Contenu de la décision
OPIC
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CIPO
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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
THE REGISTRAR OF TRADEMARKS
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Référence : 2019 COMC 135
Date de la décision : 2019-12-05
[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]
DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION
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Cartier international AG
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Opposante
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Et
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Yin JIANG
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Requérante
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1,683,298 pour Marcellino
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Demande
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Introduction
[1] Cartier International AG conteste la demande no 1,683,298 (la Demande) d’enregistrement de la marque de commerce Marcellino (la Marque) déposé par Yin JIANG (la Requérante).
[2] En raison des motifs qui suivent, je refuse partiellement la demande.
[3] Plusieurs modifications de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13, (la Loi) ont été apportées en date du 17 juin 2019. Dans le contexte de l’opposition, la date qui détermine la version applicable de la Loi est la date à laquelle la demande contestée a été annoncée dans le Journal des marques de commerce à des fins d’opposition. Dans le cas actuel, la Demande a été publiée avant le 17 juin 2019. Dès lors, conformément aux dispositions transitionnelles énoncées à l’article 70 de la Loi amendée, les bases de l’opposition seront évaluées en vertu de la Loi comme énoncée avant les amendements du 17 juin 2019, exception faite de l’application, en cas de confusion dans l’évaluation, des articles 6(2) à (4) de la Loi tels qu'ils sont actuellement rédigés.
[4] Sauf indication contraire, toute mention faite de la Loi dans les présentes vise la Loi telle qu’amendée le 17 juin 2019.
Le dossier
[5] La Demande a été produite le 30 juin 2014. Elle est fondée sur l’utilisation de la marque au Canada depuis au moins le 18 février 2014. Elle a fait l’objet de modifications de sorte à désormais aborder les articles suivants :
Vêtements, nommément vestes, manteaux, parkas, imperméables, blazers, costumes, chemisiers, chemises, teeshirts, jupes, robes, pantalons, jeans, shorts, combinaisons-pantalons, salopettes, chandails, cardigans, robes, chapeaux, bandeaux, ceintures, gants, vêtements de bain, bonneterie, bas, mi-bas et bas-cuissardes, bas-culottes, collants, chaussettes, pantalons-collants en tricot; articles pour le cou, nommément foulards, cravates, capuchons, cache-nez; articles chaussants, nommément chaussures, bottes, pantoufles; parfums, produits de soins du corps et des cheveux et produits de toilette, nommément savons, shampooings, parfums, eau de Cologne, eau de toilette, poudre après-bain, huile de bain, huile après-bain, crème pour le corps, crème de bain au lait, gel de bain, eau de parfum, après-rasage, hydratant après-rasage, crème à raser, baume après-rasage, eau de Cologne, bâton déodorant, baumes hydratants, revitalisant protecteur pour la peau, crèmes pour la peau, masques de beauté, lotion pour le corps, hydratants pour la peau, fard à joues, fond de teint liquide et en crème, tonique pour la peau, lotion rafraîchissante pour la peau, maquillage pour les lèvres, vernis à ongles, dissolvant à vernis à ongles, huile de soins des ongles et des cuticules, poudre de maquillage, maquillage pour les yeux, nettoyants pour la peau, démaquillant, pinceaux et brosses de maquillage; bijoux, montres, sacs à main, fourre-tout, porte-monnaie, portefeuilles, étuis porte-clés, porte-billets, porte-chéquiers, étuis pour cartes de crédit, pochettes et portefeuilles pour chéquiers; montures de lunettes ophtalmiques et lunettes de soleil. (les Produits).
[6] La Demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 3 juin 2015 à des fins d’opposition.
[7] Le 30 septembre 2015, l’Opposante a déposé un avis d’opposition. Les bases de l’opposition plaidées sont fondées sur les articles 30a), b), i), une combinaison de 30i) et 22 (conformité), 12(1)a) et b) (enregistrement), 16(1)a) (disposition) et 2 (caractère distinct) de la Loi, comme énoncée immédiatement avant le 17 juin 2019.
