Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2019 COMC 113

Date de la décision : 2019-10-16

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Real Foods For Real Kids Inc.

Opposante

et

 

Boaden Catering Ltd.

Requérante

 

1,715,674 pour la marque de commerce ORGANIC KIDS CATERING & Dessin

Demande

Introduction

[1]  Real Foods For Real Kids Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce ORGANIC KIDS CATERING & Dessin (la Marque), reproduite ci-dessous, qui fait l’objet de la demande d’enregistrement no 1,715,674, produite par Boaden Catering Ltd. (la Requérante).

[2]  La demande est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec des [Traduction] « services de traiteur » (les Services).

[3]  Pour les raisons exposées ci-dessous, j’estime qu’il y a lieu de rejeter la demande.

Le dossier

[4]  La demande pour la Marque a été produite le 17 février 2015 et annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 6 janvier 2016.

[5]  Le 6 juin 2016, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Cette Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les dispositions de la Loi mentionnées dans la présente décision renvoient à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de celles relatives aux motifs d’opposition, qui renvoient à la Loi dans sa version antérieure aux modifications (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[6]  Les motifs d’opposition invoqués par l’Opposante portaient initialement que la demande n’est pas conforme aux articles 30b) et i) de la Loi, et que la Marque n’est pas enregistrable selon l’article 12(1)b) de la Loi. La déclaration d’opposition a subséquemment été modifiée, avec la permission du registraire accordée le 8 février 2017, afin d’ajouter une allégation portant que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi. Finalement, l’Opposante a volontairement abandonné le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) au début de l’audience qui a été tenue dans la présente affaire.

[7]  Le 12 août 2016, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste chacun des motifs d’opposition invoqués. La contre-déclaration a été modifiée, avec la permission du registraire accordée le 8 février 2017, afin de contester également le motif d’opposition fondé sur l’article 2, en réponse à la déclaration d’opposition modifiée.

[8]  Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de David Starbuck Farnell, cofondateur et président-directeur général de l’Opposante, souscrit le 12 décembre 2016 (l’affidavit Farnell).

[9]  Au soutien de sa demande, la Requérante a produit les affidavits de Louie Tassone, directeur général de la Requérante, souscrit le 10 avril 2017 (l’affidavit Tassone), et de Teresa Alison Gowan, une technicienne en marques de commerce et brevets à l’emploi des agents de marques de commerce de la Requérante, souscrit le 11 avril 2017 (l’affidavit Gowan).

[10]  Aucun des déposants n’a été contre-interrogé.

[11]  Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux représentées à l’audience qui a été tenue.

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[12]  L’Opposante a le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, la Requérante doit s’acquitter du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition en question ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Aperçu de la preuve

La preuve de l’Opposante — l’affidavit Farnell

[13]  Dans les paragraphes d’introduction de son affidavit, M. Farnell fournit des renseignements généraux sur l’entreprise de l’Opposante, qu’il décrit comme une [Traduction] « pionnière des services de traiteur “santé” pour enfants au Canada » qui « sert maintenant quotidiennement des repas et des collations santé à plus de 15 000 enfants dans plus de 300 garderies et écoles de la région du Grand Toronto ». De plus, il explique, entre autres choses, que les services de traiteur pour enfants au Canada sont généralement achetés par des employés attitrés dans les centres de la petite enfance, les écoles et les camps de jour et que ces personnes ont généralement pour mandat de retenir les services de traiteurs qui offrent certains aliments, c’est-à-dire des aliments qui sont conformes aux recommandations nutritionnelles ou aux règlements gouvernementaux et/ou qui sont fournis à certains niveaux de prix [para 2 à 7].

[14]  M. Farnell se penche ensuite sur l’emploi du mot « organic » [biologique] dans le cadre de son entreprise de traiteur pour enfants. Il affirme ce qui suit [Traduction] :

8. [Il a] constaté au cours des dernières années que les acheteurs institutionnels de services de traiteur pour enfants, tout comme les parents des enfants desservis, s’intéressent de plus en plus à la question de savoir si, ou dans quelle mesure, les aliments fournis par les services de traiteur pour enfants sont « biologiques » (p. ex. cultivés sans pesticides ou non modifiés génétiquement).

