Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2019 COMC 55

Date de la décision : 2019-07-03

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Corporation Financière Phildan inc.

Opposante

et

 

LIDL STIFTUNG & CO. KG

Requérante

 

1,704,523 pour la marque de commerce GRILL & FUN (& DESSIN)

Demande

introduction

[1]  La Corporation Financière Phildan inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce GRILL & FUN (& DESSIN) (la Marque), reproduite ci-dessous, qui fait l’objet de la demande no 1,704,523 produite par LIDL STIFTUNG & CO. KG (la Requérante) :

[2]  La couleur est revendiquée comme une caractéristique de la marque de commerce : les mots GRILL & FUN [gril et plaisir] sont blancs sur un arrière-plan rouge.

[3]  La demande est fondée à la fois sur l’emploi projeté de la Marque par la Requérante au Canada et sur son enregistrement dans l’Union européenne et son emploi en Allemagne en liaison avec divers produits dont les produits [Traduction] « vin, boissons contenant du vin, cidre » (les Produits). La liste complète des produits qui sont visés par la demande relative à la Marque est présentée à l’annexe A de ma décision.

[4]  L’opposition a été engagée en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) dans sa version alors en vigueur (ancienne Loi), et des motifs d’opposition fondés sur les articles 2 (absence de caractère distinctif), 12(1)d) (non-enregistrabilité), 16(2)a), 16(3)a), 16(2)c) et 16(3)c) (absence de droit à l’enregistrement), et 30d) et 30e) (non-conformité) de l’ancienne Loi ont initialement été soulevés. Cependant, dans son plaidoyer écrit, l’Opposante a volontairement retiré les motifs d’opposition fondés sur les articles 16(2)c) et 16(3)c) de l’ancienne Loi, énoncés au paragraphe 10.D de la déclaration d’opposition. Je n’examinerai donc pas ces motifs d’opposition dans ma décision.

[5]  Je tiens également à souligner que, tel qu’il est indiqué au paragraphe 3 de sa déclaration d’opposition, l’Opposante s’oppose à la demande uniquement en ce qui concerne les Produits. J’évaluerai donc tous les motifs d’opposition, mais à l’égard des Produits seulement. La question centrale est celle de savoir s’il existe une probabilité de confusion entre la Marque employée en liaison avec les Produits et la marque de commerce FUN de l’Opposante qui est enregistrée sous le no LMC795,637 en liaison avec du « vin ».

[6]  Pour les raisons exposées ci-dessous, l’opposition est accueillie.

le dossier

[7]  La demande relative à la Marque a été produite le 26 novembre 2014 et la Requérante revendique la priorité en vertu de l’article 34 de la Loi au motif qu’une demande d’enregistrement relative à la même marque de commerce ou sensiblement la même a été produite auprès de l’Office de la propriété intellectuelle de l’Union européenne le 30 mai 2014 sous le no 12924395.

[8]  La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 3 février 2016.

[9]  Le 21 juin 2016, Fun Estates Ltd. (FEL), l’ancienne propriétaire de la marque de commerce déposée FUN, s’est initialement opposée à la demande relative à la Marque. Le 18 août 2016, à la suite de la demande de Requérante pour obtenir une décision interlocutoire quant au caractère suffisant des allégations formulées dans la déclaration d’opposition, FEL a demandé la permission de produire une déclaration d’opposition modifiée. Dans une lettre du Bureau datée du 16 décembre 2016, la permission a été accordée à FEL de modifier sa déclaration d’opposition.

[10]  Le 17 août 2016, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste les motifs d’opposition énoncés dans la déclaration d’opposition.

[11]  Comme je l’explique ci-dessous, le 6 décembre 2016, le registraire a inscrit un changement dans la propriété de la marque de commerce déposée FUN, qui a été transférée de FEL à l’Opposante.

[12]  Le 24 février 2017, la Requérante a demandé la permission de produire une demande de marque de commerce modifiée afin d’ajouter des pays dans lesquels la Marque était employée en plus de l’Allemagne, à savoir : la République tchèque, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie. Le 7 mars 2017, le registraire a refusé la modification, car il a estimé que la demande modifiée contrevenait à l’article 32d) du Règlement sur les marques de commerce (DORS96‑195), dans sa version antérieure au 17 juin 2019. Le 17 mars 2017, la Requérante a demandé que la décision du registraire soit reconsidérée, faisant valoir que la modification visait uniquement à ajouter d’autres pays dans lesquels la Marque était employée. Le 30 mars 2017, le registraire a maintenu son refus, parce que la Requérante avait tenté d’ajouter d’autres pays qui n’étaient pas mentionnés dans la demande originale annoncée.

[13]  Le 15 juin 2017, l’Opposante a demandé la permission de produire une déclaration d’opposition à nouveau modifiée pour tenir compte du changement dans la propriété de la marque de commerce déposée FUN enregistrée sous le no LMC795,637 (qui a été transférée de FEL à l’Opposante le 30 novembre 2016). Dans une lettre du Bureau datée du 4 octobre 2017, la permission a été accordée à l’Opposante de modifier à nouveau sa déclaration d’opposition pour désigner l’Opposante.

[14]  Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit ce qui suit :

  • L’affidavit de Philippe Dandurand, qui gère et administre les affaires de Vins Philippe Dandurand inc. (VPDI) et de FEL, souscrit le 14 décembre 2016 (l’affidavit Dandurand).

  • L’affidavit de Gaël Picout, un technicien juridique à l’emploi des agents de marques de commerce de l’Opposante, souscrit le 15 décembre 2016 (l’affidavit Picout).

[15]  La Requérante a choisi de ne produire aucune preuve au soutien de sa demande.

