Contenu de la décision
Date de la décision : 2019-12-19
[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]
DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION
|
||
|
D+H Société de services de chèques
|
|
|
Introduction
[1]
Le 13 janvier 2015, D+H Limited Partnership a produit la demande no 1,710,658 (la Demande) pour enregistrer la marque PREMIERRAPPORT-CRÉDIT (la Marque). Un changement de titre a été enregistré le 7 novembre 2017, transférant la demande au propriétaire actuel, D+H Check Services Corporation. La référence dans la présente décision à la « Requérante » doit être comprise comme une référence à D+H Limited Partnership ou à D+H Société de services de chèques, selon le cas, en fonction de la date concernée.
[2]
[3]
La Demande a été publiée aux fins d’opposition dans le Journal des marques le 11 novembre 2015.
[4]
Le 11 avril 2016, Rapport Credit Union Limited (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition contre la demande en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Je fais remarquer que la loi a été modifiée le 17 juin 2019. Toutes les dispositions de la Loi mentionnées dans la présente décision renvoient à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de celles concernant les motifs d’opposition qui renvoient à la Loi dans sa version antérieure aux modifications (voir l’article 70 de la Loi, qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).
a)
La Demande n’est pas conforme à l’article 30i) de la Loi, car la Requérante ne pouvait pas être convaincue d’avoir droit d’employer la Marque en liaison avec les Produits et Services, car la Requérante aurait dû être au courant de l’existence de la demande existante de l’Opposante no 1,686,591 pour la marque RAPPORT CREDIT UNION et des marques reconnues en common law RAPPORT et RAPPORT & Design, décrites ci-dessous. Les produits et services énumérés dans la demande no 1,686,591 de l’Opposante (qui a par la suite donné lieu au numéro d’enregistrement LMC978,235) figurent à l’Annexe A de la présente décision.
[7]
la Requérante a produit une contre-déclaration réfutant les motifs d’opposition.
[8]
Seule l’Opposante a déposé des éléments de preuve, qui sont examinés ci-dessous. Les deux parties ont produit des arguments écrits. Une audience a été demandée par l’Opposante et cette dernière y a participé. La requérante n’a pas participé à l’audience.
[9]
Je note qu’au paragraphe 81 de l’argumentation écrite de l’Opposante, l’Opposante retire son motif d’opposition fondé sur l’article 30i). Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) ne sera pas traité dans la présente décision.
La preuve
La preuve de l’Opposante
[10]
La preuve de l’Opposante comprend l’affidavit de Kim Leak souscrit le 14 novembre 2016 (l’affidavit de Mme Leak). Mme Leak est la présidente-directrice générale (PDG) de l’Opposante et déclare qu’elle occupe le poste depuis le 1er août 2014, date à laquelle l’Opposante a été formée. Avant cette date, Mme Leak était PDG de l’Ontario Civil Service Credit Union. Le témoignage de Mme Leak est résumé ci-dessous.
[11]
L’Opposante est une caisse populaire qui offre des produits et services financiers à ses membres. Ses membres sont des employés actuels et à la retraite des municipalités, du gouvernement de l’Ontario, du gouvernement du Canada, ainsi que d’organismes, de conseils, de commissions et des membres du secteur public et de l’Assemblée législative de l’Ontario.
[12]
L’Opposante a été formée à la suite de la fusion de deux caisses populaires existantes, à savoir la Provincial Alliance Credit Union (PACU) et l’Ontario Civil Service Credit Union (OCS). L’affidavit de Mme Leak comprend à titre de pièce « A » une copie du certificat de fusion qui indique que la fusion était en vigueur au 31 juillet 2014 et que les parties continueraient sous le nom de « RAPPORT CREDIT UNION LIMITED ». La pièce « B » de l’affidavit de Mme Leak est un communiqué de presse daté du 25 juin 2014 – avant la fusion – annonçant que les membres de la PACU et de l’OCS avaient approuvé la fusion et que [traduction] « [la] fusion se terminera le 31 juillet 2014 et au cours des prochains mois, nous travaillerons avec diligence à la planification de l’intégration ».
