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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2019 COMC 125

Date de la décision : 2019-11-25

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Fortress Real Developments Inc.

Opposante

et

 

Fortress Properties Inc.

Requérante

 

1,676,838 pour FORTRESS

Demande

Introduction

[1]  Fortress Real Developments Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce FORTRESS (la Marque), qui fait l’objet de la demande no 1,676,838, produite par Fortress Properties Inc. (la Requérante) au motif de l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins juillet 1997 en liaison avec les « Services de gestion immobilière » (les Services).

[2]  Pour les raisons exposées ci-dessous, l’opposition doit être rejetée.

Le dossier

[3]  La demande pour la Marque a été produite le 13 mai 2014 et annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 4 février 2015.

[4]  Le 3 juillet 2015, l’Opposante a produit une demande d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), c T-13 (la Loi). Cette Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Tous les renvois visent la Loi dans sa version modifiée, à l’exception des renvois aux motifs d’opposition, lesquels visent la Loi avant sa modification (voir l’article 70 de la Loi qui indique que l’article 38(2) de la Loi, dans sa version antérieure au 17 juin 2019, s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[5]  L’Opposante a invoqué deux motifs d’opposition en l’espèce, à savoir la non-conformité de la demande avec les dispositions de l’article 30b) de la Loi et l’absence de caractère distinctif de la Marque en vertu de l’article 2 de la Loi. Les deux motifs ont été niés par la Requérante dans sa contre-déclaration date du 2 octobre 2015.

[6]  Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit d’Andrea F. Ashton, une agente de marque de commerce employée par l’entreprise qui représentait auparavant l’Opposante dans la présente procédure, daté du 27 janvier 2016 (l’affidavit Ashton) et il est composé des pièces A et B respectivement, une copie d’une Recherche de dénomination sociale canadienne pour le nom de FORTRESS préparée par Thomson CompuMark, datée du 3 juillet 2015, et une autre copie, datée du 27 janvier 2016 (les Rapports Thomson CompuMark); et d’une copie certifiée conforme d’extraits de la procédure d’opposition concernant la demande de marque de commerce canadienne no 1,514,906 pour FORTRESS REAL CAPITAL & Dessin de château, qui a été demandée par l’Opposante et à laquelle la Requérante s’est opposée avec succès [Fortress Properties Inc c Fortress Real Developments Inc, 2015 COMC 228], à savoir :

·  l’affidavit de John Kearley, vice-président directeur de la Requérante à l’époque, daté du 8 août 2012 et qui comprend les pièces A à P (le premier affidavit Kearley);

·  la transcription du contre-interrogatoire de M. Kearley sur son affidavit du 8 août 2012, qui a eu lieu le 1er mars 2013.

(Parfois collectivement appelés les extraits de l’Opposition à la marque de commerce FORTRESS REAL CAPITAL & Dessin de château).

[7]  Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de son président depuis le 1er janvier 2016, John Kearley, qui est daté du 31 mai 2016 et qui comprend les pièces JK-1 à JK-28 (le deuxième affidavit Kearley). L’affidavit de M. Kearley porte sur l’historique, la nature et la portée des activités de la Requérante sous le nom et les logos FORTRESS, ainsi que les détails des efforts de publicité et de promotion, de l’exposition et des dépenses de la Requérante au cours des années. M. Kearley a été contre-interrogé au sujet de son affidavit et la transcription de ce contre-interrogatoire fait partie du dossier.

[8]  Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit, mais seule la Requérante était représentée à l’audience.

Fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[9]  L’Opposante a le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition. Lorsque ce fardeau est assumé, la Requérante a le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs précis d’opposition ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.); et Christian Dior, SA c Dion Neckwear Ltd, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155].

Analyse des motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 30b) (non-conformité) de la Loi

[10]  L’Opposante a fait valoir que [traduction] :

[...] la [d]emande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30b) de la Loi, parce que la Requérante n’employait pas la [Marque] en liaison avec [les Services] depuis juillet 1997, comme elle le prétend dans la [d]emande.

[11]  Plus particulièrement, l’Opposante prétend dans son plaidoyer écrit que [traduction] « la preuve de la Requérante n’établit pas l’emploi du mot FORTRESS comme une marque de commerce ».

