Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2019 COMC 50

Date de la décision : 2019-05-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

Unilever Canada Inc.

Opposante

et

 

Coty Germany GmbH

Requérante

 

 

 



 

1,710,649 pour la marque de commerce EXTRA FRESH

 

Demande

 

[1]  Unilever Canada Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce EXTRA FRESH (la Marque), qui fait l’objet de la demande d’enregistrement no 1,710,649 au nom de Coty Germany GmbH (la Requérante). Produite le 13 janvier 2015, la demande est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins aussi tôt que novembre 2012 en liaison avec des gels douche, des fragrances et articles de parfumerie, des déodorants pour usage personnel, des lotions après-rasage et des préparations de soins capillaires (les Produits).

[2]  L’Opposante allègue ce qui suit dans sa déclaration d’opposition : i) la demande n’est pas conforme aux exigences des articles 30b) et 30e) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi); ii) la Marque n’est pas enregistrable selon l’article 12(1)b) de la Loi; et iii) la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi.

[3]  Pour les raisons qui suivent, je repousse la demande d’enregistrement parce que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer que la Marque est enregistrable selon l’article 12(1)b) de la Loi, plus précisément que la Marque ne donne pas une description claire de la nature des Produits.

Le dossier

[4]  L’Opposante a produit une déclaration d’opposition le 14 juin 2016. La Requérante a produit et signifié sa contre-déclaration. Aucune des parties n’a produit d’éléments de preuve ou de plaidoyer écrits, et aucune n’a demandé la tenue d’une audience.

Fardeau de preuve initial et fardeau ultime

[5]  La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)].

Motifs d’opposition

 

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b)

[6]  J’examinerai d’abord le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) de la Loi. La date pertinente pour l’appréciation de ce motif d’opposition est la date de production de la demande [Fiesta Barbeques Ltd c General Housewares Corporation, 2003 CF 1021].

[7]  L’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable selon l’article 12(1)b) de la Loi, car elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des Produits. Plus précisément, l’Opposante allègue que la Marque donne une description claire du fait [Traduction] « que les produits procurent au consommateur qui les utilise une sensation de grande fraîcheur ».

[8]  Pour déterminer si la Marque donne une description claire, il faut envisager la Marque sous l’angle de la première impression dans le contexte des Produits [John Labatt Ltd c Carling Breweries Ltd (1974), 18 CPR (2d) 15, à la p 19 (CF 1re inst)]. Le mot « nature » s’entend d’une particularité, d’un trait ou d’une caractéristique des produits et le mot « claire » signifie « facile à comprendre, évident ou simple » [Drackett Co of Canada Ltd c American Home Products Corp (1968), 55 CPR 29, à la p 34 (C de l’É]. En outre, la nature ou la qualité d’un produit incluent l’effet ou la fonction de ce dernier [Sharp Kabushiki c Dahlberg Electronics, Inc (1983), 80 CPR (2d) 47 (COMC), à la p 55].

[9]  De plus, pour déterminer si une marque de commerce est enregistrable selon l’article 12(1)b) de la Loi, le registraire doit non seulement tenir compte de la preuve, mais également user de sens commun [Neptune SA c Canada (Procureur général) (2003), 29 CPR (4th) 497 (CF 1re inst)]. Enfin, l’interdiction prévue à l’article 12(1)b) de la Loi a pour objet d’empêcher un commerçant unique de monopoliser un terme qui donne une description claire ou qui est usuel dans le commerce et de placer ainsi des commerçants légitimes dans une position désavantageuse [Canadian Parking Equipment Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1990), 34 CPR (3d) 154 (CF 1re inst), au para 15].

L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve

[10]  Un opposant peut s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) simplement par référence à la signification habituelle des mots qui composent la marque du requérant [voir, à titre d’exemple, Flowers Canada/Fleurs Canada Inc c Maple Ridge Florist Ltd (1998), 86 CPR (3d) 110 (COMC)]. Un opposant peut ne pas avoir à présenter de preuve si son motif d’opposition peut être entièrement fondé sur la signification habituelle des mots [McIntosh c La-Co Industries Inc, 1998 CanLII 18596 (COMC)]. Pour déterminer si l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial en l’espèce, j’ai pris connaissance d’office des définitions suivantes des termes EXTRA et FRESH [frais] contenues dans le Canadian Oxford Dictionary (2e éd.) [voir Molson Breweries, A Partnership c Saigon International Enterprise Inc, 2002 CanLII 61422 (COMC) en ce qui concerne le pouvoir du registraire de consulter des définitions du dictionnaire pour trancher un motif fondé sur l’article 12(1)b)] :

EXTRA

 [Traduction]
adjectif supplémentaire; qui s’ajoute à ce qui est habituel, nécessaire ou prévu.

adverbe

1. qui s’ajoute au montant habituel, spécifié ou prévu.

2. en sus : a été facturé à titre de supplément

nom

1. chose ajoutée ou en sus.

2. chose pour laquelle des frais supplémentaires sont exigés.

3. personne embauchée à titre temporaire pour figurer dans une scène de film ou une pièce de théâtre, en particulier parmi une foule.

4. numéro spécial d’un journal, etc.

 

 

FRESH [frais]

 

[Traduction]
adjectif

1. nouvellement fabriqué ou obtenu : sandwichs frais.

 (à propos de la neige) nouvellement tombée.