[13]
Mme Leak décrit au paragraphe 6 de son affidavit la demande canadienne no 1,686,591 pour la marque de commerce RAPPORT CREDIT UNION, qui a été produite le 23 juillet 2014. Les détails de la demande no 1,686,591 ne sont pas inclus dans l’affidavit de Mme Leak et ne sont pas autrement inclus dans la preuve de l’Opposante.
[15]
Mme Leak indique que l’Opposante possède 14 succursales en Ontario et que ses marques de commerce RAPPORT CREDIT UNION, RAPPORT et RAPPORT & Design sont présentées dans toutes ces succursales. L’affidavit de Mme Leak comprend, en tant que pièces, de nombreux exemples de l’utilisation de ces marques de commerce en association avec l’exploitation par l’Opposante d’une caisse populaire. Les exemples incluent l’enseigne extérieure du magasin, la présentation sur les guichets automatiques, les bulletins d’information, les brochures, les affiches, une publicité dans les journaux, des présentoirs et un char de défilé, tous portant une ou plusieurs des marques de commerce de l’Opposante.
[16]
Alors que l’affidavit de Mme Leak comprend de nombreux exemples de l’utilisation par l’Opposante de ses marques de commerce en association avec son exploitation d’une caisse populaire, aux fins de la présente instance, il existe une question factuelle importante qui est celle de savoir quand l’utilisation de ces marques de commerce a commencé. En particulier, il ressort du document de certificat de fusion joint à la pièce « A » de l’affidavit de Mme Leak que l’Opposante a adopté la dénomination sociale RAPPORT CREDIT UNION LIMITED en date du 31 juillet 2014. Cependant, à mon avis, la preuve de l’Opposante ne démontre aucune utilisation par l’Opposante des marques de commerce RAPPORT CREDIT UNION, RAPPORT ou RAPPORT & Design, pour l’application de l’article 4 de la Loi, jusqu’en avril 2015. Cette question sera examinée plus en détail ci-dessous dans l’analyse des motifs d’opposition.
[17]
Mme Leak n’a pas été contre-interrogée au sujet de son affidavit.
La preuve de la Requérante
[18]
La Requérante n’a produit aucun élément de preuve.
Fardeau de la preuve et dates pertinentes
[19]
C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, que la demande est conforme aux exigences de la Loi. Cela signifie que s’il est impossible d’arriver à une conclusion définitive en faveur de la Requérante après avoir examiné l’ensemble de la preuve, le litige doit être tranché à l’encontre de la Requérante. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [voir John Labatt Limitée c Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298].
[20]
Les dates pertinentes se rapportant aux motifs d’opposition sont les suivantes :
Motifs d’opposition sommairement rejetés
Absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(3)a) de la Loi
[22]
Je ne suis pas convaincu que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial. En particulier, je ne suis pas convaincu d’avoir suffisamment de preuves pour conclure que l’Opposante a utilisé ses marques de commerce RAPPORT CREDIT UNION, RAPPORT ou RAPPORT & Design, conformément à l’article 4 de la Loi, avant la date de production de la demande du 13 janvier 2015.
[23]
Sur la base de l’affidavit de Mme Leak, il est évident que lors de la fusion, le 31 juillet 2014, l’Opposante a adopté la dénomination sociale RAPPORT CREDIT UNION LIMITED. Cependant, les enregistrements de noms commerciaux ou de dénominations sociales ne prouvent pas à eux seuls que ces noms ont été utilisés comme marques de commerce [voir Pharmx Rexall Drug Stores Inc. c Vitabrin Investments Inc. (1995), 62 C.P.R. (3d) 108 (C.O.M.C.) au para 5]. La preuve de l’Opposante ne fournit aucun exemple de la présentation des marques de commerce RAPPORT CREDIT UNION, RAPPORT ou RAPPORT & Design, qui constituerait une utilisation aux fins de l’article 4 de la Loi, entre le 31 juillet 2014 et la date pertinente du 13 janvier 2015.
