Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2019 COMC 27

Date de la décision : 2019-03-27

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS

 

JTI-Macdonald TM Corp.

Opposante

et

 

Imperial Tobacco Products Limited

Requérante

 

1,580,250 et 1,580,255 toutes deux intitulées PAQUET VIOLET DESSIN

Demandes

introduction

[1]  JTI-Macdonald TM Corp. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement des marques de commerce toutes deux appelées PAQUET VIOLET DESSIN (reproduites ci-dessous) qui font respectivement l’objet des demandes d’enregistrement nos 1,580,250 et 1,580,255 fondées sur l’emploi au Canada depuis août 2011 en liaison avec des [Traduction] « produits de tabac manufacturés, nommément cigarettes » (les Produits), produites par Imperial Tobacco Products Limited (la Requérante) :

Demande no 1,580,250

(parfois appelée ci-après la Demande 250)

Demande no 1,580,255

(parfois appelée ci-après la Demande 255)

Description [Traduction] : « La marque de commerce est constituée de la couleur violette appliquée à la surface visible de l’emballage particulier, comme l’illustre le dessin ci-joint. Le dessin est hachuré pour représenter la couleur. »

Description [Traduction] : « La marque de commerce est constituée de la couleur violette appliquée à la surface visible de l’emballage particulier, comme l’illustre le dessin ci-joint. Le dessin est hachuré pour représenter la couleur. »

[2]  La seule différence entre les deux demandes est que la Demande 250 représente un dessin à trois dimensions alors que la Demande 255 représente un dessin à deux dimensions. Sauf indication contraire, j’appellerai collectivement ces deux marques figuratives la Marque.

[3]  Les oppositions ont été engagées en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), et les motifs d’opposition invoqués sont fondés sur les articles 2 (absence de caractère distinctif); 12 (non-enregistrabilité); et 30 (non-conformité) de la Loi.

[4]  Pour les raisons exposées ci-dessous, j’estime qu’il y a lieu de repousser les demandes.

le dossier

[5]  Les demandes relatives à la Marque ont toutes deux été produites le1er juin 2012 et ont été annoncées aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 9 janvier 2013 (Demande 250) et du 26 décembre 2012 (Demande 255).

[6]  L’Opposante s’est opposée aux demandes d’enregistrement par la voie de déclarations d’opposition produites auprès du registraire le 10 juin 2013 (Demande 250) et le 27 mai 2013 (Demande 255). Le 20 août 2013, en réponse à la demande de la Requérante visant à obtenir une décision interlocutoire, l’Opposante a demandé, à l’égard des deux affaires, la permission de produire une déclaration d’opposition modifiée. Par la voie d’une lettre officielle datée du 8 novembre 2013, la permission de modifier a été accordée à l’Opposante et la première phrase du paragraphe 3.1 de chacune des déclarations d’opposition modifiées a été rayée par le registraire.

[7]  Dans chaque affaire, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste les motifs d’opposition formulés dans la déclaration d’opposition.

[8]  Le 4 décembre 2013, à l’égard des deux affaires, l’Opposante a demandé la permission de produire une nouvelle déclaration d’opposition modifiée. Le registraire a accordé la permission le 30 janvier 2014. Sauf indication contraire, j’appellerai collectivement ci-après ces deux nouvelles déclarations d’opposition modifiées la [Traduction] « déclaration d’opposition » puisqu’elles sont pratiquement identiques (à l’exception de l’identification de la marque de commerce visée par les demandes et de certains des motifs d’opposition fondés sur l’article 30). Par souci de commodité, je reproduis respectivement aux annexes A et B de ma décision les motifs d’opposition tels qu’ils ont été invoqués par l’Opposante relativement à la Demande 250 et à la Demande 255.

[9]  À l’appui de chacune de ses oppositions, l’Opposante a produit les documents suivants :

  • L’affidavit de Richard Sue, le gestionnaire de la planification et des projections de l’Opposante, souscrit le 31 mars 2014 (l’affidavit Sue);
  • L’affidavit d’Andrew Shannon, le chef du marketing de consommation et commercial de l’Opposante, souscrit le 28 mars 2014 (l’affidavit Shannon); et
  • L’affidavit de Manon Goudreau, une employée du groupe de marques de commerce de l’agent de marques de commerce de l’Opposante, souscrit le 4 avril 2014 (l’affidavit Goudreau).

[10]  J’utiliserai le singulier pour faire référence aux deux affidavits de chacun de ces déposants puisqu’ils sont pratiquement identiques. MM. Shannon et Sue ont été contre-interrogés relativement à leur affidavit respectif. La transcription de leurs contre-interrogatoires et de leurs réponses aux engagements pris au moment de leurs contre-interrogatoires ont été versées au dossier.

[11]  À l’appui de chacune de ses demandes, la Requérante a produit les documents suivants :

  • L’affidavit de Jason Dacayanan, le chef de marque, notamment, de la marque de cigarettes VOGUE au sein d’Imperial Tobacco Canada Limited (ITCan), une société affiliée de la Requérante, souscrit le 1er juin 2015 (l’affidavit Dacayanan);
  • L’affidavit de Michael Duchesneau, un technicien judiciaire à l’emploi de l’agent de marques de commerce de la Requérante, souscrit le 1er juin 2015 (l’affidavit Duchesneau); et
  • L’affidavit de Gay Owens, une recherchiste en marques de commerce à l’emploi de l’agent de marques de commerce de la Requérante, souscrit le 1er juin 2015 (l’affidavit Owens).

[12]  J’utiliserai le singulier pour faire référence aux deux affidavits de chacun de ces déposants puisqu’ils sont pratiquement identiques. M. Dacayanan a été contre-interrogé relativement à son affidavit. La transcription de son contre-interrogatoire et ses réponses aux engagements pris au moment de son contre-interrogatoire ont été versées au dossier.

[13]  Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit dans chaque affaire et étaient toutes deux présentes à l’audience qui a été tenue.

remarque préliminaire

Procédures d’opposition antérieures engagées entre les parties

[14]  Les parties aux présentes procédures se connaissent. Elles sont des concurrentes directes sur le marché canadien des cigarettes et ont été parties à des procédures d’opposition antérieures qui concernaient les demandes d’enregistrement des marques de commerce nos 1,317,127 (maintenant LMC908,657) et 1,317,128 (maintenant LMC908,626) de la Requérante, toutes deux appelées PAQUET ORANGE DESSIN. Lesdites demandes étaient pratiquement les mêmes que celles visées aux présentes procédures quant à la représentation et à la description de la marque de commerce visée par les demandes, outre la couleur revendiquée et la forme précise représentée, et elles faisaient l’objet d’une opposition engagée par l’Opposante des présentes affaires ainsi que par Rothmans, Benson & Hedges, Inc., pour des motifs d’opposition semblables. Les décisions du registraire rejetant chacune des deux oppositions de l’Opposante et rejetant les oppositions de Rothmans, Benson & Hedges, Inc. [voir Rothmans, Benson & Hedges c Imperial Tobacco Products, 2012 COMC 226 (la Décision 226); JTI-Macdonald TM Corp c Imperial Tobacco Products Limited, 2012 COMC 116 (la Décision 116); et JTI-Macdonald TM Corp c Imperial Tobacco Products Limited, 2012 COMC 117 (la Décision 117)] ont été maintenues par la Cour fédérale dans Rothmans, Benson & Hedges, Inc c Imperial Tobacco Products Limited, 2014 CF 300 (la Décision CF 300) et JTI-Macdonald TM Corp c Imperial Tobacco Products Limited, 2013 CF 608 (la Décision CF 608), ainsi que par la Cour d’appel fédérale dans Rothmans, Benson & Hedges, Inc c Imperial Tobacco Products Limited, 2015 CAF 111 (la Décision CAF 111) (parfois ci-après appelées collectivement les Décisions ORANGE)

[15]  Comme on pouvait s’y attendre, la Requérante s’appuie largement sur les Décisions ORANGE dans les présentes affaires. Ces décisions antérieures ne sont toutefois pas nécessairement déterminantes quant aux questions soulevées dans les présentes. Il suffit de mentionner que chaque affaire repose sur des faits qui lui sont propres. Cela dit, j’adopterai certains des raisonnements exposés dans les Décisions ORANGE lorsque j’estime qu’il convient de le faire.

le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[16]  C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst) à la p 298].

Aperçu de la preuve

La preuve de l’Opposante

L’affidavit Sue

[17]  Dans les paragraphes d’introduction de son affidavit, M. Sue explique son rôle au sein de l’Opposante et fournit également des renseignements généraux au sujet des activités de l’Opposante en tant que fabricant et distributeur de cigarettes, de cigares et d’autres produits de tabac.

[18]  M. Sue explique qu’il a la responsabilité de préparer les projections de ventes, de réaliser les analyses de marché relativement à l’industrie du tabac, de gérer les données de vente de l’Opposante, de préparer des projections de ventes détaillées pour la planification stratégique et de recueillir et d’analyser les données de vente provenant des détaillants, des grossistes et des fournisseurs de services indépendants [para 1].

[19]  M. Sue explique également que certains grossistes et détaillants fournissent volontairement à l’Opposante des données relatives aux volumes de vente de tous les produits de tabac qu’ils vendent, ce qui comprend les produits de tiers (les Données de vente). Les Données de vente sont fournies à l’Opposante directement par les grossistes et les détaillants et, chaque semaine, des employés de l’Opposante les ajoutent à une base de données interne (la Base de données). La Base de données constitue un des livres comptables de l’Opposante, créé et maintenu dans la pratique normale de son commerce [para 2 à 6].

[20]  M. Sue fournit ensuite les Données de vente tirées de la Base de données de l’Opposante pour les produits de tabac de tiers suivants, accompagnés de photocopies de leur emballage respectif :

  • des cigares PT Blunts (produit aromatisé au raisin) [pièce RS-1, para 8];

  • des cigares Phillies (produit aromatisé aux baies et aromatisé au raisin) [pièces RS-2 et RS-3, para 9 et 10];

  • des cigares Bullseye (produit aromatisé aux framboises et aromatisé au raisin) [pièces RS-4 et RS-5, paras 11 et 12];

  • des minicigarillos Swisher Sweets produit aromatisé au raisin) [pièce RS-6, para 13];

  • des cigarillos avec filtre Blackstone (produit aromatisé au vin) [pièce RS-7, para 14];

  • des cigares Backwoods (produit aromatisé à la camerise et aromatisé au raisin) [pièces RS-8 et RS-9, paras 15 et 16];

  • des cigares Honey T (produit aromatisé au raisin) [pièce RS-10, para 17];

  • des cigares Quorum Little Q [pièce RS-11, para 18];

  • des cigares Prime Time Plus (produit aromatisé au raisin) [pièce RS-12, para 19]; et

  • du tabac sans fumée Skoal Long Cut (produit aromatisé aux baies) [pièce RS-13, para 20].

