opposition fondés sur l’article 30 invoqués par l’Opposante. En rejetant l’appel, la Cour a conclu que, selon une juste interprétation des motifs de la membre Folz, il apparaît évident qu’elle s’est penchée sur ces questions et qu’elle les a traitées concrètement aux paragraphes 42 et 46 de sa décision, qui sont reproduits ci-dessous [Traduction] :

42. Encore une fois, aucun argument n’a été présenté par l’Opposante en appui à ce motif [article 30b) de la Loi]. À tout événement, eu égard à la preuve produite, je note que rien dans la preuve de la Requérante n’est clairement incohérent avec sa date revendiquée de premier emploi. Comme illustré dans la preuve de M. Bussey, entre avril 2006 et le 14 août 2007, ITCan a vendu approximativement 9 à 11 millions de paquets de cigarettes Peter Jackson « Saveur veloutée » en liaison avec les Marques aux détaillants, distributeurs et grossistes de cigarettes au Canada, représentant des ventes de plus de 34 millions de dollars canadiens. La preuve indique également que la Requérante a donné avis au public de sa revendication selon laquelle la couleur orange est sa marque de commerce. À ce sujet, la Requérante a procédé à une vaste campagne de mise en marché pour communiquer la disponibilité des cigarettes Peter Jackson à « Saveur veloutée » tant auprès des détaillants de cigarettes que des fumeurs adultes au Canada, qui mettait l’accent sur la couleur orange et soulignait le dessin du paquet orange (Bussey, paragr. 9 à 11; pièces C et D). De plus, la preuve de la Requérante illustre la couleur orange appliquée à l’avant, au dos et sur les côtés de ses paquets de cigarettes. Le fait que les paquets de cigarettes de la Requérante doivent également contenir un avertissement relatif à la santé qui couvre 50 % de la face principale du paquet de cigarettes n’affecte en rien, à mon avis, la capacité de la Marque à distinguer les marchandises de la Requérante de celles d’autres. Sur une note connexe, bien que les paquets de cigarettes de la Requérante illustrent également l’emploi des marques PETER JACKSON et du dessin d’une licorne, il est bien établi que plusieurs marques de commerce peuvent être employées ensemble sur le même produit [voir AW Allen Ltd. c. Warner Lambert Canada Inc. (1985), 6 CPR (3d) 270 à 272 (CF 1re inst) (AW Allen)]. Finalement, comme les interdictions de produits du tabac sur les présentoirs de détail n’étaient pas en vigueur à travers le Canada à la date pertinente aux fins du présent motif, la Marque était visible aux yeux du consommateur avant le moment du transfert des produits. Je note que même si la Marque n’avait pas été visible aux yeux du consommateur avant le moment du transfert, elle aurait été visible aux yeux du consommateur lorsqu’il aurait acheté les cigarettes (c.-à-d. au moment du transfert).

[…]

46. Premièrement, je note que l’Opposante n’a produit aucune preuve pour appuyer les allégations avancées dans sa déclaration d’opposition selon lesquelles la Marque est de nature ornementale [Dot Plastics Ltd. c. Gravenhurst Plastic Ltd. (1988), 22 CPR (3d) 228 (C.O.M.C.) et Procter & Gamble Inc. c Colgate-Palmolive Canada Inc. (2007), 60 CPR (4th) 62 (COMC); conf. par 2010 CF 231 (CanLII), 81 CPR (4th) 343 (CF)]. Je note également qu’aucune exigence dans la Loi ni dans le Règlement sur les marques de commerce ne stipule que la Requérante doit spécifier la nuance de la couleur orange revendiquée [Novopharm Ltd. c. Pfizer Products Inc. 2009 CarswellNat 4119 (COMC) au para 23; article 28 du Règlement sur les marques de commerce], ni les dimensions spécifiques de la grosseur ou de la forme de la marque de commerce [voir Simpson Strong-Tie, supra]. Finalement, compte tenu du fait que rien n’empêche la Requérante d’employer plus d’une marque à la fois [AW Allens, supra], le fait que la Requérante utilise d’autres marques de commerce en liaison avec ses cigarettes n’appuie pas, à mon avis, l’argument selon lequel la Marque n’est pas associée aux marchandises au moment du transfert.