[24]
À l’audience, l’avocat de l’Opposante a noté que l’adoption par l’Opposante du nom RAPPORT CREDIT UNION LIMITED au 31 juillet 2014 ne constituait pas une circonstance dans laquelle une nouvelle entreprise recommençait sans clients existants; c’était plutôt le résultat de la fusion de deux caisses populaires existantes, poursuivant leurs activités sous le nouveau nom. Ainsi, l’Opposante semblait avoir une clientèle existante au Canada lorsqu’elle a adopté le nouveau nom. À cet égard, le communiqué de presse du 25 juin 2014 note que [traduction] « [la] nouvelle organisation sera connue sous le nom de Rapport Credit Union. Elle servira plus de 22 000 membres dans 13 succursales, avec plus de 100 employés et environ 350 millions de dollars d’actifs gérés. » Toutefois, ce communiqué de presse ne fournit aucun calendrier permettant de déterminer le début de l’adoption et de l’utilisation officielles des marques de l’Opposante.
[25]
De plus, l’avocat de l’Opposante a indiqué que je devrais lire les paragraphes 16 et 17 de l’affidavit de Mme Leak, qui contiennent une référence au bénéfice d’exploitation et aux dépenses publicitaires en 2014, comme preuve de l’utilisation des marques de l’Opposante avant la date pertinente du 13 janvier 2015. Cependant, il m’est impossible de tirer cette conclusion sur la base de l’ensemble de la preuve. Par exemple, la référence dans le paragraphe 16 au bénéfice d’exploitation de l’Opposante en 2014 semble être directement tirée des états financiers vérifiés de l’Opposante qui sont joints en tant que pièce « X » à l’affidavit de Mme Leak. Un examen de ce document, en particulier des pages 8 à 10, suggère que ces chiffres se rapportent à l’ensemble de l’année 2014, plutôt qu’à la seule période postérieure à la fusion après le 31 juillet 2014. Compte tenu de cette ambiguïté, je ne suis pas disposé à présumer que le bénéfice d’exploitation et les dépenses publicitaires en 2014 mentionnés aux paragraphes 16 et 17 de l’affidavit de Mme Leak ont été effectués en association avec les marques de commerce de l’Opposante RAPPORT CREDIT UNION, RAPPORT et RAPPORT & RAPPORT & Design.
[26]
De plus, dans les états financiers vérifiés de l’Opposante qui sont joints en tant que pièce « X » à l’affidavit de Mme Leak, l’introduction à la page 2 de ce document comprend la déclaration suivante [soulignement ajouté] [traduction] : « En 2015, nous avons lancé Rapport Credit Union, une fusion de deux grandes caisses populaires. » Cette déclaration est conforme à l’utilisation des marques de l’Opposante à partir d’un certain moment en 2015 plutôt qu’en 2014.
[27]
La preuve de l’Opposante démontre que l’Opposante a commencé à utiliser les marques de commerce RAPPORT CREDIT UNION, RAPPORT et RAPPORT & Design dès avril 2015 [voir la pièce « E » de l’affidavit de Mme Leak qui est un bulletin d’information daté d’« avril 2015 »]. Cependant, à mon avis, je ne dispose d’aucune preuve permettant de conclure que l’utilisation par l’Opposante de ses marques de commerce a commencé avant le 13 janvier 2015.
Absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(3)c) de la Loi
[33]
En ce qui concerne le certificat de fusion, à mon avis, ce document à lui seul ne démontre pas l’utilisation par l’Opposante du nom commercial RAPPORT CREDIT UNION. Les enregistrements de noms commerciaux ou de dénominations sociales ne prouvent pas à eux seuls que ces noms ont été utilisés en tant que noms commerciaux [voir Pharmx Rexall Drug Stores Inc, précité, au para 5]. En effet, il n’y a aucune preuve de la présentation publique par l’Opposante du nom commercial RAPPORT CREDIT UNION en association avec son exploitation d’une caisse populaire, avant la date pertinente du 13 janvier 2015. Quoi qu’il en soit, le certificat de fusion à lui seul ne suffit pas à démontrer que l’Opposante avait acquis une réputation sous ce nom commercial avant la date pertinente.