9. Ces dernières années, le mot « biologique », employé en liaison avec des aliments, a acquis une signification précise qui est maintenant bien connue des personnes travaillant dans l’industrie alimentaire, y compris les fournisseurs de services de traiteur pour enfants et les acheteurs institutionnels de services de traiteur pour enfants. On considère généralement que le mot « biologique » signifie que les aliments ont été certifiés biologiques par un organisme de certification accrédité conformément au Règlement sur les produits biologiques (2009), DORS/2009-176 (le « RPB ») en vertu de la Loi sur les produits agricoles au Canada.

[15]  M. Farnell affirme que les aliments et les services d’alimentation biologiques connaissent une croissance rapide au Canada. À l’appui, il joint comme pièce A à son affidavit un document d’Agriculture et Agroalimentaire Canada publié en 2013 qui traite de la croissance rapide du marché des aliments biologiques au Canada [para 10].

[16]  Au paragraphe 11 de son affidavit, M. Farnell exprime l’opinion suivante [Traduction] :

Il est évident pour [lui] que la Requérante en l’espèce, qui exerce des activités de traiteur depuis les années 1980, tente de profiter de cette tendance en obtenant un monopole sur le mot descriptif « biologique » dans le secteur des services de traiteur pour enfants.

[17]  M. Farnell présente ensuite, aux paragraphes 12 à 18 de son affidavit, certaines des dispositions du RPB et de la Loi sur les aliments et drogues qui spécifient ce qui peut être considéré comme « biologique » et qui, de l’avis de M. Farnell, ont amené les gens dans l’industrie des services d’alimentation à avoir certaines attentes lorsqu’ils voient le mot « biologique ». À l’appui, il joint les pièces suivantes à son affidavit :

  • Pièce B : un imprimé tiré du site Web de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) qui, explique M. Farnell, expose clairement l’exigence énoncée à l’article 24(1) du RPB selon laquelle seuls les produits dont le contenu biologique est d’au moins 95 % peuvent porter la mention « biologique ».

  • Pièce C : un autre imprimé tiré du site Web de l’ACIA qui, explique M. Farnell, indique que les producteurs de produits portant la mention « biologique » doivent être en mesure de démontrer que les allégations relatives au caractère biologique sont véridiques et non trompeuses et que tous les aliments vendus au Canada doivent être conformes aux exigences de la Loi sur les aliments et drogues et de la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation.

  • Pièce D : un imprimé de l’article 5 de la Loi sur les aliments et drogues qui prévoit ce qui suit :

Il est interdit d’étiqueter, d’emballer, de traiter, de préparer ou de vendre un aliment — ou d’en faire la publicité — de manière fausse, trompeuse ou mensongère ou susceptible de créer une fausse impression quant à sa nature, sa valeur, sa quantité, sa composition, ses avantages ou sa sûreté.

  • Pièce E : une petite sélection d’articles de presse et de fiches d’information portant sur l’emploi du terme « biologique » et datant des dernières années, que M. Farnell a consulté en ligne.

[18]  Aux paragraphes 19 à 24 de son affidavit, M. Farnell se penche sur le caractère descriptif de la Marque. Il affirme que sa première impression de la Marque est que cette dernière décrit une entreprise de traiteur pour enfants qui sert uniquement des aliments biologiques. Il signale qu’un certain nombre des clients de l’Opposante lui ont dit avoir eu la même impression. Plus particulièrement, M. Farnell prétend ce qui suit [Traduction] :

22. En fait, certains des clients actuels de [l’Opposante] [lui] ont dit qu’ils avaient initialement retenu les services de la Requérante parce qu’ils souhaitaient obtenir des services de « traiteur biologique pour enfants » et qu’ils avaient cru, d’après la « marque de commerce » de la Requérante, que c’était exactement ce que la Requérante offrait. Ils ont été déçus lorsqu’ils ont constaté que ce n’était pas le cas et se sont sentis trompés – et c’est la raison pour laquelle ils ont cessé de se procurer les services de traiteur pour enfants de la Requérante et se sont tournés vers ceux de [l’Opposante].