[16]  Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit. La tenue d’une audience a été sollicitée, mais celle-ci a finalement été annulée par les parties.

remarque préliminaire concernant l’affidavit Dandurand

[17]  Dans une lettre datée du 15 juin 2017, les agents de l’Opposante indiquent que l’affidavit Dandurand a été préparé avant la cession, en faveur de l’Opposante, de la marque de commerce déposée FUN enregistrée sous le no LMC795,637 et que leur service juridique n’avait pas informé le service des marques de commerce de la transaction projetée, de sorte qu’il y avait une erreur d’écriture évidente dans l’affidavit signé le 14 décembre 2016, qui aurait dû indiquer que [Traduction] « FEL a été la propriétaire de l’enregistrement [de marque de commerce] [LMC795,637] relatif à la marque FUN jusqu’au 30 novembre 2016... », plutôt que [Traduction] « FEL est la propriétaire de l’enregistrement [de marque de commerce] [LMC795,637]… ». Les agents de l’Opposante expliquent que cette erreur d’écriture n’a pas été relevée par le déposant lui-même lorsqu’il a signé l’affidavit, n’ayant pas en tête la date exacte du changement dans la propriété. Les agents de l’Opposante soutiennent que cette erreur demeure une erreur d’écriture et n’a pas d’incidence sur la teneur des déclarations du déposant, lesquelles demeurent vérifiables et pertinentes. Les agents de l’Opposante soutiennent en outre que cette erreur d’écriture, qui n’est aucunement préjudiciable à la Requérante, ne peut être retenue contre l’Opposante dans les circonstances, étant donné qu’elle n’a aucune incidence sur le bien-fondé de l’affaire.

[18]  L’oubli de l’Opposante concerne le fait d’avoir désigné FEL comme étant la propriétaire de la marque de commerce FUN enregistrée sous le no LMC795,637 à la date de la signature de l’affidavit Dandurand le 14 décembre 2016, alors qu’il s’agissait de l’Opposante, qui est devenue propriétaire de ladite marque de commerce le 30 novembre 2016. Ainsi qu’il apparaîtra, cet écart de deux semaines dans le changement de propriété n’a aucune incidence sur mon analyse des divers motifs d’opposition ci-dessous. Dans les circonstances, et étant donné que la Requérante n’a pas soulevé d’objection, je considérerai l’erreur comme une lacune technique sans conséquences négatives pour l’Opposante. En outre, lorsque je mentionnerai l’Opposante ci-après dans ma décision, je désignerai collectivement la Corporation Financière Phildan inc. et FEL.

aperçu de la preuve

L’affidavit Dandurand

[19]  Dans les paragraphes d’introduction de son affidavit, M. Dandurand affirme notamment que VPDI est la distributrice exclusive au Canada des vins vendus sous la marque de commerce FUN [para 1 à 5]. M. Dandurand affirme en outre qu’il [Traduction] « gère et administre personnellement » les activités de FEL et de VPDI [para 8 et 9].

[20]  M. Dandurand joint comme pièce PD-1 à son affidavit un extrait de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes concernant l’enregistrement de la marque de commerce FUN en liaison avec du « vin », délivré le 14 avril 2011 [para 6].

[21]  M. Dandurand affirme que les vins vendus sous la marque de commerce FUN forment une gamme de vins rouges et blancs français produits et embouteillés par la « maison Georges Duboeuf ». Il joint comme pièce PD-2 à son affidavit des fiches techniques sur les vins FUN, qui sont présentées sur le site Web de VPDI. Je souligne que ces fiches techniques comportent un avis de droit d’auteur daté de 2016 [para 10].

[22]  M. Dandurand affirme en outre qu’il [Traduction] « contrôle personnellement pour FEL la qualité des vins choisis et les étiquettes des vins FUN » [para 11].

[23]  M. Dandurand explique que les fiches techniques produites en pièce PD-2 de son affidavit illustrent la manière habituelle dont la marque de commerce FUN figure sur les étiquettes des vins et il reproduit les images suivantes dans son affidavit [para 10 et 11] :

[24]  Je dois souligner à ce stade de ma décision que je suis convaincue que l’emploi de la marque de commerce FUN sous la forme stylisée reproduite ci-dessus équivaut à l’emploi de la marque nominale FUN telle qu’elle est enregistrée [Registraire des marques de commerce c Compagnie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); et Nightingale Interloc c Prodesign (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)].

[25]  M. Dandurand affirme que les vins FUN [Traduction] « sont vendus et/ou étaient vendus » au Canada à la Société des alcools du Québec (SAQ), à la Régie des alcools de l’Ontario (LCBO), à la Direction de la distribution des alcools de la Colombie-Britannique (BCLDB), à la Newfoundland Labrador Liquor Corporation (NLLC), à la Société des alcools du Nouveau-Brunswick (ANBL) et à la Régie des alcools et des jeux de hasard de la Saskatchewan (SLGA) [para 14]. À l’appui, il joint comme pièces PD-3 à PD-6, respectivement, des imprimés datés du 14 septembre 2016 présentant les vins FUN offerts en vente sur les sites Web de la SAQ, de la BCLDB, de la NLLC et de l’ANBL.

[26]  M. Dandurand affirme en outre que, pour des raisons de confidentialité, il préfère ne pas divulguer l’ampleur des ventes de vins FUN au Canada. Il affirme plutôt que, [Traduction] « au cours de la dernière année, et dans la province du Québec seulement, plus de 150 000 bouteilles de vin blanc FUN et plus de 100 000 bouteilles de vin rouge FUN ont été vendues ». Il affirme en outre que les ventes des vins FUN au Canada [Traduction] « augmentent de façon constante » [para 19].

[27]  Enfin, M. Dandurand affirme que [Traduction] « au meilleur de [sa] connaissance », les vins FUN de l’Opposante sont les seuls vins commercialisés au Canada en liaison avec une marque de commerce comprenant le mot « FUN » [amusant]. Il affirme en outre que les résultats des recherches effectuées sur les sites Web susmentionnés de la SAQ, de la BCLDB, de la NLLC et de l’ANBL ne comprennent aucun vin, en dehors de ceux de l’Opposante, vendu au Canada sous une marque de commerce comprenant le mot « FUN » [plaisir] [para 20 et 21].

