Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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CIPO

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2019 COMC 148

Date de la décision : 2019-12-31

  [TRADUCTION CERTIFIÉE NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

McGregor Industries Inc.

Opposante

et

 

COMERCIAL LOSAN, S.L.U.

Requérante

 

1,775,271 pour LOSAN HAPPY FASHION Design

 

Demande

Introduction

[1]  COMERCIAL LOSAN, S.L.U. a produit une demande d’enregistrement de la marque LOSAN HAPPY FASHION Design. La demande concerne une variété de vêtements prêt‑à‑porter, nommément, vêtements tout-aller, vêtements habillés et vêtements de sport, ainsi que les articles chaussants et les couvre-chefs.

[2]  McGregor Industries Inc. est propriétaire de nombreux enregistrements de marques de commerce qui consistent en HAPPY et en HAPPY FOOT ou les incluent. Elle est bien connue au Canada pour ses chaussettes de marque HAPPY FOOT qui sont vendues partout au Canada depuis des décennies. Elle s’est opposée à la présente demande au motif de son emploi et de ses enregistrements concernant des bas et des chaussettes.

[3]  L’opposition est accueillie en ce qui concerne toutes les marchandises demandées, à l’exception des couvre-chefs, notamment les chapeaux, les casquettes, les visières, étant donné que COMERCIAL LOSAN, S.L.U. n’a pas réussi à prouver qu’il n’y a pas de probabilité vraisemblable de confusion. Elle n’a pas procédé au contre-interrogatoire, n’a pas produit d’éléments de preuve, ni n’a présenté des observations pour réfuter des allégations ou la preuve de McGregor Industries Inc. Bien qu’il n’y ait peut-être pas un degré élevé de ressemblance entre les marques des parties, lorsque toutes les circonstances dont il est question ci-dessous sont prises en compte, je conclus que COMERCIAL LOSAN, S.L.U. ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques des parties en ce qui concerne les vêtements et les articles chaussants visés par la demande, qui peuvent comprendre des chaussettes et des bas.

Le Dossier

[4]  Le 1er avril 2016, COMERCIAL LOSAN, S.L.U. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement relative à la marque de commerce LOSAN HAPPY FASHION Design (la Marque) décrite ci-après comme suit :

LOSAN HAPPY FASION Design


La couleur est revendiquée comme caractéristique de la marque de commerce. Les lettres du terme LOSAN sont comme suit : L (rouge), O (vert), S (orange), A (bleu clair), N (fuchsia). Le terme HAPPY est, de gauche à droite, de différents tons de bleu (du bleu clair au bleu foncé) et le terme FASHION est, de gauche à droite, de différents tons de vert (du vert clair au vert foncé).

[5]  La demande est fondée sur l’emploi de la Marque par la Requérante en Espagne et sur l’enregistrement de la Marque en Union européenne en liaison avec les produits suivants :

Prêt-à-porter pour femmes, hommes et enfants, nommément vêtements de sport, vêtements de ville, vêtements tout-aller, vêtements imperméables, vêtements pour nourrissons et enfants, vêtements habillés, vêtements de sport; articles chaussants, sauf les articles chaussants orthopédiques, nommément articles chaussants tout-aller, articles chaussants pour enfants, articles chaussants d’exercice, articles chaussants imperméables, articles chaussants de sport; couvre-chefs, nommément chapeaux, casquettes, visières. 

[6]  La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce en date du 11 janvier 2017 et a fait l’objet de l’opposition de McGregor Industries Inc. (l’Opposante) le 9 juin 2017 en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi). La Requérante a répondu en produisant et en signifiant une contre-déclaration. La preuve de l’Opposante consiste en l’affidavit d’Earl Lipson. La Requérante n’a produit aucune preuve. Seule l’Opposante a produit des observations écrites. Aucune des deux parties n’a demandé la tenue d’une audience.