[19]  À l’appui, M. Farnell joint comme pièce F à son affidavit une copie d’une lettre d’un des clients de l’Opposante qui, lui a-t-on dit, a été envoyée à l’ACIA [para 23].

[20]  Aux paragraphes 25 et 26 de son affidavit, M. Farnell mentionne un litige entre la Requérante et l’Opposante qui est devant la Cour supérieure de l’Ontario depuis juin 2015. Comme pièce G, M. Farnell joint à son affidavit un extrait du contre-interrogatoire du dirigeant de la Requérante, M. Louie Tassone (qui est également l’un des déposants de la Requérante dans la présente procédure), qui s’est tenu le 5 avril 2016 et lors duquel ce dernier a indiqué que la majorité (environ 65 %) des aliments servis par la Requérante n’était pas « biologique ».

[21]  Enfin, M. Farnell prétend que la Requérante emploie le terme « Organic kids catering » [traiteur biologique pour enfants] en liaison avec son entreprise depuis au moins aussi tôt que décembre 2009 et la Marque depuis au moins aussi tôt que le 18 décembre 2014. À l’appui, il joint comme pièce H à son affidavit un ensemble d’imprimés correspondant à ce qu’il a trouvé sur le site archive.org au sujet du site Web de la Requérante. M. Farnell affirme également que le fondement de l’emploi projeté revendiqué par la Requérante est faux [para 27 à 29].

La preuve de la Requérante

L’affidavit Tassone

[22]  Dans les paragraphes d’introduction de son affidavit, M. Tassone fournit des renseignements généraux au sujet de la Requérante. Il explique que la Requérante se spécialise dans les événements spéciaux et les services de traiteur dans la région du Grand Toronto depuis 40 ans et qu’elle fournit des services de traiteur à des centres de la petite enfance depuis 1985. Il explique en outre qu’en 2009, la Requérante a commencé à offrir à l’occasion des services sous le nom Organic Kids Catering (ci-après « OKC »), une entreprise de services de traiteur destinée spécifiquement aux enfants [para 3 et 4; pièce A].

[23]  Aux paragraphes 5 et 6 de son affidavit, M. Tassone affirme ce qui suit [Traduction] :

OKC sert des dîners et des collations dans divers centres de la petite enfance, diverses écoles et divers établissements éducatifs de la [région du Grand Toronto] […] constitués uniquement d’ingrédients de qualité qui est [sic] disponibles, y compris des légumes frais de la ferme, des fruits délicieux et son propre lait biologique. Les produits certifiés biologiques qui sont servis comprennent des fruits, des légumes, des viandes, des pains, des céréales et de nombreux autres aliments. […]

[24]  Au paragraphe 9 de son affidavit, M. Tassone mentionne une plainte anonyme concernant la Requérante qui a été déposée à l’ACIA. Il affirme ce qui suit [Traduction] :

En février 2015, une plainte anonyme contre la Requérante a été déposée à [l’ACIA] relativement à sa marque de commerce et aux produits biologiques qu’elle sert. Une copie de la plainte est jointe comme pièce B. Après avoir mené une enquête approfondie, l’ACIA a confirmé que les produits servis par la Requérante étaient correctement décrits et que la Requérante respecte pleinement les exigences canadiennes, y compris celles énoncées à l’article 24(1) du [RPB]. Il a été confirmé que chacun des produits biologiques offerts par la Requérante est dûment certifié. En ce qui concerne la marque de commerce, l’inspecteur […] a transmis la plainte au bureau de l’ACIA à Ottawa. Plusieurs mois plus tard, j’ai été avisé que l’ACIA était satisfaite du nom de notre organisations [sic] et que le dossier était clos. L’ACIA n’a donc rien à redire de nos activités.

