Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2019 COMC 110

Date de la décision : 2019-10-10

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

 

Ridout & Maybee LLP

Partie requérante

et

 

Apple Inc.

Propriétaire inscrite

 

 

 



LMC534,646 pour la marque de commerce SHERLOCK

Enregistrement

[1]  La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée à l’égard de l’enregistrement no LMC534,646 de la marque de commerce SHERLOCK (la Marque), détenu par Apple Inc.

[2]  La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

Logiciel qui utilise des moteurs de recherche multiples pour parcourir des réseaux mondiaux de communication et qui fournit des résultats par ordre de pertinence, avec de résumés, et qui parcourt des disques durs par contenu ainsi que par nom de fichier.

[3]  Pour les raisons exposées ci-dessous, je conclus qu’il y a lieu de radier l’enregistrement.

LA PROCÉDURE

[4]  Le 18 avril 2017, le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Apple Inc. (la Propriétaire). Cet avis a été donné à la demande de Ridout & Maybee LLP (la Partie requérante).

[5]  L’avis enjoignait à la Propriétaire de fournir une preuve établissant qu’elle a employé la Marque au Canada, à un moment quelconque entre le 18 avril 2014 et le 18 avril 2017, en liaison avec les produits spécifiés dans l’enregistrement. Si la Marque n’avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons du défaut d’emploi depuis cette date.

[6]  La définition pertinente d’« emploi » qui s’applique en l’espèce est énoncée à l’article 4(1) de la Loi, lequel est libellé comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[7]  Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 soit peu élevé [Performance Apparel Corp c Uvex Toko Canada Ltd (2004), 31 CPR (4th) 270 (CF)] et qu’il ne soit pas nécessaire de présenter une [Traduction] « surabondance d’éléments de preuve » [Union Electric Supply Co c Canada (Registraire des marques de commerce) (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF)], le propriétaire inscrit doit néanmoins fournir une preuve prima facie d’emploi [Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc (2010), 90 CPR (4th) 428 (CF)]. À cet égard, il faut présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec les produits visés par l’enregistrement pendant la période pertinente.

[8]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit de Thomas R. La Perle, souscrit le 17 novembre 2017, accompagné de la pièce A.

[9]  Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites, mais ni l’une ni l’autre n’a sollicité la tenue d’une audience.

[10]  À titre préliminaire, je souligne que, dans ses représentations écrites, la Propriétaire mentionne des faits qui ne font pas partie de la preuve en l’espèce. Par conséquent, je n’ai pas tenu compte de ces faits [Ridout & Maybee LLP c Encore Marketing International, Inc (2009), 72 CPR (4th) 204 (COMC)].

LA PREUVE

[11]  M. La Perle est le directeur du service juridique de la Propriétaire, qui gère le groupe responsable des marques de commerce et des droits d’auteur de la Propriétaire. Il explique que la Propriétaire conçoit, fabrique et commercialise des appareils de communication et de médias mobiles et des ordinateurs personnels, et vend divers services logiciels et accessoires connexes, etc.

[12]  M. La Perle affirme que la Propriétaire a employé la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement au Canada pendant la période pertinente. À titre d’explication, il affirme que [Traduction] « [la Propriétaire] a commencé à employer la Marque en cause en 1998 lorsque [la Propriétaire] a inclus un outil de recherche de fichiers et de recherche sur le Web appelé SHERLOCK avec son logiciel d’exploitation Mac OS 8 » [para 8].

[13]  M. La Perle explique que l’outil de recherche SHERLOCK accompagne toutes les versions du logiciel d’exploitation Mac à partir d’une version particulière (la version Mac OS 10.4 Tiger) qui a été lancée en 2005. Il atteste que, bien que la Propriétaire ait décidé de ne pas inclure l’outil de recherche de fichiers et de recherche sur le Web SHERLOCK dans le logiciel d’exploitation Mac OS X 10.5 lancé en 2007, la Propriétaire a distribué la version précédente Mac OS 10.4 Tiger accompagnée du programme SHERLOCK au Canada pendant la période pertinente.

[14]  M. La Perle affirme qu’un [Traduction] « membre de l’équipe analytique d’Apple [lui] a confirmé que le fichier contenant le logiciel Mac OS X 10.4 Tiger avec l’outil SHERLOCK […] a été téléchargé 75 fois à partir du site Web canadien d’Apple pendant la Période pertinente » [para 9].

[15]  En outre, il affirme que [Traduction] « l’avocat canadien d’Apple [lui] a confirmé qu’Apple offre le logiciel Mac OS X 10.4 Tiger en téléchargement aux consommateurs canadiens sur ses sites Web à la fois américain et canadien » [para 10]. À l’appui, il joint comme pièce A à son affidavit des extraits, obtenus par [Traduction] « l’avocat canadien de l’Entreprise », des sites Web américain et canadien de la Propriétaire, [Traduction] « montrant que le logiciel Mac OS X 10.4 Tiger comprenant l’outil de recherche de fichiers et de recherche sur le Web SHERLOCK est offert en téléchargement aux consommateurs canadiens » [para 10]. Je souligne toutefois que la Marque ne figure pas sur les extraits de site Web.