Autres motifs d’opposition
Absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(3)b) de la Loi
[39]
Toutefois, il est bien établi que le Registraire, agissant dans l’intérêt public de maintenir la pureté du registre, peut vérifier le registre pour confirmer l’existence d’un enregistrement ou d’une demande en instance mentionnée dans une déclaration d’opposition [voir Molson Breweries, A Partnership v John Labatt Ltd (1999), 3 C.P.R. (4th) 543 (COMC); voir aussi El‑En Packaging Co. Ltd. c Atlte-Rego, 2010 COMC 4, au para 11]. À cet égard, j’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de confirmer que la demande de l’Opposante no 1,686,591 pour la marque de commerce RAPPORT CREDIT UNION a été produite avant la demande de la Requérante et était en instance à la date d’annonce de la demande de la Requérante (c’est-à-dire, le 11 novembre 2015). Par conséquent, l’Opposante n’a pas assumé son fardeau de preuve initial aux fins du motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)b).
[40]
Je note que la demande de l’Opposante no 1,686,591 a par la suite donné lieu à un enregistrement (LMC978,235) le 11 août 2017. Toutefois, ce fait importe peu aux fins du motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)b) de l’Opposante, et l’Opposante n’a soulevé aucun motif d’opposition en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi visant à invoquer l’enregistrement no LMC978,235.
Test en matière de confusion
[41]
Le test permettant de trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, où il est stipulé que « l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice ». En procédant à une telle évaluation, je dois prendre en considération toutes les circonstances pertinentes, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.
[42]
Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte (voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401; Mattel, Inc. c 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772, au para 54]. Je cite également l’affaire Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361, au para 49, où la Cour suprême du Canada déclare que l’article 6(5)e), sur la ressemblance entre les marques, aura souvent le plus grand effet dans l’analyse relative à la confusion.
Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues
[44]
En examinant la probabilité de confusion, les marques des parties respectives doivent être évaluées du point de vue d’un consommateur unilingue anglophone, unilingue francophone et bilingue [voir Mattel, précité; voir également Mexx International BV c Poulin (2004), 35 CPR (4th) 241 (COMC)]. Ce principe revêt une importance particulière en l’espèce où la marque de chaque partie est composée de termes qui ont une signification à la fois en anglais et en français.
[45]
Par conséquent, au début de l’analyse, il convient de préciser les significations probables en anglais et en français attribuables aux termes qui composent les marques des parties respectives. À cet égard, j’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire pour me référer aux définitions du dictionnaire [voir Tradall S.A. c Devil’s Martini Inc., 2011 COMC 65, au para 29, qui prévoit que le registraire peut prendre connaissance d’office des définitions du dictionnaire] qui sont énoncées ci-dessous :
Anglais [Canadian Oxford Dictionary, 2e éd.]
[traduction]
« premier » – adjectif – premier en importance, dans l’ordre ou le temps.
« rapport » – nom – une ration ou une communication, surtout lorsqu’elle est utile et harmonieuse.
« credit union » – nom – coopérative bancaire offrant des services financiers aux membres.
Français [Le Robert & Collins, Dictionnaire Français Anglais – Anglais Français, 8e éd.]
[traduction]
« premier (-ière) » – adjectif – plus important, d’abord, au sommet.
« rapport » – nom – lien, relation, document.
« crédit » – nom – crédit; fonds.
« union » – nom – union; combinaison, mélange; association.
[46]
Je note que l’examen des définitions ci-dessus ne se fait pas aux dépens du principe selon lequel une marque doit être évaluée dans son ensemble. Les définitions ci-dessus aident à éclairer les significations qui peuvent être attribuées aux marques dans leur ensemble.