[25]  M. Tassone aborde également le paragraphe 25 de l’affidavit Farnell concernant le litige qui l’oppose à l’Opposante devant la Cour supérieure de l’Ontario. M. Tassone affirme ce qui suit [Traduction] :

Contrairement à ce qu’indique le paragraphe 25 de l’affidavit Farnell, pendant le contre-interrogatoire relatif à mon affidavit dans [ce litige], j’ai également affirmé qu’à la suite de l’enquête de l’ACIA, la Requérante avait en fait démontré que nous servons bel et bien des produits biologiques qui sont certifiés et satisfont à toutes les exigences établies par l’ACIA. Le seul problème relevé par l’ACIA était l’emploi du logo « Certifié biologique », qui ne peut être employé qu’avec des produits individuels et non de façon générale. Nous avons sans délai cessé tout emploi du logo « Certifié biologique » sur nos menus.

[26]  Comme pièce C, M. Tassone joint à son affidavit deux captures d’écran distinctes (tirées du site archive.org) montrant l’apparence qu’avait le site Web d’OKC à la date de production de la demande. Je souligne que ces imprimés correspondent pour l’essentiel à ceux joints comme pièce H à l’affidavit Farnell.

[27]  Enfin, aux paragraphes 12 et 13 de son affidavit, M. Tassone explique que la Requérante a redessiné son logo en 2015. Il s’est fié à l’avis de son avocat en marques de commerce qui lui a indiqué que l’enregistrement du nouveau dessin devait être demandé sur le fondement de l’emploi projeté. Comme pièce D, il joint à son affidavit une capture d’écran montrant l’apparence qu’avait le site Web d’OKC après la date de production de la demande; laquelle capture d’écran est tirée du site archive.org et a été imprimée le 7 avril 2017.

L’affidavit Gowan

[28]  L’affidavit de Mme Gowan est très bref. Mme Gowan affirme que, sur instruction de l’avocat-conseil de la Requérante dans le présent dossier, elle s’est rendue au magasin Whole Food Market, d’Oakville, en Ontario. Elle a parlé avec un employé qui l’a informée que le magasin vend à la fois des produits biologiques et des produits conventionnels. Comme pièce A, elle joint à son affidavit des photographies qu’elle a elle-même prises de divers écriteaux et emballages associés à des produits alimentaires tant biologiques que conventionnels.

analyse des motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) (non-enregistrabilité) de la Loi

[29]  L’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable selon l’article 12(1)b) de la Loi parce que [Traduction] :

[…] elle donne soit une description claire soit une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des « services de traiteur » en liaison avec lesquels la Requérante l’employait ou projetait de l’employer à la date de production de la demande, car la Marque indique clairement que les services liés à la Marque consistent à fournir des services de traiteur pour enfants offrant des aliments qui sont entièrement ou au moins principalement biologiques, ce qui est soit exact (description claire) soit inexact (description fausse et trompeuse).

[30]  La question de savoir si une marque de commerce donne une description claire ou une description fausse et trompeuse doit être envisagée du point de vue de l’acheteur moyen des produits et services liés à cette marque. Le mot « nature » s’entend d’une particularité, d’un trait ou d’une caractéristique des produits ou des services et le mot « claire » signifie « facile à comprendre, évident ou simple » [Drackett Co of Canada Ltd c American Home Products Corp (1968), 55 CPR 29 (C de l’Éch)]. De plus, la Marque ne doit pas être décomposée en ses éléments constitutifs ni soumise à une analyse détaillée; elle doit plutôt être considérée dans son ensemble et sous l’angle de la première impression [Wool Bureau of Canada Ltd c Registrar of Trade Marks (1978), 40 CPR (2d) 25 (CF 1re inst); et Atlantic Promotions Inc c Registrar of Trade Marks (1984), 2 CPR (3d) 183 (CF 1re inst)]. En d’autres termes, la marque de commerce ne doit pas être considérée isolément, mais plutôt dans son contexte complet et en lien avec les produits et services en cause [Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario c Canada (Procureur général) (2010), 89 CPR (4th) 301 (CF), au para 48; conf par 2012 CAF 60, au para 29, 99 CPR (4th) 213 (CAF)]. Enfin, il faut user de bon sens lorsqu’il s’agit de juger du caractère descriptif [Neptune SA c Canada (Procureur général) (2003), 29 CPR (4th) 497 (CF 1re inst), au para 11].

