Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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OPIC

CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2019 COMC 63

Date de la décision : 2019-06-28
[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Rogers Media Inc.

Partie requérante

et

 

La Cornue

Propriétaire inscrite

 

LMC704,341 pour la marque de commerce

“LE CHATEAU” DESSIN

Enregistrement

[1]  Le 3 novembre 2016, à la demande de Rogers Media Inc. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à La Cornue (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC704,341 de la marque de commerce “LE CHATEAU” DESSIN, reproduite ci-dessous (la Marque) :

[2]  La Marque est constituée des mots « LE CHATEAU » en lettres majuscules et entre guillemets, écrits dans une police de caractères simple sans empattement.

[3]  L’avis enjoignait à la Propriétaire de fournir une preuve établissant que la Marque a été employée au Canada en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement à un moment quelconque entre le 3 novembre 2013 et le 3 novembre 2016. Si la Marque n’avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d’emploi depuis cette date.

[4]  La définition pertinente d’« emploi » en liaison avec des produits est énoncée à l’article 4(1) de la Loi, lequel est libellé comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]  Il est bien établi que l’article 45 de la Loi a pour objet et portée d’offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort ». À ce titre, le niveau de preuve auquel le propriétaire inscrit doit satisfaire est peu élevé [Performance Apparel Corp c Uvex Toko Canada Ltd, 2004 CF 448, 31 CPR (4th) 270]. Le propriétaire inscrit doit seulement fournir une preuve prima facie d’emploi au sens des articles 4 et 45 de la Loi [voir Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184, 90 CPR (4th) 428, au para 2].

[6]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Benoît Favier, souscrit le 30 mai 2017, en France. Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites; la tenue d’une audience n’a pas été sollicitée.

[7]  Le 6 juin 2017, à la demande de la Propriétaire, l’enregistrement a été modifié pour supprimer certains produits de l’état déclaratif des produits. La Marque est actuellement enregistrée pour emploi en liaison avec les produits suivants seulement : « Appareils de cuisson, nommément : cuisinières, fours, fourneaux, tables de cuisson; hottes » (les Produits).

La preuve de la Propriétaire

[8]  Dans son affidavit, M. Favier atteste qu’il est le « directeur général » de la Propriétaire et qu’il occupe ce poste depuis février 2017, et qu’il a été auparavant le « directeur financier » et le « directeur délégué » de la Propriétaire. Il confirme que, en raison des postes qu’il a occupés et des fonctions qu’il a assumées, il peut attester la véracité des faits décrits dans son affidavit. En particulier, il affirme que, en raison du poste qu’il occupe chez la Propriétaire, il est en mesure de confirmer que les photographies de la pièce BF­5, examinées ci-dessous, sont représentatives de l’apparence qu’avaient les salles d’exposition des détaillants au Canada pendant la période pertinente.

[9]  M. Favier affirme que la Propriétaire, fondée en 1908, conçoit et fabrique des appareils de cuisson et des accessoires connexes, qu’elle distribue à l’échelle internationale, y compris au Canada. Il souligne que la Propriétaire est une filiale en propriété exclusive d’AGA Rangemaster Group plc, dont les filiales incluent aussi la distributrice nord-américaine de la Propriétaire, AGA Marvel.

[10]  M. Favier allègue l’emploi continu par la Propriétaire de la marque de commerce CHÂTEAU au Canada pendant la période pertinente en liaison avec divers appareils de cuisson, en particulier des cuisinières — dont les modèles « 120 », « 150 » et « 165 » — et des hottes de cuisine. Il explique que la Propriétaire fabrique les cuisinières et les hottes CHÂTEAU en France et les vend ensuite par l’intermédiaire d’AGA Marvel à divers détaillants, y compris des détaillants canadiens comme Meubles JC Perreault Inc., faisant affaire sous le nom de Signature Bachand.

[11]  M. Favier atteste la présentation de la Marque directement sur la surface extérieure des cuisinières et des hottes vendues, dans les manuels de l’utilisateur qui les accompagnent, dans des fiches techniques présentées à côté des produits au point de vente et dans les catalogues de la Propriétaire concernant ces produits.

[12]  À l’appui, M. Favier joint diverses pièces à son affidavit, chacune étant identifiée en tant que pièce et paraphée à la fois par M. Favier et par le notaire qui a procédé à l’assermentation. Cependant, bien que M. Favier identifie chaque pièce au moyen d’un numéro dans le corps de son affidavit, les pièces elles-mêmes ne sont pas numérotées; seules les inscriptions écrites à la main « Pièce » ou « Pièce no » figurent au haut de la page couverture de chaque pièce. Néanmoins, je peux identifier chaque pièce à partir des descriptions fournies par M. Favier dans son affidavit. Je désignerai en conséquence les pièces au moyen des numéros qui leur sont attribués dans le corps de l’affidavit. Les pièces sont jointes à l’affidavit dans cet ordre numérique, à l’exception des troisième et quatrième pièces, qui sont inversées.

  • La pièce BF­1 est constituée d’extraits d’un livre illustré concernant la Propriétaire publié en 2001. M. Favier mentionne ces extraits pour donner un bref historique de la Propriétaire et de ses ventes de « cuisinières » sous les marques de commerce CHÂTELAINE et par la suite LE CHÂTEAU, puis simplement CHÂTEAU. Il mentionne également que le livre est exposé à côté des cuisinières CHÂTEAU dans la salle d’exposition représentée en pièce BF­5, examinée ci-dessous. Je souligne que la page 162 du livre représente et décrit la cuisinière « Le Château 120 » et que la page 166 représente la cuisinière « Le Château 147 », ainsi qu’une cuisinière semblable accompagnée de la légende « Modèle “Le Château” (8 styles available) » [(huit styles disponibles)]. Cependant, M. Favier ne précise pas si ces pages spécifiques sont portées à l’attention des acheteurs d’une quelconque façon.

