Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2019 COMC 57

Date de la décision : 2019-06-13

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Robinson Sheppard Shapiro LLP

Partie requérante

et

 

Digital Hair Partners, LLC

Propriétaire inscrite

 

LMC823,725 pour la marque de commerce CONCEPT VERT

Enregistrement

[1]  La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée à l’égard de l’enregistrement no LMC823,725 de la marque de commerce CONCEPT VERT (la Marque) appartenant à Digital Hair partners, LLC, une société à responsabilité limitée du Michigan.

[2]  La Marque est actuellement enregistrée en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

(1)  Produits de soins capillaires; shampooings et revitalisants; produits coiffants.

[3]  Pour les raisons exposées ci-dessous, je conclus qu’il y a lieu de radier l’enregistrement.

La procédure

[4]  Le 13 février 2017, le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Laurent D. Product, Inc., faisant affaire sous le nom de Prive Products, la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC823,725. L’avis a été donné à la demande de Robinson Sheppard Shapiro LLP (la Partie requérante).

[5]  Suivant l’envoi de l’avis, le registraire a porté au registre un changement dans la propriété de l’enregistrement au profit de Digital Hair Partners, LLC (la Propriétaire). Ce changement de propriétaire n’est pas en cause dans la présente procédure.

[6]  L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique, à l’égard de chacun des produits et/ou des services spécifiés dans l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, qu’il précise la date à laquelle la marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 13 février 2014 au 13 février 2017.

[7]  La définition pertinente d’« emploi » est énoncée à l’article 4(1) de la Loi, lequel est libellé comme suit :

4(1)  Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[8]   Il est bien établi que l’article 45 de la Loi a pour objet et portée d’offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort ». Les critères pour établir l’emploi sont peu exigeants et il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve. Il n’en faut pas moins, cependant, présenter une preuve suffisante pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits et des services visés par l’enregistrement [voir Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp, 2004 CF 448]. En outre, de simples déclarations d’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi [voir Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)].

[9]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Charles S. Salewsky fils, le directeur de la transition de la Propriétaire, souscrit le 6 septembre 2017, accompagné des pièces A à C.

[10]  Aucune des parties n’a produit de représentations écrites ni sollicité la tenue d’une audience.

La preuve

[11]  M. Salewsky explique que la Propriétaire est une société qui a été établie pour reprendre la gamme de produits de soins capillaires PRIVÉ, qui comprend des produits arborant la Marque, de l’ancienne propriétaire, Laurent D. Product Inc., faisant affaire sous le nom de Prive Products. Il atteste que, le 27 janvier 2017, la Propriétaire a acquis tous les droits, le titre de propriété et l’intérêt à l’égard de la Marque de la prédécesseure en titre. À l’appui, comme pièce B, il fournit une copie d’un document confirmant la cession de la marque de commerce à la Propriétaire le 27 janvier 2017. Le document a été signé par la prédécesseure en titre le 17 mars 2017; M. Salewsky explique qu’il a été produit auprès du Bureau canadien des marques de commerce le 22 mars 2017 et admis le 3 avril 2017.

[12]  M. Salewsky atteste que, depuis qu’elle a acquis la Marque, la Propriétaire n’a vendu directement aucun produit arborant la Marque au Canada. Il affirme en outre que la prédécesseure en titre n’a fait aucune vente de produits sous la Marque pendant la période pertinente au Canada.

[13]  Cependant, M. Salewsky atteste qu’il y a eu des ventes des produits visés par l’enregistrement, qu’il appelle collectivement [Traduction] « les Produits », arborant la Marque, faites par des distributeurs tiers au Canada pendant la période pertinente. Comme pièce C, il fournit des imprimés tirés de sites Web de tiers qui offrent actuellement au Canada les Produits arborant la Marque, à savoir www.amazon.ca et le site de Canada Beauty Supply. Je souligne que les imprimés tirés des sites Web présentent de la mousse volumisante, du revitalisant pur régénérant, du shampooing pur régénérant, du revitalisant et du shampooing, arborant tous la Marque. En outre, il affirme que les produits présentés sont les Produits fabriqués et vendus par la prédécesseure en titre.