[16]  Enfin, M. La Perle conclut son affidavit en affirmant que les consommateurs canadiens sont en mesure de télécharger et ont téléchargé le logiciel Mac OS X 10.4 Tiger à partir des sites Web de la Propriétaire pendant la période pertinente. Par conséquent, ils auraient téléchargé le logiciel SHERLOCK pendant la période pertinente.

ANALYSE ET MOTIFS DE DÉCISION

[17]  Dans ses représentations écrites, la Partie requérante soulève plusieurs questions qui peuvent être résumées comme suit : i) l’affidavit contient une preuve par ouï-dire inadmissible; ii) la preuve n’établit pas que la Marque était liée aux produits visés par l’enregistrement; et iii) il n’y a aucune preuve de transfert dans la pratique normale du commerce des produits visés par l’enregistrement.

[18]  J’examinerai maintenant successivement chacune de ces questions.

i) L’affidavit contient une preuve par ouï-dire inadmissible

[19]  La Partie requérante fait valoir que l’affidavit de la Propriétaire contient une preuve par ouï-dire inadmissible. À titre d’exemple, la Partie requérante soutient que la déclaration de M. La Perle portant que la Propriétaire offre le logiciel Mac OS X 10.4 Tiger en téléchargement aux consommateurs canadiens et les extraits de site Web produits comme pièce A constituent du ouï-dire, puisque cette preuve a été fournie par [Traduction] « l’avocat canadien » de la Propriétaire. Je souligne que, dans ses représentations écrites, la Propriétaire indique que [Traduction] « l’avocat canadien » est un agent de marques de commerce. À cet égard, comme l’a souligné à juste titre la Partie requérante, on ne peut considérer qu’un déposant a une connaissance personnelle des faits qui lui ont été communiqués par l’avocat du propriétaire de la marque de commerce [Perley-Robertson, Hill & McDougall LLP c Olin Corporation (2008), 67 CPR (4th) 234 (COMC)].

[20]  En général, la preuve par ouï-dire est de prime abord inadmissible, sauf si elle satisfait aux critères de la nécessité et de la fiabilité [Labatt Brewing Co c Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF)]. Cependant, il convient généralement d’appliquer ces critères moins rigoureusement dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 que dans une procédure accusatoire visant à déterminer les droits de parties opposées (FCA US LLC c Pentastar Transportation Ltd, (2019), 165 CPR (4th) 179 (CF)]. La nature sommaire de la procédure prévue à l’article 45 est telle que les préoccupations relatives au ouï-dire ne devraient influer que sur le poids qu’il convient d’accorder à la preuve, sans égard à son admissibilité [Eva Gabor International Ltd c 1459243 Ontario Inc (2011), 90 CPR (4th) 277 (CF)].

[21]  Quoi qu’il en soit, ainsi qu’il ressortira de ma décision, même si j’accordais un certain poids aux préoccupations relatives au ouï-dire en l’espèce, l’emploi exigé de la Marque ne serait néanmoins pas établi.

ii) La preuve n’établit pas que la Marque était liée aux produits visés par l’enregistrement

[22]  La Partie requérante soutient que la preuve n’établit pas de quelle manière la Marque aurait été liée aux produits visés par l’enregistrement. En particulier, elle soutient que la seule pièce produite par la Propriétaire ne présente pas la Marque et, par conséquent, l’allégation d’emploi de la Marque de M. La Perle présentée au paragraphe 3 de son affidavit constitue une simple déclaration.

[23]  En réponse, la Propriétaire soutient [Traduction] « [qu’]il est plutôt difficile d’obtenir une image d’un programme intrinsèque d’un logiciel d’exploitation qui est transféré aux consommateurs par voie de téléchargements en ligne. »

[24]  La Propriétaire invoque les décisions suivantes à l’appui de la prétention selon laquelle un logiciel institutionnel n’est pas un objet physique et que, par conséquent, une entreprise de logiciels éprouve des difficultés particulières lorsque vient le temps de lier une marque de commerce à son logiciel : Clark Wilson LLP c Genesistems, Inc, 2014 COMC 64; Fasken Martineau DuMoulin LLP c Open Solutions DTS Inc, 2013 COMC 68; et Legault Joly Thiffault LLP c Information Builders, Inc (2017), 154 CPR (4th) 312 (COMC).

[25]  En outre, la Propriétaire invoque la décision BMB Compuscience Canada Ltd c Bramalea Ltd (1988), 22 CPR (3d) 561 (CF) à l’appui de la prétention selon laquelle un avis de liaison d’une marque de commerce avec des produits peut être donné autrement que par une étiquette ou par la présentation de la marque de commerce sur l’emballage des produits, surtout lorsqu’il s’agit de produits comme des logiciels, puisque ce ne sont pas des objets physiques auxquels on peut simplement apposer une étiquette.