[8] La Requérante a déposé un contre-mémoire le 3 décembre 2015 dans lequel il nie chacune des bases de l’opposition.
[9] L’Opposante a produit à titre de preuve l’affidavit d’Arnaud Carrez, en date du 12 avril 2016.
[10] La Requérante a déposé les affidavits d’Yin Jiang et de Christian Walker, toutes deux signées en date du 23 août 2016.
[11] L’Opposante a déposé à titre de preuve et, à titre d’option, a demandé la permission de déposer en tant que preuve additionnelle l’affidavit produit le 12 septembre 2016 de Thelma Thibodeau. Le registraire a accordé le dépôt le 8 décembre 2016. Étant donné la permission accordée par le registraire de produire l’affidavit, il n’est pas nécessaire de tenir compte de la question de savoir si la preuve de Mme Thibodeau n’est pas une preuve de réponse adéquate.
[12] Aucun des déposants n’a été contre-interrogé.
[13] Aucune des parties n’a déposé de plaidoyer écrit.
Remarques préliminaires
[14] En l’absence de plaidoyers écrits et d’audience, il est difficile d’évaluer l’opinion de chaque partie dans le contexte d’un processus contradictoire. Il n’en tient pas du registraire d’envisager tous les plaidoyers possibles qui pourraient être soulevés par chaque partie à la lumière d’un motif d’opposition précis. Dans ce contexte, je me dois de limiter l’analyse au motif d’opposition soulevé par l’Opposante à l’égard de ceux directement conformes aux preuves présentées par les parties. Par conséquent, je me dois de ne faire référence qu’aux parties pertinentes des preuves au dossier.
Preuves de l’Opposant
[15] M. Carrez occupe le poste de « directeur international marketing et communications » chez Cartier international SNC (« Cartier »), une société affiliée à l’Opposant. Il a été employé par diverses sociétés affiliées à l’Opposante depuis 1997.
[16] M. Carrez a déclaré que l’Opposante est une société versée dans la conception, la fabrication et la distribution d’articles de luxe, comme des bijoux, des montres et des lunettes, ainsi que des sacs, des portefeuilles, des porte-clés, des sacs à main et des ceintures.
[17] M. Carrez affirme que, dans le cadre des activités commerciales de l’Opposant, les marques de commerce MARCELLO et MARCELLO DE CARTIER ont été adoptées. Il déclare que l’Opposante est la titulaire enregistrée de la marque de commerce MARCELLO DE CARTIER, numéro d’enregistrement LMC793,973, obtenu le 28 mars 2011 en vertu de la demande (1339035) déposée le 12 mars 2007, revendiquant le droit de propriété le 21 septembre 2006. Un exemplaire certifié de l’enregistrement a été déposé par l’Opposante. Ledit enregistrement couvre les articles suivants :
Sacoches, portefeuilles, étuis à cartes, pochettes, sacs à main, sacs de magasinage, ceintures bananes.
[18] M. Carrez présente, à l’article 9 de son affidavit, le volume annuel des ventes de l’Opposante au Canada en matière de sacs et de portefeuilles, en association avec les marques de commerce MARCELLO ou MARCELLO DE CARTIER. Malgré le fait que M. Carrez déclare présenter les chiffres des ventes, la colonne intitulée « MONTANT » demeure vide et, par conséquent, nous n’avons que le nombre d’unités vendues par année entre le 10 mars 2010 et le 29 février 2016. Ces ventes ne dépassent jamais les 173 unités. En outre, il n’y a aucune ventilation par marque de commerce.