L’affidavit Picout

[28]  L’affidavit Picout présente diverses recherches que M. Picout a effectuées sur Internet le 14 décembre 2016, dont les résultats sont joints à son affidavit dans les pièces suivantes :

  • Pièce GP-1 : des imprimés tirés de ce qu’il est allégué être le site Web allemand de la Requérante accessible au www.lidl.de et se rapportant, selon M. Picout, à [Traduction] « une liste de vins annoncés en Allemagne » [para 4].

  • Pièce GP-2 : des imprimés des résultats d’une recherche effectuée à l’aide du moteur de recherche Google en Allemagne et des mots allemands énumérés ci-dessous; M. Picout ajoute entre parenthèses ce qu’il atteste être leur traduction correspondante en français :

  • - « rotwein fun lidl » (« vin rouge »);

  • - « weisswein fun lidl » (« vin blanc »);

  • - « champagner & sekt fun lidl » (« champagne et mousseux »);

  • - « aperitif & dessertwein fun lidl » (« apéritif et vin de dessert »);

  • - « weinpakete fun lidl » (« caisse de vin »).

M. Picout indique, au paragraphe 5 de son affidavit, avoir effectué une autre recherche à l’aide du même moteur de recherche et des mêmes mots allemands énumérés ci-dessus, mais en substituant au mot « fun » [plaisir] le mot « grill » [gril] :

  • - « rotwein grill lidl »;

  • - « weisswein grill lidl »;

  • - « champagner & sekt grill lidl »;

  • - « aperitif & dessertwein grill lidl »; et

  • - « weinpakete grill lidl ».

Je souligne que les termes français « vin rouge », « vin blanc », « champagne et mousseux », « apéritif et vin de dessert » et « caisse de vin » se traduisent respectivement en anglais par red wine, white wine, champagne and sparkling wine, aperitif and dessert wine et wine crate.

  • Pièce GP-3 : des imprimés des résultats d’une recherche que M. Picout a effectuée à l’aide du moteur de recherche Google allemand en utilisant la phrase suivante en allemand : « Was sind die unter der Marke Weine GRILL & FUN LIDL verkauft? » Il affirme que cette recherche visait à déterminer « quels étaient les vins vendus sous la marque GRILL & FUN de Lidl » [para 6].

  • Pièce GP-4 : des imprimés tirés du site d’archives Wayback Machine présentant, selon M. Picout, [Traduction] « d’anciennes versions du site Web www.lidl.de pour la section sur les ventes de vin » [para 7].

  • Pièce GP-5 : des imprimés des résultats d’une recherche effectuée à l’aide du moteur de recherche Google Images pour repérer les images suivantes :

 

le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[29]  L’Opposante a le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau de preuve initial, la Requérante doit s’acquitter du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition en question ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

analyse des motifs d’opposition

Motifs d’opposition se rapportant à la question de la non-conformité de la demande à l’article 30 de l’ancienne Loi

Non-conformité à l’article 30d) de l’ancienne Loi

[30]  L’Opposante a allégué que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30d) de l’ancienne Loi parce que, à la date de production de la demande, la Requérante n’avait pas employé la Marque en Allemagne (ou ailleurs) en liaison avec les Produits.

[31]  La date pertinente qui s’applique à ce motif d’opposition est la date de production de la demande (26 novembre 2014) [Cook Incorporated c Applied Medical Resources Corporation, 2011 COMC 151 (CanLII); et Aldea Solutions Inc c AT&T Intellectual Property II, LP, 2014 COMC 243 (CanLII)].

[32]  Comme il a été souligné dans la décision Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC), le fardeau de preuve initial dont doit s’acquitter un opposant à l’égard de l’article 30b) est léger, étant donné que les renseignements pertinents concernant l’emploi sont plus facilement accessibles au requérant. Il est vrai que ces commentaires se rapportaient à un motif d’opposition fondé sur l’article 30b) de l’ancienne Loi, mais ils s’appliquent également à un motif d’opposition fondé sur l’article 30d) [105272 Canada Inc c Grands Moulins de Paris, Société Anonyme (1990), 31 CPR (3d) 79 (COMC)]. Ainsi, dans la mesure où un requérant a plus facilement accès aux faits, le fardeau de preuve dont doit s’acquitter l’opposant à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’article 30d) est moins exigeant.

[33]  Si un opposant réussit à s’acquitter de son fardeau de preuve initial, le requérant doit alors, en réponse, prouver le bien-fondé de sa revendication d’emploi. Cependant, le requérant n’est pas tenu de le faire si la date de premier emploi n’a pas d’abord été mise en doute par un opposant s’acquittant de son fardeau de preuve [Kingsley c Ironclad Games Corp, 2016 COMC 19 (CanLII)].

[34]  Pour étayer sa position à l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante invoque l’affidavit Picout et les tentatives de la Requérante, au cours de la procédure d’opposition, d’ajouter des pays dans lesquels la Marque était employée en plus de l’Allemagne, tel que décrit ci-dessus dans mon examen du dossier.

[35]  Je dois souligner que, contrairement à la position de l’Opposante, je ne suis pas disposée à considérer ces tentatives comme un aveu que la Requérante n’avait pas employé la Marque en Allemagne à la date pertinente. Ce n’est pas parce que la Requérante voulait inclure cinq autres pays dans lesquels la Marque était employée, en plus de l’Allemagne, que l’on doit nécessairement l’interpréter comme un aveu que la Marque a seulement été employée dans ces autres pays.

[36]  Cela m’amène à examiner l’affidavit Picout.