Déclaration d’opposition

[7]  La déclaration d’opposition soulève les motifs d’opposition suivants en vertu de l’article 38 de la Loi. Toutes les références dans cette décision renvoient à la Loi modifiée le 17 juin 2019, à l’exception des références aux motifs d’opposition qui renvoient à la Loi telle qu’elle se lisait avant sa modification (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que le libellé de l’article 38(2) de la Loi s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

(a)  La demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30a) de la Loi. L’état déclaratif des produits comprend les produits décrits en tant que prêt-à-porter pour femmes, hommes et enfants, nommément vêtements de sport, vêtements de ville, vêtements tout-aller, vêtements imperméables, vêtements pour nourrissons et enfants, vêtements habillés, vêtements de sport; articles chaussants, sauf les articles chaussants orthopédiques, nommément articles chaussants tout-aller, articles chaussants pour enfants, articles chaussants d’exercice, articles chaussants imperméables, articles chaussants de sport; les descriptions englobent des produits innombrables et ne constituent pas des états déclaratifs qui décrivent des catégories restreintes de vêtements. Par conséquent, l’état déclaratif des produits n’est pas un état déclaratif en termes ordinaires du commerce de produits particuliers conformément à l’exigence de l’article 30a) de la Loi.

(b)  Conformément à l’article 12(1)d) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec une ou plusieurs des marques de commerce déposées de l’Opposante :

Marque de commerce

Numéro de l’enregistrement

Produits

HAPPY FOOT

LMCDF018614

Articles chaussants tricotés

HAPPY

LMC131,953

Bas tricotés

LMC219, 501

Bas

MCGREGOR HAPPY FOOT & DESIGN

LMC773, 396

Des vêtements, nommément : les articles chaussants, notamment les bas et les chaussettes.
Des vêtements, nommément : les articles chaussants, notamment les leggings et les collants.

 

THE HAPPYFOOT SOCK COMPANY

LMC857,681

Des vêtements, nommément : les chaussettes.

HAPPYFOOT & Foot Design
LMC936, 758

Des vêtements, nommément : les articles chaussants, notamment les bas; les chaussettes; les mi-bas.

HAPPYFOOT & Foot Design

LMC953, 519

Des vêtements, nommément : les articles chaussants, notamment les bas et les chaussettes.

La couleur est revendiquée comme caractéristique de la marque de commerce. La couleur est revendiquée comme caractéristique de la marque de commerce. Le terme HAPPY est en bleu clair, le terme FOOT est en bleu foncé, les grands points de l’image du pied sont colorés de manière aléatoire en rouge, vert, bleu foncé, marine, mauve, orange, jaune et gris, les petits points dans la partie de l’orteil de l’image du pied sont colorés de manière aléatoire en bleu foncé et en bleu marine, et les petits points dans la partie de la plante du pied dans l’image sont bleu marine.

HAPPYFOOT

LMC936, 754

Des vêtements, nommément : les articles chaussants, notamment les bas; les chaussettes; les mi-bas.

(c)  Conformément à l’article 16(2)a) de la Loi, à la date de production de la demande du 1er avril 2016, la Requérante n’avait pas le droit à l’enregistrement de la Marque parce qu’elle créait de la confusion avec une ou plusieurs des marques de commerce de l’Opposante HAPPY FOOT, HAPPYFOOT, HAPPY, MCGREGOR HAPPY FOOT, et THE HAPPYFOOT SOCK COMPANY (les « Marques HAPPY FOOT »), antérieurement employées au Canada, par l’Opposante et ses prédécesseurs, en liaison avec des vêtements, y compris, sans s’y limiter, les articles chaussants et les bas tels que les chaussettes, les collants et d’autres bas.

(d)  Conformément à l’article 16(2)c) de la Loi, à la date de production de la demande du 1er avril 2016, la Requérante n’avait pas le droit à l’enregistrement de la Marque parce qu’elle créait de la confusion avec le nom commercial de l’Opposante THE HAPPYFOOT SOCK COMPANY antérieurement employé par l’Opposante au Canada en liaison avec une entreprise ayant trait à la fabrication et à la vente de vêtements, y compris les articles chaussants et les bas tels que les chaussettes, les collants et d’autres types de bas.