[14]  Enfin, M. Salewsky affirme que la Propriétaire travaille activement pour vendre directement les Produits aux clients au Canada sous la Marque à l’automne 2017. Il atteste que certains des efforts déployés à l’heure actuelle par la Propriétaire comprennent la recherche d’un maître-distributeur situé à Montréal pour représenter le portefeuille de marques de la Propriétaire à compter de 2018.

Analyse et motifs de décision

[15]  M. Salewsky atteste que des distributeurs tiers ont vendu des produits arborant la Marque pendant la période pertinente. Il est bien établi que la pratique ordinaire du commerce d’un propriétaire inscrit fera souvent intervenir des distributeurs et des grossistes et que toute partie de la chaîne de distribution se trouvant au Canada suffit généralement à établir l’« emploi » au profit du propriétaire [voir Manhattan Industries Inc c Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6 (CF 1re inst); Lin Trading Co c CBM Kabushiki Kaisha (1988), 21 CPR (3d) 417 (CAF)]. Cependant, en l’absence de preuve qui me permettrait de conclure que la vente par l’intermédiaire de ces voies constitue la pratique normale du commerce de l’ancienne propriétaire, il m’est impossible de conclure que l’offre des produits par l’intermédiaire de ces voies constitue un emploi aux fins de l’article 4. Par conséquent, la question à trancher est celle de savoir s’il existait des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi pendant cette période.

[16]  Pour déterminer si l’existence de circonstances spéciales a été établie, le registraire doit en premier lieu déterminer les raisons pour lesquelles la marque de commerce n’a pas été employée pendant la période pertinente. En second lieu, le registraire doit déterminer si les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [Canada (Registraire des marques de commerce) c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)]. Les circonstances spéciales sont des circonstances ou des raisons qui sont inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst)].

[17]  S’il détermine que les raisons du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales, le registraire doit encore déterminer si ces circonstances justifient la période de défaut d’emploi. Cette décision repose sur l’examen de trois critères : 1) la durée de la période pendant laquelle la marque n’a pas été employée; 2) si les raisons du défaut d’emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et 3) s’il existe une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la marque à court terme [selon Harris Knitting Mills, supra]. Ces trois critères sont tous pertinents, mais la satisfaction du deuxième critère est essentielle pour conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [selon Scott Paper Ltd c Smart & Biggar (2008), 65 CPR (4th) 303 (CAF)].

[18]  Cependant, dans les cas où une marque a été acquise récemment, le fait d’exiger qu’un nouveau propriétaire inscrit justifie le défaut d’emploi de la marque par son prédécesseur est considéré comme une approche exagérément technique [voir GPS (UK) c Rainbow Jean Co (1994), 58 CPR (3d) 535 (COMC); Scott Paper Co c Lander Co Canada Ltd (1996), 67 (3d) 274 (COMC)]. En conséquence, la période de défaut d’emploi sera considérée comme commençant à la date de cession.

[19]  En l’espèce, je souligne qu’il existe une certaine ambiguïté dans la preuve de la Propriétaire en ce qui concerne la date de cession; bien que M. Salewsky et le document joint comme pièce B mentionnent le 27 janvier 2017 comme étant la date de cession, le changement dans la propriété n’a été produit auprès du Bureau canadien des marques de commerce que le 22 mars 2017 et n’a été porté au registre que le 3 avril 2017. Cependant, les tribunaux ont statué qu’une cession ne doit pas nécessairement être portée au registre du Bureau des marques de commerce ou être documentée par écrit pour être valable; un transfert peut être inféré des faits de l’affaire même si les parties n’ont pas effectué un transfert formel par écrit [voir Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1985), 7 CPR (3d) 254 (CF 1re inst) conf par (1987), 17 CPR (3d) 289 (CAF); Sim & McBurney c Buttino Investments Inc/Les Investissements Buttino Inc (1996), 66 CPR (3d) 77 (CF 1re inst) conf par (1997), 76 CPR (3d) 482 (CAF); et White Consolidated Industries Inc c Beam of Canada Inc (1991), 39 CPR (3d) 94 (CF 1re inst)]. Après examen de la preuve dans son ensemble, et en tenant compte du fait que la procédure prévue à l’article 45 a pour objet de fournir une procédure administrative sommaire et expéditive pour débarrasser le registre des marques de commerce qui ne sont plus employées au Canada, j’admets que la cession a eu lieu le 27 janvier 2017 mais qu’elle n’a simplement pas été portée au registre à ce moment.