[37]  En premier lieu, je souligne que, à l’exception des pages Web archivées produites comme pièce GP-4 jointe à l’affidavit Picout, tous les imprimés de page Web joints comme pièces à l’affidavit Picout sont datés du 14 décembre 2016 et sont par conséquent postérieurs, de près de deux ans, à la date pertinente pour l’évaluation de ce motif d’opposition.

[38]  En outre, en ce qui concerne la pièce GP-1, je souligne que les seuls paramètres de recherche fournis par M. Picout au paragraphe 4 de son affidavit sont qu’il a prétendument « effectué des recherches sur le site Web allemand de la requérante, à l’adresse www.lidl.de, afin de repérer la liste des vins annoncés en Allemagne ». Cependant, aucune des pièces jointes à l’affidavit Picout ne corrobore l’allégation de M. Picout quant à la propriété du nom de domaine www.lidl.de ou à l’entité qui exploite le site Web www.lidl.de. [Voir par analogie Quiksilver International Pty Ltd c Equinox Entertainment Limited 2010 COMC 59 (CanLII).]

[39]  De plus, même si la preuve de l’Opposante avait permis d’établir un lien entre le site Web www.lidl.de et la Requérante, le contenu des pages Web jointes comme pièce GP-1 est en langue étrangère. À cet égard, je souligne qu’une des pages Web présente un onglet intitulé « 51 Produkte », mais (en présumant que « produckte » signifie [Traduction] « produits ») les pages Web qui suivent ne semblent présenter que 39 bouteilles de vin. Sous un autre onglet intitulé « 33 Produkte », les pages Web qui suivent ne semblent présenter que 25 groupes de bouteilles; etc. Ces incohérences remettent en question l’exhaustivité des résultats de recherche présentés en pièce GP-1 et les inférences qu’il est possible d’en tirer.

[40]  Quant aux imprimés joints comme pièces GP-2 et GP-3, ces derniers sont constitués de simples listes obtenues à partir des recherches que M. Picout a effectuées à l’aide du moteur de recherche Google allemand, sans compter que lesdites listes sont principalement en langue étrangère. Je souligne également que les paramètres de recherche utilisés dans le cas des imprimés de la pièce GP-2 ne semblent pas inclure la combinaison de mots « GRILL & FUN » [gril et plaisir]. Quoi qu’il en soit, ces simples listes ne fournissent aucun renseignement pertinent qui me permettrait de tirer des inférences significatives quant au défaut d’emploi de la Marque par la Requérante en Allemagne.

[41]  En ce qui concerne la pièce GP-5, M. Picout n’a fourni aucun détail quant à la façon dont il s’y est pris pour choisir les pages de listes à imprimer parmi ces résultats de recherche dans Google Images. Quoi qu’il en soit, même si de telles explications étaient fournies, ces simples listes ne me permettent pas, là encore, de tirer des inférences significatives quant au défaut d’emploi de la Marque en Allemagne à la date pertinente. Au mieux, ces listes établissent seulement que les images qu’elles contiennent existaient lorsque M. Picout a effectué ses recherches et que certains produits arborant ces images pouvaient avoir été commercialisés quelque part au moment où il a effectué ses recherches.

[42]  Pour revenir aux imprimés tirés du site d’archives WayBack Machine joints comme pièce GP-4, les commentaires que j’ai formulés ci-dessus relativement à la pièce GP-1 s’appliquent également, car lesdits imprimés ne permettent pas non plus d’établir un lien entre le site Web archivé www.lidl.de et la Requérante. En outre, même si un tel lien avait été établi, là encore, le contenu des pages jointes comme pièce GP-4 est en langue étrangère. En l’absence d’explications de la part de M. Picout concernant les résultats obtenus à l’aide des paramètres de recherche limités qu’il a utilisés, je ne suis pas en mesure de bien comprendre et de mettre en contexte les renseignements figurant dans ces pages. À titre d’exemple, même si je suis en mesure de constater que ces pages font mention de différents numéros [Traduction] « d’instantanés » qui semblent correspondre à différentes périodes (le plus ancien datant du 10 février 1998), la nature exacte de ces [Traduction] « instantanés » demeure inexpliquée. En outre, on ne sait pas très bien comment M. Picout s’y est pris pour sélectionner les pages à imprimer parmi les versions archivées du site Web allégué de la Requérante, compte tenu de l’absence d’explications à cet égard au paragraphe 7 de son affidavit. Pour toutes ces raisons, il est difficile de déterminer en quoi la pièce GP-4 permettrait de tirer des inférences significatives quant au défaut d’emploi de la Marque par la Requérante en Allemagne à la date pertinente.

[43]  Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante soutient qu’il aurait été très facile pour la Requérante de dissiper les doutes soulevés dans l’affidavit Picout en produisant une preuve établissant l’emploi de la Marque en liaison avec les Produits en Allemagne. Je ne suis pas d’accord avec l’approche adoptée par l’Opposante.

[44]  Même si le fardeau de preuve initial d’un opposant à l’égard de l’article 30d) est léger, étant donné que les renseignements pertinents concernant l’emploi sont plus facilement accessibles au requérant, ce fardeau de preuve n’est pas complètement éliminé.

[45]  En l’espèce, pour toutes les raisons mentionnées ci-dessus, je ne suis pas convaincue que l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait de mettre en doute l’emploi de la Marque par la Requérante en liaison avec les Produits en Allemagne à la date du 26 novembre 2014. Par conséquent, la Requérante n’était pas tenue de faire la preuve d’un tel emploi.

[46]  En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 30)d) est rejeté.