(e)  En vertu de l’article 2 de la Loi, la Marque ne distingue pas, et n’est pas adaptée à distinguer, les produits de la Requérante des produits et services d’autres personnes – notamment les vêtements de l’Opposante lorsqu’ils sont vendus ou mis en vente sous une ou plusieurs de ses marques de commerce, ou dans le cadre d’une entreprise exploitée sous la raison sociale de l’Opposante.

Preuve de l’Opposante

Affidavit d’Earl Lipson

[8]  M. Lipson est le PDG de l’Opposante (para 1). Voici son témoignage :

(a)  L’Opposante ou ses prédécesseurs fabriquent et vendent des chaussettes à des détaillants en vue de revente depuis 1937 en liaison avec la marque de commerce HAPPY FOOT qui apparaît sur les étiquettes apposées sur les chaussettes au moment de la vente, des exemples représentatifs d’emballages et de chaussettes vendus des années 1950 à 2017 sont présentés dans les pièces B1 à B6 (paras 4 et 5). À compter de 2015, l’Opposante emploie la marque de commerce HAPPY sur les étiquettes des chaussettes (pièce B-7). 

(b)  Depuis 2009, la marque de commerce HAPPY FOOT est également apposée sur les produits spécialisés, y compris les chaussettes et collants pour enfants, vendus conformément à une licence en vertu de laquelle l’Opposante exerce et maintient un contrôle total et direct sur le caractère, la qualité, l’emballage, la promotion et la vente de ces produits (para 6, pièces C1 et C2).

(c)   Les chaussettes HAPPY FOOT de l’Opposante sont vendues dans les grands magasins nationaux, y compris la Baie d’Hudson et Sears Canada; dans les grandes chaînes nationales, y compris Walmart et Canadian Tire; et dans des centaines de magasins indépendants (para 7).

(d)  Depuis 1970, plus d’un million de paires de chaussettes sont vendues chaque année au Canada, ce qui représente des millions de dollars en ventes au détail annuelles (para 8).

(e)  Depuis 1979, [TRADUCTION] « des dizaines de milliers de dollars ont été dépensés chaque année » pour l’annonce et la promotion des chaussettes sous la marque de commerce HAPPY FOOT dans les campagnes d’annonces nationales; pour l’annonce coopérative (para 9); et dans les publicités dans les points de vente (para 10), dont des exemples se trouvent dans les pièces D à E2. 

Fardeau ultime et fardeau initial de la preuve

[9]  C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial de produire une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de chacun de ses motifs d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CFPI)].

Le motif d’opposition en vertu de l’article 30

[10]  L’Opposante allègue que la demande n’est pas conforme à l’article 30a) de la Loi.

[11]  La date pertinente pour examiner un motif d’opposition fondé sur le non-respect de l’article 30 de la Loi est la date de la production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd, (1984), 3 CPR 469 (COMC)]. Toutefois, c’est l’état déclaratif des produits dans sa version modifiée après la date de production qui est pris en compte [Eaton Williams (Millibank) Ltd c Nortec Air Conditioning Industries Ltd (1982), 73 CPR (2d) 70 (COMC)].

[12]  Il y a deux questions à décider relativement à un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a), soit celles de savoir si l’état des marchandises ou des services est dressé « dans les termes ordinaires du commerce » et s’il désigne valablement les marchandises ou services « spécifiques » liés à la marque de commerce [Whirlpool SA c Eurotherm Holdings Limited, 2010 COMC 171, au para 39]. En outre, le fardeau de preuve initial d’une opposante en vertu de l’article 30a) n’est pas contraignant [McDonald’s Corp c MA Comacho-Saldana International Trading Ltd (1984), 1 CPR (3d) 101 (COMC) à la page 104]. M. Lipson indique ce qui suit dans son affidavit [traduction] :