  • Les pièces BF­2 et BF­3 (la pièce BF­3 étant le quatrième document joint à l’affidavit) sont constituées d’instantanés tirés du site Web de la Propriétaire accessible au www.lacornue.com le 9 mai 2017 qui, atteste M. Favier, sont représentatifs de la période pertinente, ainsi que d’instantanés tirés du site Internet Archive accessible au www.archive.org, montrant des pages Web archivées du site www.lacornue.com datant du 16 mars 2014. Les pages Web annoncent une gamme de huit cuisinières sous les titres « Cuisinières Château » (en 2014) et « CHÂTEAU G4 » (en 2017). La gamme comprend les modèles CHÂTEAU 120, CHÂTEAU 150 et CHÂTEAU 165 — chacun étant annoncé comme comprenant deux fours voûtés et une table de cuisson personnalisable — ainsi que les modèles GRAND PALAIS 180, GRAND CHÂTELET 135, CHÂTELET 120, GRAND CASTEL 90 et CASTEL 75. Je souligne que, dans ces pages Web, les termes « cuisinières » et « fourneaux » semblent être utilisés de manière interchangeable pour désigner les « cuisinières », tandis que le terme « four » est utilisé pour désigner le four voûté.

  • La pièce BF­4 (le troisième document joint à l’affidavit) est une copie du catalogue canadien de la Propriétaire pour 2015, dans lequel les cuisinières et les hottes de cuisine CHÂTEAU sont annoncées, ainsi que des produits de cuisine complémentaires. La gamme de cuisinières est constituée des modèles CHÂTEAU, GRAND PALAIS, GRAND CASTEL et CASTEL susmentionnés. M. Favier n’indique pas à qui ce catalogue a été distribué ni où il pouvait être obtenu. Cependant, je souligne que le formulaire « Project Request » [demande de projet] au dos du catalogue cible les « dealers » [marchands] et offre la possibilité d’obtenir une proposition de prix pour une commande spéciale pour le « Final Customer » [client final] ou le « Display » [exposition]. Un espace est prévu pour que le marchand et le client signent le formulaire.

  • La pièce BF­5 contient des photographies de deux cuisinières qui, atteste M. Favier, sont les cuisinières CHÂTEAU de la Propriétaire exposées dans la salle d’exposition de Montréal du détaillant autorisé Signature Bachand. M. Favier affirme que les photographies ont été prises par les agents de la Propriétaire le 1er avril 2017 et qu’elles sont représentatives de l’apparence que la salle d’exposition de Signature Bachand — et celles d’autres détaillants canadiens — avait pendant la période pertinente. Une des photographies met en évidence une petite plaque de métal qui est fixée à la première cuisinière représentée et qui comporte un logo LA CORNUE FRANCE en relief, sous lequel est gravé la mention « CHATEAU 165 », laquelle plaque est reproduite ci-dessous :

Une fiche technique intitulée « Chateau 120SL » (reproduite à la pièce BF­6 jointe à l’affidavit, examinée ci-dessous) est exposée dans un présentoir sur la surface de la première cuisinière. Je souligne également que « Château 1908 » figure au haut d’un grand panneau ou dosseret contigu à la surface de la seconde cuisinière représentée (le contenu du panneau est cependant hors foyer en raison de la surface réfléchissante du panneau, de sorte que la nature de ce contenu n’est pas claire).

  • La pièce BF­6 contient deux fiches techniques : l’une est intitulée « Chateau 120SL » et l’autre, « Chateau 150SL ». Je souligne que le logo LA CORNUE FRANCE de la Propriétaire est présenté sous le titre « Chateau 120SL » et à une certaine distance au-dessus du titre « Chateau 150SL ». Les fiches décrivent ces deux modèles de cuisinière, les désignant parfois « Château » ou « Chateau », sans le « 120SL » ou le « 150SL ». Chaque modèle est décrit comme comprenant une paire de fours voûtés de type « château » brevetés et seulement un style particulier de table de cuisson. Pour ceux qui souhaitent obtenir plus de renseignements et du service, les fiches fournissent les coordonnées d’AGA Marvel aux SOFA Galleries à Mississauga et l’adresse de site Web www.la-cornue.com/ca. Je souligne que les diagrammes présentés dans les fiches indiquent que la cuisinière « Chateau 120SL » a une largeur de « 1200 » tandis que la cuisinière « Chateau 150SL » a une largeur de « 1500 ».

  • La pièce BF­7 contient quatre factures représentatives partiellement caviardées datant de la période pertinente et se rapportant à des cuisinières CHÂTEAU vendues par la Propriétaire au bureau d’AGA Marvel au Michigan. À titre d’exemple, une des factures se rapporte à une « COOKER LA CORNUE "CHATEAU 120" WIDTH 1200 mm » [cuisinière LA CORNUE "CHATEAU 120" largeur 1200 mm] et à une « COOKTOP LA CORNUE "CHATEAU 150" WIDTH 1500 mm » [table de cuisson LA CORNUE "CHATEAU 150" largeur 1500 mm]. Les deux sont décrites comme un modèle de cuisinière « CENTENAIRE », comprenant deux fours voûtés, une table de cuisson, un dosseret et une « I.D PLATE » [plaque d’identification] vierge, sans gravure. Je souligne que les plaques pour les autres cuisinières facturées sont également vierges, bien que la dernière facture offre la possibilité d’une « INSCRIPTION TO ENGRAVE ON LA CORNUE LOGO: TO BE CONFIRMED WITHIN 5 DAYS – OTHERWISE BLANK PLATE » [inscription à graver sur le logo LA CORNUE : à confirmer dans les cinq jours – demeure vierge autrement].

  • La pièce BF­8 contient trois factures représentatives partiellement caviardées datant de la période pertinente et se rapportant à des ventes des cuisinières et des hottes de la Propriétaire faites par AGA Marvel à Meubles JC Perreault Inc. à Montréal. Les produits énumérés comprennent « CHATEAU 90 », « CHATEAU 120 USA CENTENAIRE », « CHATEAU 150 SL-CH150 K1 », « CHATEAU 90 HOOD » [hotte CHATEAU 90] et « CHATEAU 150 HOODFAN-MATTE BLACK » [ventilateur de hotte CHATEAU 150-noir mat]. Je souligne que les adresses de facturation et d’expédition de l’acquéreur sont les mêmes et que chaque facture précise le mode d’expédition et les modalités de paiement.