[26]  En effet, toutes les décisions susmentionnées invoquées par la Propriétaire mettent en jeu des circonstances dans lesquelles l’avis de liaison d’une marque de commerce avec un logiciel a été admis. De telles circonstances, à titre d’exemple, comprenaient la présentation de la marque de commerce sur un accord de licence que les acheteurs doivent lire avant de télécharger le logiciel, ainsi que sa présentation à l’écran de l’ordinateur lors du téléchargement. Par conséquent, comme le souligne la décision Legault Joly Thiffaut LLP, le genre de preuve qui sera suffisante pour établir qu’une marque de commerce est employée en liaison avec un logiciel variera d’une affaire à l’autre.

[27]  Cependant, en l’espèce, je ne dispose d’aucune preuve me permettant de conclure qu’avis de liaison de la Marque a été donné en lien avec les produits visés par l’enregistrement lors du transfert. En effet, la Propriétaire n’a fourni aucune preuve de présentation de la Marque, et M. La Perle n’a pas fourni de déclarations de fait sous serment indiquant la manière dont la Marque était liée aux produits visés par l’enregistrement lors de leur transfert pendant la période pertinente.

[28]  Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas disposée à admettre qu’un avis de liaison de la Marque avec les produits visés par l’enregistrement a été donné.

iii) Il n’y a aucune preuve de transfert dans la pratique normale du commerce des produits visés par l’enregistrement

[29]  La Partie requérante soutient que la Propriétaire n’a pas démontré qu’il y a eu transfert dans la pratique normale du commerce des produits visés par l’enregistrement, ainsi que l’exige la Loi, car il n’y a aucune preuve établissant une quelconque vente de ces produits. Elle soutient en outre que l’affidavit indique clairement que les [Traduction] « téléchargements allégués » du logiciel de la Propriétaire étaient offerts gratuitement, ce qui ne constitue pas un emploi dans la pratique normale du commerce, sauf preuve contraire, ce qui n’a pas été démontré en l’espèce [citant Hortliux Schreder BV c Iwasaki Electric (2011), 95 CPR (4th) 16, aux para 44 à 47].

[30]  À cet égard, je souligne que, dans les représentations écrites de la Propriétaire, il est fait mention de faits qui ne font pas partie de la preuve, et que j’ai déjà indiqué que je n’en tiendrai pas compte.

[31]  Dans Renaud Cointreau & Cie c Cordon Bleu International Ltd (1993), 52 CPR (3d) 284 (COMC), au para 11, conf par (2000), 188 FTR 29 (CF), le registraire a affirmé que le terme « commerce » à l’article 4(1) de la Loi [Traduction] « suppose un paiement ou un échange quelconque en contrepartie des marchandises fournies ou du moins que le transfert des marchandises fait partie d’une opération sur les marchandises effectuée dans le but de créer de l’achalandage et de retirer des profits des marchandises portant la marque ».

[32]  En l’espèce, bien que M. La Perle n’indique pas clairement que le logiciel de la Propriétaire accompagné de l’outil SHERLOCK a été téléchargé gratuitement, il n’y a tout simplement aucune preuve établissant que ce logiciel ait déjà fait l’objet d’une transaction commerciale. En effet, M. La Perle ne fait aucune déclaration portant que le logiciel accompagné de l’outil SHERLOCK a déjà été vendu au Canada. Il atteste plutôt simplement que la version Mac OS 10.4 Tiger accompagnée du programme SHERLOCK a été [Traduction] « distribuée » et que l’outil SHERLOCK a été [Traduction] « téléchargé 75 fois » pendant la période pertinente. En outre, M. La Perle ne donne aucun détail concernant la pratique normale du commerce de la Propriétaire qui me permettrait de conclure que ces téléchargements ont constitué des transferts dans le but d’acquérir un achalandage ou de tirer des profits des produits en cause. Quoi qu’il en soit, il est nécessaire que je tire une conclusion à cet égard puisque la preuve de la Propriétaire n’établit pas que la Marque était liée aux produits visés par l’enregistrement.

Conclusion

[33]  Pour terminer, les déclarations de M. La Perle constituent de simples allégations d’emploi, plutôt que des déclarations de fait établissant l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement. En l’absence de renseignements supplémentaires ou de preuve à l’appui, je ne suis pas en mesure de conclure que la Marque a été employée au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

[34]  Étant donné que l’existence de circonstances spéciales qui justifieraient le défaut d’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement n’a pas été établie, la Marque sera radiée du registre.

Décision

[35]  Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

______________________________

Kathryn Barnett

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.


 

 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue

AGENT(S) AU DOSSIER

Baker & McKenzie LLP

POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

Ridout & Maybee LLP

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

 

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