[31]  Pour qu’une marque soit considérée comme donnant une description claire, elle ne doit pas simplement être suggestive. L’interdiction visant les marques de commerce donnant une description claire a pour but d’empêcher un commerçant unique de monopoliser un terme qui donne une description claire ou qui est usuel dans le commerce, et de placer ainsi des commerçants légitimes dans une position désavantageuse [Canadian Parking Equipment Ltd c Canada (Registrar of Trade-Marks) (1990), 34 CPR (3d) 154 (CF 1re inst)]. Pour qu’une marque de commerce soit considérée comme donnant une description fausse et trompeuse, elle doit tromper le public quant à la nature ou à la qualité des produits et services. Il doit être déterminé que la marque donne une description portant à croire que les produits ou les services sont ou contiennent quelque chose que, dans les faits, ils ne sont pas ou ne contiennent pas. L’interdiction visant les marques de commerce donnant une description fausse et trompeuse a pour but d’empêcher que le public soit trompé [Atlantic Promotions, supra; et Provenzano c Canada (Registrar of Trade-Marks) (1977), 37 CPR (2d) 189 (CF 1re inst)].

[32]  Dans le cas des marques mixtes (c.-à-d. les marques qui comprennent à la fois des éléments nominaux et des éléments graphiques), la Cour fédérale a statué que ces marques ne sont pas enregistrables selon l’article 12(1)b) si elles contiennent des éléments nominaux qui, à la fois, donnent une description claire ou une description fausse et trompeuse des produits ou services en liaison avec lesquels ils sont employés ou avec lesquels on projette de les employer, et constituent la partie dominante de la marque [Best Canadian Motor Inns Ltd c Best Western International Inc 2004 CF 135 (CanLII), 30 CPR (4th) 481].

[33]  La date pertinente pour évaluer un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) est la date de production de la demande [voir Fiesta Barbeques Ltd c General Housewares Corp (2003), 28 CPR (4th) 60 (CF 1re inst)].

[34]  Je conviens avec l’Opposante qu’elle s’est acquittée de son fardeau de preuve initial en l’espèce.

[35]  Comme l’a rappelé le registraire dans Lac Seul Airways, Ltd c Canadian Fly-In Fishing (Red Lake) Limited, 2017 COMC 79 (CanLII), au paragraphe 26, un opposant peut s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe à l’égard de ce motif d’opposition simplement par référence à la signification courante, indiquée dans les dictionnaires, des mots qui composent la marque de commerce [Flowers Canada/Fleurs Canada Inc c Maple Ridge Florist Ltd (1998), 86 CPR (3d) 110 (COMC)]. Contrairement à ce que prétend la Requérante, il n’est pas nécessaire que l’Opposante démontre qu’elle-même ou des tiers ont employé « organic kids catering » [traiteur biologique pour enfants] pour décrire leurs propres services ou que cette expression est couramment employée [Molson Canada 2005 c Drummond Brewing Company Ltd, 2011 COMC 43 (CanLII); et Alberta Government Telephones c Cantel Inc, 1994 CanLII 10102].