  • La pièce BF­9 est un imprimé des détails relatifs à l’entreprise Meubles JC Perreault Inc. tiré du Registre des entreprises du Québec, indiquant que Signature Bachand est un nom commercial de l’entreprise.

  • La pièce BF­10 contient deux factures partiellement caviardées, datées du « 26 Fev 16 13 OCT 16 » et du « 23 Jul 16 31 JAN 17 », envoyées à des adresses à Montréal et à Saint-Sauveur, au Québec, respectivement. M. Favier atteste que ces factures ont été émises le 23 février 2016 et le 23 juillet 2016 et qu’elles sont représentatives des factures émises par Signature Bachand à l’attention des acheteurs des cuisinières CHÂTEAU de la Propriétaire. Les cuisinières facturées sont identifiées au moyen d’un numéro de produit; la Marque n’est pas présentée dans les factures.

  • La pièce BF­11 contient des imprimés partiellement caviardés tirés de l’inventaire de Signature Bachand, montrant que les deux numéros de produit indiqués dans les factures de la pièce BF­10 correspondent respectivement aux cuisinières « 36" CHATEAU 90 » [CHATEAU 90 de 36 po] et « CHATEAU CUISINIERE 120SL » de la Propriétaire, fournies par AGA Marvel.

[13]  Aucun exemple des manuels de l’utilisateur mentionnés par M. Favier n’est fourni.

[14]  Je souligne que la gamme de produits CHÂTEAU de la Propriétaire est décrite dans le catalogue de la pièce BF­4 comme étant constituée de [Traduction] « cuisinières » personnalisables pourvues de [Traduction] « tables de cuisson » personnalisables et de fours voûtés.

[15]  La première partie du catalogue est intitulée « CREATE YOUR CHÂTEAU » [créez votre CHÂTEAU] et comprend les sections « Choose your size » [choisissez la taille], « Choose your cooktop » [choisissez votre table de cuisson], « Choose your finishes » [choisissez vos finis] et « Choose your hood » [choisissez votre hotte].

[16]  La section « Choose your size » [choisissez la taille] est constituée d’une seule page établissant une correspondance entre les largeurs de cuisinière disponibles et les noms de modèle des cuisinières, allant du GRAND PALAIS 180 à 1800 unités de large au CASTEL 75 à 750 unités de large.

[17]  La section sur les tables de cuisson décrit ensuite chaque modèle de cuisinière. Je souligne que les modèles « Le Château 165 », « Le Château 150 » et « Le Château 120 » indiqués dans la table des matières sont désignés comme « LE CHÂTEAU® 165 », « LE CHÂTEAU® 150 » et « LE CHÂTEAU® 120 » dans le titre de chacune des pages. Chaque page fournit les détails liés au modèle de cuisinière et aux tables de cuisson correspondantes, désignés respectivement « Château » et « Table Château » suivis du numéro de modèle. À titre d’exemple, les détails liés à la cuisinière « Château 90 » et aux configurations de la table de cuisson « Table Château 90 » sont fournis sous le titre « LE GRAND CASTEL® 90 », tandis que les détails liés à la cuisinière « Château 75 » et aux configurations de la table de cuisson « Table Château 75 » sont fournis sous le titre « LE CASTEL® 75 ».

[18]  Les options liées aux couleurs et aux garnitures sont décrites à la section suivante, et je souligne qu’elles comprennent l’option « Engrave your plate » [faites graver votre plaque] sans frais. Chacun des trois exemples représentés comporte une inscription différente sous le logo de la Propriétaire, sur une petite plaque de métal du genre de celle mise en évidence en pièce BF­5.

[19]  À l’instar de la section sur les tables de cuisson, la section sur les hottes présente les détails liés à diverses hottes de cuisine, dont les modèles « Château Hood » 165, 120, 90 et 75 et « Hotte Château 150 », ainsi que le modèle « Villa Hood » dans les tailles « Hotte Villa » 180, 165, 150, 129, 90 et 75.

[20]  La seconde partie du catalogue est intitulée « Create your Design » [créez votre design]. Sa section « Complementary products » [produits complémentaires] présente une rôtissoire (LA FLAMBERGE®), des comptoirs, des dosserets en acier inoxydable, des éviers, des robinets et des « props » [accessoires] (plateaux, tiroirs et paniers). La section « Cabinets » [armoires] comprend les sous-sections « Meubles «Château» » (mobilier avec finis en acier inoxydable et finis émaillés) et « Meubles «Mémoire» » (mobilier avec finis en bois, en verre et en acier inoxydable).

[21]  La section finale contient le formulaire de demande de projet, à utiliser afin d’obtenir une proposition de prix pour une commande spéciale. Le formulaire propose un choix de cuisinières qui comprend les modèles « Château » 180, 165, 150, « Châtelet 120 », « Grand Castel 90 » et « Castel 75 », ainsi qu’un choix de hottes qui comprend les modèles « H Château » 180, 165, 150 et 120 et également le modèle « Villa Hood ». Un choix de différentes tables de cuisson est proposé pour chaque cuisinière, mais la Marque n’est pas présentée séparément en liaison avec les choix de tables de cuisson proposés dans le formulaire. Le formulaire est suivi de renseignements sur les commandes, l’expédition, le service et la garantie, ainsi que des coordonnées d’AGA Marvel au Michigan pour le service et les renseignements sur les pièces.