[21]  M. Sue explique que les Données de vente des produits mentionnés dans son affidavit proviennent de renseignements concernant le volume de vente fournis par des grossistes et des détaillants de tabac de chaque province au Canada, à l’exception de l’Île‑du‑Prince‑Édouard. Il explique également que ces grossistes de tabac particuliers représentent environ 90 % des grossistes de tabac au Canada, alors que ces détaillants de tabac particuliers représentent environ 20 % des détaillants de tabac. Par conséquent, il affirme que le total des ventes de ces produits de tabac de tiers par des détaillants de tabac à l’intention des adultes fumeurs au Canada serait probablement de loin supérieur aux données rapportées [para 21 et 22].

[22]  La Requérante s’est opposée à la preuve produite par la voie de l’affidavit Sue au motif qu’il s’agit de ouï-dire. Comme je l’explique ultérieurement dans ma décision, je suis d’accord avec la Requérante.

L’affidavit Shannon

[23]  Dans la première partie de son affidavit, M. Shannon fournit des renseignements relativement à l’un des produits de tabac fabriqués et distribués par l’Opposante, à savoir les cigarettes MACDONALD SPECIAL Super Slims (MS SUPER SLIMS).

[24]  M. Shannon affirme que le produit de cigarettes MS SUPER SLIMS a été lancé au Canada en septembre 2012 et que l’emballage de ce produit arbore les marques de commerce MACDONALD SPECIAL/MACDONALD SPÉCIALE [Traduction] « sur un fond mettant en vedette la couleur violette ». À l’appui, il joint comme pièce A à son affidavit des photocopies représentant le produit de cigarettes MS SUPER SLIMS, comme il a été lancé et vendu au Canada [Traduction] « avant le 27 mai 2013 ». M. Shannon atteste que ce produit est toujours mis en vente et vendu au Canada dans le même paquet que celui reproduit à la pièce A de son affidavit [para 2 et 3].

[25]  À l’appui du lancement qui a eu lieu en septembre 2012, M. Shannon affirme que différents documents commerciaux ont été distribués à des détaillants partout au Québec et en Ontario, comme le montrent les pièces suivantes jointes à son affidavit :

  • Pièce B : Des illustrations d’une pochette de documentation sur le produit qui a été distribuée [Traduction] « dans l’industrie » de septembre à décembre 2012. M. Shannon explique que la variante au menthol du produit de cigarettes MS SUPER SLIMS est également comprise dans cette pochette de documentation sur le produit et que [Traduction] « plus de sept cents [700] » de ces pochettes de documentation ont été distribuées au Québec et en Ontario [Traduction] « à des comptes de détail, à l’occasion de salons professionnels et dans des emplacements de l’HoReCa (Union internationale des organisations nationales d’hôteliers, restaurateurs et cafetier) ». [Traduction] « Environ une centaine d’autres pochettes de documentation » ont été utilisées par les représentants de l’Opposante pour présenter le produit de cigarettes MS SUPER SLIMS aux détaillants à l’occasion de leurs visites de magasins [para 4].

  • Pièce C : Une version numérique des dépliants commerciaux en français et en anglais est comprise dans les pochettes de documentation reproduites à la pièce B [para 4].

  • Pièce D : Des versions numériques des affiches d’arrière-boutique apposées dans des points de vente au détail [Traduction] « où elles pouvaient être vues seulement par les employés et les gérants ». M. Shannon affirme que plus de 4 000 de ces affiches ont été distribuées au Québec et en Ontario de septembre à octobre 2012 [para 4].

[26]  M. Shannon affirme que le produit de cigarettes MS SUPER SLIMS a été mis en vente dans [Traduction] « approximativement » 5 000 points de vente au détail en Ontario et 4 600 points de vente au détail au Québec depuis son lancement [para 5].

[27]  En ce qui concerne le terme « superslims » [super minces], M. Shannon explique qu’il s’agit d’un [Traduction] « terme courant » de l’industrie du tabac qui fait référence à des cigarettes [Traduction] « plus longues et qui ont une circonférence plus petite que les cigarettes de taille standard ». Il explique également que dans l’industrie du tabac, la part de marché est calculée en fonction de « segments » et que les cigarettes « superslims » sont [Traduction] « considérées comme faisant partie d’un segment particulier » [para 6].

[28]  M. Shannon affirme qu’au moment du lancement du produit de cigarettes MS SUPER SLIMS, [Traduction] « seulement deux grandes marques de tabac étaient en concurrence dans le segment superslims, à savoir VOGUE (qui appartient à la Requérante) et B&H ». Il affirme également que [Traduction] « dans les six mois » suivant le lancement, le produit de cigarettes MS SUPER SLIMS [Traduction] « avait acquis 15 % des parts du segment superslims pour les provinces du Québec (19 %) et de l’Ontario (11 %) combinées ». M. Shannon affirme qu’à la fin de l’année 2013, le produit de cigarettes MS SUPER SLIMS [Traduction] « occupait 11 % des parts du segment superslims en Ontario et 29 % des parts du segment superslims au Québec » [para 7].

[29]  M. Shannon affirme que, du lancement en septembre 2012 à la fin de février 2013, l’Opposante a expédié plus de 9,27 millions et plus de 4,52 millions de cigarettes du produit MS SUPER SLIMS à des grossistes au Québec et en Ontario, respectivement. M. Shannon explique que certains détaillants des produits de l’Opposante fournissent également à l’Opposante des données relatives aux volumes de vente des produits de tabac qu’ils vendent. Selon les données de vente disponibles pour l’Opposante pendant cette période, ce qui [Traduction] « représente seulement environ 25 % à 30 % du total des ventes aux consommateurs », M. Shannon affirme que [Traduction] « plus de 2 millions » de cigarettes ont été vendues au Québec et [Traduction] « près de 700 000 » cigarettes [selon la correction apportée par M. Shannon en contre-interrogatoire, à la Q 5] en Ontario. Il explique qu’un paquet du produit MS SUPER SLIMS comprend 20 cigarettes et donc que la vente de 2,7 millions de cigarettes représente la vente de 135 000 paquets aux consommateurs [para 8].

[30]  Dans la deuxième partie de son affidavit, M. Shannon se penche sur les cigarettes VOGUE superslims de la Requérante.

[31]  Plus précisément, M. Shannon joint les pièces suivantes à son affidavit :

  • Pièce E : Des photocopies illustrant le paquet de cigarettes VOGUE superslims de la Requérante. M. Shannon affirme que les photocopies sont représentatives du paquet utilisé pour vendre le produit de cigarettes VOGUE superslims de la Requérante au Canada [Traduction] « depuis la date du lancement à un moment donné en août 2011 et avant » le printemps 2013 [para 9].

  • Pièce F : Des photocopies d’extraits d’un autre guide de produits présentant le paquet de cigarettes VOGUE superslims de la Requérante annoncé par Imperial Tobacco Company [para 10].

[32]  M. Shannon affirme que le produit de cigarettes VOGUE superslims de la Requérante [Traduction] « serait mis en vente dans différents points de vente au détail partout au Canada, y compris dans les mêmes points de vente au détail où le produit de cigarettes MS SUPER SLIMS est mis en vente ». M. Shannon affirme également que le produit de cigarettes VOGUE superslims de la Requérante s’inscrit dans le segment « superslims » mentionné dans son affidavit [para 11 et 12].

L’affidavit Goudreau

[33]  Mme Goudreau joint comme pièces MG-2 à MG-23 les détails de différentes demandes et de différents enregistrements de marques de commerce, qui peuvent être groupés en trois catégories : i) des enregistrements de marques de commerce comprenant le terme « VOGUE » appartenant à la Requérante (ou à des sociétés affiliées de la Requérante); ii) des demandes de marques de commerce composées d’une seule couleur, sans partie nominale, en liaison avec le tabac ou des produits de tabac connexes appartenant à la Requérante (ou à des sociétés affiliées à la Requérante); et iii) des demandes et des enregistrements de marques de commerce appartenant à différents tiers dans lesquels la couleur est revendiquée comme une caractéristique de la marque de commerce.

La preuve de la Requérante

L’affidavit Dacayanan

[34]  Dans les paragraphes d’introduction de son affidavit, M. Dacayanan fournit des renseignements généraux au sujet de la propriété et de l’octroi de licence relativement à la gamme de cigarettes VOGUE Superslims. Il explique que, aux termes d’un accord de licence conclu entre ITCan et sa filiale en propriété exclusive Imperial Tobacco Products Limited (ITPL), ITCan détient [Traduction] « une licence d’emploi des [marques de commerce] d’ITPL en liaison avec la fabrication et la vente de produits de tabac » et qu’ITPL exerce [Traduction] « un contrôle direct et indirect sur les caractéristiques et la qualité » de ces produits [Traduction] « fabriqués et vendus par ITCan aux termes d’une licence ». M. Dacayanan joint comme pièce A à son affidavit une copie caviardée de cet accord de licence conclu le 1er février 2000 [para 2].

[35]  M. Dacayanan affirme qu’aux termes de cette licence, ITCan [Traduction] « a fabriqué ou a fait fabriquer des cigarettes de marque VOGUE, y compris la gamme de cigarettes VOGUE Superslims, vendues au Canada depuis au moins aussi tôt qu’août 2011 ». Il affirme que la gamme de cigarettes VOGUE Superslims est commercialisée et vendue au Canada par ITCan par l’entremise de son distributeur, Imperial Tobacco Company Limited (ITCL) à des détaillants de cigarettes, et parfois par l’entremise de grossistes [para 3].

[36]  Par ailleurs, bien que l’accord de licence susmentionné, joint comme pièce A, n’ait pas été modifié pour comprendre explicitement la Marque visée par les demandes lancée en août 2011, je suis disposée à reconnaître que la Requérante a, en tout temps, exercé le contrôle requis sur les caractéristiques et la qualité des produits vendus en liaison avec la Marque visée par les demandes au sens de l’article 50 de la Loi. Comme il ressortira de la présente affaire, la Marque n’a jamais figuré seule sur les paquets de cigarettes, mais plutôt toujours en combinaison avec la marque de commerce VOGUE. L’accord de licence comprend explicitement des conditions qui obligent le licencié à fabriquer, à étiqueter et à emballer les produits arborant la marque de commerce VOGUE en conformité stricte avec les spécifications et les normes établies par le concédant de licence; à soumettre les matières employées dans la fabrication des produits pertinents au concédant aux fins d’approbation; à soumettre des échantillons du produit final au concédant aux fins d’approbation, etc. À titre d’exemple, l’article 5.3 de l’accord de licence prévoit explicitement que [Traduction] :

Avant d’annoncer, de promouvoir ou de commercialiser les Produits, le Licencié doit soumettre au Concédant de licence les renseignements concernant ses propositions, y compris des échantillons de tout Produit connexe et des exemples de tout document publicitaire et promotionnel à être utilisé, et le Concédant de licence aura le droit absolu d’interdire l’utilisation de la totalité ou d’une partie des documents qui n’obtient pas son approbation.