[36]  En l’espèce, je conviens avec l’Opposante que les définitions des mots « organic » [biologique], « kids » [enfants] et « catering » [traiteur] indiquent clairement que les Services consistent à fournir des services de traiteur pour enfants offrant des aliments biologiques. À cet égard, je souligne que le Canadian Oxford Dictionary définit le mot « organic » [biologique] comme suit [Traduction] : (à propos d’aliments ou de méthodes agricoles) produit sans l’utilisation d’engrais chimiques, de pesticides ou d’autres produits chimiques de synthèse, ou impliquant un tel mode de production ». [voir Insurance Co of Prince Edward Island c Prince Edward Island Mutual Insurance Co (1999), 2 CPR (4th) 103 (COMC), qui confirme que je peux admettre d’office des définitions du dictionnaire].

[37]  Je souligne que le RPB adopté par l’Agence canadienne d’inspection des aliments rejoint tout à fait la signification courante du mot « organic » [biologique], comme en témoignent les pièces C et E jointes à l’affidavit Farnell. En fait, je conviens avec l’Opposante que l’affidavit Farnell démontre que le mot « organic » [biologique] est strictement réglementé et qu’il a des implications dans l’industrie alimentaire.

[38]  J’estime que la preuve que la Requérante a elle-même produite est compatible avec ce constat, comme l’illustre la description de l’entreprise de la Requérante contenue dans les imprimés des pages archivées du site Web d’OKC qui sont joints comme pièce C à l’affidavit Tassone (et comme pièce H à l’affidavit Farnell) [Traduction] :

Organic Kids Catering [Traiteur biologique pour enfants]

905-276-1161

 

Truly Organic Meals and Snacks [Repas et collations véritablement biologiques]

not just content or whenever possible [pas seulement certains ingrédients ou lorsque cela est possible]

[…]

Don’t Be Misled We Are The ONLY Choice [Ne vous laissez pas berner, nous sommes votre SEULE option]

That’s right, Organic Kids Catering is the ONLY children’s cater to offer all organic healthy meals and snacks. [C’est vrai, Organic Kids Catering est le SEUL traiteur pour enfants à offrir des repas et des collations santé entièrement biologiques.] We do not provide content or content whenever possible. [Nous ne nous contentons pas simplement de quelques ingrédients biologiques lorsque cela est possible.] Mostly of our meas[sic] are all organic. [La plupart de nos repas sont entièrement biologiques.] […] Our competitors often mislead their customers in saying they are organic which in fact they are not. [Nos concurrents trompent souvent leurs clients en se prétendant biologiques alors qu’en réalité, ils ne le sont pas.] They may use the creative words such as “organic content, we aim to use organic, organic content whenever possible, local content and so on”. [Ils utilisent des expressions créatives telles que « ingrédients biologiques », « nous nous efforçons d’utiliser des ingrédients biologiques », « ingrédients biologiques dans la mesure du possible », « ingrédients de provenance locale », etc.] But here at Organic Kids Catering we in fact use organic items and organic local items in our menus. [Chez Organic Kids Catering, nous intégrons réellement des produits biologiques et des produits biologiques locaux à nos menus.]

[39]  À cet égard, je ne souscris pas à la position de la Requérante selon laquelle la Marque, sous l’angle de la première impression, peut suggérer plusieurs idées différentes en l’espèce. D’après ce que je comprends des observations que la Requérante a présentées à l’audience, l’expression « ORGANIC KIDS » [enfants biologiques] pourrait être interprétée de toutes les manières suivantes :