Remarques préliminaires concernant l’identification des pièces

[22]  À titre préliminaire, la Partie requérante soutient que les incohérences dans la numérotation et l’ordre des pièces jointes à l’affidavit ne permettent pas de les identifier avec exactitude, de sorte que [Traduction] « il est impossible de savoir avec certitude à quel document annexé l’Affidavit renvoie ou si les documents qui étaient censés être annexés ont dans les faits été joints ». Selon l’observation de la Partie requérante, les incohérences [Traduction] « sèment nécessairement le doute sur la véracité du contenu de l’Affidavit et soulèvent la question de savoir si un poids significatif peut être accordé aux déclarations de M. Favier qui y sont formulées ».

[23]  Cependant, il a été établi que des irrégularités techniques dans la preuve ne devraient pas empêcher une partie de répondre de façon satisfaisante à l’avis prévu à l’article 45 lorsque la preuve produite pourrait être suffisante pour établir l’emploi [voir Baume & Mercier SA c Brown (1985), 4 CPR (3d) 96 (CF 1re inst)]. Surtout dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 – qui se veut sommaire et expéditive – le registraire a souvent considéré certaines irrégularités présentes dans les affidavits comme de simples détails techniques [voir, à titre d’exemple, Brouillette, Kosie c Luxo Laboratories Ltd (1997), 80 CPR (3d) 312 (COMC); et 88766 Canada Inc c Tootsie Roll Industries Inc (2006), 56 CPR (4th) 76 (COMC)]. En particulier, le registraire a admis des pièces qui n’étaient ni clairement identifiées en tant que pièce ni correctement paraphées lorsque ces pièces étaient par ailleurs identifiées ou expliquées dans le corps de l’affidavit, sans accorder un poids moindre aux pièces ou aux déclarations du déposant [voir, à titre d’exemple, Borden & Elliot c Raphaël Inc (2001), 16 CPR (4th) 96 (COMC)].

[24]  En l’espèce, je peux facilement identifier chaque pièce à partir de sa description détaillée présentée dans le corps de l’affidavit. Dans les circonstances, j’estime que l’omission des numéros sur la page couverture des pièces et l’inversion évidente des pièces BF­3 et BF­4 constituent seulement des erreurs mineures survenues lors de l’assemblage de l’affidavit. J’estime que ces erreurs techniques n’ont aucune incidence sur le poids à accorder aux pièces ou aux déclarations sous serment de M. Favier.

Remarques préliminaires concernant le ouï-dire

[25]  La Partie requérante soutient en outre que les instantanés de site Web des pièces BF­2 et BF­3, les photographies de la salle d’exposition de la pièce BF­5, les factures d’AGA Marvel et de Signature Bachand des pièces BF­8 et BF­10, et les relevés d’inventaire de Signature Bachand de la pièce BF­11 constituent tous une preuve par ouï-dire.

[26]  La Partie requérante fait valoir que M. Favier n’explique pas comment il a obtenu ces documents, si ce n’est en mentionnant que des « agents » non identifiés ont pris les photographies de la pièce BF­5.

[27]  La Partie requérante fait en outre valoir qu’il n’y a aucune preuve que M. Favier représente AGA Marvel ou Signature Bachand, ou qu’il serait autrement en mesure de fournir [Traduction] « une preuve admissible pouvant avoir un poids quelconque » en ce qui concerne leur relation, la pratique normale de leur commerce ou la salle d’exposition de Signature Bachand. En particulier, la Partie requérante se demande comment M. Favier, un résident de la France, aurait connaissance de l’apparence d’une salle d’exposition située à Montréal. La Partie requérante soutient en outre que les photographies de la salle d’exposition produites en pièce ne satisfont pas aux critères de la nécessité et de la fiabilité et qu’elles ne sont pas visées par l’exception de common law relative aux dossiers d’entreprise.

[28]  En général, la preuve par ouï-dire est de prime abord inadmissible, sauf si elle satisfait aux critères de la nécessité et de la fiabilité [Labatt Brewing Co c Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst)]. Cependant, il convient généralement d’appliquer ces critères moins rigoureusement dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 que dans une procédure accusatoire visant à déterminer les droits de parties opposées (voir FCA US LLC c Pentastar Transportation Ltd, 2019 CF 745). La nature sommaire de la procédure prévue à l’article 45 est telle que les préoccupations relatives au ouï-dire ne devraient généralement influer que sur le poids qu’il convient d’accorder à la preuve, sans égard à son admissibilité [voir Eva Gabor International Ltd c 1459243 Ontario Inc, 2011 CF 18; voir également Derby Cycle Werke GmbH c Infinité Cycle Works Ltd, 2013 COMC 134; et Wishbuds Inc c Sandoz GmbH, 2013 COMC 208].

[29]  En particulier, les documents produits par des tiers peuvent être admissibles dans la mesure où ils étayent des déclarations admissibles. À cet égard, la Cour fédérale a statué que la facture d’un distributeur pouvait être admise pour corroborer une déclaration faite par un agent du propriétaire de la marque de commerce concernant des ventes de produits arborant la marque au Canada, si cette déclaration est fondée sur une connaissance personnelle [voir Quarry Corp c Bacardi & Co (1996), 72 CPR (3d) 25 (CF 1re inst)].

[30]  En l’espèce, compte tenu de la nature de son poste chez la Propriétaire, j’admets que M. Favier aurait généralement une connaissance du branding, de la vente et de la distribution des produits de la Propriétaire ainsi que de la documentation se rapportant à ces derniers [pour des conclusions semblables, voir Prollenium Medical Technologies, Inc c Teoxane, SA, 2016 COMC 191; et FCA US LLC c Pentastar Transportation Ltd, 2018 COMC 80, conf par FCA US LLC, supra (CF)]. D’ailleurs, en l’espèce, M. Favier affirme expressément que, en raison des postes qu’il a occupés et des fonctions qu’il a assumées chez la Propriétaire, il peut attester la véracité des faits décrits dans son affidavit et l’apparence de la salle d’exposition de Signature Bachand en particulier. Je suis également disposée à admettre qu’un dirigeant d’entreprise occupant le poste de M. Favier aurait généralement une connaissance de l’apparence du site Web de son entreprise.