[37]  À cet égard, M. Dacayanan a confirmé en contre-interrogatoire qu’avant le lancement sur le marché de tout matériel de fabrication, y compris le tabac, les boîtiers et les arômes, ce matériel doit obtenir l’approbation du vice-président du marketing d’ITCan et d’ITPL (une seule personne occupe les deux postes). Également, ITCan tient une réunion mensuelle d’optimisation des produits à laquelle siège en permanence le vice-président du marketing d’ITCan, qui est également le président d’ITPL, pour veiller de façon mensuelle à ce que la qualité de tous les produits respecte les normes convenues [transcription du contre-interrogatoire, p 45 à 48, Q 88 à 98]. Je reconnais également l’observation que la Requérante a faite à l’audience portant que la Requérante peut avoir choisi d’attendre que la Marque donne lieu à un enregistrement avant de modifier l’accord de licence.

[38]  Pour conclure sur ce point, je ne tirerai aucune inférence négative du fait que la Marque n’était pas explicitement indiquée dans l’accord de licence.

[39]  Pour revenir à l’affidavit de M. Dacayanan, M. Dacayanan affirme que la gamme de cigarettes VOGUE Superslims a été lancée par ITCan en août 2011, avec une campagne de mise en marché qui [Traduction] « comprenait une nouvelle palette de couleurs mettant l’accent sur la couleur violette ». Il affirme que, [Traduction] « dans le cadre de cette campagne, s’inscrit le lancement des cigarettes VOGUE Superslims vendues dans un paquet violet (ci-après le “PAQUET VIOLET”) » [para 4 et 5]. Comme M. Dacayanan fait par la suite référence dans son affidavit au produit en tant que « PAQUET VIOLET », je ferai de même dans l’examen de son affidavit.

[40]  À l’appui, M. Dacayanan joint les pièces suivantes à son affidavit :

  • Pièce B : Des photographies de paquets de cigarettes VOGUE Superslims vendues dans le PAQUET VIOLET au Canada [para 4].

  • Pièce B.1 : Des cigarettes VOGUE Superslims vendues au Canada dans le PAQUET VIOLET d’août 2011 à mars 2012 [para 4].

  • Pièce B.2 : Des cigarettes VOGUE Superslims vendues au Canada dans le PAQUET VIOLET de mars 2012 à la date de souscription de son affidavit [para 4].

[41]  M. Dacayanan explique également que les cigarettes VOGUE Superslims vendues dans le PAQUET VIOLET font partie de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims, qui comprend également une [Traduction] « variante » vendue dans un paquet bleu ainsi qu’une variante vendue dans un paquet vert [para 6].

[42]  M. Dacayanan affirme que [Traduction] « la couleur violette associée aux cigarettes VOGUE Superslims vendues dans le PAQUET VIOLET, et la couleur violette utilisée pour promouvoir la gamme de cigarettes VOGUE Superslims, a été choisie par ITPL et ITCan parce que la couleur est considérée comme très distinctive, inoubliable et attrayante » et parce qu’elle « n’était pas utilisée pour des paquets de cigarettes par un autre fabricant, importateur ou distributeur de cigarettes au Canada » au moment où les cigarettes VOGUE Superslims vendues dans le PAQUET VIOLET ont été lancées en août 2011 » [para 7].

[43]  M. Dacayanan se penche ensuite sur les ventes de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims dans le PAQUET VIOLET. Il affirme que d’août 2011 à la date de la production des présentes déclarations d’opposition, ITCan [Traduction] « a vendu plus de 980 000 paquets de cigarettes VOGUE Superslims dans le PAQUET VIOLET à des détaillants, à des distributeurs et à des grossistes de cigarettes au Canada, ce qui représente des ventes de plus de 4 800 000 $ CAN » [para 8]. Le tableau ci-dessous établit la répartition annuelle du nombre de paquets et du total des ventes de cigarettes VOGUE Superslims vendues dans le PAQUET VIOLET au Canada d’août 2011 à novembre 2014 [para 9].

Année

Paquets de cigarettes (plus de)

Montant des ventes (plus de)

2011

180 000

875 000 $

2012

615 000

3 000 000 $

2013

690 000

3 400 000 $

2014 (cumul en novembre)

675 000

3 500 000 $

TOTAL :

2 150 000

10 775 000 $

[44]  M. Dacayanan joint comme pièce C à son affidavit [Traduction] « des copies de factures représentatives de ventes des cigarettes VOGUE Superslims dans le PAQUET VIOLET à divers détaillants de cigarettes au Canada » [para 10].

[45]  Dans la dernière partie de son affidavit, M. Dacayanan se penche sur la promotion autorisée des cigarettes VOGUE Superslims dans le PAQUET VIOLET. Il affirme que d’août 2011 au 23 mai 2013, ITCan a dépensé [Traduction] « plus d’un million de dollars (1 000 000 $ CAN) » pour commercialiser la gamme de cigarettes VOGUE Superslims, y compris les cigarettes VOGUE Superslims dans le PAQUET VIOLET, à l’intention de détaillants et d’adultes fumeurs au Canada en utilisant des documents [Traduction] « mettant l’accent sur la couleur violette » [para 11].

[46]  M. Dacayanan affirme que [Traduction] « dans le cadre des efforts d’[ITCan] pour faire connaître la disponibilité de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims aux adultes fumeurs, ITCan a utilisé une gamme d’outils de communication » qui présentent la couleur violette « telle qu’elle est utilisée sur le PAQUET VIOLET » [para 12]. À l’appui, M. Dacayanan joint les pièces suivantes à son affidavit :

  • Pièce D : Des exemplaires d’affiches utilisées par ITCan dans le cadre de la campagne de mise en marché de VOGUE Superslims en 2011 et 2012. M. Dacayanan affirme que [Traduction] « ces affiches étaient présentes dans plus de cent (100) endroits au Canada » d’octobre à décembre 2011 et de janvier à mars 2012 [para 12].

  • Pièce E : Des exemples de communications sur le commerce distribuées par ITCan en 2011 et 2012 à des détaillants et à des grossistes au Canada, à savoir des affiches d’arrière-boutique [pièce E.1] et des exemples de fiches numérisées accessibles uniquement aux employés des détaillants et des grossistes [pièce E.2]. M. Dacayanan affirme qu’ITCan a distribué des communications sur le commerce présentant le PAQUET VIOLET à plus de 8 500 de ses détaillants au Canada en 2011 et à près de 5 000 de plus en 2012 [para 12 et 13].

L’affidavit Duchesneau

[47]  M. Duchesneau joint comme pièce A à son affidavit un exemplaire de l’énoncé de pratique datant du 6 décembre 2000 intitulé « Marques à trois dimensions » (Énoncé de pratique sur les marques à trois dimensions) qu’il a trouvé sur le site Web de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC).

L’affidavit Owens

[48]  Mme Owens joint comme pièce A à son affidavit des renseignements sur les 10 enregistrements suivants de marques de commerce concernant des marques de couleur visant différents produits appartenant à des tiers qu’elle a imprimés depuis le système CDName Search Corp le 1 juin 2015 :

Marque de commerce

No d’enregistrement

DESSIN DE COULEUR « BLEUE »

LMC522,834

LOGO (DE COULEUR) BLEU

535 786

COULEUR – JAUNE

604 888

Marque de couleur (VERT)

604 887

DESSIN DE COULEUR ORANGE

616 900

LOGO (DE COULEUR) VERT

777 260

DESSIN ORANGE

576 619

Dessin de paquet

679 037

ROSE (COULEUR)

574 625

COULEUR JAUNE

733 458

analyse

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30

[49]  L’Opposante revendique de nombreux motifs d’opposition fondés sur l’article 30 de la Loi, dont plusieurs sont redondants ou se recoupent. La date pertinente qui s’applique à chacun de ces motifs d’opposition est la date de production des demandes [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)].

[50]  Comme il est indiqué dans la Décision 226, supra, au paragraphe 30, le fardeau ultime qui incombe à la Requérante de démontrer que sa demande est conforme aux exigences de l’article 30 comporte à la fois la question de savoir si la Requérante a produit une demande qui est formellement conforme aux exigences de l’article 30 et la question de savoir si les déclarations contenues dans la demande sont correctes.

[51]  Avant d’examiner plus en détail certains des motifs fondés sur l’article 30 invoqués par l’Opposante, j’aimerais résumer quelques principes généraux qui régissent l’enregistrement de marques de couleur qui ont guidé ma démarche en l’espèce.

Principes généraux qui régissent l’enregistrement de marques de couleur

[52]  Selon la jurisprudence et la position de l’OPIC, il est possible d’enregistrer une couleur (ou une combinaison de couleurs) appliquée à un article spécifique comme une marque de commerce « ordinaire » ou un « signe distinctif » (où la couleur fait partie intégrante du mode d’empaquetage ou d’emballage des produits) [Smith, Kline & French c Registraire, [1987] 2 CF 633; Simpson Strong-Tie Co c Peak Innovations Inc [2007] COMC no 175, conf. 2009 CF 1200, conf. 2010 CAF 277; Décisions ORANGE, supra; et Énoncé de pratique sur les marques à trois dimensions]. La différence entre la couleur qui sert de marque de commerce ordinaire plutôt que simplement de signe distinctif est importante puisqu’elle a un impact à l’étape de l’examen de la demande (selon l’article 13(1) de la Loi, un requérant doit fournir une preuve établissant que le signe distinctif est déjà devenu distinctif au moment de la production de la demande d’enregistrement, alors qu’aucune disposition équivalente ne s’applique à une marque de couleur qui sert de marque de commerce ordinaire, dont le caractère distinctif ne fait pas l’objet d’un examen – un tiers doit plutôt faire des démarches pour s’opposer à une telle demande afin de mettre en question son caractère distinctif durant la procédure d’enregistrement) et cela dépend de comment la couleur est revendiquée dans la description de la marque dans la demande.

[53]  L’article 28 du Règlement sur les marques de commerce (le Règlement) prévoit que lorsque le requérant revendique une couleur comme caractéristique de la marque de commerce, la couleur est décrite et cette description doit être claire. Si la description n’est pas claire, le registraire peut exiger que le requérant produise un dessin ligné qui représente les couleurs conformément à un nuancier. La Loi ou le Règlement n’exige pas que le requérant mentionne spécifiquement la nuance ou l’intensité de la couleur revendiquée [Novopharm Ltd c Pfizer Products Inc, 2009 CarswellNat 4119 (COMC) au para 23; Décision 226, supra, au para 46].

[54]  De même, l’article 30h) de la Loi prévoit que la demande doit contenir « ... un dessin de la marque de commerce, ainsi que le nombre, qui peut être prescrit, de représentations exactes de cette marque ». Le dessin doit être une représentation significative de la marque de commerce dans le contexte de la description écrite figurant dans la demande et doit permettre de définir les limites de la marque de commerce; ces exigences sont fondées sur le principe selon lequel l’enregistrement d’une marque de commerce constitue un monopole et que la portée de cet enregistrement doit donc être précise [Apotex Inc c Monsanto Searle Canada Inc (2000), 6 CPR (4th) 26 (CF 1re inst) au para 7; et Novopharm Ltd c Astra Aktiebolag (2000) 6 CPR (4th) 16 (CF 1re inst)]. Le requérant n’est pas tenu de restreindre la marque revendiquée à une dimension spécifique, à condition que les produits soient adéquatement décrits et définis [Simpson Strong-Tie, supra, à la p 57; Décision 226, supra, aux para 36 et 37; Apotex Inc c Searle Canada Inc, supra].