[66]  La Cour a conclu que la membre Folz fait référence à la preuve pertinente présentée par la Requérante [Traduction] « et, en particulier, au fait que celle-ci a donné avis au public qu’elle employait la couleur orange comme marque de commerce », et qu’elle « était convaincue que les marques visées par la demande seraient perçues par le public comme des marques de commerce en tant que telles et que la preuve établissait l’emploi de ces dernières par [la Requérante] ». La Cour a également conclu que la membre Folz avait également souligné que l’Opposante n’avait produit aucun élément de preuve pour appuyer son allégation selon laquelle les marques n’avaient qu’une simple fonction décorative. En conséquence, la Cour n’était pas convaincue du caractère déraisonnable de la décision.

[67]  Cela m’amène à me demander comment la Requérante a [Traduction] « donné avis au public » que la couleur violette était employée comme une marque de commerce plutôt qu’être simplement décorative, à la lumière de certains des arguments présentés par les parties.

[68]  Premièrement, je souligne que le simple fait que la Requérante puisse avoir été la première à utiliser la couleur violette sur un paquet de cigarettes ne signifie pas que le PAQUET VIOLET DESSIN, en tant que marque de commerce en soi, a acquis une identité de marque distincte et une reconnaissance publique. En effet, dans Royal Doulton Tableware Ltd c Cassidy’s Ltd (1986), 1 CPR (3d) 214 (CF 1re inst), la Cour fédérale explique qu’une marque de commerce peut être reconnue comme unique, mais pas distinctive [Traduction] :

Il convient de remarquer qu’une marque de commerce distinctive est une marque qui relie, par exemple, des marchandises à un vendeur de manière à distinguer ses marchandises de celles des autres vendeurs. Elle n’est pas distinctive si elle distingue simplement le dessin d’une marchandise du dessin d’une autre marchandise même si un initié peut savoir que ces deux sortes de marchandises sont respectivement vendues par deux différents vendeurs. Une telle conception du caractère distinctif va à l’encontre de l’un des objets essentiels des marques de commerce qui vise à assurer à l’acheteur que les produits viennent d’une source bien précise dans laquelle il a confiance. Voir Fox, dans son ouvrage Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, (3e édition, 1972) aux p 25 et 26

[69]  De plus, bien que la Requérante soutienne qu’elle a procédé à une vaste campagne de mise en marché pour communiquer la disponibilité des cigarettes VOGUE Superslims à l’intention des détaillants de cigarettes et des adultes fumeurs au Canada en mettant l’accent sur la couleur violette et en soulignant le PAQUET VIOLET DESSIN, un examen du matériel promotionnel joint comme pièce à l’affidavit Dacayanan révèle, selon moi, une réalité différente.

[70]  En effet, selon les exemples de fiches numérisées jointes comme pièce E.2 à l’affidavit Dacayanan et reproduites à l’annexe C de ma décision, le paquet de cigarettes « violet » VOGUE Superslims figure à côté des variantes « bleue » et « verte » des cigarettes VOGUE Superslims de la Requérante, accompagnées d’une brève description des saveurs liées ou de la « force » (le paquet bleu correspond à « a full yet refined taste » [un goût intense, mais raffiné]; le paquet violet à un « a subtle yet satisfying taste » [un goût subtil, mais agréable] et le paquet « vert » à « a full taste with crisp menthol flavor » [un goût intense avec une fraîche saveur de menthol]). Selon les légendes aux bas de la fiche, l’expression « ONE OF A KIND* » [unique] fait référence à la « unique curved pack structure » [structure courbée unique du paquet] des trois paquets de cigarettes de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims, plutôt que de mettre l’accent sur le PAQUET VIOLET DESSIN en soi. De plus, il est difficile de concevoir comment l’illustration décolorée représentant des devantures d’édifices qui se trouve dans la partie supérieure droite de la fiche puisse être perçue autrement que comme un simple fond esthétique.

[71]  De même, l’affiche d’arrière-boutique jointe comme pièce E.1 à l’affidavit Dacayanan, également reproduite à l’annexe C des présentes, qui fait voir l’image partielle d’une femme murmurant le message « I can’t tell you…Yet I can hardly wait » [Je ne peux pas en parler... mais je peux difficilement attendre], annonce simplement « A dazzling change is coming soon from Vogue Superslims » [Vogue Superslims présentera bientôt un changement étonnant]. Non seulement le PAQUET VIOLET DESSIN n’est pas reproduit sur l’affiche, il n’est même pas évoqué.