[31]  En conséquence, j’admets que les instantanés, les photographies, les factures et les rapports d’inventaire contenus dans les pièces susmentionnées sont admissibles à l’appui des allégations de M. Favier concernant la commercialisation et la vente des produits de la Propriétaire. Compte tenu de la nature sommaire de la procédure prévue à l’article 45, je suis d’avis que le fait d’exiger que la Propriétaire fournisse des affidavits supplémentaires de ses distributeurs et détaillants ou d’exiger que M. Favier se rende personnellement au Canada pour prendre des photographies de l’emploi de la Marque équivaudrait à exiger une surabondance d’éléments de preuve. Le fait que M. Favier soit en mesure d’attester la nature des documents produits en pièce et de confirmer qu’ils sont représentatifs est suffisant aux fins de la présente procédure.

[32]  Cela étant dit, je conviens avec la Partie requérante que les pages Web produites en pièce à tout le moins ne sont pas particulièrement probantes, étant donné que rien n’indique qu’il était possible de faire des achats sur le site Web ou que ces pages ont autrement été présentées lors du transfert des produits au Canada, pendant la période pertinente ou à tout autre moment. En effet, il n’y a aucun renseignement quant à savoir si ces pages ont déjà été consultées par des Canadiens. Au mieux, les pages Web fournissent des renseignements sur la manière dont la Propriétaire caractérise ses cuisinières, plutôt qu’une preuve de l’emploi de la marque de commerce au Canada.

Analyse

[33]  Autrement, dans ses représentations écrites, la Partie requérante formule trois observations principales :

  1. Tout emploi établi de la Marque au Canada n’a pas été fait par la Propriétaire.
  2. Les mentions de « Chateau » dans la preuve ne constituent pas un emploi de la Marque telle qu’elle est enregistrée ou d’une variante acceptable de celle-ci.
  3. Les pièces fournies par la Propriétaire ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi de la Marque au sens de l’article 4 de la Loi.

[34]  J’examinerai successivement chacune de ces observations.

Emploi par la Propriétaire

[35]  La Partie requérante soutient que tout emploi établi de la Marque par AGA Marvel ou Signature Bachand ne s’appliquerait pas au profit de la Propriétaire, parce que la Propriétaire n’a pas établi l’exercice du contrôle requis sur l’emploi de la Marque ou autrement satisfait aux exigences énoncées à l’article 50 de la Loi.

[36]  Cependant, il est bien établi que la pratique normale du commerce du propriétaire d’une marque de commerce fera souvent intervenir des distributeurs et des grossistes et/ou des détaillants et que la distribution et la vente des produits du propriétaire par l’intermédiaire de telles entités peuvent constituer un emploi de la marque de commerce qui s’applique au profit du propriétaire [voir Manhattan Industries Inc c Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6 (CF 1re inst); Lin Trading Co c CBM Kabushiki Kaisha (1988), 21 CPR (3d) 417 (CAF)].

[37]  En l’espèce, je suis convaincue qu’AGA Marvel et Signature Bachand sont simplement une distributrice et une détaillante des produits de la Propriétaire, respectivement. En conséquence, une preuve de l’emploi sous licence au titre de l’article 50 de la Loi n’est pas requise. En effet, étant la conceptrice et la fabricante des Produits, la Propriétaire exerce nécessairement un contrôle direct sur leurs caractéristiques et leur qualité, et elle est elle-même le premier maillon de la chaîne de distribution entre le fabricant et le consommateur final.

[38]  Dans les circonstances, je suis convaincue que tout emploi établi de la Marque dans le cadre de ventes réalisées par AGA Marvel ou Signature Bachand s’applique au profit de la Propriétaire aux fins de la présente procédure.

Variante

[39]  La Partie requérante soutient que la présentation de CHATEAU 165 sous le logo de la Propriétaire sur la plaque de métal fixée à la cuisinière représentée en BF­5 ne constitue pas une présentation de la Marque telle qu’elle est enregistrée. De façon similaire, la Partie requérante soutient que la présentation de CHATEAU 120SL et de CHATEAU 150SL dans les fiches techniques de la pièce BF­6 ne constitue pas une présentation de la Marque telle qu’elle est enregistrée.

[40]  À cet égard, la Partie requérante cherche à établir une analogie avec la décision du registraire dans Mendelsohn Rosentzveig Shacter c Parmalat Dairy & Bakery Inc (2004), 40 CPR (4th) 443 (COMC), dans laquelle il a été conclu que la présentation de la marque de commerce LA CRÈME ne constituait pas une présentation de la marque de commerce déposée LA CRÈME DU YOGOURT.

[41]  La Propriétaire, pour sa part, soutient que le mot CHATEAU constitue une variante acceptable de la Marque telle qu’elle est enregistrée. La Propriétaire soutient que « 120SL » ou « 150SL » serait perçu comme désignant une taille ou un modèle précis de cuisinière CHATEAU, citant à l’appui Smart & Biggar c Oy Lahden Polttimo AB (2004), 35 CPR (4th) 348 (COMC). La Propriétaire soutient en outre que son logo serait perçu comme une marque de commerce distincte. La Propriétaire soutient que ces types d’ajouts ne modifient pas la Marque.

[42]  Lorsqu’il s’agit de déterminer si la présentation d’une marque de commerce constitue une présentation de la marque telle qu’elle est enregistrée, la question à se poser est celle de savoir si la marque de commerce a été employée d’une manière telle qu’elle a conservé son identité et qu’elle est demeurée reconnaissable malgré les différences entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été employée [Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie International pour l’informatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF)]. Pour trancher cette question, il faut déterminer si les [Traduction] « caractéristiques dominantes » de la marque de commerce déposée ont été préservées [Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)].