[12]  La date pertinente pour examiner les circonstances concernant ce motif d’opposition est la date de production de la demande de la Requérante [Georgia-Pacific Corporation c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), p. 475]. À cet égard, l’article 30b) de la Loi exige l’emploi ininterrompu d’une Marque depuis la date revendiquée [Brasserie Labatt Ltée c Benson & Hedges (Canada) Ltée (1996), 67 CPR (3d) 258 (CF 1re inst.) p. 262]. Dans la mesure où la Requérante a plus facilement accès aux faits pertinents relatifs à un motif d’opposition invoqué en vertu de l’article 30b) de la Loi, le fardeau de la preuve qui incombe à l’Opposante relativement à un tel motif d’opposition est moins lourd [Tune Master c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC), p. 89]. En outre, il est possible de s’acquitter de ce fardeau en renvoyant non seulement à la preuve de l’Opposante, mais également à celle de la Requérante [Brasserie Labatt Ltée c Brasseries Molson (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst.), p. 230]. Toutefois, l’Opposante peut se fonder avec succès sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau initial uniquement si l’Opposante démontre que la preuve de la Requérante est nettement incompatible avec les allégations contenues dans la demande de la Requérante ou les conteste [Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd, 2014 CF 323 (CanLII) aux para 30 à 38].

[13]  En l’espèce, l’Opposante prétend au paragraphe 28 de son plaidoyer écrit que les extraits de l’Opposition à la marque de commerce FORTRESS REAL CAPITAL & Dessin de château respectent son fardeau de preuve léger de la façon suivante [traduction] :

  • a) le premier Affidavit Kearley renvoie uniquement à l’emploi de FORTRESS comme nom commercial (ou dénomination sociale) plutôt que marque de commerce;

  • b) La première annonce dans [le premier] Affidavit Kearley est survenue après la date de la revendication.

[14]  Plus particulièrement, l’Opposante prétend aux paragraphes 30 à 33 son plaidoyer écrit que [traduction] :

(A) L’Affidavit Kearley renvoie uniquement à l’emploi d’un nom commercial et non d’une marque de commerce

30. Dans la procédure antérieure à l’Opposition, Fortress Properties [c.-à-d. la Requérante en l’espèce] a invoqué l’article 16(1)c) de la Loi qui précise qu’une marque ne sera pas enregistrable si elle crée de la confusion avec un nom commercial. Fortress Properties a choisi de ne pas invoquer l’article 16(1)a) de la Loi, qui retire le droit à l’enregistrement d’une marque de commerce si elle crée de la confusion avec un autre marque de commerce. La Cour devrait tirer une conclusion négative contre la Requérante selon laquelle la décision de ne pas invoquer l’article 16(1)a) de la Loi a été délibérée parce que le nom FORTRESS a toujours été employé uniquement comme un nom commercial.

31. Tout au long de l’affidavit, M. Kearly renvoie uniquement aux noms commerciaux employés par la Requérante. Cela soulève un doute quant à la question de savoir si la requérante a employé FORTRESS comme une marque de commerce depuis au moins juillet 1997.

(B) La première annonce dans l’Affidavit Kearley est survenue après la date de la revendication

32. Rien dans le premier Affidavit Kearley n’indique qu’il y a eu une annonce du nom commercial ou de la marque de commerce prétendue de la Requérante avant 2001. Des pièces donnent des exemples d’annonce, mais aucune ne remonte à juillet 1997. Les premiers exemples d’annonce contenue dans l’Affidavit Kearley sont les annonces de 2001 figurant dans le journal The StarPhoenix.

33. L’Opposante soutient que l’ambiguïté relative au moment où le mot FORTRESS a été employé pour la première fois comme une marque de commerce, comme le démontre le premier Affidavit Kearley, respecte le fardeau de preuve léger et transfère le fardeau ultime à la Requérante.

[15]  Je ne peux accepter l’argument de l’Opposante.

[16]  Le simple fait que, dans son premier affidavit, M. Kearley ne mentionne pas expressément le mot « FORTRESS » employé comme une marque de commerce en soi, mais porte plutôt sur le nom commercial « Fortress Properties » de la Requérante, ne peut en aucun cas être considéré comme appuyant l’argument de l’Opposante selon lequel la Requérante n’a pas commencé à employer la Marque en juillet 1997. Les déclarations de M. Kearley doivent être examinées dans leur contexte (qui comprend les dates pertinentes applicables régissant la procédure dans laquelle ces déclarations ont été formulées) et elles sont conformes au fait que Fortress Properties est un nom sous lequel la Requérante exerce ses activités. À cet égard, on ne peut que conjecturer sur les raisons pour lesquelles la Requérante aurait choisi d’invoquer uniquement l’article 16(1)c) de la Loi dans son opposition à l’ancienne demande no 1,514,906 de l’Opposante pour la marque de commerce FORTRESS REAL CAPITAL & Dessin de château. En outre, l’emploi d’une marque de commerce et celui d’un nom commercial ne sont pas nécessairement mutuellement exclusifs, comme je l’indiquerai en détail ci-dessous.