Non-conformité à l’article 30e) de l’ancienne Loi

[47]  L’Opposante a allégué que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30e) de l’ancienne Loi parce que, à la date de production de la demande, la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits. L’Opposante allègue une absence d’intention parce que [Traduction] « la Requérante n’exploite aucune épicerie au Canada (qui est sa principale activité en Europe) et il est par conséquent évident que, à la date de production de la demande, elle avait une attitude stratégiquement défensive plutôt qu’une intention véritable de vendre les Produits au Canada, encore moins l’intention d’employer la Marque en liaison avec des produits quelconques ».

[48]  La date pertinente qui s’applique à ce motif d’opposition est la date de production de la demande (26 novembre 2014) [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la p 475].

[49]  Non seulement il n’y a aucune preuve à l’appui des allégations de l’Opposante, mais ces dernières sont purement hypothétiques.

[50]  À cet égard, je souligne que l’Opposante soutient, dans son plaidoyer écrit, que la Requérante n’a pas employé la Marque en Allemagne et fait valoir qu’il serait par conséquent étonnant que la Requérante ait eu l’intention d’employer la Marque au Canada. L’Opposante fait en outre valoir qu’il aurait été facile pour la Requérante d’expliquer quel était son plan d’affaires pour la Marque au Canada et que le silence de la Requérante conjugué au fardeau de preuve léger de l’Opposante doit être interprété comme un aveu que ce motif d’opposition est bien fondé. Je ne suis pas d’accord avec l’approche adoptée par l’Opposante.

[51]  Même si le fardeau de preuve initial dont doit s’acquitter l’Opposante à l’égard de l’article 30e) est léger, étant donné que les faits concernant les intentions de la Requérante relèvent essentiellement de la connaissance de la Requérante [Molson Canada c Anheuser-Busch Inc (2003), 2003 CF 1287 (CanLII), 29 CPR (4th) 315 (CF 1re inst); Green Spot Co c JB Food Industries (1986), 13 CPR (3d) 206 (COMC); et Tune Masters, supra], l’Opposante n’en doit pas moins d’abord s’acquitter de son fardeau de preuve.

[52]  En outre, même si j’admettais que la Requérante n’a pas employé la Marque en liaison avec les Produits en Allemagne, je suis d’avis que cela n’empêcherait pas nécessairement la Requérante d’avoir l’intention véritable d’employer la Marque au Canada.

[53]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30e) est rejeté.

Motifs d’opposition se rapportant à la question de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce FUN de l’Opposante

Absence de droit à l’enregistrement selon les articles 16(2)a) et 16(3)a) de l’ancienne Loi

[54]  L’Opposante a allégué que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque selon les articles 16(2)a) et 16(3)a) de l’ancienne Loi car, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce FUN de l’Opposante, laquelle avait été antérieurement employée au Canada par l’Opposante et n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande de la Requérante.

[55]  Pour s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de ces motifs, l’Opposante doit démontrer que, à la date de priorité de production de la demande (30 mai 2014), sa marque de commerce FUN avait été antérieurement employée au Canada et qu’elle n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande (3 février 2016) [Beaumaris Yacht Club c Baik Yang Co, Ltd, 1991 CanLII 6757 (COMC) et article 16(5) de la Loi].

[56]  Pour étayer sa position à l’égard de ces motifs d’opposition, l’Opposante invoque l’affidavit Dandurand.

[57]  Comme je l’explique ci-dessous, je suis d’avis que l’affidavit Dandurand n’est pas suffisant pour permettre à l’Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombe.

[58]  Comme je l’ai mentionné dans mon examen ci-dessus de l’affidavit Dandurand, M. Dandurand affirme aux paragraphes 13 et 14 de son affidavit que les vins FUN de l’Opposante sont vendus au Canada depuis 2011 et qu’ils [Traduction] « ont été et/ou sont vendus » dans différentes régies des alcools au Canada situées au Québec, en Ontario, en Colombie-Britannique, à Terre-Neuve et au Nouveau-Brunswick.

[59]  Cependant, à l’exception de l’enregistrement de l’Opposante relatif à la marque de commerce FUN joint comme pièce PD-1 à l’affidavit de M. Dandurand établissant qu’une déclaration d’emploi a été produite le 14 avril 2011, aucun autre élément de preuve dans son affidavit n’étaye un emploi de la marque de commerce FUN au Canada remontant à 2011. À cet égard, la simple existence d’un enregistrement établit tout au plus un emploi minimal de la marque de commerce de l’Opposante [Entre Computer Centers, Inc c Global Upholstery Co (1992), 40 CPR (3d) 427 (COMC)]. Un tel emploi ne satisfait pas aux exigences de l’article 16 de la Loi [Rooxs, Inc c Edit– SRL (2002), 23 CPR (4th) (COMC)].

[60]  En outre, les imprimés tirés des sites Web des différentes régies des alcools au Canada qui sont joints comme pièces PD-3 à PD-6 à l’affidavit Dandurand sont tous datés du 14 septembre 2016. Autrement dit, ces pièces établissent simplement que les vins de marque FUN étaient offerts en vente à ces régies des alcools à cette date, et non avant le 30 mai 2014. De même, comme je l’ai souligné ci-dessus, les deux fiches techniques produites en pièce PD-2 remontent seulement à l’année 2016.

[61]  De plus, bien que je comprenne qu’il puisse exister des questions de confidentialité qui empêchent l’Opposante de divulguer ses chiffres de vente et/ou son volume de ventes, il demeure que l’Opposante a choisi de divulguer uniquement le nombre approximatif de bouteilles de vin FUN vendues au Québec entre le 14 décembre 2015 et le 14 décembre 2016. M. Dandurand n’a fourni aucun autre chiffre de vente et/ou volume de ventes (qui aurait pu être sous-évalué pour préserver la confidentialité) ni autre élément de preuve ou preuve documentaire étayant l’emploi par l’Opposante de la marque de commerce FUN au Canada avant le 30 mai 2014.

[62]  En conséquence, les motifs d’opposition fondés sur les articles 16(2)a) et 16(3)a) sont rejetés.