[72]  Finalement, les exemples d’affiches jointes comme pièce D à l’affidavit Dacayanan, dont un exemple est également reproduit à l’annexe C des présentes, mettent l’accent sur la structure du paquet de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims. Le paquet de cigarettes « violet » VOGUE Superslims figure, ici encore, à côté des variantes « bleue » et « verte » des cigarettes VOGUE Superslims de la Requérante. Bien que des nuances foncées de violet apparaissent en arrière-plan, il est difficile de concevoir comment un tel dégradé de couleur puisse être perçu autrement que comme un simple fond esthétique, particulièrement compte tenu du fait que l’annonce ne se rapporte pas uniquement à la variante « violette » des cigarettes VOGUE Superslims, et encore moins au PAQUET VIOLET DESSIN en soi.

[73]  À cet égard, je souligne que la Requérante, dans son plaidoyer écrit et à l’audience, a insisté sur le fait que l’une des raisons derrière le choix de la couleur violette par la Requérante est que cette couleur n’a apparemment jamais été utilisée auparavant, contrairement aux [Traduction] « couleurs traditionnelles des paquets de cigarettes comme le vert et le bleu » qui « ont déjà été employées »/« existent depuis toujours ». Cependant, comme le même emballage (à l’exception de la couleur appliquée à la surface du paquet de cigarettes) a été utilisé par la Requérante pour les trois paquets de cigarettes/variantes comprenant la gamme de cigarettes VOGUE Superslims, je ne comprends pas sur quels fondements le public s’appuierait pour considérer ou percevoir la couleur violette appliquée sur l’emballage de la variante [Traduction] « goût subtil » comme une marque de commerce en soi (c.-à-d. comme indicateur de source), tout en traitant différemment les couleurs « bleue » et « verte » appliquée sur les emballages des variantes [Traduction] « goût intense » et « goût de menthol » respectivement de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims.

[74]  Ainsi, j’estime que la preuve est loin d’établir que la Requérante a donné avis au public de sa revendication portant que la couleur violette telle qu’elle est appliquée sur l’emballage d’une des variantes de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims est sa marque de commerce. Au contraire, le fait que le paquet « violet » VOGUE Superslims a toujours figuré à côté des variantes « bleue » et « verte » de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims dans la publicité et le matériel promotionnel de la Requérante donne l’impression que l’emploi et l’adoption par la Requérante de la couleur violette n’étaient pas à des fins de marque de commerce, mais plutôt pour distinguer différentes saveurs ou « forces » du même type de cigarettes.

[75]  À cet égard, je reconnais que la Section de première instance de la Cour fédérale a conclu dans Santana Jeans Ltd c Manager Clothing Inc (1993), 52 CPR (3d) 472, qu’un certain degré d’ornementation n’empêche pas l’enregistrabilité lorsque la marque de commerce en question a également des caractéristiques distinctives. Cependant, pour les raisons énoncées ci-dessus, j’estime que la preuve présentée dans les présentes affaires n’appuie pas la position portant que la couleur violette remplisse ici une double fonction, à savoir servir de marque de commerce en soi et servir de couleur de fond esthétique permettant de distinguer les différentes variantes des produits de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims. Au contraire, j’estime que la preuve de la Requérante remet directement et sérieusement en cause l’exactitude des revendications formulées dans les demandes de la Requérante. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la Requérante a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a employé le PAQUET VIOLET DESSIN comme une marque de commerce depuis la date de premier emploi revendiquée, à la date de production de ses deux demandes, et les motifs d’opposition énoncés aux paragraphes 5b) et 6b) de la déclaration d’opposition sont accueillis dans les deux affaires.

[76]  Dans l’éventualité où j’aurais tort d’examiner la fonctionnalité et le caractère décoratif de la Marque à la lumière de la preuve d’emploi au dossier, plutôt que de considérer la Marque telle qu’elle est revendiquée in abstracto, ou autrement, si la couleur violette pouvait effectivement remplir ici une double fonction, j’estimerais tout de même que la preuve de la Requérante remet directement et sérieusement en cause l’exactitude des revendications formulées dans les demandes de la Requérante, plus précisément que la Marque visée par les demandes n’est pas présente sur les Produits, pour les raisons suivantes.