[17]  Ceci m’amène à examiner l’autre prétention de l’Opposante, invoquant la preuve de la requérante, soit [traduction] :

49. La Requérante n’a pas fourni d’éléments de preuve convaincants de l’emploi de la marque de commerce FORTRESS dès juillet 1997. Dans les quatre volumes du deuxième affidavit Kearley, la majorité de la preuve ne prouve pas l’emploi de la marque de commerce depuis la date de la revendication. En fait, durant le contre-interrogatoire, M. Kearley a admis que « Fortress Properties Inc. » est le nom commercial de la Requérante et que ce nom figure sur ses annonces. L’emploi du nom commercial FORTRESS ne constitue pas l’emploi d’une marque de commerce, et la Requérante n’a pas fourni la preuve de l’emploi de cette dernière.

[18]  En toute déférence, je ne peux pas souscrire à la position de l’Opposante.

[19]  À cet égard, je dois rappeler que, puisque l’Opposante invoque la preuve de la Requérante, la question devient celle de savoir si cette preuve est nettement incompatible avec sa revendication sur l’emploi ou la conteste.

[20]  Je commencerai mon examen en me penchant sur la preuve déposée dans le cadre du deuxième affidavit Kearley. Seules les parties essentielles de cet affidavit sont indiquées ci‑dessous.

Le deuxième affidavit Kearley

[21]  Selon M. Kearley, la Requérante a été constituée le 26 octobre 1995 en Saskatchewan et elle offre des services de gestion immobilière pour les propriétés acquises par Millennium III Capital Corporation (Millennium III) pour le compte de ses clients investisseurs (les Clients investisseurs). M. Kearley explique que Millennium III donne une possibilité aux investisseurs de partout au Canada, sans qu’ils aient à posséder de l’expertise en immobilier commercial, de participer collectivement au marché immobilier commercial et d’acquérir et d’aménager des immeubles d’une manière rentable, dans le cadre d’une société en commandite [para 1 à 6].

[22]  Plus particulièrement, au paragraphe 7 son affidavit, M. Kearley explique que les services de gestion immobilière de la Requérante comprennent en général l’accomplissement, pour le compte des sociétés de personnes détenues par les clients investisseurs, tous les actes qui sont raisonnablement nécessaires pour la gestion et l’exploitation appropriées et efficaces des immeubles, y compris, sans toutefois s’y limiter :

·  la collecte des loyers;

·  la recherche de nouveaux locataires;

·  la négociation de nouveaux baux et/ou des renouvellements ou des prolongations des baux existants;

·  la supervision de l’emménagement des nouveaux locataires et du déménagement des anciens locataires;

·  la supervision et l’application des obligations des locataires;

·  l’observation et la réalisation pour le compte du propriétaire de tous les engagements et obligations de ce dernier en vertu du bail et/ou de toute loi visant les propriétaires et les locataires, le contrôle des loyers ou toute autre loi;

·  l’embauche ou la rétention du personnel d’entretien ménager, d’entretien, de sécurité et autre au besoin et la conclusion de contrats au nom du propriétaire à cet égard;

·  la prestation et le maintien de services d’eau, d’électricité et d’autres services publics;

·  l’entretien, la réparation et la rénovation des immeubles et la supervision de tout travail de construction donné à forfait.

[23]  La Requérante exerce activement ses activités en Saskatchewan depuis 1995 et en Alberta depuis 2005. À cet égard, M. Kearley résume le portefeuille d’immeubles gérés par la Requérante au cours des années [aux para 10 à 12].

[24]  Kearley se penche ensuite sur le nom et les logos FORTRESS. Il explique que le nom FORTRESS PROPERTIES INC. a été choisi en 1995. Le terme « FORTRESS » a été précisément choisi étant donné ses connotations [traduction] « sures » et [traduction] « positives » dans le domaine de l’investissement [au para 13].