15

[…] J’ai une vaste expérience dans le domaine des vêtements. Des expressions telles que « vêtements de ville » et « vêtements tout-aller » […] ne définissent pas suffisamment à eux seuls, en termes ordinaires du commerce, des vêtements particuliers spécifiques. Par exemple, ces expressions à elles seules ne définissent pas suffisamment si l’enregistrement projeté engloberait expressément des chaussettes, des bas et d’autres articles chaussants, tel que les léotards, les jambières, les bas‑culottes, les collants, entre autres, dans une ou plusieurs des catégories générales indiquées notamment « vêtements de ville », « vêtements tout‑aller », et autres. La conclusion est que, parce que les produits ne sont pas définis en termes ordinaires du commerce, il n’est pas possible que personne (y compris moi-même) ne sache avec certitude si des articles précis de vêtements – une fois de plus, tel que des chaussettes, des bas, des léotards, des jambières, des collants, des bas-culottes, des collants ou d’autres articles chaussants – seraient ou ne seraient pas visés par la demande et tout enregistrement qui en découle.

16

De même, des expressions telles qu’« articles chaussants tout-aller », « articles chaussants pour enfants », « articles chaussants d’exercice […] » ne définissent pas elles-mêmes suffisamment, en termes ordinaires du commerce, des articles chaussants particuliers spécifiques. Par exemple, ces expressions à elles seules ne définissent pas suffisamment si l’enregistrement projeté engloberait expressément certains types de chaussettes […], bas, et d’autres articles chaussants, telles que les léotards, les jambières, les pantoufles tricotées ou d’autres articles chaussants tricotés […]

[13]  L’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau de la preuve en ce qui concerne aucun des Produits. Je me suis reporté au Manuel des produits et des services de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (le Manuel) [Royal Scenic Holidays Ltd c Scenic Holidays (Vancouver) Ltd, 2010 COMC 36]. Le Manuel contient une liste représentative de produits acceptables en termes ordinaires du commerce, qui comprennent ce qui suit : les vêtements de sport, les vêtements tout-aller, les vêtements de travail, les articles chaussants tout-aller, les articles chaussants pour enfants, les articles chaussants d’exercice et les articles chaussants imperméables, tous ajoutés au Manuel en 2009. Les descriptions des Produits sont suffisamment précises étant donné que la fonction des produits (qu’il s’agisse de vêtements tout-aller, de travail, ou d’exercice) est fournie même si les articles de vêtements précis en question ne le sont pas. Par conséquent, je rejette le motif d’opposition puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de la preuve.

Motifs d’opposition fondés sur la confusion

Les dates pertinentes pour les motifs d’opposition fondés sur la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante

[14]  Je considère que l’Opposante a la meilleure possibilité d’obtenir gain de cause en ce qui concerne ses allégations de confusion entre la Marque et son emploi et enregistrement des marques de commerce HAPPY et HAPY FOOT. La question déterminante soulevée par la déclaration d’opposition est donc de savoir si la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce HAPPY FOOT, ou HAPPY de l’Opposante, employées en liaison avec les chaussettes et déposées en liaison avec les articles chaussants ou des bas tricotés. Les dates pertinentes pour évaluer la question de la confusion sont la date de ma décision concernant le motif d’opposition en vertu de l’article 12(1)d), la date de production de la demande, à savoir, le 1er avril 2016, en ce qui concerne les motifs du droit d’obtenir l’enregistrement (article 16(2)) et la date de l’opposition, à savoir, le 9 juin 2017, en ce qui concerne le quatrième motif : pour un examen de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans les procédures d’opposition, voir American Retired Persons c Canadian Retired Persons (1998), 84 CPR (3d) 198 aux p. 206 à 209 (CFPI).

L’Opposante s’acquitte de son fardeau de la preuve

[15]  L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de la preuve en ce qui concerne chacun des motifs d’opposition fondés sur la confusion, tel qu’il est décrit ci-dessous.

(a)  Article 12(1)d) - J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire de confirmer que chacun des enregistrements de l’Opposante est en règle à la date d’aujourd’hui.