Absence de caractère distinctif au sens de l’article 2 de l’ancienne Loi

[63]  L’Opposante a allégué que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de l’ancienne Loi, parce qu’elle ne distingue pas véritablement ni n’est adaptée à distinguer les Produits de la Requérante des vins de l’Opposante vendus sous la marque de commerce FUN au Canada.

[64]  Pour s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif, l’Opposante doit démontrer que, à la date de production de la déclaration d’opposition (21 juin 2016), sa marque de commerce FUN était devenue connue dans une certaine mesure au moins au Canada de manière à faire perdre à la Marque son caractère distinctif [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 1981 CanLII 2834 (CF 1re inst), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd (2004), 40 CPR (4th) 553, confirmée par (2006), 2006 CF 657 (CanLII), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[65]  Comme je l’explique ci-dessous, je suis d’avis que l’affidavit Dandurand n’est pas suffisant pour permettre à l’Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombe.

[66]  Comme je l’ai mentionné ci-dessus, M. Dandurand fournit les chiffres du volume des ventes des vins FUN au Québec (en fonction du nombre de bouteilles de vin rouge et blanc vendues) pour une année seulement, soit entre décembre 2015 et décembre 2016. Cependant, il n’a pas fourni de répartition du volume des ventes par mois, pas plus qu’il n’a clairement établi quelle partie du volume des vins FUN au Québec a été vendue avant le 21 juin 2016. Étant donné l’absence de ces renseignements précis, il n’est pas possible de déterminer la mesure dans laquelle les consommateurs avaient l’habitude de voir la marque de commerce FUN de l’Opposante en liaison avec des vins avant la date pertinente pour l’évaluation de ce motif d’opposition.

[67]  En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)d) est rejeté.

Enregistrabilité de la Marque selon l’article 12(1)d) de l’ancienne Loi

[68]  L’Opposante a allégué que la Marque n’est pas enregistrable eu égard aux dispositions de l’article 12(1)d) de l’ancienne Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée FUN de l’Opposante enregistrée sous le no LMC795,637.

[69]  J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que cet enregistrement est en règle à la date d’aujourd’hui, laquelle est la date pertinente pour l’évaluation d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) [Park Avenue Furniture Corp c Wickers/Simmons Bedding Ltd (1991), 1991 CanLII 11769 (CAF), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[70]  L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve initial, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée FUN de l’Opposante.

Le test en matière de confusion

[71]  Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[72]  Ainsi, cet article ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais la confusion portant à croire que les produits ou les services provenant d’une source proviennent d’une autre source.

[73]  Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énoncées à l’article 6(5), à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et il importe de tenir compte de tous les facteurs pertinents. En outre, le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même et varie en fonction des circonstances. [Voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 2006 CSC 22 (CanLII), 49 CPR (4th) 321(CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée (2006) 2006 CSC 23 (CanLII), 49 CPR (4th) 401(CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 2011 CSC 27 (CanLII), 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour une analyse exhaustive des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion]

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[74]  Les marques de commerce en cause possèdent toutes deux un caractère distinctif inhérent, car ni l’une ni l’autre ne donne une description du vin en tant que tel. Cependant, comme l’a souligné l’Opposante dans son plaidoyer écrit, ni l’une ni l’autre des marques de commerce des parties ne possède un caractère distinctif inhérent marqué, surtout celle de l’Opposante, car elle est uniquement constituée du mot suggestif FUN [plaisir], tandis que la Marque intègre également l’élément « GRILL & » et des éléments visuels. Je reviendrai plus loin dans ma décision sur les idées suggérées par les marques des parties lorsque j’examinerai le degré de ressemblance entre elles.

[75]  Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l’emploi. Il n’y a aucune preuve que la Marque de la Requérante a été employée au Canada au sens de l’article 4 de la Loi ou qu’elle est devenue connue dans une quelconque mesure au Canada.

[76]  En revanche, bien que la preuve de l’Opposante concernant l’emploi de la marque de commerce FUN en liaison avec des vins ne permette pas d’établir son emploi continu depuis 2011, les chiffres du volume des ventes fournis dans l’affidavit Dandurand pour la période allant du 14 décembre 2015 au 14 décembre 2016, lesquels s’élèvent à au moins 250 000 bouteilles de vin FUN, conjugués aux déclarations de fait et aux pièces examinées ci-dessus, me convainquent que la marque de commerce FUN est devenue connue dans une certaine mesure, au moins au Québec. Par conséquent, cet emploi augmente le caractère distinctif de la marque de commerce FUN et tend à l’emporter sur le caractère distinctif inhérent un peu plus marqué de la Marque.

[77]  En conséquence, l’examen global de ce facteur favorise légèrement l’Opposante.

La période pendant laquelle les marques ont été en usage

[78]  Compte tenu des commentaires que j’ai formulés ci-dessus, ce facteur favorise l’Opposante.

Le genre de produits, services ou entreprises; et la nature du commerce

[79]  Les Produits visés par la demande de la Requérante sont identiques à ceux qui sont visés par l’enregistrement FUN de l’Opposante ou ils les recoupent. En l’absence de toute preuve contraire, il n’y a aucune raison de conclure que les produits des parties n’emprunteraient pas les mêmes voies de commercialisation et qu’ils ne seraient pas destinés aux mêmes types de clientèle.

[80]  En conséquence, ces facteurs favorisent l’Opposante.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[81]  Comme l’a souligné la Cour suprême dans Masterpiece, supra, au paragraphe 49, [Traduction] « il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire ».