[25]  M. Kearley déclare que [traduction] « depuis au moins la fin de 1996, [la Requérante] a commencé à offrir des services de gestion immobilière et à l’époque, elle apposait FORTRESS PROPERTIES INC. sur le papier à en-tête dans ses communications quotidiennes [...] » [au para 14].

[26]  M. Kearley déclare que [traduction] « depuis le début » des activités de la Requérante, cette dernière [traduction] « a aussi commencé à employer le logo [suivant] » [au para 15] :

[27]  À titre d’exemple, M Kearley inclut une copie d’une page de transmission de télécopie, datée du 8 janvier 1997, qui est jointe à une lettre, datée du 30 décembre 1996, adressée au locataire de l’un des immeubles gérés par la Requérante, lettre qui informe ce dernier que l’immeuble en question a été acquis par une société de personnes détenue par des clients investisseurs et qu’il sera géré par la Requérante pour le compte de cette société de personnes. M. Kearley explique que la lettre contient une copie d’une carte professionnelle du gestionnaire d’immeubles commerciaux de la Requérante, sur laquelle est apposé le premier logo FORTRESS [au para 16].

[28]  M. Kearley déclare que [traduction] « de même, depuis au moins la fin de 1996, [la Requérante] a affiché le nom FORTRESS PROPERTIES INC. sur la porte d’entrée de son bureau de la Saskatchewan et, depuis 2003, le nom FORTRESS dans l’aire d’accueil, comme le montrent les photographies ci-dessous » [au para 17] :

[29]  M. Kearley non seulement confirme au paragraphe 18 de son affidavit que ces photographies sont représentatives des enseignes affichées à ces endroits depuis ce moment, mais il confirme également au paragraphe 30 de son affidavit que [traduction] :

[...] depuis le début des activités de [la Requérante] à la fin de 1996, il n’était pas rare pour les locataires et les locataires potentiels des immeubles gérés par [la Requérante] de passer au bureau de cette dernière pour, par exemple, payer le loyer, signer un bail ou le renouvellement d’un bail, discuter de renouvellements à venir ou examiner des espaces potentiels à louer, déposer ou récupérer des documents signés ou par ailleurs parcourir des documents et demander aux [employés de la Requérante] d’expliquer des documents ou de répondre à des questions.

[30]  M. Kearley continue en expliquant les changements de logo qui ont lieu au cours des années. Il déclare que, vers 2002, la Requérante a adopté le logo figurant ci-dessous à la gauche, logo qui a plus tard été changé pour celui figurant à la droite :

[31]  Plus particulièrement, M. Kearly explique que la transition d’un logo à un autre s’est faite progressivement et que le Nouveau logo FORTRESS a été approuvé à la fin de 2010. M. Kearley déclare que le Nouveau logo FORTRESS est d’abord apparu sur les uniformes, qui ont été livrés à la Requérante le 16 juin 2011, et portés par les employés d’entretien de cette dernière dans le cadre de leurs fonctions à la date de la livraison. M. Kearley indique que la transition du Logo FORTRESS de 2002 vers le Nouveau logo FORTRESS a par la suite été progressive, comme pour la transition du Premier logo FORTRESS vers le Logo FORTRESS de 2002 et qu’elle est presque terminée, comme il l’explique en détail dans son affidavit [aux para 15 et 19 à 24].

[32]  M. Kearley donne par la suite de longs exemples détaillés de l’emploi et de la présentation du nom et des logos FORTRESS dans la réalisation et l’annonce des services gestion immobilière de la Requérante, notamment :

  • sur les cartes professionnelles de la Requérante [au para 29] :

  • sur les affiches [traduction] « Immeuble géré par » et [traduction] « À louer » apparaissant dans, sur ou près des immeubles gérés par la Requérante, comme l’illustrent les exemples représentatifs suivants de ces affiches [aux para 33 à 36; et pièces JK-9 et JK-10] :

  • sur les affiches apparaissant à l’intérieur des immeubles gérés par la Requérante (p. ex., dans les ascenseurs et les escaliers de secours) [au para 39];

  • dans le site Web et la page Facebook® de la requérante [aux para 47 à 52; et pièces JK‑13 à JK-16];

  • dans les nombreuses publications imprimées de tiers (c.-à-d. journaux) [aux para 53 à 69; et pièces JK-17 à JK-27].