[77]  Selon mon examen ci-dessus des pièces D et E jointes à l’affidavit Dacayanan, la gamme de cigarettes de couleur violette VOGUE Superslims n’existe pas. La preuve établit ici l’existence d’une gamme de cigarettes VOGUE Superslims de différentes forces ou saveurs, qui se présente en trois couleurs, et dont les paquets ont tous la même structure courbée unique. Au mieux pour la Requérante, j’estime que la couleur violette pourrait être perçue simplement comme une couleur de fond qui fait partie d’une marque de commerce mixte constituée de la marque nominale et de la marque figurative VOGUE. À cet égard, d’après mon interprétation des Décisions ORANGE, j’estime que les faits des présentes affaires peuvent se distinguer de ceux des Décisions ORANGE où le registraire était convaincu, en raison de la vaste campagne de mise en marché de la Requérante qui mettait l’accent sur la couleur orange et soulignait le dessin du paquet orange en soi, que le public percevrait le dessin du paquet orange en soi comme la marque de commerce employée, malgré qu’elle soit également employée en combinaison avec les marques PETER JACKSON et le dessin d’une licorne.

[78]  Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la Requérante a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a employé le PAQUET VIOLET DESSIN comme une marque de commerce depuis la date de premier emploi revendiquée, à la date de production de ses deux demandes, et le motif d’opposition énoncé au paragraphe 5e) de la déclaration d’opposition est accueilli dans les deux affaires.

Autres motifs d’opposition

[79]  Comme j’ai déjà tranché en faveur de l’Opposante relativement à plus de deux des motifs d’opposition, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs d’opposition.

Décision

[80]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse les deux demandes d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.


Annexe A

Extraits de la déclaration d’opposition produite relativement à la Demande 250

[Traduction]

« 4.  L’Opposante fonde son opposition sur les motifs d’opposition énumérés ci-dessous.

 

Articles 38(2)a) et 30

 

5.  L’Opposante fonde son opposition sur le motif énoncé à l’alinéa 38(2)a) de la Loi, à savoir que la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi. Plus précisément, l’article 30 prévoit que la Requérante doit produire une demande pour enregistrer une « marque de commerce ». La marque de commerce alléguée reproduite et décrite dans la Demande n’est pas une « marque de commerce » au sens de l’article 2 de la Loi pour les raisons suivantes :

a.   Au sens de l’article 2 de la Loi, une marque de commerce est définie comme une marque employée pour distinguer ou de façon à distinguer les marchandises d’un requérant de celles de tiers;

b.   La marque de commerce alléguée, à savoir la couleur violette telle qu’appliquée sur l’emballage revendiqué, est simplement décorative, elle n’est pas une marque de commerce, et ne peut pas servir de marque de commerce au sens de la Loi;

c.   La marque de commerce alléguée est simplement une couleur décorative qui ne définit pas de façon précise la dimension ou la forme de la marque de commerce liée ou, à titre subsidiaire, la marque de commerce alléguée est simplement une couleur décorative en liaison avec une forme courante. Dans un cas comme dans l’autre, la marque de commerce alléguée n’est pas une marque de commerce, et ne peut pas servir de marque de commerce au sens de la Loi;

d.  La marque de commerce alléguée telle qu’elle est décrite et reproduite dans la Demande est vague et imprécise, ne comportant aucune référence spécifique à la nuance ou à l’intensité de la couleur violette revendiquée; et

e.   Au moment du transfert de la propriété des marchandises, la marque de commerce alléguée n’est pas présente sur les marchandises ou n’est pas autrement liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est donné à la personne à qui la propriété est transférée, puisque la marque de commerce alléguée est simplement une couleur présente sur un paquet de forme courante sur lequel figurent d’autres inscriptions et indications quant à la source.