[19] M. Carrez affirme que la pièce AC-1 représente des échantillons de factures illustrant la vente de sacs, d’étuis à cartes et de portefeuilles en association avec les marques de commerce MARCELLO ou MARCELLO DE CARTIER, ainsi que les livres des ventes. Cependant, la pièce AC-1 ne contient aucune facture ni documents d’expédition arborant l’une ou l’autre des marques divulguées par M. Carrez. Ces documents semblent être des feuilles tirées d’un grand livre informatisé, et M. Carrez n’accorde aucune explication quant à ce que représentent ces extraits. Ils comprennent des titres tels « Invoices Sales CR » [Factures ventes CR] ou « Invoiced Sales Qty » [Quantité de ventes facturées]. Nous n’avons aucune indication sur certains de ces documents pour déterminer si les chiffres apparaissant dans ces colonnes se limitent au Canada. Certains volumes de ventes par unité vendue sur une base annuelle correspondent aux chiffres contenus à l’alinéa 9 de son affidavit. Étant donné le manque de renseignements fournis par M. Carrez dans son affidavit, ces documents ne sont que d’une aide très limitée.
[20] M. Carrez joint à titre de pièce AC-2 ce qui semble être un extrait d’un catalogue illustrant divers sacs. La page est intitulée « Bags-MARCELLO DE CARTIER » [« Sacs‑MARCELLO DE CARTIER]. Il y a aussi deux photographies de l’un de ces sacs portant une étiquette sur laquelle apparaît la marque de commerce MARCELLO.
[21] À titre de preuve supplémentaire, l’Opposante a produit l’affidavit de Mme Thelma Thibodeau, agente de marque de commerce indépendante. Elle a joint, à titre de pièce T-1, différents documents obtenus des BC Registry Services liés à J.Y.S. Enterprise Inc. (JYS). Ces documents identifient la Requérante comme l’un des administrateurs de cette société. Elle a été constituée en société sous le nom 0858910 B.C. Ltd. le 13 août 2009 et elle a changé son nom le 22 octobre 2010 pour Orinan Entreprises Inc. et ensuite pour JYS le 30 décembre 2010.
[22] Mme Thibodeau a joint à titre de pièce TT-2 des extraits du site Web de JYS où seules les marques KARLA HANSON et PAMPERED GIRLS y sont évoquées. Elle ajoute qu’elle ne pouvait pas trouver sur le site Web de JYS de référence à la Marque.
[23] Mme Thibodeau a joint en pièce TT-3 des extraits du site Web de Virgaries Sales Ltd (Virgaries). Je remarque que les extraits produits contiennent des renvois aux marques KARLA HANSON et PAMPERED GIRLS. Ces marques ne sont pas en cause dans cette opposition. Il n’y a aucune référence à la Marque.
La preuve de la Requérante
[24] Mme Jiang se décrit comme la propriétaire de la Marque. Elle explique comment elle a choisi la Marque dont elle affirme qu’il s’agit d’un [traduction] « très beau mot qui sonne italien ». Elle affirme que la Marque est un prénom d’origine italienne. À l’appui de cette affirmation, elle a joint à titre de pièce A un extrait du site Web www.first-names-meanings.com qui indique que la Marque est un prénom de garçon d’origine italienne. Elle a également joint en pièce B un extrait du site Wikipédia d’un article sur Marcellino Lucchi, ancien conducteur de moto italien de Grand Prix.
[25] Mme Jiang déclare qu’elle utilise la Marque en liaison avec divers articles et accessoires de mode au Canada depuis au moins 2013. Elle affirme qu’elle a vendu des sacs à main et des sacoches en liaison avec la Marque au Canada par l’entremise de distributeurs au détail comme Pharmasave, une pharmacie indépendante et un détaillant de pharmacie.
[26] Mme Jiang a joint, à titre de pièce C à son affidavit, certaines factures de vente de l’année 2013 afin d’illustrer la vente de sacs et de portefeuilles au Canada en liaison avec la Marque. Le prix unitaire de vente de ces sacs et portefeuilles se situe entre 2,80 $ et 30 $. Ces factures sont toutes émises par JYS et elle déclare que cette entité [traduction] « est entièrement détenue par moi ». Je tiens à souligner à ce stade que toute utilisation de la Marque par JYS profite à la Requérante puisqu’elle appartient entièrement à la Requérante [voir l’article 50 de la Loi et Lindy c Canada (Registraire des marques de commerce) 1999 ACF no 682 (CAF)]. La facture la plus ancienne est datée du 7 janvier 2013.