[47]
Je suis d’avis que la marque de l’Opposante RAPPORT CREDIT UNION possède un caractère distinctif inhérent raisonnable. Bien que le terme « credit union » soit clairement descriptif de la nature des produits et services énumérés dans la demande de l’Opposante, le mot anglais « rapport » n’a pas de connotation descriptive en association avec ces produits et services. De la même façon, je suis d’avis que la marque de l’Opposante RAPPORT CREDIT UNION aurait un caractère distinctif inhérent raisonnable en français, car chacun des mots qui composent la marque ont un sens en français, mais pris ensemble ne sont pas descriptifs des produits et services de l’Opposante.
[48]
En ce qui concerne la marque de la Requérante, du point de vue d’un Canadien unilingue francophone ou bilingue, PREMIERRAPPORT-CRÉDIT présente, à mon avis, un caractère distinctif inhérent relativement faible. La Marque est susceptible d’être perçue comme signifiant « premier rapport de solvabilité » ou « premier rapport concernant le crédit », qui a une connotation descriptive en association avec les Produits et Services énumérés dans la Demande. Je ne considère pas que la conjonction des deux mots « premier » et « rapport » en un seul terme confère un caractère distinctif, s’il en existe même, à la marque; car, à mon avis, le premier élément de la marque serait lu et compris comme « premier rapport » [voir General Motors Corp c Bellows, [1949] RCS 678, à la page 688]. De plus, pour un Canadien unilingue francophone ou bilingue, je note que le mot « premier » pourrait être considéré comme ayant une connotation laudative (c’est-à-dire, la meilleure), ce qui donne plus d’importance au mot « rapport ». Pour un anglophone unilingue, la Marque de la Requérante aurait probablement un caractère distinctif inhérent modéré, en raison de la présence du mot « rapport » qui, comme indiqué ci-dessus, n’a pas de connotation descriptive claire en anglais en association avec les produits et services énumérés dans la Demande.
[49]
Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être renforcé en la faisant connaître par la promotion et l’usage; toutefois, cela n’a aucune incidence sur ce motif d’opposition en l’espèce. Comme je l’ai dit plus haut, rien ne prouve que l’Opposante ait utilisé sa marque avant la date de production de la demande. La demande de la Requérante est fondée sur l’utilisation proposée et rien ne prouve que la marque de la Requérante ait déjà été utilisée au Canada.
Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage
[52]
Par conséquent, ce facteur ne favorise ni l’une ni l’autre des parties.
Genre des services et nature du commerce
[53]
Lorsque l’on examine les produits et services des parties, c’est l’état déclaratif des produits et des services dans les demandes d’enregistrement des marques des parties qui régit la question de la confusion [M. Submarine Ltd. c Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3e) 3 (CAF); et Miss Universe, Inc. c Bohna, 1994, 58 CPR (3d) 381 (CAF)]. Ces libellés doivent toutefois être lus de manière à déterminer la nature probable de l’entreprise ou du commerce envisagé par les parties plutôt que tous les commerces possibles pouvant être compris dans ceux -ci. À cet égard, une preuve des commerces réels des parties peut être utile, en particulier lorsqu’il y a une ambiguïté quant aux produits ou services visés dans la demande ou l’enregistrement en cause [McDonald's Corp. c Coffee Hut Stores Ltd., 1996, 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc. c Hunter Packaging Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 266 (COMC); et American Optical Corp. c Alcon Pharmaceuticals Ltd. (2000), 5 C.P.R. (4th) 110 (COMC)].
[54]
Dans la Demande de la Requérante, à mon avis, les services [traduction] « Services de surveillance quotidienne du bureau de crédit; génération de rapports de crédit pour des tiers; génération et suivi des cotes de crédit » chevauchent les divers services financiers énumérés dans la demande de l’Opposante, notamment [traduction] « les services financiers, à savoir l’exploitation d’une caisse populaire; […] Services de ligne de crédit, services de prêt, […] services d’analyse financière et de consultation ». De même, j’estime que le service [traduction] « assurance contre le vol d’identité » énuméré dans la Demande chevauche dans une certaine mesure les [traduction] « services d’assurance » énumérés dans la demande de l’Opposante.