2. autre, différent; qui n’était pas connu ou n’avait pas été utilisé jusqu’ici start a fresh page [amorcer un nouveau chapitre] | we need fresh ideas [nous avons besoin d’idées nouvelles] | make a fresh start [prendre un nouveau départ].

 supplémentaire : fresh supplies [ravitaillement].

3. [suivi de from [de]] récemment arrivé de ou provenant directement de (un endroit ou une situation).

4. qui n’est pas rassis, moisi ou flétri : fresh flowers [fleurs fraîches] | fresh eggs [œufs frais] | fresh memories [souvenirs encore vifs].

5. (à propos d’un aliment) qui n’est pas conservé par séchage, salaison, appertisation, congélation, etc.

 (à propos d’un fruit) qui n’a pas été cuit.

6. non salé : fresh water [eau douce].

7. pur, non contaminé, rafraîchissant, vivifiant : fresh air [air frais].

 d’une couleur pure et éclatante : a fresh complexion [un teint frais].

8. (à propos du vent) vif; de force considérable

9. alerte, vigoureux, en forme : never felt fresher [je ne me suis jamais senti aussi en forme].

10. familier impudent ou présomptueux, en particulier d’une manière sexuelle.

11. jeune et inexpérimenté.

12. Amérique du Nord (à propos d’une vache, en particulier) qui vient tout juste de mettre bas et qui produit du lait frais en quantité.

 

[11]  Si je considère la Marque sous l’angle de la première impression dans le contexte des Produits, j’estime que la première impression qui se dégage de l’expression EXTRA FRESH est qu’elle décrit l’effet des produits de l’Opposante, c’est-à-dire soit la sensation qu’un consommateur ressentira après avoir utilisé les Produits (celle de sentir plus propre qu’à l’habitude) soit la façon dont un consommateur sera perçu par les autres. Par conséquent, j’estime que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve. J’estime que la présente affaire est semblable à l’affaire Thomson Research Associates Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 67 CPR (2d) 205 (CF 1re inst), dans laquelle le juge Mahoney était saisi de l’appel d’une décision du registraire repoussant une demande d’enregistrement pour la marque de commerce ULTRA FRESH en liaison avec des agents bactériostatiques et fongiostatiques. À la page 208 de cette décision, le juge de première instance a formulé les observations suivantes [Traduction] :

Je conviens avec l’intimée que l’expression « ultra fresh » [ultra frais] donne une description claire. Elle n’est pas descriptive des agents bactériostatiques et fongiostatiques eux-mêmes, mais elle donne effectivement une description claire ou une description fausse et trompeuse de l’état du produit, p. ex. le sous-vêtement, une fois qu’il a été traité à l’aide de ces agents bactériostatiques et fongiostatiques.

Je ne pense pas que les diverses décisions faisant autorité, auxquelles appartient GWG Ltd., supra, sur la question de la distinction entre les marques de commerce qui sont simplement suggestives d’une caractéristique des marchandises et celles qui en donnent une description claire soient pertinentes. L’expression « ultra clean » [ultra propre] ne suggère pas simplement une caractéristique des agents bactériostatiques et fongiostatiques; elle suggère clairement le principal, voire l’unique, effet de leur application à d’autres marchandises ou, en d’autres termes, leur fonction.

 

Cela été confirmé dans Thomson Research Associates Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1983), 71 CPR (2d) 287 (CAF) [Traduction] :

À notre avis, l’expression ULTRA FRESH donne une description claire de la fonction, de l’objet et de l’effet des agents bactériostatiques et fongiostatiques, lorsque ces derniers sont utilisés comme prévu, en liaison avec lesquels elle est employée comme marque de commerce. Il s’ensuit que son enregistrement a été refusé à juste titre, car il contreviendrait à l’alinéa 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1970, ch. T-10.

 

La Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime

[12]  Étant donné que la Requérante n’a présenté ni preuve ni arguments à l’appui de son allégation portant que la Marque est enregistrable selon l’article 12(1)b) de la Loi, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait. En conséquence, ce motif d’opposition est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[13]  L’Opposante allègue que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, parce qu’elle ne distingue pas véritablement et n’est pas adaptée à distinguer les Produits de la Requérante des produits d’un certain nombre de tiers qui emploient l’expression « extra fresh » [extra frais]. Étant donné que l’Opposante n’a produit aucune preuve de la réputation d’EXTRA FRESH au Canada ou de l’emploi d’EXTRA FRESH au Canada par les tiers énumérés dans la déclaration d’opposition, elle ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve. En conséquence, ce motif d’opposition est rejeté.

Motifs d’opposition fondés sur les articles 30b) et 30e)

[14]  L’Opposante allègue que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30b) et de l’article 30e) de la Loi, car la Requérante n’a pas correctement indiqué le fondement de la demande, qui aurait dû être l’emploi projeté, et/ou n’a pas correctement indiqué la date de premier emploi. L’Opposante n’a produit aucune preuve à l’appui de ses allégations. L’Opposante ne s’est donc pas acquittée de son fardeau de preuve. En conséquence, ce motif d’opposition est rejeté.

Décision

[15]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

AUCUNE AUDIENCE TENUE

 

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

WILSON LUE LLP  POUR L’OPPOSANTE




BERESKIN & PARR LLP/S.E.N.C.R.L.,

S.R.L.   POUR LA REQUÉRANTE

 

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