[55]  Une couleur qui est essentiellement fonctionnelle d’un point de vue décoratif ou utilitaire n’est pas enregistrable [Procter & Gamble Inc c Colgate-Palmolive Canada Inc (2007), 60 CPR (4th) 62 (COMC), conf. 81 CPR (4th) 343 (CF), au para 53; Énoncé de pratique sur les marques à trois dimensions].

[56]  Appliquant ces principes aux présentes affaires, je propose d’examiner les motifs d’opposition fondés sur l’article 30 invoqués par l’Opposante à travers deux thèmes principaux, à savoir i) si la Requérante a produit des demandes qui sont conformes aux exigences formelles de contenu d’une demande relative à une marque de commerce; et ii) si les déclarations comprises dans les demandes sont correctes.

Les demandes sont-elles conformes aux exigences formelles de contenu d’une demande relative à une marque de commerce?

[57]  Selon les renseignements reproduits aux annexes A et B, l’Opposante a soutenu au paragraphe 1 de sa déclaration d’opposition que les demandes ne sont pas formellement conformes aux exigences de l’article 30h) de la Loi pour un certain nombre de motifs « techniques » en lien avec la description et le dessin en soi de la Marque.

[58]  Pour les raisons exposées ci-dessous, j’estime que les demandes sont conformes aux exigences formelles de l’article 30h) de la Loi, à savoir que le dessin et la description indiquent clairement que la Marque visée par les demandes n’est pas un signe distinctif, mais plutôt une marque de commerce « ordinaire » constituée d’une seule couleur appliquée sur la surface visible de reproductions de paquets de cigarettes à deux et à trois dimensions.

[59]  Comme indiqué précédemment, la Demande 250 et la Demande 255 sont essentiellement identiques au regard de la représentation et de la description de la marque de commerce visée par les demandes (outre la couleur revendiquée et la forme précise reproduite) aux demandes nos 1,317,128 et 1,317,127 respectivement, examinées en détail dans les Décisions ORANGE, supra [voir, entre autres, les para 32 à 38 et 51 à 59 de la Décision 226, supra; et les para 26 à 51 de la Décision CF 608, supra]. Je n’ai aucune raison de m’écarter des conclusions tirées par le registraire et la Cour fédérale dans ces affaires.

[60]  Comme dans le cas de la demande no 1,317,127, le dessin et la description compris dans la Demande 255 précisent clairement en pointillés la surface de du paquet particulier sur laquelle la couleur revendiquée dans la demande est appliquée. Appliquant à la présente affaire les commentaires formulés par la membre de la Commission Folz au paragraphe 37 de la Décision 226, supra, la Requérante ne revendique pas le paquet de cigarettes comme sa marque de commerce, mais elle emploie l’apparence d’une partie de ce que je considère être un paquet de cigarettes de forme rectangulaire standard pour indiquer qu’elle restreint la portée de sa demande à la couleur violette de l’une des faces du paquet. Autrement dit, et comme l’a souligné la Requérante, la simple mention du mot [Traduction] « emballage » dans la demande ne transforme pas la présente demande d’une demande relative à une marque de commerce ordinaire en une demande relative à un signe distinctif. Le dessin de la Marque est également conforme à l’Énoncé de pratique sur les marques à trois dimensions qui prévoit que [Traduction] « pour toute demande d’enregistrement de marque bidimensionnelle, le dessin de la marque doit représenter seulement la marque et non la marque apposée sur un objet à trois dimensions ». De plus, comme il est indiqué ci-dessus, la Requérante n’est pas obligée de restreindre la Marque visée par les demandes à une dimension spécifique.

[61]  Appliquant les commentaires formulés par la membre de la Commission Folz au paragraphe 38 de la Décision 226, supra, le même raisonnement s’applique relativement à la Demande 250, à l’exception principale que, en tant que marque à trois dimensions, le dessin et la description indiquent clairement que la couleur violette est appliquée sur le devant, l’arrière et le côté du paquet de cigarettes qui possède une largeur, une hauteur et une profondeur, contrairement à la marque visée par la demande de la Demande 255 qui s’applique à une seule face de l’emballage à deux dimensions. La Requérante ne cherche pas à protéger la forme du paquet de cigarettes, mais plutôt l’application de la couleur violette telle qu’elle figure sur le paquet de cigarettes. Le dessin et la description relatifs à la Marque dans la Demande 255 sont également conformes à l’Énoncé de pratique sur les marques à trois dimensions qui prévoit que lorsqu’une demande d’enregistrement est soumise à l’égard d’une marque à trois dimensions, la demande doit inclure une description de la marque indiquant clairement que la marque de commerce demandée est une marque à trois dimensions. La description [Traduction] « …la marque de commerce est constituée de la couleur [...] à la surface visible de l’emballage particulier, comme l’illustre le dessin ci-joint », avec un dessin à trois dimensions montrant la largeur, la hauteur et la profondeur relatives de l’emballage, suffit. En fait, cette description correspond pratiquement à celle fournie dans l’énoncé de pratique en guise [Traduction] « d’exemple d’une description acceptable » d’une marque de commerce « qui [n’est] pas [un] sign[e] distincti[f], qui n’[est] pas à deux dimensions et qui consist[e] en, ou inclu[e], une ou plusieurs couleurs appliquées à la surface d’un objet à trois dimensions », à savoir : « La marque de commerce consiste en la couleur pourpre appliquée à toute la surface visible du comprimé montré dans le dessin. »

[62]  De plus, un parallèle peut être établi entre les présentes demandes et les divers enregistrements de tiers relativement à des marques de commerce ordinaires ayant une structure identique à celle de la Marque visée par les demandes qui sont présentés comme preuve dans l’affidavit Owens. Je conviens avec la Requérante que cette preuve est une preuve probante du fait qu’il serait fondamentalement injuste à l’égard de la Requérante de soutenir que la Marque n’est pas représentée adéquatement comme une marque de commerce [Rothmans, Benson & Hedges Inc c RJ Reynolds Tobacco Co (1993), 47 CPR (3d) 439 aux p 442 et 443 (CF 1re inst); Décision CF 608, supra, au para 37].

[63]  Compte tenu de tout ce qui précède, les motifs d’opposition énoncés aux paragraphes 1.4, 1.7 et 1.8 de la déclaration d’opposition produite relativement à la Demande 250 et les motifs d’opposition énoncés aux paragraphes 1.3, 1.6 et 1.7 de la déclaration d’opposition produite relativement à la Demande 255 sont rejetés.

Les déclarations comprises dans les demandes sont-elles correctes?

[64]  Selon les renseignements reproduits aux annexes A et B, l’Opposante a allégué au paragraphe 1 de sa déclaration d’opposition que les demandes ne sont pas conformes aux exigences de l’article 30b) de la Loi puisque la Marque visée par les demandes n’a pas été employée au Canada tel que revendiqué dans les demandes, pour un certain nombre de raisons.

[65]  Dans la mesure où les faits pertinents relatifs à un motif d’opposition fondé sur l’article 30b) de la Loi sont plus facilement accessibles à la Requérante, le fardeau de preuve qui incombe à l’Opposante relativement à un tel motif d’opposition est moins exigeant [voir Tune Master c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. En outre, l’Opposante peut s’acquitter de ce fardeau en s’appuyant aussi bien sur sa propre preuve que sur la preuve de la Requérante [voir Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) (CF 1re inst) 216]. Cependant, l’Opposante ne peut invoquer avec succès la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau initial que si elle démontre que la preuve de la Requérante met en doute les revendications formulées dans les demandes de la Requérante [voir Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd 2014 CF 323, aux para 30 à 38 (CanLII)].

[66]  Dans les présentes affaires, l’Opposante s’appuie sur sa preuve produite par la voie de l’affidavit Goudreau et de l’affidavit Shannon et sur la preuve de la Requérante produite par la voie de l’affidavit Dacayanan pour étayer ses différents arguments portant que la Marque visée par les demandes n’a pas été employée tel que revendiquée dans les demandes.

[67]  Plus précisément, l’affidavit Goudreau montre que la Requérante a enregistré différentes marques de commerce comprenant le mot VOGUE et des marques figuratives, dans lesquelles la couleur violette a seulement été revendiquée comme une « caractéristique » de la marque de commerce, et plus précisément, comme une [Traduction] « couleur de fond » [voir, entre autres, l’enregistrement no LMC845,314 en date du 5 mars 2013, fondé sur un emploi en liaison avec des produits de tabac, qui comprend exactement le même élément graphique VOGUE (constitué du mot VOGUE dans un style de police cursif suivi d’un point graphique violet foncé)] présentant un fond violet, comme on peut le voir sur le paquet de VOGUE Superslims de la Requérante produit et joint comme preuve à l’affidavit Shannon et à l’affidavit Dacayanan.

[68]  Les photocopies reproduisant le paquet de cigarettes VOGUE superslims de la Requérante jointes comme pièce E à l’affidavit Shannon montrent également d’autres inscriptions et indications comme des avertissements sur la santé qui figurent sur les paquets de cigarettes VOGUE Superslims de la Requérante.

[69]  L’Opposante s’appuie également sur le matériel promotionnel joint comme pièces D, E.1 et E.2 à l’affidavit Dacayanan, pour étayer davantage ses arguments portant que la Marque visée par les demandes a uniquement une vocation fonctionnelle ou ornementale/décorative plutôt que d’être un indicateur de source, et n’a pas été employée de manière continue depuis la date revendiquée dans les demandes comme l’exige l’article 30b) de la Loi.

[70]  Examinant d’abord le motif d’opposition énoncé au paragraphe 1.3 de la déclaration d’opposition produite relativement à la Demande 250 portant que la couleur violette ne couvre dans les faits qu’une fraction des différentes faces du paquet de cigarettes VOGUE Superslims en raison de la présence des avertissements obligatoires sur la santé qui couvrent un pourcentage de ces paquets de cigarettes, cela ne rend pas incorrectes les déclarations d’emploi comprises dans les demandes de la Requérante.