[55]
Les autres produits et services énumérés dans la Demande concernent généralement la prévention du vol d’identité. Bien qu’il y ait un chevauchement moins direct entre ces autres produits et services liés à la prévention du vol d’identité et ceux énumérés dans la demande de l’Opposante, je suis néanmoins d’avis qu’il existe toujours un lien entre les produits et services respectifs des parties. Par exemple, je pense qu’il est raisonnable de considérer que les produits et services liés à la prévention et à la protection contre le vol d’identité pourraient bien être proposés et commercialisés par les mêmes canaux et aux mêmes clients que les divers services financiers et biens connexes énumérés dans la demande de l’Opposante. À cet égard, je note que la Requérante n’a déposé aucun élément de preuve portant sur cette question qui pourrait réfuter cette opinion.
[56]
À mon avis, ce facteur est favorable à l’Opposante.
Degré de ressemblance
[57]
Comme je l’ai dit plus haut, il est bien établi dans la jurisprudence qu’une probabilité de confusion est une question de première impression et de souvenir vague. À cet égard, « [m]ême s’il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public » [Pink Panther Beauty Corp. c United Artists Corp., 1998, 80 CPR (3d) 247 (CAF), au para 34]. Même si le premier mot ou la première partie d’une marque est généralement le plus important aux fins de la distinction, il est préférable d’examiner d’abord si un aspect de la marque est particulièrement frappant ou unique [Masterpiece, précité, au para 64].
[60]
L’analyse de la ressemblance entre les marques ne doit pas se limiter à une seule des langues officielles du Canada. Par exemple, il ne suffit pas de démontrer qu’un francophone unilingue ou une personne bilingue ne prononcerait pas ou ne comprendrait pas les marques des parties de la même manière. Il ne doit pas y avoir de ressemblance du point de vue des trois types de consommateurs canadiens moyens : l’anglophone unilingue, le francophone unilingue et le consommateur bilingue. S’il y a une probabilité de confusion dans l’une ou l’autre des langues officielles du pays, une marque ne peut pas être enregistrée. [Voir Pierre Fabre Médicament c SmithKline Beecham Corp. (2001), 11 C.P.R. (4th) 1 (CAF) aux para 12 à 15; voir aussi Mexx International BV c Poulin (2004), 35 CPR (4th) 241 (COMC) aux para 33 et 34].
[62]
Je prévois que le degré de similitude perçu entre les marques des parties serait plus grand pour un consommateur anglophone unilingue, qui se concentrerait probablement sur la similitude visible et auditive entre les marques, et peut-être moins pour un consommateur francophone bilingue ou unilingue qui comprendrait probablement la marque de la Requérante comme « Premier rapport de solvabilité ». Cependant, une ressemblance perçue entre les marques des parties parmi l’une des trois catégories linguistiques suffit pour évaluer ce facteur en faveur de l’Opposante.
[63]
Ainsi, à mon avis, ce facteur est favorable à l’Opposante.
Autres circonstances de l’espèce
Famille de marques de commerce
[64]
Dans son argumentation écrite, l’Opposante affirme détenir une « famille » de marques de commerce qui comprend le terme « RAPPORT ». Toutefois, afin de bénéficier de l’étendue plus large de la protection qui peut être accordée à une « famille » de marques de commerce, une opposante doit prouver l’usage de chacune des marques dans la famille [McDonald’s Corp. c Alberto-Culver Co. (1995), 61 C.P.R. (3d) 382 (COMC)]. En l’espèce, puisqu’il n’y a aucune preuve de l’usage par l’Opposante de l’une de ses marques au Canada avant la date pertinente pour le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)b), l’Opposante ne peut invoquer une « famille » de marques de commerce.