[43]  De plus, en général, l’emploi d’une marque de commerce en conjugaison avec des mots ou des éléments graphiques additionnels constitue un emploi de la marque de commerce si, sous le coup de la première impression, le public y verrait un emploi de la marque de commerce en soi. Il s’agit là d’une question de fait qui dépend de celles de savoir si la marque de commerce se démarque des éléments additionnels, par exemple par l’emploi d’une police ou d’une taille de caractères différente, ou si les autres éléments seraient perçus comme étant purement descriptifs ou comme constituant une marque de commerce ou un nom commercial distincts [Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)]. À cet égard, il est bien établi que deux marques de commerce peuvent être employées simultanément dans la mesure où elles ne sont pas combinées de façon à rendre indifférenciables les marques individuelles [voir AW Allen Ltd c WarnerLambert Canada Inc (1985), 6 CPR (3d) 270 (CF 1re inst), à la p 272].

[44]  En l’espèce, malgré les observations de la Partie requérante, j’estime que le mot CHATEAU représente la caractéristique dominante de la Marque telle qu’elle est enregistrée. À mon avis, l’article défini « LE » et l’omission de l’accent circonflexe sur la lettre majuscule A constituent des caractéristiques mineures. De même, j’estime que les aspects graphiques et le signe de ponctuation présents dans la Marque figurative en cause — la police de caractères simple, les majuscules et les guillemets — constituent des caractéristiques mineures.

[45]  En conséquence, je conviens avec la Propriétaire que la caractéristique dominante de la Marque telle qu’elle est enregistrée, à savoir le mot CHATEAU, a été préservée. J’estime que les changements dans les caractères et la ponctuation ne constituent que des variations mineures. Ces changements, ainsi que l’omission de l’article « LE », n’ont pas d’incidence significative sur l’impression visuelle, la prononciation ou la signification de la Marque.

[46]  De plus, j’estime que l’ajout des codes de modèle ne modifie pas l’identité de la Marque, malgré le fait qu’ils aient la même taille et le même style de caractères que CHATEAU. À cet égard, je conviens avec la Propriétaire que ces éléments additionnels seraient perçus comme désignant une taille ou un modèle précis de cuisinière CHATEAU et que CHATEAU en tant que tel serait perçu comme la marque de commerce. À cet égard, je souligne que les fiches techniques désignent également les cuisinières au moyen de la marque de commerce CHATEAU en soi, sans le code de produit, ce qui renforce l’impression que CHATEAU en tant que marque de commerce est employé de façon indépendante.

[47]  De façon similaire, je conviens avec la Propriétaire que son logo figurant au-dessus de la Marque sur la plaque de métal (ou sous la Marque dans la fiche technique de la cuisinière CHATEAU 120SL) serait perçu comme une marque de commerce distincte. En raison de la différence dans la taille et les caractères, le logo et la Marque se démarquent l’un de l’autre.

[48]  À mon avis, la décision Parmalat Dairy & Bakery citée par la Partie requérante se distingue de la présente espèce. Dans cette affaire, les mots DU YOGOURT, bien que descriptifs, ont néanmoins été considérés comme des éléments [Traduction] « dominants et essentiels » de la marque de commerce déposée [au paragraphe 17]. Leur omission dans la marque employée donnait lieu à une marque de commerce [Traduction] « tout à fait différente de la marque de commerce déposée » [au paragraphe 19]. Cependant, LA CRÈME DU YOGOURT est une expression dont la signification est sensiblement différente de LA CRÈME employée seule. Par contre, en l’espèce, j’estime que l’omission de l’article défini LE ou des guillemets — ou l’un quelconque des ajouts ou des omissions présentés dans la preuve — ne modifie pas la signification concrète de la Marque ou ne crée pas autrement une marque de commerce [Traduction] « tout à fait différente ». De façon similaire, j’estime que la présence ou l’absence de codes de modèle ne modifie pas la signification de la Marque de la même manière que la suppression de la partie DU YOGOURT modifiait la signification de LA CRÈME DU YOGOURT.

[49]  En conséquence, je suis convaincue que la présentation de CHATEAU constitue une présentation de la Marque telle qu’elle est enregistrée. Ni les ajouts ni les variations mineures examinées ci-dessus ne modifient l’identité de la Marque. La Marque demeure reconnaissable.

Caractère suffisant de la preuve

[50]  La Partie requérante a présenté plusieurs autres arguments contestant le caractère suffisant de la preuve. Pour l’essentiel, la Partie requérante fait valoir que la preuve n’établit pas que la Marque a été présentée sur ou en liaison avec l’un quelconque des Produits lors de leur transfert dans la pratique normale du commerce au Canada pendant la période pertinente.

[51]  En ce qui concerne la présentation de la Marque sur les Produits eux-mêmes et au point de vente, la Partie requérante soutient que la photographie présentant l’inscription « CHATEAU 165 » gravée au bas de la plaque de métal fixée à la cuisinière représentée en BF­5 n’est pas représentative de l’apparence habituelle de ces plaques, car la preuve démontre que cette partie de la plaque est destinée à recevoir une inscription personnalisée choisie par l’acheteur. La Partie requérante souligne également que la photographie en question a été prise après la période pertinente.

[52]  La Partie requérante soutient en outre qu’il n’y a aucune preuve que les cuisinières exposées dans la salle d’exposition de Signature Bachand sont physiquement à proximité du [Traduction] « lieu où la propriété ou la possession des Produits de l’Inscrivante est transférée à l’acheteur ».

[53]  La preuve n’est pas claire quant à savoir si la Marque a été présentée sur les Produits eux-mêmes lors du transfert dans la pratique normale du commerce pendant la période pertinente. La plaque de métal arborant la Marque est fixée à ce qui semble être un modèle dans une salle d’exposition. Le formulaire de demande de projet de la pièce BF­4 semble avoir, entre autres, pour fonction de fournir une estimation de prix pour des modèles d’exposition commandés sur mesure. Cependant, M. Favier ne donne aucune explication à cet égard et, quoi qu’il en soit, il n’y a aucune indication quant à savoir si les cuisinières représentées en BF­5 ou d’autres cuisinières ayant une plaque arborant la marque CHATEAU ont été achetées par Signature Bachand ou tout autre détaillant pendant la période pertinente. En ce qui concerne les plaques de métal fixées aux produits transférés à des clients, le catalogue de la pièce BF­4 et les factures de la pièce BF­7 indiquent qu’elles seraient soit vierges soit gravées d’une inscription personnalisée.