[82]  En outre, comme je l’ai mentionné précédemment, il est bien établi dans la jurisprudence que la probabilité de confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait. À cet égard, [Traduction] « [m]ême s’il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public » [Pink Panther Beauty Corp c United Artists Corp (1998), 1998, 1998 CanLII 9052 (CAF), 80 CPR (3d) 247 (CAF), au para 34]. Même si le premier mot ou la première partie d’une marque de commerce sont généralement les plus importants aux fins de la distinction, l’approche à privilégier consiste à se demander d’abord si la marque de commerce présente un aspect particulièrement frappant ou unique [Masterpiece, au para 64].

[83]  M’appuyant sur ces principes, j’estime en l’espèce que les marques des parties sont plus différentes que semblables.

[84]  Bien que la Marque incorpore la totalité de la marque de commerce FUN de l’Opposante, la présence de l’élément « GRILL & » (ainsi que d’éléments visuels) dans la Marque crée des différences visuelles et phonétiques, et modifie également les idées suggérées par les marques des parties. En effet, la Marque est constituée d’une expression de trois syllabes. Les mots figurant dans l’expression « GRILL & FUN » [gril et plaisir] sont tous deux frappants. En outre, le mot « GRILL » [gril] occupe la première position dominante dans la Marque lorsqu’elle est lue ou prononcée. Il s’ensuit également que la Marque a une connotation passablement différente de la marque de commerce de l’Opposante, car l’élément « GRILL & » conjugué au mot « FUN » [plaisir] introduit l’idée du plaisir de cuisiner au gril ou suggère que les Produits de la Requérante sont destinés à être dégustés avec des grillades, tandis que la marque de commerce FUN de l’Opposante véhicule l’idée du plaisir que procure la consommation des vins de l’Opposante ou une invitation à consommer les vins de l’Opposante dans des situations amusantes ou agréables de façon générale.

[85]  Cela étant dit, il ne faut pas perdre de vue toute l’étendue des droits conférés par l’enregistrement de la marque nominale FUN. En effet, conformément au principe énoncé au paragraphe 55 de l’arrêt Masterpiece, supra, l’enregistrement de la marque nominale FUN autorise l’Opposante à l’employer [Traduction] « dans la taille, le style de lettres, la couleur ou le motif de son choix », étant entendu, cependant, que [Traduction] « il faut faire attention de ne pas accorder une portée trop large au principe formulé au paragraphe 55 de l’arrêt Masterpiece, puisqu’il ne serait ainsi plus nécessaire d’enregistrer une marque figurative lorsque l’on possède une marque verbale. […] Lorsque l’on compare les marques, l’examen est toujours limité à un “emploi […] dans le champ d’application d’un enregistrement” (Masterpiece, au para. 59) » [Pizzaiolo Restaurants inc c Les Restaurants La Pizzaiolle inc, 2016 CAF 265 (CanLII), au para 33].

[86]  Ainsi, rien n’empêcherait l’Opposante d’employer sa marque de commerce FUN en combinaison avec un style de lettrage et des couleurs identiques ou semblables à ceux qui figurent dans la Marque. Dans un tel cas, j’estime que les différences visuelles qui existent entre les marques de commerce des parties en raison de l’élément « GRILL & » seraient grandement éliminées.

[87]  En conséquence, j’estime que l’examen global de ce facteur favorise légèrement la Requérante.

Autres circonstances de l’espèce
Accord mets-vins

[88]  Comme autre circonstance de l’espèce, je souligne que les fiches techniques des vins FUN de l’Opposante jointes comme pièce PD-2 à l’affidavit Dandurand indiquent que ces derniers s’harmonisent parfaitement aux viandes grillées et au porc grillé au barbecue, entre autres.

[89]  J’estime que cela constitue une circonstance de l’espèce qui tend à réduire le léger avantage conféré à la Requérante dans l’examen global du degré de ressemblance entre les marques des parties. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, une des idées suggérées par la Marque est que les Produits de la Requérante sont destinés à être dégustés avec des grillades, lesquelles se trouvent à [Traduction] « s’harmoniser parfaitement » aux vins FUN de l’Opposante.

Prévalence du mot FUN en liaison avec des vins

[90]  Au paragraphe 20 de son affidavit, M. Dandurand prétend établir le caractère unique de la marque de commerce FUN en affirmant que, au meilleur de sa connaissance, les vins FUN de l’Opposante sont les seuls vins vendus au Canada en liaison avec une marque de commerce comprenant le mot « FUN » [plaisir]. M. Dandurand affirme en outre au paragraphe 21 de son affidavit que les résultats des recherches effectuées sur les sites Web de la SAQ, de la BCLDB, de la NLLC et de l’ANBL n’ont révélé aucun vin, en dehors de ceux de l’Opposante, vendu au Canada en liaison avec une marque de commerce comprenant le mot « FUN » [plaisir].

[91]  Bien que ce puisse être le cas, il demeure qu’on ne peut déduire des résultats de recherche obtenus à partir du site Web de seulement quatre régies des alcools au Canada qu’aucun autre vin ou produit alcoolisé lié à une marque de commerce comprenant le mot « FUN » [plaisir] ne serait offert en vente dans d’autres régies des alcools ou d’autres points de vente au Canada, comme des dépanneurs ou des épiceries. Je souligne d’ailleurs que les recherches effectuées sur le site Web de la NLLC pour repérer le mot « FUN » [plaisir] jointes comme pièce PD-5 ont permis de générer des résultats liés à des produits de tiers, outre les vins FUN de l’Opposante. Bien qu’on puisse comprendre la raison pour laquelle certains de ces produits de tiers ont été inclus dans les résultats (comme « Funky Puffin Blueberry Rhubarb » [vin à base de bleuets et de rhubarbe Funky Puffin] (je souligne)), il est impossible de déterminer, sans se lancer des conjectures, pour quelle raison certains de ces autres produits ont été inclus dans les résultats de recherche liés à « FUN » (comme « Skinnygirl Pinot Grigio »).