Autres demandes de la requérante
[65]
La Requérante, au paragraphe 83 de son argumentation écrite, estime qu’à titre de circonstances de l’espèce, le registraire devrait prendre connaissance d’office des autres demandes de la Requérante telles que la demande no 1,710,615 (PREMIERRAPPORT), la demande no 1,710,605 (PREMIERRAPPORT & Design), et la demande no 1,710,655 (PREMIERRAPPORT-ID) qui ont été accueillies et qui ont depuis donné lieu à un enregistrement. Je ne suis pas d’accord avec les observations de la Requérante sur ce point. Premièrement, dans Molson Breweries v John Labatt Ltd. (1999), 3 C.P.R. (4th) 543 (COMC), à la page 552, la Commission a refusé de prendre connaissance d’office d’autres marques sur le registre appartenant à une requérante et incluant un élément commun, puisque le commissaire ne considérait pas [traduction] « qu’il y avait un intérêt public à aider une requérante à enregistrer sa marque de commerce en vérifiant les archives du Bureau et, ce faisant, à faire ce que la requérante aurait dû faire en déposant des preuves dans l’opposition ». En tout état de cause, même si je devais prendre connaissance d’office des autres demandes de la Requérante précisées au paragraphe 83 de son argumentation écrite, je note qu’elles ne sont pas identiques à la Marque en cause en l’espèce (notamment, elles n’incluent pas les termes RAPPORT et CREDIT). De plus, il est bien établi que le propriétaire d’un enregistrement n’a pas automatiquement le droit d’obtenir d’autres enregistrements, quel que soit leur lien avec l’enregistrement d’origine [voir Groupe Lavo Inc. c Proctor & Gamble Inc. (1990), 32 C.P.R. (3d) 533 (COMC), au para 15; voir aussi Highland Feather Inc c American Textile Company, 2011 COMC 16, au para 20]. Finalement, je ne considère pas les autres demandes de la Requérante comme une circonstance qui l’aide en l’espèce.
Conclusion concernant le motif fondé sur l’article 16(3)b)
[67]
Après examen de l’ensemble des circonstances de l’espèce, pour les motifs exposés ci-dessus, j’estime qu’au mieux pour la Requérante, la prépondérance des probabilités est également partagée entre la conclusion qu’il existe une probabilité de confusion entre la Marque et la marque de l’Opposante RAPPORT CREDIT UNION et la conclusion qu’il n’existe pas de probabilité de confusion. Comme il incombe à la Requérante de démontrer selon la prépondérance des probabilités qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques, je dois donc rendre une décision négative pour la Requérante.
[68]
Le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)b) est donc retenu.
Motif d’opposition fondé sur l’article 2
Pièce « X » – Rapport annuel de 2015 de l’Opposante portant les marques de l’Opposante et décrivant à la page 7 [traduction] « […] notre première année complète d’activité en tant que Rapport Credit Union ». Les états financiers résumés inclus dans ce document ont été signés par les vérificateurs le 10 mars 2016.
[74]
Par conséquent, je suis convaincu que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial en vertu du motif d’opposition fondé sur l’article 2. Étant donné que la Requérante n’a déposé aucune preuve, j’estime que ce motif d’opposition doit être accueilli sur la base de la même analyse de confusion que celle exposée ci-dessus en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)b). En effet, en raison de la date pertinente ultérieure pour le motif d’opposition fondé sur l’article 2, la position de l’Opposante est plus solide, car elle est en mesure de s’appuyer sur sa preuve d’utilisation de ses marques de commerce avant le 11 avril 2016, et donc la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues et la durée de leur utilisation sont des facteurs qui favorisent l’Opposante dans ce motif d’opposition. Le motif d’opposition fondé sur l’article 2 est donc retenu.
Décision
|
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
Vanina Triest
|
COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE
OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA
COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER
___________________________________________________
DATE DE L’AUDIENCE : 2019-09-17