(b)  Article 16(2)a) - Pour s’acquitter de son fardeau de preuve, l’Opposante doit démontrer qu’à la date de dépôt de la demande, une ou plusieurs de ses marques de commerce invoquées ont été employées au Canada et n’avaient pas été abandonnées à la date de leur annonce [article 16(5) de la Loi]. L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve en ce qui concerne la marque de commerce HAPPY FOOT et HAPPY en ce qui concerne les articles chaussettes (para 8; pièces B1 à C2).

(c)  Caractère distinctif - Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve, l’Opposante doit établir qu’à compter du 9 juin 2017, date de la production de la déclaration d’opposition, qu’au moins une de ses marques de commerce HAPPY FOOT ou son nom commercial HAPPY FOOT étaient suffisamment connus pour annuler le caractère distinctif de la Marque [Bojangles' International LLC c Bojangles Café Ltd 2006 CF 657, au paragraphe 33]. La preuve de l’Opposante selon laquelle ses chaussettes arborant bien en évidence la marque de commerce HAPPY FOOT sont vendues dans des centaines de magasins partout au Canada et qu’au moins un million de paires de chaussettes ont été vendues chaque année depuis environ 1970 (paras 7 et 8; pièces B1 à C2) suffit amplement pour s’acquitter du fardeau de la preuve de l’Opposante.

Sens de la confusion entre les marques de commerce

[16]  Les marques de commerce créent de la confusion lorsqu’il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l’article 6(2) de la Loi :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués […] ou que les services liés à ces marques sont [...] exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

[17]  Par conséquent, l’article 6(2) ne concerne pas la confusion d’une marque avec l’autre, mais la confusion des produits ou des services d’une source avec ceux d’une autre source. En l’espèce, la question posée par l’article 6(2) est de savoir si les acheteurs des produits, vendus sous la marque de commerce LOSAN HAPPY FASHION Design, croient que ces produits ont été produits ou autorisés ou font l’objet d’une licence par l’Opposante qui vend ses produits sous les marques de commerce HAPPY et HAPPY FOOT.

Test en matière de confusion

[17]  Le test à appliquer pour déterminer s’il y a confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs dont il faut tenir compte, au moment de décider si deux marques créent de la confusion, sont « toutes les circonstances de l’espèce, y compris » celles mentionnées expressément aux articles 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. En outre, tous les facteurs n’ont pas nécessairement le même poids puisque le poids qu’il convient de donner à chaque facteur dépend des circonstances : voir Gainers Inc c Tammy L. Marchildon et le registraire des marques de commerce (1996), 66 CPR(3d) 308 (CFPI). Toutefois, comme l’a indiqué le juge Rothstein dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 CPR(4th) 361 (CSC), bien que le degré de ressemblance soit mentionné en dernier lieu au par. 6(5), il arrive souvent qu’il soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

 

Examen des facteurs prévus à l’article 6(5)

Premier et deuxième facteurs - le caractère distinctif inhérent et acquis; la période d’usage

[18]  Les marques de commerce HAPPY [heureux] et HAPPY FOOT [pied heureux] de l’Opposante ont un caractère distinctif inhérent assez important étant donné que ces marques n’ont pas de sens littéral, bien qu’elles laissent entendre une sensation de confort pour les pieds des personnes qui portent les chaussettes. Étant donné que la deuxième composante FOOT [pied] est en liaison avec les produits de l’Opposante, la composante HAPPY [heureux] contribue davantage au caractère distinctif inhérent de la Marque que la composante FOOT [pied].

[19]  La marque de commerce LOSAN HAPPY FASHION Design possède un caractère distinctif inhérent plus important étant donné que LOSAN n’a pas de définition dans le dictionnaire et il n’existe aucune preuve de nom de famille ou de sens géographique qui diminuerait son caractère distinctif. La composante HAPPY [heureux] confère également à la Marque un certain degré de caractère distinctif étant donné qu’elle ne décrit pas les Produits. En revanche, le terme FASHION [mode] ne confère pas de caractère distinctif inhérent à la Marque étant donné qu’il est descriptif des Produits.