[54]  Quoi qu’il en soit, il a été établi que la présence d’une marque de commerce sur des présentoirs en magasin à proximité immédiate des produits lors de leur vente peut satisfaire aux exigences de l’article 4(1) de la Loi, si le présentoir donne avis que la marque de commerce est liée à ces produits [voir, à titre d’exemple, Loblaws Ltd c Richmond Breweries Ltd (1983), 73 CPR (2d) 258 (COMC); Lafco Enterprises Inc c Canadian Home Publishers, 2013 COMC 44; et Riches McKenzie & Herbert LLP c Parissa Laboratories Inc (2006), 59 CPR (4th) 219 (COMC)].

[55]  En l’espèce, je suis convaincue que la présentation de la Marque sur la plaque de la cuisinière modèle, conjuguée à la présentation de la Marque dans la fiche technique se trouvant sur la cuisinière, constitue un affichage au point de vente suffisant pour donner un avis de liaison entre la Marque et les cuisinières de la Propriétaire. Bien que ces présentations de la Marque aient été photographiées après la période pertinente, la déclaration sous serment de M. Favier indique clairement que les photographies sont représentatives de l’apparence qu’avait la salle d’exposition en question pendant la période pertinente.

[56]  De plus, bien que M. Favier n’atteste pas le lieu exact dans la salle d’exposition où les achats sont faits, je suis convaincue que l’avis de liaison serait donné et le demeurerait indépendamment de la question de savoir si le bon de commande est placé à côté de la cuisinière modèle ou à un autre endroit dans la salle d’exposition. À cet égard, il a été établi que la présentation d’une marque de commerce dans des catalogues et des documents semblables utilisés à des fins de commande peut, dans certaines constances, donner l’avis de liaison exigé par l’article 4 de la Loi [voir, à titre d’exemple, Dart Industries Inc c Baker & McKenzie LLP, 2013 CF, 97; et Swabey Ogilvy Renault c Mary Maxim Ltd (2003), 28 CPR (4th) 543 (COMC)]. En l’espèce, je suis disposée à inférer que des clients pourraient passer des commandes dans la salle d’exposition après avoir examiné les cuisinières modèles et les fiches techniques connexes et que ces clients percevraient que la Marque sur ces articles identifie la cuisinière achetée.

[57]  Cependant, en l’espèce, je ne suis pas convaincue que la preuve établit qu’un client du magasin a passé une telle commande pendant la période pertinente et que la propriété ou la possession des produits commandés lui a également été transférée pendant la période pertinente. À cet égard, seule une facture de Signature Bachand concernant une cuisinière CHATEAU 120SL est fournie, et elle porte la date suivante : « 23 Jul 16 31 JAN 17 ». M. Favier atteste que la facture a été émise le 23 juillet 2016, ce qui donne à penser que le 31 janvier 2017 pourrait être la date de livraison prévue. Cependant, comme l’a souligné la Partie requérante, cette date est postérieure à la période pertinente. En outre, il n’y a aucune indication dans la facture quant à la date d’échéance du paiement ni aucune autre indication qui pourrait permettre de tirer une inférence quant au moment où la propriété des produits a été transférée. En conséquence, je ne suis pas convaincue que cette facture établit un transfert de la propriété ou de la possession d’une cuisinière arborant la Marque de la manière indiquée en pièce BF­5 pendant la période pertinente.

[58]  En ce qui concerne la facture restante de la pièce BF­10, cette dernière se rapporte à une cuisinière « 36" CHATEAU 90 » [CHATEAU 90 de 36 po]. M. Favier n’a fourni aucune photographie d’affichage au point de vente pour ce type de cuisinière. En outre, étant donné que les pièces BF­2 et BF­4 indiquent que la cuisinière de 90 cm est également commercialisée sous le nom GRAND CASTEL 90, je ne suis pas disposée à inférer, en l’absence d’une confirmation de la part de M. Favier, que l’affichage au point de vente pour la cuisinière de 90 cm aurait présenté la marque de commerce CHATEAU plutôt que la marque de commerce GRAND CASTEL.

[59]  À cet égard, je souligne les observations formulées par la Cour fédérale dans Guido Berlucchi & C Srl c Brouilette Kosie Prince, 2007 CF 245, 56 CPR (4th) 401 : un propriétaire inscrit qui s’appuie sur une vente unique [Traduction] « joue avec le feu car il doit alors fournir suffisamment de renseignements concernant le contexte dans lequel s’est déroulée la vente pour éviter de susciter dans l’esprit du registraire ou de la Cour des doutes qui pourraient jouer contre lui » [au paragraphe 20].

[60]  Cependant, je souligne que la Marque est également présentée dans les factures de la pièce BF­8, faisant état de ventes faites par la distributrice de la Propriétaire au détaillant canadien Signature Bachand.

[61]  À cet égard, il est bien établi que la présentation d’une marque de commerce dans une facture qui accompagne les produits lors du transfert peut satisfaire aux exigences de l’article 4(1) de la Loi si l’avis de liaison requis entre la Marque et les produits est donné [voir Gordon A MacEachern Ltd c National Rubber Co Ltd (1963), 41 CPR 149 (C de l’É); et Riches, McKenzie & Herbert c Pepper King Ltd (2000), 8 CPR (4th) 471 (CF 1re inst)]. La principale considération est celle de [Traduction] « savoir si la marque de commerce est employée comme marque de commerce pour décrire les marchandises [...] donnant ainsi à la personne à qui sont transférées les marchandises un avis suffisant de cet emploi » [voir Tint King of California Inc c Canada (Registraire des marques de commerce), 2006 CF 1440, au paragraphe 32].