[71]  L’industrie du tabac ne fonctionne pas en vase clos, mais elle est strictement réglementée. Les présentes demandes visent [Traduction] « la couleur violette appliquée à la surface visible de l’emballage particulier, comme l’illustre le dessin [ci-joint] » [italique ajouté]. Cette surface visible correspond en fait à toute la surface du paquet autorisée par la loi comme le montre l’affidavit Dacayanan, ce qui démontre que la Requérante a appliqué la couleur violette, telle qu’elle est revendiquée, à toute la surface du paquet qui peut être marquée au sens de la loi. En mentionnant la surface visible de l’emballage plutôt que toute la surface de celui-ci, la description de la Marque tient compte du fait que des parties de l’emballage peuvent être bloquées ou couvertes par les avertissements obligatoires et changeants sur la santé qui empêchent l’application de la couleur revendiquée sur toute la surface de l’emballage. De plus, comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans la Décision 111, supra, les consommateurs comprendront que les avertissements sur la santé apposés sur un paquet de cigarettes ne font pas partie de la marque de commerce. Cela m’amène à examiner les autres indications et inscriptions quant à la source qui figurent sur le paquet de cigarettes de la Requérante à la lumière des arguments soulevés à l’audience à l’appui des motifs d’opposition énoncés aux paragraphes 1.5 et 1.4 des déclarations d’opposition produites relativement à la Demande 250 et à la Demande 255, respectivement.

[72]  Il est manifeste que la Marque n’a jamais figuré seule sur les paquets de cigarettes, mais plutôt toujours en combinaison avec la marque nominale et la marque figurative VOGUE.

[73]  Comme le rappelle la Requérante, il est bien établi que plusieurs marques de commerce peuvent être employées ensemble sur le même produit [AW Allen Ltd c Warner Lambert Canada Inc (1985), 6 CPR (3d) 270, à la p 272 (CF 1re inst)]. Cependant, la question de savoir si l’emploi d’une marque de commerce alléguée accompagnée d’autres éléments constitue un emploi de marque de commerce est une question de fait : l’emploi d’une marque de commerce alléguée accompagnée d’autres éléments constitue un emploi de marque de commerce seulement si, sous le coup de la première impression, le public y voit un emploi de la marque de commerce alléguée [Nightingale Interloc c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC) aux para 7 et 8].

[74]  À cet égard, je ne peux que convenir avec la Requérante qu’il est possible de tracer certains parallèles entre les présentes affaires et les Décisions ORANGE, dans lesquelles la membre de la Commission Folz a souligné que les paquets de cigarettes de la Requérante montraient également l’emploi d’autres inscriptions et indications quant à la source qui figurent sur le PAQUET ORANGE DESSIN, à savoir les marques PETER JACKSON et le dessin d’une licorne. Dans son appel interjeté devant la Cour d’appel fédérale, l’Opposante a soutenu, comme dans les présentes affaires, que la membre Folz n’a pas dûment pris en considération ni mentionné les principes énoncés dans Nightingale, supra, dans le cadre de son examen des motifs d’opposition fondés sur l’article 30 invoqués par l’Opposante. En rejetant l’appel, la Cour a conclu que, selon une juste interprétation des motifs de la membre Folz, il apparaît évident qu’elle s’est penchée sur ces questions et qu’elles les a traitées concrètement aux paragraphes 42 et 46 de sa décision, qui sont reproduits ci-dessous [Traduction] :

42. Encore une fois, aucun argument n’a été présenté par l’Opposante en appui à ce motif [article 30b) de la Loi]. À tout événement, eu égard à la preuve produite, je note que rien dans la preuve de la Requérante n’est clairement incohérent avec sa date revendiquée de premier emploi. Comme illustré dans la preuve de M. Bussey, entre avril 2006 et le 14 août 2007, ITCan a vendu approximativement 9 à 11 millions de paquets de cigarettes Peter Jackson « Saveur veloutée » en liaison avec les Marques aux détaillants, distributeurs et grossistes de cigarettes au Canada, représentant des ventes de plus de 34 millions de dollars canadiens. La preuve indique également que la Requérante a donné avis au public de sa revendication selon laquelle la couleur orange est sa marque de commerce. À ce sujet, la Requérante a procédé à une vaste campagne de mise en marché pour communiquer la disponibilité des cigarettes Peter Jackson à « Saveur veloutée » tant auprès des détaillants de cigarettes que des fumeurs adultes au Canada, qui mettait l’accent sur la couleur orange et soulignait le dessin du paquet orange (Bussey, paragr. 9 à 11; pièces C et D). De plus, la preuve de la Requérante illustre la couleur orange appliquée à l’avant, au dos et sur les côtés de ses paquets de cigarettes. Le fait que les paquets de cigarettes de la Requérante doivent également contenir un avertissement relatif à la santé qui couvre 50 % de la face principale du paquet de cigarettes n’affecte en rien, à mon avis, la capacité de la Marque à distinguer les marchandises de la Requérante de celles d’autres. Sur une note connexe, bien que les paquets de cigarettes de la Requérante illustrent également l’emploi des marques PETER JACKSON et du dessin d’une licorne, il est bien établi que plusieurs marques de commerce peuvent être employées ensemble sur le même produit [voir AW Allen Ltd. c. Warner Lambert Canada Inc. (1985), 6 CPR (3d) 270 à 272 (CF 1re inst) (AW Allen)]. Finalement, comme les interdictions de produits du tabac sur les présentoirs de détail n’étaient pas en vigueur à travers le Canada à la date pertinente aux fins du présent motif, la Marque était visible aux yeux du consommateur avant le moment du transfert des produits. Je note que même si la Marque n’avait pas été visible aux yeux du consommateur avant le moment du transfert, elle aurait été visible aux yeux du consommateur lorsqu’il aurait acheté les cigarettes (c.-à-d. au moment du transfert).

[…]

46. Premièrement, je note que l’Opposante n’a produit aucune preuve pour appuyer les allégations avancées dans sa déclaration d’opposition selon lesquelles la Marque est de nature ornementale [Dot Plastics Ltd. c. Gravenhurst Plastic Ltd. (1988), 22 CPR (3d) 228 (C.O.M.C.) et Procter & Gamble Inc. c Colgate-Palmolive Canada Inc. (2007), 60 CPR (4th) 62 (COMC); conf. par 2010 CF 231 (CanLII), 81 CPR (4th) 343 (CF)]. Je note également qu’aucune exigence dans la Loi ni dans le Règlement sur les marques de commerce ne stipule que la Requérante doit spécifier la nuance de la couleur orange revendiquée [Novopharm Ltd. c. Pfizer Products Inc. 2009 CarswellNat 4119 (COMC) au para 23; article 28 du Règlement sur les marques de commerce], ni les dimensions spécifiques de la grosseur ou de la forme de la marque de commerce [voir Simpson Strong-Tie, supra]. Finalement, compte tenu du fait que rien n’empêche la Requérante d’employer plus d’une marque à la fois [AW Allens, supra], le fait que la Requérante utilise d’autres marques de commerce en liaison avec ses cigarettes n’appuie pas, à mon avis, l’argument selon lequel la Marque n’est pas associée aux marchandises au moment du transfert.

[75]  La Cour a conclu que la membre Folz fait référence à la preuve pertinente présentée par la Requérante [Traduction] « et, en particulier, au fait que celle-ci a donné avis au public qu’elle employait la couleur orange comme marque de commerce », et qu’elle « était convaincue que les marques visées par la demande seraient perçues par le public comme des marques de commerce en tant que telles et que la preuve établissait l’emploi de ces dernières par [la Requérante] ». La Cour a également conclu que la membre Folz avait également souligné que l’Opposante n’avait produit aucun élément de preuve pour appuyer son allégation selon laquelle les marques n’avaient qu’une simple fonction décorative. En conséquence, la Cour n’était pas convaincue du caractère déraisonnable de la décision.

[76]  Cela m’amène à me demander comment la Requérante a [Traduction] « donné avis au public » que la couleur violette était employée comme une marque de commerce plutôt qu’être simplement fonctionnelle ou décorative, tel qu’énoncé aux paragraphes 1.6 et 1.5 des déclarations d’opposition produites relativement à la Demande 250 et à la Demande 255, respectivement, à la lumière de certains des arguments présentés par les parties.

[77]  Premièrement, je souligne que le simple fait que la Requérante puisse avoir été la première à utiliser la couleur violette sur un paquet de cigarettes ne signifie pas que le PAQUET VIOLET DESSIN, en tant que marque de commerce en soi, a acquis une identité de marque distincte et une reconnaissance publique. En effet, dans Royal Doulton Tableware Ltd c Cassidy’s Ltd (1986), 1 CPR (3d) 214 (CF 1re inst), la Cour fédérale explique qu’une marque de commerce peut être reconnue comme unique, mais pas distinctive [Traduction] :

Il convient de remarquer qu’une marque de commerce distinctive est une marque qui relie, par exemple, des marchandises à un vendeur de manière à distinguer ses marchandises de celles des autres vendeurs. Elle n’est pas distinctive si elle distingue simplement le dessin d’une marchandise du dessin d’une autre marchandise même si un initié peut savoir que ces deux sortes de marchandises sont respectivement vendues par deux différents vendeurs. Une telle conception du caractère distinctif va à l’encontre de l’un des objets essentiels des marques de commerce qui vise à assurer à l’acheteur que les produits viennent d’une source bien précise dans laquelle il a confiance. Voir Fox, dans son ouvrage Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, (3e édition, 1972) aux p 25 et 26.

[78]  De plus, bien que la Requérante soutienne qu’elle a procédé à une vaste campagne de mise en marché pour communiquer la disponibilité des cigarettes VOGUE Superslims à l’intention des détaillants de cigarettes et des adultes fumeurs au Canada en mettant l’accent sur la couleur violette et en soulignant le PAQUET VIOLET DESSIN, un examen du matériel promotionnel joint comme pièce à l’affidavit Dacayanan révèle, selon moi, une réalité différente.

[79]  En effet, selon les exemples de fiches numérisées jointes comme pièce E.2 à l’affidavit Dacayanan et reproduites à l’annexe C de ma décision, le paquet de cigarettes « violet » VOGUE Superslims figure à côté des variantes « bleue » et « verte » des cigarettes VOGUE Superslims de la Requérante, accompagnées d’une brève description des saveurs liées ou de la « force » (le paquet bleu correspond à « a full yet refined taste » [un goût intense, mais raffiné]; le paquet violet à un « a subtle yet satisfying taste » [un goût subtil, mais agréable] et le paquet « vert » à « a full taste with crisp menthol flavor » [un goût intense avec une fraîche saveur de menthol]). Selon les légendes aux bas de la fiche, l’expression « ONE OF A KIND* » [unique] fait référence à la « unique curved pack structure » [structure courbée unique du paquet] des trois paquets de cigarettes de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims, plutôt que de mettre l’accent sur le PAQUET VIOLET DESSIN en soi. De plus, il est difficile de concevoir comment l’illustration décolorée représentant des devantures d’édifices qui se trouve dans la partie supérieure droite de la fiche puisse être perçue autrement que comme un simple fond esthétique.

[80]  De même, l’affiche d’arrière-boutique jointe comme pièce E.1 à l’affidavit Dacayanan, également reproduite à l’annexe C des présentes, qui fait voir l’image partielle d’une femme murmurant le message « I can’t tell you…Yet I can hardly wait » [Je ne peux pas en parler... mais je peux difficilement attendre], annonce simplement « A dazzling change is coming soon from Vogue Superslims » [Vogue Superslims présentera bientôt un changement étonnant]. Non seulement le PAQUET VIOLET DESSIN n’est pas reproduit sur l’affiche, il n’est même pas évoqué.