 

6.  L’Opposante fonde son opposition sur le motif énoncé à l’alinéa 38(2)a) de la Loi, à savoir que la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30)b) de la Loi. La marque de commerce alléguée n’a pas été employée au Canada à la date revendiquée dans la Demande en liaison avec les marchandises mentionnées dans la Demande, y compris :

a.  Au moment du transfert de la propriété ou de la possession des marchandises dans la pratique normale du commerce, la marque de commerce alléguée n’est pas visible telle qu’elle est revendiquée dans la Demande pour les personnes auxquelles la propriété ou la possession des marchandises est transférée; et

b.   À titre subsidiaire, si la marque de commerce alléguée est visible au moment du transfert de la propriété des marchandises, la marque de commerce alléguée n’est pas présente sur les marchandises ou n’est pas autrement liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est donné à la personne à qui la propriété est transférée, puisque la marque de commerce alléguée est simplement une couleur présente sur un paquet de forme courante sur lequel figurent d’autres inscriptions et indications quant à la source. Les consommateurs sont généralement habitués à voir des emballages de différentes couleurs pour les produits de tabac et considèrent que la couleur de l’emballage telle qu’elle est revendiquée est simplement un élément décoratif de l’emballage plutôt qu’une marque de commerce distincte liée aux marchandises. La couleur violette telle qu’elle est revendiquée dans la Demande n’est pas distinctive quant à la source.

 

7.  L’Opposante fonde son opposition sur le motif énoncé à l’alinéa 38(2)a) de la Loi, à savoir que la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30h) de la Loi. La Demande ne contient pas de représentation ou de dessin précis de la marque de commerce alléguée. Le dessin produit avec la Demande ne définit pas adéquatement les limites du monopole de la marque de commerce. La Demande ne comporte pas un nombre suffisant de représentations précises permettant de faire ressortir toutes les caractéristiques de la marque de commerce alléguée.

 

8.  De plus, le dessin ne représente pas précisément la marque de commerce alléguée, car il n’y a aucune définition quant à la taille ou aux dimensions du « paquet » et, par conséquent, la Demande est simplement une demande d’enregistrement d’une couleur sans liaison avec une forme ou une dimension de paquet définie.

 

9.  Finalement, le dessin et la description de la marque de commerce alléguée démontrent clairement que l’objet de la demande d’enregistrement est un signe distinctif (au sens de l’article 2 de la Loi) et la Demande aurait dû être produite ainsi. Les exigences de l’article 13 de la Loi n’ont pas été respectées.

 

10. L’Opposante fonde son opposition sur le motif énoncé à l’alinéa 38(2)a) de la Loi, à savoir que la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi. À la date de production, ou à toute autre date pertinente, la Requérante ne pouvait être convaincue d’avoir droit d’employer la marque de commerce alléguée au Canada en liaison avec les marchandises spécifiées dans la Demande. La Requérante savait que la marque de commerce alléguée n’était pas une marque de commerce pour les raisons soulignées ci-dessus.

 

11.  De plus, la Requérante savait également que toute attribution à la Requérante d’une exclusivité dans l’emploi de la couleur « violette » telle qu’elle est alléguée est contraire à la politique publique, menant à un épuisement de disponibilité de la couleur pour des tiers.

 

Articles 38(2)b), 12 et 13

 

12.  L’Opposante fonde son opposition sur le motif énoncé à l’alinéa 38(2)b) de la Loi, à savoir que la marque de commerce alléguée n’est pas enregistrable. Si la marque de commerce alléguée est une marque de commerce, ce qui est réfuté, il s’agit d’un signe distinctif tel que défini à l’article 2 de la Loi. Ainsi, elle n’est pas enregistrable au sens de l’article 12, car les exigences de l’article 13 de la Loi n’ont pas été satisfaites. La marque de commerce alléguée vise le mode d’empaquetage ou d’emballage des marchandises.

 

[…]

 

Articles 38(2)d) et 2

 

14.  L’Opposante fonde son opposition sur le motif énoncé à l’alinéa 38(2)d) de la Loi, à savoir que la marque de commerce alléguée n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi. Autrement dit, la marque de commerce alléguée ne peut distinguer ou n’est pas adaptée à distinguer les marchandises en liaison avec lesquelles elle a supposément été employée au Canada, des marchandises de tiers, y compris celles de l’Opposante. Plus précisément, la marque de commerce alléguée ne peut être distinctive des produits de la Requérante, car :

a.   La marque de commerce alléguée est simplement décorative et ne peut, par sa nature, servir de marque de commerce;