[28] Mme Jiang affirme qu’elle exploite un magasin de détail sur la rue Robson à Vancouver, en C.-B., qui vend des sacs et des portefeuilles en liaison avec la marque. Elle a joint, à titre de pièce E, un rapport sommaire de vente de ses sacs et portefeuilles de marque MARCELLINO vendus dans ce magasin de détail pour la période du 1er novembre 2014 au 23 novembre 2015. Encore une fois, l’on mentionne JYS dans ce document.
[29] Mme Jiang joint en pièce F des photos d’exemples de différents types de sacs et de portefeuilles arborant la Marque. Elle affirme que ces produits sont d’un style, d’une apparence et d’un prix différents de ceux de l’Opposante.
[30] Mme Jiang a également joint, à titre de pièce G, un extrait de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes de l’OPIC concernant l’enregistrement LMA626087 pour la marque de commerce MARCELLO TARANTINO et, à titre de pièce H, un extrait du site Web www.marcellotarantino.com indiquant que la société est située à Toronto et qu’il y a des produits offerts à la vente en liaison avec cette marque de commerce.
[31] M. Walter est propriétaire et directeur général de Virgaries, une agence de vente indépendante établie au Canada spécialisée dans les secteurs des accessoires de mode, des vêtements décontractés, des cosmétiques et des produits de beauté et de bain. Il déclare que Virgaries agit à titre d’agent de vente canadien pour la Requérante depuis 2013.
Fardeau de preuve
[34] Il incombe à la requérante de démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi. Toutefois, il incombe à l’opposante de présenter une preuve suffisante et recevable, à partir de laquelle il est raisonnable de conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent. Une fois ce fardeau initial rempli, la Requérante doit convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition invoqués ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la marque de commerce en cause [Joseph E Seagram & Sons Ltd c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC); Christian Dior SA c Dion Neckwear Ltd, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155].
Motifs d’opposition sommairement rejetés
Conformité à l’article 30a) de la Loi
[35] L’Opposante a le fardeau initial. Rien dans la preuve décrite ci-dessus ne permet de régler cette question. En l’absence de preuve, de plaidoyer écrit ou oraux sur cette question, je conclus que l’Opposante n’a pas rempli son fardeau initial. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.
Conformité à l’article 30b) de la Loi
[38] L’Opposante soutient également que toute utilisation de la Marque a été abandonnée. Il n’y a aucune preuve au dossier qui appuie un tel argument.
[39] Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur l’article 30b) de la Loi sont rejetés.
Conformité à l’article 30i) de la Loi
[40] L’article 30i) de la Loi exige seulement que la Requérante déclare qu’elle est convaincue qu’elle a le droit d’utiliser la Marque au Canada en liaison avec les Produits décrits dans la Demande. Une telle déclaration est comprise dans la présente demande. Un opposant ne peut invoquer l’article 30i) que dans des cas bien précis, comme lorsqu’une fraude de la part du requérant est alléguée [voir Sapodilla Co Ld c. Bristol Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)] ou lorsqu’il y a la violation d’une loi fédérale.
[41] Il n’y a aucune allégation dans la déclaration d’opposition selon laquelle la Requérante a déclaré à tort qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada comme la Requérante l’avait reconnue dans les droits de l’Opposante. Il n’y a aucune preuve au dossier à l’appui d’une telle allégation. Au contraire, Mme Jiang déclare dans son affidavit qu’elle n’était pas au courant de la marque de commerce de l’Opposante, MARCELLO DE CARTIER.
[42] Par conséquent, ce motif d’opposition est également rejeté.
[43] L’Opposante invoque également un motif d’opposition fondé sur la combinaison des articles 30(i) et 22 de la Loi en ce que l’emploi de la Marque aurait pour effet de diminuer l’achalandage associé à la marque de commerce de l’Opposante. Encore une fois, il n’y a aucune preuve au dossier qui appuie une telle allégation.
[44] Par conséquent, ce motif d’opposition est également rejeté.