[62]  En l’espèce, comme je l’ai mentionné ci-dessus, la Marque figure dans le corps des factures et identifie les produits facturés précis. Dans les circonstances de l’espèce, et compte tenu de la preuve dans son ensemble, je suis convaincue que les inscriptions « CHATEAU 90 », « CHATEAU 120 USA CENTENAIRE », « CHATEAU 150 SL-CH150 K1 », « CHATEAU 90 HOOD » [hotte CHATEAU 90] et « CHATEAU 150 HOODFAN-MATTE BLACK » [ventilateur de hotte CHATEAU 150-noir mat] figurant dans les factures que la distributrice de la Propriétaire a adressées à sa détaillante canadienne ont donné à la détaillante l’avis de liaison requis entre la Marque et les cuisinières et les hottes qu’elle avait achetées.

[63]  La Partie requérante soutient qu’il n’y a aucune preuve que ces factures ont accompagné les produits lors du transfert. Cependant, les factures indiquent que les produits sont vendus et expédiés à la même adresse; il n’y a aucune adresse de [Traduction] « facturation » distincte. Je souligne également que chaque facture précise des modalités de paiement et un mode d’expédition, ce qui indique que la facture a accompagné les produits expédiés; en effet, il n’y a pas de date d’expédition ou de livraison distincte. En conséquence, je suis disposée à inférer que les factures produites en pièce ont accompagné les produits lors de leur expédition ou de leur livraison et qu’elles ont donné de ce fait l’avis de liaison requis lors du transfert de la possession des produits.

[64]  La Partie requérante soutient également que le caviardage des prix et des quantités dans les factures de la pièce BF­8 donne à penser que ces factures pourraient ne pas représenter des transactions faites dans la pratique normale du commerce et pourraient même représenter des remboursements liés à des commandes annulées.

[65]  Cependant, le caviardage des prix n’est pas déterminant. En l’espèce, M. Favier atteste que la pratique normale du commerce de la Propriétaire comprend la vente de cuisinières et de hottes par sa distributrice AGA Marvel à divers détaillants, dont Signature Bachand, et que les documents de la pièce BF­8 sont des factures représentatives concernant ces produits. Les documents de la pièce BF­8 concordent avec cette description. Je soulignerais également que chacun de ces documents est intitulé « Invoice » [facture] et précise des modalités de paiement et un mode d’expédition; rien ne donne à penser qu’il y a eu un remboursement ou une annulation.

[66]  En ce qui concerne la présentation de la Marque dans les factures jointes comme pièce BF­7, comme l’a souligné la Partie requérante, la preuve n’établit pas que ces produits facturés en particulier ont en fin de compte été acheminés d’AGA Marvel au Michigan à un détaillant ou à un acheteur au Canada. En effet, la preuve de M. Favier semble indiquer qu’AGA Marvel est la distributrice de la Propriétaire pour toute l’Amérique du Nord et qu’elle n’aurait donc pas nécessairement acheminé ces produits en particulier au Canada. Cependant, ce point est sans portée pratique, étant donné ma conclusion en ce qui concerne les factures de la pièce BF­8.

[67]  Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que les factures de la pièce BF­8 établissent l’emploi de la Marque en liaison avec des cuisinières et des hottes au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

[68]  De plus, je souligne que, sur le site Web de la Propriétaire, les termes « cuisinières » et « fourneaux » semblent être utilisés de manière interchangeable pour désigner des cuisinières, comme le montrent les pièces BF­2 et BF­3. Compte tenu de cette preuve, j’admets que, aux fins de la présente procédure, les termes « cuisinières » et « fourneaux » sont interchangeables et que la preuve à l’égard des cuisinières appuie le maintien de l’enregistrement à l’égard aussi bien des « cuisinières » que des « fourneaux ».

[69]  Cependant, en l’absence de renseignements supplémentaires de la part de M. Favier, je ne suis pas convaincue que la preuve établit l’emploi de la Marque en liaison avec des « fours » ou des « tables de cuisson ». À cet égard, je souligne que les fiches techniques de la pièce BF­6 mentionnent un four voûté de type « château » breveté. Cependant, en l’absence de toute indication que ces fours sont vendus séparément, la mention d’un four de type « château » semble, au mieux, désigner le type de four présent dans les cuisinières CHATEAU. De façon similaire, le catalogue de la pièce BF­4 mentionne des tables de cuisson « Table Château » dans les pages décrivant chaque modèle de cuisinière; cependant, en l’absence de toute indication que les tables de cuisson sont également vendues séparément, les mentions de la « Table Château » semblent désigner le type de table de cuisson personnalisable offert pour chaque modèle de cuisinière CHÂTEAU. En effet, je souligne que, dans le formulaire de demande de projet du catalogue, les choix de table de cuisson ne sont pas identifiés au moyen d’une marque, mais plutôt seulement au moyen du code de modèle associé à chaque modèle de cuisinière « Château » (ou Châtelet, Grand Castel ou Castel). En revanche, les hottes peuvent être choisies de manière indépendante et sont identifiées selon la marque (H Château, H Castel et Villa Hood). Une inscription est liée à une « COOKTOP » [table de cuisson] CHÂTEAU dans les factures produites en pièce mais, comme je l’ai indiqué ci-dessus, sa description indique clairement que cet article facturé est une cuisinière complète.

[70]  Compte tenu de tout ce qui précède, je suis seulement convaincue que la Propriétaire a établi l’emploi de la Marque en liaison avec les produits « appareils de cuisson, nommément : cuisinières, fourneaux; hottes » visés par l’enregistrement au sens des articles 4(1) et 45 de la Loi.

[71]  Étant donné que la Propriétaire n’a fourni aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque au sens de l’article 45(3) de la Loi, l’enregistrement sera modifié pour supprimer les autres Produits.

Décision

[72]  En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, et selon les dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de supprimer les produits suivants de l’état déclaratif des produits :

[Appareils de cuisson, nommément : …] fours, […] tables de cuisson […].

[73]  L’état déclaratif des produits modifié sera libellé comme suit :

Appareils de cuisson, nommément : cuisinières, fourneaux; hottes.

 

Oksana Osadchuk

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue

AGENT(S) AU DOSSIER

Smart & Biggar

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

McMillan LLP

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

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