b.   La marque de commerce alléguée n’est pas adaptée à servir de marque de commerce, car elle n’est pas présente sur les marchandises ou autrement liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est donné à la personne à qui la propriété est transférée, puisque la marque de commerce alléguée est simplement une couleur présente sur un paquet de forme courante sur lequel figurent d’autres inscriptions et indications quant à la source, et elle ne distingue donc pas véritablement les marchandises en liaison avec lesquelles elle est employée par la Requérante des marchandises de tiers, ni n’est est adaptée à les distinguer;

c.   La marque de commerce alléguée n’est pas adaptée à servir de marque de commerce, car la représentation et la description de la marque de commerce alléguée sont vagues et imprécises, ne se limitant pas à une référence à une nuance ou à une intensité précise de la couleur violette, et en conséquence, ne distingue pas véritablement les marchandises en liaison avec lesquelles elle est employée par la Requérante des marchandises de tiers, ni n’est adaptée à les distinguer; et

 

[…] »

 

Annexe B

Extraits de la déclaration d’opposition produite relativement à la Demande 255

[Seuls les motifs d’opposition fondés sur l’article 30 dont le contenu diffère de ce qui est reproduit à l’annexe A relativement à la Demande 250 sont reproduits ici]

[traduction]
« 4.  L’Opposante fonde son opposition sur les motifs d’opposition énumérés ci-dessous.

 

Articles 38(2)a) et 30

 

5.  L’Opposante fonde son opposition sur le motif énoncé à l’alinéa 38(2)a) de la Loi, à savoir que la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi. Plus précisément, l’article 30 prévoit que la Requérante doit produire une demande pour enregistrer une « marque de commerce ». La marque de commerce alléguée reproduite et décrite dans la Demande n’est pas une « marque de commerce » au sens de l’article 2 de la Loi pour les raisons suivantes :

[…]

c.   La marque de commerce alléguée est simplement une couleur décorative qui ne définit pas de façon précise la dimension ou la forme de la marque de commerce liée ou, à titre subsidiaire, la marque de commerce alléguée est simplement une couleur décorative en liaison avec une forme courante. La Demande fait référence à un « emballage particulier », mais ne le divulgue pas et ne divulgue pas de forme d’emballage particulier adapté à distinguer les marchandises de la Requérante des marchandises de tiers. Dans un cas comme dans l’autre, la marque de commerce alléguée n’est pas une marque de commerce, et ne peut pas servir de marque de commerce au sens de la Loi;

[…]

e.  Au moment du transfert de la propriété des marchandises, la marque de commerce alléguée n’est pas présente sur les marchandises ou n’est pas autrement liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est donné à la personne à qui la propriété est transférée, puisque la marque de commerce alléguée est simplement la couleur présente sur un paquet de forme courante sur lequel figurent d’autres inscriptions et indications quant à la source.

 

6.  L’Opposante fonde cette opposition sur le motif énoncé à l’alinéa 38(2)a ) de la Loi, à savoir que la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30)b ) de la Loi. La marque de commerce alléguée n’a pas été employée au Canada à la date revendiquée dans la Demande en liaison avec les marchandises mentionnées dans la Demande, y compris :

[…]

b.   À titre subsidiaire, si la marque de commerce alléguée est visible au moment du transfert de la propriété des marchandises, la marque de commerce alléguée n’est pas présente sur les marchandises ou n’est pas autrement liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est donné à la personne à qui la propriété est transférée, puisque la marque de commerce alléguée est simplement une couleur sur un paquet de forme courante sur lequel figurent d’autres inscriptions et indications quant à la source. Les consommateurs sont généralement habitués à voir des emballages de différentes couleurs pour les produits de tabac et considèrent que la couleur de l’emballage telle qu’elle est revendiquée est simplement un élément décoratif de l’emballage plutôt qu’une marque de commerce distincte liée aux marchandises. La couleur violette telle qu’elle est revendiquée dans la Demande n’est pas distinctive quant à la source. »


 

Annexe C

Extrait de la pièce E.2 jointe à l’affidavit Dacayanan

Extrait de la pièce E.1 jointe à l’affidavit Dacayanan


 

Extrait de la pièce D jointe à l’affidavit Dacayanan


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2018-07-11

COMPARUTIONS

James Green

POUR L’OPPOSANTE

Timothy Stevenson

POUR LA REQUÉRANTE

AGENT(S) AU DOSSIER

GOWLING WLG (CANADA) LLP

POUR L’OPPOSANTE

SMART & BIGGAR

POUR LA REQUÉRANTE

 

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