  • Enfants aimant les aliments biologiques

  • Enfants élevés sans produits chimiques

  • Enfants en santé

  • Enfants nés de parents se nourrissant d’aliments biologiques

[40]  Je serais sans doute d’accord dans une certaine mesure si les mots « ORGANIC KIDS » [biologique; enfants] n’étaient pas suivis du mot « CATERING » [traiteur] et si la Marque n’était pas employée dans le contexte même de services de traiteur. Or, je ne peux pas faire abstraction du mot « CATERING » [traiteur] simplement parce qu’il figure en caractères plus petits sous les mots « ORGANIC KIDS » [biologique; enfants] et qu’il décrit la nature des Services de la Requérante. Ces mots font tous trois partie de la portion nominale de la Marque et doivent être prononcés lorsqu’on applique le critère de la [Traduction] « forme sonore » [voir, par analogie, Engineers Canada c Rem Chemicals, Inc, 2014 CF 644 (CanLII), au para 61b); et Central City U-Lock Ltd c JCM Professional Mini-Storage Management Ltd, 2009 COMC no 186, 80 CPR (4th) 467, au para 24]. J’estime, comme le dicte le bon sens, que les mots « ORGANIC KIDS » [biologique; enfants] qualifient le mot « CATERING » [traiteur]. Ainsi, je conviens avec l’Opposante que l’expression « ORGANIC KIDS CATERING » [traiteur biologique pour enfants] donne une description tout aussi claire que l’expression « ORGANIC KIDS FOOD » [aliments biologiques pour enfants] en liaison avec des aliments.

[41]  Comme je l’ai souligné ci-dessus, cette conclusion est étayée par la preuve que la Requérante a elle-même produite. Plus précisément, la pièce C jointe à l’affidavit Tassone indique que la Requérante affirme clairement ce qui suit sur son site Web : « Don’t Be Misled [Ne vous laissez pas berner] […] That’s right, Organic Kids Catering is the ONLY children’s cater to offer all organic healthy meals and snacks. [C’est vrai, Organic Kids Catering est le SEUL traiteur pour enfants à offrir des repas et des collations santé entièrement biologiques.] La pièce B jointe à l’affidavit Tassone indique également que l’ACIA a jugé nécessaire d’évaluer la conformité du [Traduction] « nom commercial ‘ORGANIC KIDS CATERING’ » aux exigences de la LAD et s’est exprimée dans les termes suivants [Traduction] :

Le nom commercial « Organic Kids Catering » sera évalué par l’ACIA au regard des exigences de la Loi sur les aliments et drogues, qui prévoit ce qui suit :

5. (1) Il est interdit d’étiqueter, d’emballer, de traiter, de préparer ou de vendre un aliment — ou d’en faire la publicité — de manière fausse, trompeuse ou mensongère ou susceptible de créer une fausse impression quant à sa nature, sa valeur, sa quantité, sa composition, ses avantages ou sa sûreté.

Dès que des éclaircissements nous auront été fournis, nous vous en ferons part par écrit.

[42]  À cet égard, le fait que M. Tassone ait affirmé au paragraphe 9 de son affidavit, lequel est reproduit ci-dessus, qu’il a [Traduction] « été avisé que l’ACIA était satisfaite du nom de notre organisations [sic] et que le dossier était clos » ne rend pas la Marque non opposable au titre de l’article 12(1)b) de la Loi. Il convient de souligner que la Requérante n’a fourni aucune preuve que l’ACIA a effectué un suivi [Traduction] « par écrit » pour informer la Requérante à savoir si elle avait droit d’employer « Organic Kids Catering » en liaison avec ses Services. Quoi qu’il en soit, je conviens avec l’Opposante que la question de savoir si les aliments fournis par l’entreprise de traiteur pour enfants de la Requérante sont ou non réellement biologiques n’est pas pertinente du point de vue du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b). Si les aliments sont biologiques, la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle donne une « description claire », peu importe qu’elle soit conforme ou non aux exigences de l’article 5(1) de la LAD. Subsidiairement, si les aliments ne sont pas biologiques, la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle donne une « description fausse et trompeuse ».