[92]  En l’absence d’une preuve adéquate de l’état du registre et/ou de l’état du marché concernant la prévalence du mot FUN [plaisir] en liaison avec des vins au Canada, j’estime que cette partie de l’affidavit de M. Dandurand ne constitue pas une circonstance significative de l’espèce.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[93]  Comme je l’ai indiqué ci-dessus, l’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais la confusion portant à croire que les produits ou les services provenant d’une source proviennent d’une autre source. En l’espèce, la question qui se pose est celle de savoir si une personne, qui a un souvenir imparfait de la marque de commerce FUN de l’Opposante employée en liaison avec du vin, serait portée à conclure, selon sa première impression et son souvenir imparfait, que les Produits de la Requérante proviennent de la même source ou qu’une certaine forme d’autorisation existe entre les parties.

[94]  Bien que je reconnaisse que les marques de commerce en cause ne sont pas identiques, j’estime que les différences entre elles ne sont pas suffisantes pour l’emporter sur l’examen global, effectué ci-dessus, des facteurs énoncés à l’article 6(5). En l’absence d’autres circonstances de l’espèce favorisant la Requérante, j’estime que la prépondérance des probabilités en ce qui concerne la probabilité de confusion quant à la source des produits des parties est également partagée entre la conclusion qu’il existe une probabilité de confusion et la conclusion qu’il n’en existe pas. Étant donné que le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion incombe à la Requérante, je dois trancher à l’encontre de la Requérante.

[95]  En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est accueilli.

décision

[96]  Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement en ce qui concerne les produits [Traduction] « vin, boissons contenant du vin, cidre », selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

[97]  Comme je l’ai indiqué ci-dessus, l’Opposante ne s’est pas opposée à la demande à l’égard des autres produits énumérés à l’annexe A.

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.


Annexe A

(1) Produits nettoyants pour barbecues.

(2) Combustibles, notamment charbon de bois, briquettes de charbon de bois, allume-feu solides et liquides pour le bois, le charbon et le charbon de bois.

(3) Feuille de métal pour l’emballage, papier d’aluminium pour barbecue, feuille de métal, plats en aluminium pour barbecue.

(4) Coutellerie en plastique.

(5) Grils, barbecues jetables.

(6) Nappes en papier, serviettes de table en papier.

(7) Assiettes en papier, gobelets en papier, tasses en plastique, verres, verres à bière, verres à vin, assiettes en plastique; pailles pour boire.

(8) Vêtements, nommément vêtements de sport, vêtements de ville, vêtements tout-aller, vêtements pour enfants, vêtements de pêche, vêtements d’extérieur pour l’hiver, vêtements de sport; articles chaussants, nommément articles chaussants de sport, articles chaussants de plage, articles chaussants tout-aller, articles chaussants pour enfants, articles chaussants de soirée, articles chaussants d’hiver, articles chaussants imperméables, articles chaussants de sport; couvre-chefs, nommément chapeaux, casquettes, tuques, bérets, fichus, bandanas; tabliers de barbecue.

(9) Viande et produits à base de viande, nommément conserves de viande, aspic, pâtés à la viande, sauce à la viande, tartinades de viande; poisson et produits de poisson, nommément conserves de poisson, pâtés au poisson, tartinades de poisson; autres poissons et fruits de mer (non vivants) et produits connexes, nommément tartinades aux fruits de mer, plats préparés composés de poissons et de fruits de mer; volaille et produits de volaille, nommément conserves de volaille, saucisses de volaille, pâtés à la volaille, rôtis de volaille, pâtés de foie de volaille; gibier et produits de gibier, nommément conserves de gibier, saucisses de gibier, pâtés au gibier, tartinades de gibier; saucisses et produits de saucisse, nommément boudin, boyaux de poisson, boyaux à saucisse; mollusques et crustacés (non vivants) ainsi que produits connexes, nommément rouleaux aux crevettes, bisque de homard, plats préparés composés de mollusques et de crustacés; fruits et légumes, y compris marinés dans une sauce aigre-douce ou remplis de sauce aigre-douce; lait et produits laitiers; produits de pomme de terre en tous genres, nommément frites, croustilles, grignotines à base de pommes de terre, y compris tous les produits susmentionnés en conserve, cuits, séchés et/ou congelés; salades à base de viande, de poisson, de volaille, de gibier, de saucisse, de fruits de mer, de légumes et/ou de fruits; plats préparés composés principalement de viande, de poisson, de volaille, de gibier, de mollusques et de crustacés, de légumes, de fruits et/ou de produits laitiers.

(10) Pain, brioches du Vendredi Saint, baguettes farcies, pizzas et produits de pizza, nommément pâte à pizza, sauce à pizza; riz, pâtes alimentaires, nouilles; épices, préparations d’épices, aromatisants à saveur d’épices, essences d’épices, extraits d’épices, herbes, huiles épicées, sel épicé, condiments, épices, aromatisants aux herbes et préparations aux herbes, sauces à salade, sel, poivre, sel de cuisine, ketchup [sauce], mayonnaise, sauce tartare, sauces (condiments), nommément sauce tomate, sauce à spaghetti, sauce à pizza, sauce barbecue, sauce au jus de viande, sauce soya, sauces pour grillades, sauces à salade; vinaigre, moutarde, raifort; plats préparés composés principalement de préparations à base de céréales, de pâtes alimentaires, de nouilles, de riz, de pain, de pâtisseries et/ou de confiseries.

(11) Fruits et légumes frais, y compris coupés en morceaux et en salades.

(12) Bières, bières non alcoolisées, bières aromatisées, boissons mélangées contenant de la bière.

(13) Vin, boissons contenant du vin, cidre.

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

______________________________________________

Aucune audience tenue

AGENT(S) AU DOSSIER

BCF S.E.N.C.R.L./BCF LLP

POUR L’OPPOSANTE

ROBIC

POUR LA REQUÉRANTE

 

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