Enregistrabilité de la Marque au titre de l’article 12(1)a)
[46] Encore une fois, il n’y a aucune preuve au dossier pour appuyer cet argument. Au contraire, il y a des preuves au dossier (voir l’affidavit Jiang) qu’il s’agit d’un prénom italien.
[47] Par conséquent, je rejette également ce motif d’opposition.
Motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité au titre de l’article 12(1)d)
[49] Comme il a été mentionné précédemment, l’Opposante a fourni une copie imprimée des détails de l’enregistrement provenant de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes tenue par le registraire et accessible en ligne. Par conséquent, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial.
Test en matière de confusion
[52] Certaines des circonstances de l’espèce dont il convient de tenir compte aux fins de l’évaluation de la probabilité de confusion entre deux marques de commerce sont décrites à l’article 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. La liste de ces critères n’est pas exhaustive et la valeur probante de chacun peut varier [Voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, SCS 23, 49 CPR (4th) 401; Mattel USA Inc v 3 894 207 Canada Inc, 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321; Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361].
Degré de ressemblance entre les marques de commerce
[55] Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans Masterpiece, supra, dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce en cause est le facteur qui revêt le plus d’importance dans l’évaluation de la probabilité de confusion. Il faut envisager le degré de ressemblance entre les marques de commerce du point de vue de leur présentation, de leur son et des idées qu’elles suggèrent. Il est préférable de se demander d’abord si les marques de commerce présentent un aspect [traduction] « particulièrement frappant ou unique » [Masterpiece, supra, au paragraphe 64]. Cependant, il faut éviter de placer les marques de commerce côte à côte dans le but de les examiner attentivement et d’en relever les similitudes ou les différences; chaque marque de commerce doit être considérée dans son ensemble [voir Veuve Clicquot, supra].
Les marques de commerce devraient être examinées dans l’optique du consommateur moyen qui a un souvenir non pas précis, mais général de la marque précédente. En conséquence, les marques ne devraient pas être disséquées ni soumises à une analyse microscopique en vue d’apprécier leurs ressemblances et leurs différences. Au contraire, elles devraient être regardées globalement et évaluées selon leur effet sur l’ensemble des consommateurs moyens [Renvois omis].
[58] Il existe une ressemblance sur les plans visuels et sonores entre MARCELLO et MARCELLINO. J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire [voir National Laser Products Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1976), 28 CPR (2d) 59 (CF 1re inst)] et j’ai consulté le Oxford Reference Dictionary à www.oxfordreference.com, et « Marcellino » est défini comme un surnom de « Marcello ». Par conséquent, il y a une certaine ressemblance dans les idées suggérées par les mots « Marcello » et « Marcellino ». L’ajout des mots « de Cartier » (ou « from Cartier » en anglais), dans la marque de commerce de l’Opposante, suggère que MARCELLINO est une marque de commerce et que CARTIER est le fournisseur des produits.
Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce
[61] Une marque de commerce peut acquérir un caractère distinctif accru par l’emploi et la promotion au Canada [voir Sarah Coventry Inc c Abrahamian (1984), 1 CPR (3d) 238 (CF 1re inst)]. Les deux parties, tel que précédemment, ont produit des éléments de preuve à cet égard.
[62] Les factures et les rapports de vente joints à titre de pièces C à E à l’affidavit de Mme Jiang ne montrent pas un important volume de ventes. Les factures ont été envoyées à des détaillants situés à Vancouver, C.-B. et à Edmonton, Alberta.
[64] M. Carrez allègue que l’Opposante, par la qualité de ses produits et de ses activités promotionnelles originales, jouit d’une notoriété mondiale, y compris au Canada. Aucun élément de preuve n’a été présenté à l’appui de cette allégation. Quoi qu’il en soit, la marque de commerce sur laquelle se fonde l’Opposante est MARCELLO DE CARTIER et non CARTIER. Le nombre de sacs et de portefeuilles vendus chaque année depuis mars 2010 et précisé au paragraphe 9 de l’affidavit de M. Carrez n’étaye pas cette prétention. Sur une période de 6 ans, environ 700 sacs et/ou portefeuilles ont été vendus au Canada en liaison avec la marque de commerce MARCELLO DE CARTIER. Il n’y a pas de renseignements détaillés sur l’étendue de la promotion de cette marque de commerce au Canada en liaison avec ces produits.