[81]  Finalement, les exemples d’affiches jointes comme pièce D à l’affidavit Dacayanan, dont un exemple est également reproduit à l’annexe C des présentes, mettent l’accent sur la structure du paquet de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims. Le paquet de cigarettes « violet » VOGUE Superslims figure, ici encore, à côté des variantes « bleue » et « verte » des cigarettes VOGUE Superslims de la Requérante. Bien que des nuances foncées de violet apparaissent en arrière-plan, il est difficile de concevoir comment un tel dégradé de couleur puisse être perçu autrement que comme un simple fond esthétique, particulièrement compte tenu du fait que l’annonce ne se rapporte pas uniquement à la variante « violette » des cigarettes VOGUE Superslims, et encore moins au PAQUET VIOLET DESSIN en soi.

[82]  À cet égard, je souligne que la Requérante, dans son plaidoyer écrit et à l’audience, a insisté sur le fait que l’une des raisons derrière le choix de la couleur violette par la Requérante est que cette couleur n’a apparemment jamais été utilisée auparavant, contrairement aux [Traduction] « couleurs traditionnelles des paquets de cigarettes comme le vert et le bleu » qui « ont déjà été employées »/« existent depuis toujours ». Cependant, comme le même emballage (à l’exception de la couleur appliquée à la surface du paquet de cigarettes) a été utilisé par la Requérante pour les trois paquets de cigarettes/variantes comprenant la gamme de cigarettes VOGUE Superslims, je ne comprends pas sur quels fondements le public s’appuierait pour considérer ou percevoir la couleur violette appliquée sur l’emballage de la variante [Traduction] « goût subtil » comme une marque de commerce en soi (c.-à-d. comme indicateur de source), tout en traitant différemment les couleurs « bleue » et « verte » appliquée sur les emballages des variantes [Traduction] « goût intense » et « goût de menthol » respectivement de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims.

[83]  Ainsi, j’estime que la preuve est loin d’établir que la Requérante a donné avis au public de sa revendication portant que la couleur violette telle qu’elle est appliquée sur l’emballage d’une des variantes de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims est sa marque de commerce. Au contraire, le fait que le paquet « violet » VOGUE Superslims a toujours figuré à côté des variantes « bleue » et « verte » de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims dans la publicité et le matériel promotionnel de la Requérante donne l’impression que l’emploi et l’adoption par la Requérante de la couleur violette n’étaient pas à des fins de marque de commerce, mais plutôt pour distinguer différentes saveurs ou « forces » du même type de cigarettes.

[84]  À cet égard, je reconnais que la Section de première instance de la Cour fédérale a conclu dans Santana Jeans Ltd c Manager Clothing Inc (1993), 52 CPR (3d) 472, qu’un certain degré d’ornementation n’empêche pas l’enregistrabilité lorsque la marque de commerce en question a également des caractéristiques distinctives. Cependant, pour les raisons énoncées ci-dessus, j’estime que la preuve présentée dans les présentes affaires n’appuie pas la position portant que la couleur violette remplisse ici une double fonction, à savoir servir de marque de commerce en soi et servir de couleur de fond esthétique permettant de distinguer les différentes variantes des produits de la gamme de cigarettes VOGUE Superslims. Au contraire, j’estime que la preuve de la Requérante remet directement et sérieusement en cause l’exactitude des revendications formulées dans les demandes de la Requérante. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la Requérante a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a employé le PAQUET VIOLET DESSIN comme une marque de commerce depuis la date de premier emploi revendiquée, à la date de production de ses deux demandes, et les motifs d’opposition énoncés au paragraphe 1.6 de la déclaration d’opposition produite relativement à la Demande 250 et le motif d’opposition énoncé au paragraphe 1.5 de la déclaration d’opposition produite relativement à la Demande 255, sont accueillis.

[85]  Dans l’éventualité où j’aurais tort d’examiner la fonctionnalité et le caractère décoratif de la Marque à la lumière de la preuve d’emploi au dossier, plutôt que de considérer la Marque telle qu’elle est revendiquée in abstracto, ou autrement, si la couleur violette pouvait effectivement remplir ici une double fonction, j’estimerais tout de même que la preuve de la Requérante remet directement et sérieusement en cause l’exactitude des revendications formulées dans les demandes de la Requérante, plus précisément que la Marque visée par les demandes n’a pas été employée de manière continue tel que revendiqué dans les demandes puisque la marque de commerce employée diffère de la marque de commerce visée par les demandes, pour les raisons suivantes.

[86]  Selon mon examen ci-dessus des pièces D et E jointes à l’affidavit Dacayanan, la gamme de cigarettes de couleur violette VOGUE Superslims n’existe pas. La preuve établit ici l’existence d’une gamme de cigarettes VOGUE Superslims de différentes forces ou saveurs, qui se présente en trois couleurs, et dont les paquets ont tous la même structure courbée unique. Au mieux pour la Requérante, j’estime que la couleur violette pourrait être perçue simplement comme une couleur de fond qui fait partie d’une marque de commerce mixte constituée de la marque nominale et de la marque figurative VOGUE. À cet égard, d’après mon interprétation des Décisions ORANGE, j’estime que les faits des présentes affaires peuvent se distinguer de ceux des Décisions ORANGE où le registraire était convaincu, en raison de la vaste campagne de mise en marché de la Requérante qui mettait l’accent sur la couleur orange et soulignait le dessin du paquet orange en soi, que le public percevrait le dessin du paquet orange en soi comme la marque de commerce employée, malgré qu’elle soit également employée en combinaison avec les marques PETER JACKSON et le dessin d’une licorne.

[87]  Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la Requérante a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a employé le PAQUET VIOLET DESSIN, et encore moins de manière continue, comme une marque de commerce, à la date de production de ses deux demandes, tel que revendiqué, et le motif d’opposition énoncé au paragraphe 1.5 de la déclaration d’opposition produite relativement à la Demande 250 et le motif d’opposition énoncé au paragraphe 1.4 de la déclaration d’opposition produite relativement à la Demande 255, sont accueillis.

Autres motifs d’opposition

[88]  Bien que j’aie déjà tranché en faveur de l’Opposante relativement à deux motifs d’opposition au titre de l’article 30b) de la Loi, je tiens à examiner un autre motif d’opposition, à savoir le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif énoncé au paragraphe 3.4 de la déclaration d’opposition produite dans les deux affaires, reproduit à l’annexe A, relativement à l’emploi par l’Opposante et par un tiers, de produits semblables vendus dans différents emballages de couleur violette.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif énoncé au paragraphe 3.4

[89]  La question ici est celle de savoir si la Marque est distinctive des Produits de la Requérante ou si elle est adaptée à les distinguer de ceux de l’Opposante ou de ceux d’autres négociants en tabac dont les produits sont vendus dans des emballages de couleur violette.

[90]  La date pertinente pour l’examen des circonstances entourant ce motif d’opposition est celle de la date de production des déclarations d’opposition respectives (c’est-à-dire le 10 juin 2013 relativement à la Demande 250 et le 27 mai 2013 relativement à la Demande 255) [Andres Wines Ltd c E & J Gallo Winery (1975), 25 CPR (2d) 126 (CAF), à la p 130; et Park Avenue Furniture Corp c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF), à la p 424]. L’Opposante a le fardeau de preuve initial d’établir les faits allégués à l’appui de son motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif. Après s’être acquittée de ce fardeau de preuve, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses Produits de ceux de tiers dans l’ensemble du Canada [Muffin Houses Inc c The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)].

[91]  Comme il est indiqué dans la Décision 117, supra, au paragraphe 38, l’Opposante doit établir que la couleur violette a été employée sur l’emballage de produits de tabac par des tiers dans une telle mesure et d’une telle façon que cet emploi est devenu suffisamment connu pour que le caractère distinctif de la Marque n’existe plus à la date pertinente applicable [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst) à la p 58]. En d’autres termes, l’Opposante a seulement besoin de démontrer que les paquets violets étaient fréquemment utilisés dans l’industrie du tabac à la date pertinente [Novopharm c Astra Aktiebolag (2004), 36 CPR (4th) 158 à 174 (COMC)].

[92]  Comme il a été souligné dans la preuve présentée ci-dessus, l’Opposante a produit par la voie de l’affidavit Shannon et de l’affidavit Sue une preuve concernant 14 produits de tabac de tiers vendus au Canada, présentant différentes nuances de la couleur violette sur leur emballage (12 sont des produits de tabac aromatisé, un est un produit de tabac non aromatisé et le dernier est la marque de cigarettes MS SUPER SLIMS de l’Opposante, également vendu dans un paquet violet).

[93]  Examinant d’abord la preuve d’emploi des cigarettes MS SUPER SLIMS de l’Opposante présentée par la voie de l’affidavit Shannon, je souligne que le produit lancé en septembre 2012 sous cette marque comprend des cigarettes « à l’arôme velouté » (vendues dans un paquet violet) et des cigarettes « aromatisées au menthol » (vendues dans un paquet vert). Bien qu’une grande partie de la preuve pertinente de l’Opposante s’inscrive dans la période pertinente, je souligne que les données de vente et de publicité produites ne sont pas réparties et que je ne dispose d’aucune donnée spécifique pour les cigarettes « à l’arôme velouté » dans le paquet violet. Les données figurent plutôt tout le temps en combinaison avec celles concernant les cigarettes « aromatisées au menthol » dans le paquet vert. En l’absence de données spécifiques liées à l’emballage violet, je ne peux que convenir avec la Requérante qu’il n’est pas possible de déterminer la mesure dans laquelle les consommateurs sont devenus habitués à voir l’emballage violet de l’Opposante au Canada avant les dates pertinentes. Par conséquent, je ne considérerai pas cette preuve comme pertinente en ce qui a trait à la question du caractère distinctif.

[94]  Cela m’amène à me pencher sur la preuve produite par la voie de l’affidavit Sue concernant l’emploi par des tiers de produits de tabac vendus dans des emballages de couleur violette.

[95]  Comme il est indiqué ci-dessus, la Requérante s’est opposée à l’affidavit Sue au motif qu’il s’agit de ouï-dire. Plus précisément, la Requérante souligne que M. Sue a admis en contre-interrogatoire qu’il ignorait qui avait acheté les produits présentés aux pièces RS-1 à RS-13, ainsi que l’endroit et le moment où ils avaient été achetés; qu’il n’avait jamais vu les produits annoncés au Canada ou présentés dans un point de vente au détail au Canada; et qu’il ignorait comment les produits auraient été présentés dans un point de vente au détail en 2012. La Requérante soutient également que la partie de l’affidavit Sue concernant le produit de cigares QUORUM Little Q constitue du ouï-dire puisque, [Traduction] « dans le cadre de cette procédure, aucun affidavit n’a été produit par la ou les personnes responsables de a) compiler des données et b) fournir les illustrations de l’emballage du produit ».