[33]  M. Kearley fournit les dépenses publicitaires annuelles de la Requérante au Canada entre 1998 et 2016, qui dépassent 348 200 $.

[34]  Enfin, M. Kearley donne aussi des renseignements en ce qui concerne les recettes de la Requérante au cours des années. Il explique, entre autres choses, que ces recettes ont en général augmenté avec les années, passant de moins de 10 000 $ en 1996 à plus d’un million de dollars en 2012.

Emploi du nom commercial par opposition à emploi de la marque de commerce

[35]  Bien que je reconnaisse que la distinction entre un nom commercial et une marque de service peut parfois être ténue, la présomption selon laquelle le nom d’une société constitue un nom commercial plutôt qu’une marque de commerce est réfutable et l’emploi du nom commercial n’empêche pas l’emploi concurrent de la marque de commerce. Il s’agit de savoir s’il est identifiable comme une marque de commerce et non pas simplement comme une dénomination sociale ou l’identifiant d’une société. C’est une question de fait. Les facteurs pertinents pour décider si l’emploi concerne une marque de commerce ou un nom commercial comprennent la question de savoir si la marque de commerce se démarque de la dénomination sociale ou du nom commercial et d’autres renseignements d’identification de la société, dans la mesure où le public percevrait cet emploi comme celui d’une marque de commerce et non comme la simple identification de l’entité juridique [Road Runner Trailer Manufacturing Ltd c Road Runner Trailer Co (1984), 1 CPR (3d) 443 (CF 1re inst.); Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984) 2 CPR (3d) 535 (COMC); et à titre d’exemple Miller Thomson c Thinklab Consulting Inc, 2019 COMC 8 (CanLII); Borden Ladner Gervais LLP c GDC Communities, 2015 COMC 50 (CanLII); Stikeman Elliot LLP c Haydock, 2008 CanLII 88304, CarswellNat 1168 (COMC); Bereskin & Parr c Red Carpet Food Systems Inc (2007), 64 CPR (4th) 234 (COMC)].

[36]  En l’espèce, je suis d’accord avec la Requérante pour dire que le mot FORTRESS figure sur la plupart des documents dans les éléments de preuve distincts étayés par des pièces et qu’ils se démarquent de tous les autres éléments constitutifs visuels et verbaux des logos qui précèdent. En particulier, en plus de figurer sur sa propre ligne, le mot FORTRESS a une police différente qui est beaucoup plus importante que les autres éléments verbaux. L’importance beaucoup plus grande accordée au mot FORTRESS crée un élément distinctif dans la dénomination sociale FORTRESS PROPERTIES INC. suffisant pour représenter un emploi en tant que marque de commerce dans la présente affaire. En d’autres termes, le mot FORTRESS se démarque suffisamment pour créer une impression distincte en dehors du mot restant dans la mesure où le public percevrait cet emploi comme celui d’une marque de commerce en soi et non pas simplement comme l’identification d’une entité juridique ou comme à la fois d’un nom commercial et d’une marque de commerce [voir Consumers Distributing Co/Cie Distribution aux Consommateurs c Toy World Ltd, 1990 CasrwellNat 1398 (COMC) au para 14 qui confirme que l’emploi de la marque de commerce et l’emploi du nom commercial ne sont pas nécessairement mutuellement exclusifs; et par analogie Bereskin & Parr c Keen-Flo Tumber Industries Ltd, 2010 COMC 121; et Osler, Hoskin & Harcourt LLP c Multibond Inc., 2017 COMC 75 (CanLII)].

Emploi de la Marque dès juillet 1997

[41]  Je suis consciente du fait que la majorité de la preuve volumineuse déposée dans le cadre du deuxième affidavit Kearley est postérieure à la date pertinente de juillet 1997. Toutefois, je souligne de nouveau que la Requérante n’avait pas l’obligation de fournir une preuve positive de cet emploi. Je suis également d’accord avec la Requérante pour dire que sa preuve n’allait manifestement pas à l’encontre de la date de premier emploi revendiquée de la Marque. Au contraire, gardant à l’esprit mes commentaires ci-dessus en ce qui concerne l’emploi de la marque de commerce et celui du nom commercial, je suis d’accord avec la Requérante pour dire que l’affichage du nom FORTRESS PROPERTIES INC. sur la porte d’entrée du bureau de la Saskatchewan de la Requérante comme je l’indique ci-dessus au paragraphe 28 de ma décision [traduction] « depuis au moins la fin de 1996 » ainsi que l’affichage du Premier logo Fortress sur les cartes professionnelles de la Requérante pour les années [traduction] « allant de la fin de 1996 à 2003 », examinés dans le contexte de l’affidavit Kearley dans son ensemble, appuient, dans une certaine mesure, la date de premier emploi revendiquée de la Marque de la Requérante en liaison avec les Services [traduction] « depuis au moins juillet 1997 ».