[66] Par conséquent, ce facteur ne favorise aucune des parties.
Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage
[68] Conséquemment, ce facteur joue en faveur de l’Opposante.
Genre des produits et des services et nature du commerce des parties
[69] Lorsqu’on examine la nature des produits et des services et la nature des opérations des parties en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, il faut évaluer l’état déclaratif des produits et des services tel que défini dans la demande de la requérante et l’état déclaratif des produits et services figurant dans l’enregistrement de l’opposante, compte tenu des voies de commerce normalement associées à ces produits et services [voir Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); et Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF)]. Les états déclaratifs doivent être effectués dans l’optique de déterminer le type probable d’entreprise ou de commerce envisagé par les parties et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober; une preuve de la nature véritable des commerces exercés par les parties est utile à cet égard [voir McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF).]
[71] Vu le champ d’application restreint des produits vendus par l’Opposante en liaison avec la marque de commerce MARCELLO DE CARTIER, nommément divers sacs et portefeuilles, je ne vois pas le reste des produits de la Requérante (vêtements, chaussures, produits de beauté, bijoux, montres et lunettes) se trouver dans la zone naturelle d’expansion de l’Opposante. En fait, il n’y a aucune preuve au dossier qui pourrait appuyer cet argument.
[72] M. Carrez affirme que l’Opposante est impliquée dans l’industrie des articles de luxe. Il affirme que l’Opposante vend ses sacs et ses portefeuilles à son distributeur canadien Richemont Canada Inc (Richemont). Cependant, nous n’avons aucune information à savoir à qui Richemont distribue les sacs et les portefeuilles de l’Opposante au Canada.
[74] Par conséquent, il semblerait qu’il y ait une différence dans les voies de commercialisation réelles des parties en ce qui concerne le Chevauchement des produits. Cependant, l’enregistrement de l’Opposante ne contient pas de restriction sur les voies de commercialisation. Il est possible pour l’Opposante de trouver une gamme de portefeuilles et de sacs offerts à la vente dans la gamme de prix des Produits de la Requérante et, par conséquent, la possibilité d’un chevauchement des voies de commercialisation.
Autres circonstances additionnelles
[76] Dans son affidavit, Mme Jiang soutient que l’Opposante ne peut revendiquer le monopole du mot MARCELLO au Canada. Elle a effectué des recherches dans la base de données de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada et a trouvé l’enregistrement de la marque de commerce canadienne LMC626,087 pour la marque de commerce MARCELLO TARANTINO, enregistrée en 2004 portant entre autres choses sur des « sacs ». Elle a joint comme pièce G une copie de l’imprimé de la base de données sur les marques de commerce de l’OPIC pour cet enregistrement et comme pièce H la page d’accueil du site Web www.marcellotarantino.com de Marcello Tarantino Manufacturing Inc. de Toronto.
[77] Nous n’avons aucune information sur la façon dont les recherches dans la base de données sur les marques de commerce de l’OPIC ont été effectuées. En outre, dans trois décisions récentes [voir McDowell c Laverana GmbH & Co KG, 2017 CF 327, 154 CPR (4th) 128, McDowell c The Body Shop International PLC, 2017 CF 581, 148 CPR (4th) 195, et Canada Bread Company, Limited c Dr. Smood APS, 2019 CF 306, 2019 CarswellNat 694], la Cour fédérale a conclu qu’à moins qu’un nombre important de marques de commerce soient indiqués dans l’état de la preuve du registre, l’emploi des marques de commerce citées doit être établi. Lorsqu’un nombre important de marques de commerce pertinentes est indiqué, le registraire peut déduire que l’élément qu’elles ont toutes en commun est l’emploi dans le marché, mais que les consommateurs sont en mesure de distinguer ces marques par leurs caractéristiques supplémentaires. Lorsque le nombre de marques de commerce indiquées n’est pas important, la preuve de cet emploi doit être fournie.