[96]  Bien que je puisse avoir été disposée à admettre que les Données de vente fournies par M. Sue satisfont aux critères de la nécessité et de la fiabilité, j’estime que ce n’est pas le cas des photocopies d’échantillons d’emballages jointes comme pièces RS-1 à RS-13 à son affidavit. À cet égard, j’admets que M. Sue a confirmé en contre-interrogatoire que sa description de poste ne comprend pas l’examen ou l’analyse des emballages, des produits et des publicités des concurrents de l’Opposante. M. Sue a toutefois également confirmé en contre-interrogatoire que la Base de données qu’il a consultée pour la préparation de son affidavit ne comprend pas d’illustrations des produits décrits dans les présentes. Je ne peux que convenir avec la Requérante que le fait que M. Sue ignore comment les produits décrits dans son affidavit auraient été présentés dans un point de vente au détail aux dates pertinentes met en doute la fiabilité de son témoignage. J’estime donc que cette preuve constitue une preuve par ouï-dire inadmissible.

[97]  Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait en vertu de l’article 38(2)d) de la Loi. Par conséquent, le motif d’opposition énoncé au paragraphe 3.4 de la déclaration d’opposition est rejeté dans les deux affaires.

[98]  Je tiens à ajouter que si l’Opposante avait demandé et obtenu la permission de produire une preuve supplémentaire pour remédier à cette situation, j’aurais accueilli le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif pour les raisons suivantes.

[99]  La preuve produite par la voie de l’affidavit Sue porte sur des produits de tabac autres que des cigarettes qui sont vendus dans des emballages de différentes nuances de violet, à savoir des cigares, des cigarillos et du tabac sans fumée. Comme il est indiqué dans les Décisions ORANGE, supra, les cigarettes, les cigares, les cigarillos et le tabac sont tous des produits connexes, qui font tous partie de l’industrie du tabac et, même si je présumais qu’ils visent un segment démographique, de clientèle ou de marché différent de ladite industrie, cela ne change en rien le fait qu’ils sont généralement vendus côte à côte par les mêmes voies de commercialisation. J’aurais donc estimé que la preuve relative aux produits autres que des cigarettes est pertinente en ce qui a trait à ce motif.

[100]  Comme indiqué précédemment, tous les emballages de ces produits de tabac, sauf un, arborent une indication quant à l’arôme, plus précisément : de raisin, de baies, de framboise, de vin et de camerise. S’appuyant sur les Décisions ORANGE, la Requérante soutient que tous les produits aromatisés représentent une preuve [Traduction] « non pertinente en ce qui a trait à la question du caractère distinctif […] parce que les consommateurs comprendraient que la couleur de l’emballage est évocatrice de l’arôme plutôt que d’être utilisée comme marque de commerce ». À l’appui de cette allégation, la Requérante renvoie plus précisément au paragraphe 58 de la Décision CF 608, reproduit ci-dessous [Traduction] :

Deuxièmement, une bonne partie de la preuve de JTI a trait à des produits affichant le mot « peach » (pêche) sur l’emballage. À mon avis, il était loisible à la Commission de conclure que ces produits seront associés à la couleur pêche, plutôt qu’à la couleur orange. Il s’agit là d’une question d’appréciation de la preuve concernant un enjeu relevant du cœur même de l’expertise de la Commission. JTI n’évoque pas la non‑pertinence des produits de couleur pêche. La déférence est donc de mise à l’égard de cette conclusion de fait. [soulignement ajouté]

[101]  Je souligne que cet extrait tiré de la Décision CF 608 renvoie aux commentaires formulés par la membre de la Commission Folz au paragraphe 48 de la Décision 116 et au paragraphe 42 de la Décision 117 [Traduction] :

Parmi les cinq produits du tabac de tiers à l’égard desquels M. Sue a fourni des données de ventes antérieures à la date pertinente, trois d’entre eux mentionnent le mot « peach » [pêche] sur leur emballage. Cela m’indique qu’il s’agit de la saveur associée à la marchandise. À mon avis, il s’ensuit que les consommateurs considéreraient que la couleur utilisée sur l’emballage était la couleur pêche par opposition à la couleur orange.

[102]  Respectueusement, je ne comprends pas en quoi la citation du paragraphe 58 de la Décision CF 608 appuie la position de la Requérante portant que tous les produits de tabac aromatisé sont non pertinents en ce qui a trait à la question du caractère distinctif parce que les consommateurs comprendraient que la couleur de l’emballage est évocatrice de l’arôme plutôt que de la marque de commerce.

[103]  Premièrement, je souligne qu’il est bien établi qu’un emploi par un tiers au sens du présent motif ne doit pas nécessairement représenter un emploi à titre de marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi [3M Co c Tape Specialities Ltd (2008), 70 CPR (4th) 138 (COMC); et Décision 117, supra, au para 38].

[104]  Deuxièmement, je n’interprète pas les Décisions ORANGE, supra, comme écartant nécessairement tous les produits de tabac aromatisés de l’analyse au titre du présent motif d’opposition. Un tel produit ne peut être écarté que si la description d’un arôme qui figure sur un produit influence la perception du public et l’indication de la couleur qui est présente sur un produit donné (à titre d’exemple, la couleur « pêche » plutôt que la couleur orange).

[105]  Dans les présentes affaires, bien que les définitions tirées du Canadian Oxford Dictionaries des mots « raspberry » [framboise] et « wine » [vin] indiquent qu’ils peuvent servir de désignation de couleur, je ne peux m’empêcher de voir une différence entre les termes « grape » [raisin], « berry » [baies] et « honey berry » [camerise]. Contrairement à la couleur [Traduction] « pêche » (définie comme [Traduction] « une couleur jaune rosâtre comme celle d’une pêche » et « la couleur rose orangée d’une pêche ») ou les couleurs [Traduction] « framboise » (définie comme [Traduction] « la couleur rose rougeâtre foncée » ou « la couleur rouge d’une framboise [...] un rouge foncé ») et [Traduction] « vin » (définie comme [Traduction] « diminutif de vin rouge » et « la couleur rouge foncé du vin rouge »), les termes « grape » [raisin], « berry » [baies] et « honey berry » [camerise] ne sont pas des couleurs en soi. Ainsi, bien que je conçoive que les consommateurs associeraient l’arôme de raisin aux cigares achetés dans des emballages violets portant la mention « grape » [raisin], j’estime qu’on ne peut conclure que les consommateurs considéreraient également ces emballages de produits comme étant de couleur « grape » [raisin] (cela n’existe pas) plutôt que de couleur violette. Autrement dit, le fait que les consommateurs puissent associer l’arôme de raisin aux produits de tabac liés produits en preuve ne change en rien le fait que les emballages respectifs de ces produits présentent tous différentes nuances de la couleur violette. En conséquence, je conviens avec l’Opposante que tous ces produits de tabac de tiers aromatisés [Traduction] « au raisin/aux baies/à la camerise » dont les emballages présentent différentes nuances de la couleur violette sont pertinents dans le contexte d’un examen consistant à savoir si les consommateurs seraient habitués à voir des produits de tabac vendus dans des emballages de couleur violette sur le marché du tabac.

[106]  Compte tenu de tout ce qui précède, j’écarte uniquement deux des produits de tabac aromatisé de tiers, plus précisément les cigares Bullseye aromatisés à la framboise (pièce RS-4) et les cigarillos avec filtre aromatisés au vin Blackstone (pièce RS-7), puisque l’emballage de ces produits peut être associé par les consommateurs aux couleurs framboise et vin, respectivement, plutôt qu’à la couleur violette.

[107]  Les renseignements sur les ventes des onze autres produits de tabac de tiers produits en preuve et présentant différentes nuances de la couleur violette sur leur emballage indiquent que plus de 1,8 million d’emballages ont été vendus au Canada avant les dates pertinentes à l’égard de ce motif d’opposition. Plus précisément, cela comprend : 6 547 emballages de cigares aromatisés au raisin PT Blunts (pièce RS-1); 1 533 emballages de cigares aromatisés aux baies et 15 443 emballages de cigares aromatisés au raisin Phillies (pièces RS-2 et RS-3); 683 026 emballages de cigares aromatisés au raisin Bullseye (pièce RS-5); 33 978 emballages de minicigarillos aromatisés au raisin Swisher Sweets (pièce RS-6); 217 097 emballages de cigares aromatisés à la camerise et 46 631 emballages de cigares aromatisés au raisin Backwoods (pièces RS-8 et RS-9); 41 412 emballages de cigares aromatisés au raisin Honey T (pièce RS‑10); 495 emballages de cigares Quorum Little Q (pièce RS-11); 608 952 emballages de cigares aromatisés au raisin Prime Time Plus (pièce RS-12); et 233 343 emballages de tabac sans fumée aromatisé aux baies Skoal Long Cut (pièce RS-13).

[108]  Ainsi, si j’avais admis la preuve de l’Opposante, j’aurais estimé qu’elle a présenté une preuve suffisante établissant que des emballages de couleur violette étaient courants dans l’industrie du tabac aux dates pertinentes pour s’acquitter de son fardeau de preuve. Bien que la jurisprudence n’établisse pas clairement la portée des ventes que l’Opposante doit démontrer, j’estime que la preuve ci-dessus de ventes de plus de 1,8 million d’emballages de produits liés au tabac, dont les emballages présentent certainement tous la couleur violette, n’est en rien minimale et est plus que suffisante, plus particulièrement comparativement aux 980 000 paquets de cigarettes de la Requérante vendus aux dates pertinentes. Considérant que le reste de la preuve de la Requérante (y compris ses dépenses en publicité et la distribution déclarée de matériel publicitaire) ne permet pas à la Requérante de s’acquitter de son fardeau ultime de démontrer que la Marque visée par les demandes était distinctive de la source des produits aux dates pertinentes, j’aurais estimé que le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif invoqué au paragraphe 3.4 de la déclaration d’opposition est accueilli dans les deux affaires.

Décision

[109]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse chacune des demandes selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.