[43]  Puisque j’ai conclu que l’expression « ORGANIC KIDS CATERING » [traiteur biologique pour enfants], dans sa forme sonore, donne une description claire (ou une description fausse et trompeuse) des Services de la Requérante, la question est de savoir si la Marque demeure enregistrable à la lumière des autres éléments graphiques. À cet égard, je conviens avec l’Opposante que les caractéristiques graphiques (des images d’enfants et de légumes) ne rendent pas la Marque moins descriptive, car elles sont elles-mêmes descriptives lorsqu’on les considère conjointement avec l’expression « ORGANIC KIDS CATERING » [traiteur biologique pour enfants] [voir, par analogie, la décision Central City U-Lock, supra, au para 24, dans laquelle il a été déterminé que la représentation d’un bâtiment ne pouvait pas être distinctive d’un commerçant en particulier; et la décision 24 Hour Glass Ltd c On Set Glass Inc, 2011 COMC 258 (CanLII), au para 46, dans laquelle il a été déterminé que, même si le dessin et les éléments nominaux de la marque présentaient un intérêt visuel équivalent, les dessins d’une caméra de cinéma ou d’une bobine de film ne pouvaient pas être distinctifs de l’une ou l’autre des parties puisqu’ils étaient eux-mêmes descriptifs de l’industrie cinématographique]. Par conséquent, je conviens avec l’Opposante que la portion nominale « ORGANIC KIDS CATERING » [traiteur biologique pour enfants] est la caractéristique dominante de la Marque, et il me semble que la marque mixte visée par la demande serait prononcée en fonction de sa portion nominale.

[44]  En somme, si j’applique le critère de la description claire énoncé dans Best Canadian Motor Inns, supra, j’estime, selon la prépondérance des probabilités, que, sous le coup de la première impression et comme le dicte le bon sens, le consommateur ordinaire considérerait que la Marque, dans sa forme sonore, donne une description claire (ou une description fausse et trompeuse) des Services.

[45]  En conclusion, je souligne que la Requérante n’a pas tenté de réfuter l’objection fondée sur l’article 12(1)b) en invoquant l’article 12(2) de la Loi.

[46]  Compte tenu de tout ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2 (absence de caractère distinctif) de la Loi

[47]  L’Opposante allègue que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi parce que [Traduction] :

[…] elle ne distingue pas véritablement, n’est pas adaptée à distinguer et ne peut pas distinguer les services de la Requérante des services d’autres commerçants offrant des [Traduction] « services de traiteur biologique pour enfants », étant donné que la Marque donne une description claire ou une description fausse et trompeuse et qu’elle est reconnue au Canada comme désignant le genre de services en liaison avec lesquels la Requérante projette de l’employer.

[48]  Bien que la Requérante ait le fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses Services de ceux de tiers partout au Canada [Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)], l’Opposante n’en doit pas moins s’acquitter du fardeau initial d’établir les faits invoqués à l’appui du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif. On considère généralement que la date pertinente pour évaluer ce motif d’opposition est la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317].

[49]  Je conviens avec l’Opposante qu’elle s’est acquittée de son fardeau de preuve initial.

[50]  Une marque de commerce dont il a été déterminé qu’elle donne une description claire (ou une description fausse et trompeuse) de la nature ou de la qualité des services ne peut servir à distinguer ces services des services de tiers [Conseil canadien des ingénieurs professionnels c APA —The Engineered Wood Assn (2000), 2000 CanLII 15543 (CF), 7 CPR (4th) 239 (CF 1re inst)].

[51]  La différence entre les dates pertinentes n’est pas significative et, par conséquent, pour les mêmes raisons que celles énoncées à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b), j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses Services de ceux de tiers partout au Canada.

[52]  En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article (2) est accueilli.

Autre motif d’opposition

[53]  Comme j’ai déjà rejeté la demande pour deux motifs, je n’examinerai pas l’autre motif d’opposition fondé sur l’article 30i) (non-conformité) de la Loi.

Décision

[54]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE : 2019-09-10

COMPARUTIONS

John H. Simpson

POUR L’OPPOSANTE

Steven H. Leach

POUR LA REQUÉRANTE

AGENT(S) AU DOSSIER

Shift Law

POUR L’OPPOSANTE

Ridout & Maybee LLP

POUR LA REQUÉRANTE

 

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