Conclusion relative au motif d’opposition fondé sur l’article 30b)

[37]  En raison de ce qui précède, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve relativement léger en vertu de l’article 30b) de la Loi.

[38]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30b) est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2) (absence de caractère distinctif) de la Loi

[39]  L’Opposante a fait valoir que [traduction] :

[...] la Marque n’est pas distinctive, compte tenu de l’article 2 de la Loi, puisque la Marque ne distingue pas les [Services] de la Requérante des services d’autres personnes, y compris ceux de Fortress Properties en Nouvelle-Écosse et de Fortress Property Management Inc. à Vancouver, en C.-B. En outre, la Marque n’est pas adaptée à distinguer les [Services] de la Requérante de ceux d’autres personnes, y compris Fortress Properties et Fortress Property Management Inc.

[40]  La date pertinente pour examiner les circonstances concernant ce motif d’opposition est celle de la date de production de la déclaration d’opposition [Andres Wines Ltd c E & J Gallo Winery (1975), 25 CPR (2d) 126 (CAF), p. 130; et Park Avenue Furniture Corp c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 1991 CanLII 11769 (CAF), 37 CPR (3d) 413, p. 424]. L’Opposante a le fardeau initial de prouver les allégations de fait au soutien de son motif fondé sur l’absence de caractère distinctif. Lorsque ce fardeau est assumé, le fardeau ultime est transféré à la Requérante qui doit démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses Services de ceux d’autres personnes partout au Canada [Muffin Houses Inc c Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)].

[41]  Pour s’acquitter de ce fardeau de preuve en ce qui concerne ce motif, l’Opposante doit démontrer qu’un tiers emploie des noms semblables à « FORTRESS » dans une mesure qui annulerait le caractère distinctif de la Marque [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 1981 CanLII 2834 (CF), 56 CPR (2d) 44 à 58; et Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd (2004), 40 CPR (4th) 553, confirmé par (2006), 2006 CF 657 (CanLII), 48 CPR (4th) 427].

[42]  Je suis d’accord avec la Requérante pour dire que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial de présenter une preuve suffisante pour convaincre le registraire que le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est défendable.

[43]  En effet, l’Opposante n’a produit aucune preuve pour établir que l’une des dénominations sociales divulguées par les Rapports Thomson CompuMark joints à l’affidavit Ashton avait été employée et encore moins qu’elle est devenue connue dans une quelconque mesure au Canada [voir, par analogie, Freedom RV Canada Inc c CMSR Entreprises Inc, 2008 CarswellNat 4346 (COMC), au para 12; Great Pacific Industries Inc c 970007 Ontario Inc (1996) 74 CPR (3d) 264 (TMOB), p. 269 et 270; et The Mixing Bowl Inc v MTL DWN Grill Inc, 2018 COMC 2, au para 40]. À cet égard, pour ce qui est des entités nommées Fortress Properties en Nouvelle‑Écosse et Fortress Property Management Inc. à Vancouver, en C.-B., qui ont été expressément invoquées dans la déclaration d’opposition de l’Opposante, les rapports confirment simplement que ces deux entités ont été enregistrées en Nouvelle-Écosse (en 2003) et en Colombie-Britannique (en 2009), respectivement, mais ils ne fournissent par ailleurs aucun renseignement sur la question de savoir si l’un de ces noms était connu dans une certaine mesure, le cas échéant, au Canada à la date de production de la déclaration d’opposition.

[44]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est également rejeté.

Décision

[45]  Dans l’exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en vertu de l’article 38(12) de la Loi.

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Liette Girard


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2019-10-22

COMPARUTIONS

Aucune comparution

POUR L’OPPOSANTE

Guillaume Lavoie Ste-Marie

POUR LA REQUÉRANTE

AGENTS AU DOSSIER

Aucun agent nommé

POUR L’OPPOSANTE

Smart & Biggar LLP

POUR LA REQUÉRANTE

 

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