Annexe A

[Traduction] Extraits de la déclaration d’opposition produite relativement à la Demande 250

QUESTIONS RELATIVES À LA CONFORMITÉ

 

1.  L’opposante fonde son opposition sur l’alinéa 38(2)a) de la Loi, à savoir que la demande visée par l’opposition n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi, à savoir :

 

1.1  La requérante n’a jamais employé, tel que revendiqué dans la demande visée par l’opposition, LA MARQUE DE COMMERCE en liaison avec les marchandises mentionnées dans ladite demande, la date de premier emploi alléguée est fausse et la requérante n’a pas, le cas échéant, nommé tous ses prédécesseurs en titre [en contravention de l’alinéa 30b) de la Loi];

 

1.2  La marque de commerce prétendument employée n’est pas LA MARQUE DE COMMERCE couverte par la demande visée par l’opposition, mais une autre, différente de celle mentionnée dans la demande visée par l’opposition puisque la couleur qui figure sur l’emballage n’est pas le violet [en contravention des alinéas 30b) et 30h) de la Loi];

 

1.3  La marque de commerce prétendument employée n’est pas LA MARQUE DE COMMERCE couverte par la demande visée par l’opposition, mais une autre, différente de celle mentionnée dans la demande visée par l’opposition puisque la couleur n’est pas appliquée sur toute la surface de l’emballage particulier [en contravention de l’alinéa 30b) de la Loi];

 

1.4  La marque de commerce prétendument employée n’est pas LA MARQUE DE COMMERCE couverte par la demande visée par l’opposition, mais une autre, différente de celle mentionnée dans la demande visée par l’opposition puisque la marque s’inscrit dans la définition de signe distinctif au titre de l’article 2 de la Loi [en contravention des alinéas 30b) et 30h) de la Loi];

 

1.5  À titre subsidiaire ou de façon cumulative, l’emploi (qui est réfuté) de la MARQUE DE COMMERCE en liaison avec les marchandises mentionnées dans la demande visée par l’opposition, n’a pas été continu [en contravention de l’alinéa 30b) de la Loi];

 

1.6  LA MARQUE DE COMMERCE prétendument employée n’est pas une marque de commerce puisqu’elle a uniquement une vocation fonctionnelle ou ornementale et décorative seulement plutôt que d’être un indicateur de source [en contravention de l’alinéa 30b) de la Loi];

 

1.7  Le dessin produit dans la demande relative à la MARQUE DE COMMERCE n’est pas une représentation significative de la MARQUE DE COMMERCE de la Requérante dans le contexte de la description écrite figurant dans la demande. La demande crée de la confusion et est ambiguë, à savoir que la portée de la marque de commerce n’a pas été correctement décrite. La surface visible sur laquelle la couleur est appliquée dans le dessin de l’emballage particulier n’est pas correctement présentée [en contravention de l’alinéa 30h) de la Loi];

 

1.8  La demande relative à la MARQUE DE COMMERCE ne comprend pas un dessin et une représentation corrects de la MARQUE DE COMMERCE, dans la mesure où l’objet de la demande d’enregistrement est un signe distinctif (tel que défini à l’article 2 de la Loi) puisque la MARQUE DE COMMERCE revendiquée et décrite est un mode d’emballage des marchandises [en contravention de l’alinéa 30h) de la Loi];

 

1.9  La déclaration selon laquelle la requérante est convaincue de son droit d’employer la MARQUE DE COMMERCE au Canada est fausse à la lumière du contenu de la présente opposition, y compris le fait que la requérante savait que LA MARQUE DE COMMERCE n’est pas une marque de commerce pour les raisons énoncées ci-dessus. De plus, la Requérante et sa société affiliée, Player’s Company Inc., ont adopté une procédure de production de demandes d’enregistrement de marques de commerce uniquement pour des couleurs, tel que revendiqué dans les demandes nos LMC1317127 et 1317128 (PAQUET ORANGE DESSIN); LMC1605729 et 1605733 (PAQUET BRUN DESSIN); LMC1580255; 1580250 (PAQUET VIOLET DESSIN), dans une tentative d’en obtenir l’usage exclusif, même si elles savent que cela est contraire à la politique publique, menant à un épuisement de disponibilité de la couleur pour des tiers [en contravention de l’alinéa 30i) de la Loi];

 

QUESTIONS RELATIVES À L’ENREGISTRABILITÉ

 

2.  L’opposante fonde son opposition sur l’alinéa 38(2)b) de la Loi, à savoir qu’au titre du paragraphe 12(1) de la Loi, LA MARQUE DE COMMERCE n’est pas enregistrable puisque :

 

2.1  au titre de l’article 12 de la Loi, si LA MARQUE DE COMMERCE est effectivement une marque, ce qui est réfuté, la MARQUE DE COMMERCE est un signe distinctif au sens de l’article 2 de la Loi. La conformité aux exigences d’enregistrabilité de l’article 12 de la Loi est assujettie aux dispositions de l’article 13 de la Loi. LA MARQUE DE COMMERCE n’a pas été employée par la Requérante de façon à devenir distinctive à la date de production de la demande (1er juin 2012), tel que l’exige l’alinéa 13(1)a) de la Loi comme condition préalable à l’enregistrabilité; et

 

2.2  tout octroi à la Requérante d’un emploi exclusif de LA MARQUE DE COMMERCE risque de restreindre déraisonnablement le développement de l’industrie, plus particulièrement la production, la commercialisation et la vente de produits de tabac manufacturés au Canada

 

QUESTIONS RELATIVES AU CARACTÈRE DISTINCTIF

 

3.  L’opposante fonde son opposition sur l’article 38(2)d) de la Loi, à savoir qu’au titre de l’article 2 de la Loi (définition de « caractère distinctif »), LA MARQUE DE COMMERCE n’est pas distinctive des marchandises de la requérante puisque :

 

3.1  LA MARQUE DE COMMERCE n’est pas distinctive des produits de la requérante puisqu’elle ne distingue pas les produits de tabac avec lesquels LA MARQUE DE COMMERCE est prétendument employée par la requérante pas plus qu’elle n’est adaptée à les distinguer puisque LA MARQUE DE COMMERCE n’est jamais employée seule, mais plutôt avec d’autres inscriptions et indications quant à la source sur des emballages de forme courante.

3.2  LA MARQUE DE COMMERCE est employée par Imperial Tobacco Company et, par conséquent, hors de la portée de l’emploi sous licence prévu à l’article 50 de la Loi;

 

3.3  LA MARQUE DE COMMERCE ne distingue pas et n’est pas adaptée à distinguer les marchandises de la requérante de celles de tiers, puisqu’elle a uniquement une vocation fonctionnelle ou ornementale/décorative plutôt que d’être un indicateur de source.

 

3.4  LA MARQUE DE COMMERCE ne distingue pas et n’est pas adaptée à distinguer les produits de tabac en liaison avec lesquels la MARQUE DE COMMERCE alléguée est prétendument employée par la requérante (dont l’emploi est de toute façon réfuté) des produits d’autres négociants en tabac (voir le tableau ci-dessous) dont les produits de tabac sont vendus dans des emballages de couleur de nuances semblables mais différentes de celle de la [Traduction] « couleur violette » de la MARQUE DE COMMERCE alléguée, tel que revendiqué par requérante dans sa demande.

 

Marque

Négociants en tabac

PT Blunts

Prime Time PT Blunts

Phillies

Altadis USA Inc

Bullseye

Casa Cubana

Swisher Sweets

Swisher International, Inc

Blackstone

Swisher International, Inc

Backwoods

Altadis USA/Altadis USA, Inc.

Honey T

Distribution GVA Inc.

Quorum

Little Q

JC Newman Cigar Company

Prime Time

Casa Cubana

Skoal

National Smokeless Tobacco, Ltd

Macdonald Spéciale

Macdonald Special

JTI-Macdonald Corp.

Sweet Killarney

Peterson of Dublin

Peterson

Sherlock Holmes

Peterson of Dublin

Majorette

M DESIGN

Distribution GVA Inc

Kwiki

Distribution GVA Inc

Axle

Lanwest Manufacturing Technologies Inc.

Sterling

Imperial Tobacco

 


 

Annexe B
[Traduction]

Extraits de la déclaration d’opposition produite relativement à la Demande 255

[Seuls les motifs d’opposition fondés sur l’article 30 dont le contenu ou le numéro diffère de ceux reproduits à l’annexe A relativement à la Demande 250 sont reproduits ici]

 

QUESTIONS RELATIVES À LA CONFORMITÉ

 

1.  L’opposante fonde son opposition sur l’alinéa 38(2)a) de la Loi, à savoir que la demande visée par l’opposition n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi, à savoir :

 

[…]

 

1.3  La marque de commerce prétendument employée n’est pas LA MARQUE DE COMMERCE couverte par la demande visée par l’opposition, mais une autre, différente de celle mentionnée dans la demande visée par l’opposition puisque la marque s’inscrit dans la définition de signe distinctif au titre de l’article 2 de la Loi. [En contravention des alinéas 30b) et 30h) de la Loi];

 

1.4  À titre subsidiaire ou de façon cumulative, l’emploi (qui est réfuté) de la MARQUE DE COMMERCE en liaison avec les marchandises mentionnées dans la demande visée par l’opposition, n’a pas été continu [en contravention de l’alinéa 30b) de la Loi];

 

1.5  LA MARQUE DE COMMERCE n’est pas une marque de commerce puisqu’elle a uniquement une vocation fonctionnelle ou ornementale et décorative seulement plutôt que d’être un indicateur de source [en contravention de l’alinéa 30b) de la Loi];

 

1.6  Le dessin produit dans la demande relative à la MARQUE DE COMMERCE n’est pas une représentation significative de la MARQUE DE COMMERCE de la Requérante dans le contexte de la description écrite figurant dans la demande puisque l’emballage n’est pas reproduit en entier. La demande ne comporte pas un nombre suffisant de représentations précises permettant de faire ressortir toutes les caractéristiques de LA MARQUE DE COMMERCE. La demande crée de la confusion et est ambiguë, à savoir qu’elle ne permet pas de déterminer les limites de l’objet sur lequel est appliquée la couleur [en contravention de l’alinéa 30h) de la Loi];

 

1.7  La demande relative à la MARQUE DE COMMERCE ne comprend pas un dessin et une représentation corrects de la MARQUE DE COMMERCE dans la mesure où l’objet de la demande d’enregistrement est un signe distinctif (tel que défini à l’article 2 de la Loi) puisque la MARQUE DE COMMERCE revendiquée et décrite est un mode d’emballage des marchandises [en contravention de l’alinéa 30h) de la Loi];

 

1.8  La déclaration selon laquelle la requérante est convaincue de son droit d’employer la MARQUE DE COMMERCE au Canada est fausse à la lumière du contenu de la présente opposition, y compris le fait que la requérante savait que LA MARQUE DE COMMERCE n’est pas une marque de commerce pour les raisons énoncées ci-dessus. De plus, la Requérante et sa société affiliée, Player’s Company Inc., ont adopté une procédure de production de demandes d’enregistrement de marques de commerce uniquement sur le fondement de couleurs, tel que revendiqué dans les demandes nos LMC1317127 et 1317128 (PAQUET ORANGE DESSIN); LMC1605729 et 1605733 (PAQUET BRUN DESSIN); LMC1580255; 1580250 (PAQUET VIOLET DESSIN), dans une tentative d’en obtenir l’usage exclusif, même si elles savent que cela est contraire à la politique publique, menant à un épuisement de disponibilité de la couleur pour des tiers [en contravention de l’alinéa 30i) de la Loi].


 

Annexe C

Extrait de la pièce E.2 jointe à l’affidavit Dacayanan

Extrait de la pièce E.1 jointe à l’affidavit Dacayanan


 

Extrait de la pièce D jointe à l’affidavit Dacayanan

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2018-10-11

COMPARUTIONS

Stella Syrianos et Barry Gamache

POUR L’OPPOSANTE

Timothy Stevenson

POUR LA REQUÉRANTE

AGENT(S) AU DOSSIER

ROBIC

POUR L’OPPOSANTE

SMART & BIGGAR

POUR LA REQUÉRANTE

 

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