[78] Je suppose que la Requérante renvoie à l’état du registre et à la preuve du marché dans les pièces G et H à l’affidavit de Mme Jiang. Toutefois, je ne peux inférer d’une citation que MARCELLO est une marque de commerce communément employée au Canada en liaison avec des produits liés aux Produits, de sorte que les consommateurs canadiens sont habitués de voir de nombreuses marques de commerce ayant comme élément le mot MARCELLO et qu’ils sont donc en mesure de distinguer une marque des autres.
Conclusion sur la probabilité de confusion
[81] La question qui se pose est celle de savoir si un consommateur qui a un souvenir général et imparfait de la marque de commerce l’opposante serait susceptible de penser, en voyant la marque de la requérante, que les produits et services liés aux deux marques de commerce ont la même origine. Toutefois, il ne revient pas à l’opposante de démontrer que la confusion est probable, mais c’est plutôt à la requérante qui doit convaincre le registraire qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion.
[82] Étant donné qu’il existe une certaine ressemblance entre les marques des parties, visuellement, quant au son et dans le sens des marques, puisque MARCELLINO est un diminutif de MARCELLO, et étant donné qu’il y a un certain chevauchement dans les produits des parties en ce qui concerne les produits qui se chevauchent, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne crée pas de confusion avec la marque de commerce MARCELLO DE CARTIER de l’Opposante lorsqu’elle est utilisée en liaison avec les produits qui se chevauchent. Au mieux pour la Requérante, j’aurais pu en venir à une conclusion que les probabilités de confusion sont équilibrées étant donné le fait que des noms propres sont des marques faibles. Comme la Requérante assume le fardeau ultime, ce résultat favoriserait tout de même l’Opposante. S’il y avait eu une preuve au dossier d’un nombre important d’enregistrements dans le registre des marques de commerce ayant un élément du mot MARCELLO ou une preuve de l’emploi dans le marché de ce mot comme élément de nombreuses marques de commerce, j’aurais pu en venir à une conclusion différente.
Motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)a)
[87] L’Opposante invoque également l’emploi antérieur de la marque de commerce MARCELLO. Les pièces 1 et 2 de l’affidavit Carrez indiquent un certain emploi antérieur de cette marque de commerce.
[89] L’analyse des facteurs pertinents indiqués à l’article 6(5) de la Loi à la date pertinente antérieure associée au motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) ne modifie pas considérablement la conclusion tirée pour le motif d’opposition antérieur lorsqu’on compare la Marque à la marque MARCELLO DE CARTIER une conclusion semblable s’applique également lorsque l’on compare la Marque avec la marque MARCELLO.
Motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif de la Marque en vertu de l’article 2 de la loi
[92] L’Opposante invoque les faits suivants :
[93] À la lecture de la déclaration d’opposition dans son ensemble conjointement avec la preuve de l’Opposante, il est évident que cette dernière invoque ses marques de commerce MARCELLO et MARCELLO DE CARTIER. Étant donné la preuve au dossier et celle décrite ci-dessus, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial pour ce motif d’opposition pour les raisons suivantes.
[95] M. Carrez renvoie aux chiffres de vente de l’Opposante à son distributeur canadien Richemont Canada Inc. Les chiffres de vente figurant dans la pièce 1 ne sont pas répartis par marque de commerce et par province. Par conséquent, il est impossible de tirer une conclusion selon laquelle les marques de commerce MARCELLO et/ou MARCELLO DE CARTIER étaient connues dans une certaine mesure au Canada ou bien connues dans une région du Canada de façon à annuler le caractère distinctif de la Marque.
Décision
[98] et je rejette l’opposition en ce qui concerne les produits suivants :
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Membre
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Commission des oppositions des marques de commerce
|
Office de la propriété intellectuelle du Canada
|
Traduction certifiée conforme
Marie-France Denis
Annexe A
COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE
OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA
COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER
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