[20]  Ainsi, la période de défaut d’emploi est de dix-sept jours. Étant donné la courte période entre la date d’acquisition de la Marque et l’envoi de l’avis prévu à l’article 45, la Propriétaire est uniquement tenue de démontrer une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement [Scott Paper, supra, au para 14].

[21]  En l’espèce, les seuls éléments de preuve fournis pour démontrer une intention sérieuse de reprendre l’emploi sont les déclarations de M. Salewsky selon lesquelles la Propriétaire [Traduction] « travaille activement » pour reprendre l’emploi à l’automne 2017 et la Propriétaire recherche un maître-distributeur situé à Montréal pour représenter son portefeuille de marques. Le genre de preuve requise pour démontrer une intention sérieuse de reprendre l’emploi à court terme est examiné comme suit dans Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217, au para 12 (CF 1re inst) [Traduction] :

Il est par conséquent important, dans les cas où le défaut d’emploi a été admis et l’inscrivant invoque des « circonstances spéciales », que la preuve produite à l’appui du maintien de la protection ne se limite pas à une simple déclaration, mais fournisse des renseignements pour étayer l’allégation. Le registraire a conclu que l’intention de reprendre l’emploi était une simple déclaration et que l’appelante n’a pas démontré une intention sérieuse de reprendre l’emploi au Canada dans un avenir rapproché. Aucun autre renseignement, comme la date de reprise projetée ou une description des mesures à prendre pour effectivement reprendre l’emploi de la marque, n’a été inclus dans la preuve. L’appelante n’indique pas avec assurance son intention de reprendre l’emploi; ce tribunal ignore combien de temps la période de défaut d’emploi perdurera. Comme l’indique le registraire, « la déclaration selon laquelle la propriétaire de la marque de commerce a l’intention d’employer la marque de commerce au Canada n’est pas en soi suffisante pour maintenir l’enregistrement ».

[22]  En l’espèce, M. Salewsky fournit une date éventuelle de reprise de l’emploi et le nom d’un distributeur éventuel. Cependant, les négociations ou les discussions avec des distributeurs éventuels, sans plus, ne sont pas suffisantes pour démontrer une intention sérieuse de reprendre l’emploi [Canada Goose Inc c James, 2016 COMC 145, au para 47; NTD Apparel Inc c Ryan (2003), 27 CPR (4th) 73, au para 26]. Je souligne également que M. Salewsky indique que ces efforts sont [Traduction] « déployés à l’heure actuelle »; cependant, rien n’indique que des mesures concrètes pour reprendre l’emploi ont été prises pendant la période pertinente, ce qui est nécessaire pour démontrer une intention sérieuse de reprendre l’emploi [Morrison Brown Sosnovitch LLP c Jax and Bones Inc, 2014 COMC 280, au para 23]. De façon similaire, la date éventuelle de reprise de l’emploi est vague et semble incompatible avec le délai nécessaire pour trouver un maître-distributeur, ce qui fait en sorte qu’il est difficile de déterminer à quel moment l’emploi sera repris. Enfin, je souligne que le texte de l’affidavit donne à penser que la Propriétaire et l’ancienne propriétaire prévoyaient toutes deux la vente de la Marque depuis au moins trois ans; il est donc plus raisonnable de s’attendre à ce que la Propriétaire ait été en mesure de fournir une preuve concrète de ses plans pour reprendre l’emploi.

[23]  En conséquence, compte tenu de ce qui précède, je conclus que la Propriétaire n’a pas démontré que le défaut d’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement était attribuable à des circonstances spéciales qui justifieraient ce défaut d’emploi.

Décision

[24]  En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement no LMC823,725 sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

 

Gregory Melchin

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience tenue

AGENT(S) AU DOSSIER

Moffat & Co.

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Robinson Sheppard Shapiro LLP

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE


 

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