[20]  D’après les ventes de millions de paires de chaussettes de l’Opposante dans des centaines de magasins partout au Canada, j’estime que la marque de commerce HAPPY FOOT de l’Opposante est devenue connue dans une large mesure au Canada en liaison avec des chaussettes. En outre, l’Opposante a démontré qu’elle a vendu des chaussettes de la marque HAPPY FOOT depuis des décennies et que, depuis 2015, ses chaussettes ont inclus la marque de commerce HAPPY sur l’emballage en carton dans lequel elles sont vendues. En revanche, rien n’indique que la Marque a commencé à être employée au Canada.

Troisième et quatrième facteurs - le genre de produits et la nature du commerce

[21]  Au moment d’examiner le genre de produits et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des produits de la Requérante avec l’état déclaratif des produits figurant dans les enregistrements invoqués par l’Opposante [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. Toutefois, l’analyse vise à déterminer le genre d’entreprise ou de commerce envisagés par les parties et non tous les types de commerces susceptibles d’être visés par le libellé des états déclaratifs. Une preuve établissant la nature réelle des activités exercées par les parties est utile à cet égard [McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); American Optional Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[22]  Je suis d’accord avec l’Opposante pour dire que certains des Produits, nommément les articles chaussants, sauf les articles chaussants orthopédiques, nommément les articles chaussants tout-aller, articles chaussants pour enfants, articles chaussants d’exercice, articles chaussants imperméables, articles chaussants de sport, chevauchent directement, voire peuvent être les mêmes que les produits de l’Opposante. En ce qui concerne les produits restants, les produits de l’Opposante entrent dans les catégories des vêtements de prêt-à-porter pour les femmes, les hommes et les enfants, nommément les vêtements de sport, vêtements de ville, vêtements tout-aller, vêtements pour nourrissons et enfants, vêtements habillés, vêtements de sport et en l’absence de preuve du contraire ou d’une exclusion dans la demande, ces produits peuvent inclure les chaussettes, les bas et d’autres articles chaussants. En ce qui concerne les produits décrits en tant que couvre-chefs, nommément, chapeaux, casquettes, visières, je conclus qu’il n’y a pas de chevauchement important, puisque ces produits visent une fonction entièrement différente des produits de l’Opposante. En ce qui concerne les voies de commerce, je suppose que les produits des parties passent par les mêmes voies de commerce au niveau du détail. Par conséquent, les troisième et quatrième facteurs favorisent l’Opposante, à l’exception des produits décrits en tant que couvre-chefs, nommément chapeaux, casquettes, visières.

Cinquième facteur - degré de ressemblance

[23]  Bien que les marques de commerce HAPPY FOOT et la Marque aient un degré de ressemblance notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent en raison de la composante commune HAPPY, la première composante LOSAN qui est mise en évidence en raison de sa taille et de sa couleur dans la Marque limite le degré de ressemblance. J’estime qu’en raison de cette composante, les marques de commerce ont plus de différences que de ressemblance.

Circonstances de l’espèce – l’emploi des marques de commerce de l’Opposante

[24]  Une autre circonstance que j’ai prise en considération est le fait que l’Opposante a employé la marque de commerce HAPPY FOOT dans divers formats de dessin, dont certains comprennent la marque de commerce McGregor. Cela laisse entendre que les consommateurs sont habitués à voir la marque déposée HAPPY FOOT sous différents formats de dessin, y compris celles qui portent le nom d’une entreprise. Dans une certaine mesure, j’estime que cela augmente la probabilité que les consommateurs perçoivent un certain lien entre les marques en cause. Plus précisément, un consommateur qui a l’habitude de voir HAPPY FOOT avec un nom d’entreprise sur les chaussettes et les bas, en voyant HAPPY FASHION avec un autre nom d’entreprise sur des chaussettes et des bas, comme serait le cas dans la Marque, peut supposer qu’il s’agit du nom d’entreprise qu’il a déjà vu.

Conclusion sur la probabilité de confusion

[25]  L’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais la confusion des produits et des services d’une source avec ceux d’une autre source. Le critère à appliquer est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la Marque en liaison avec les produits et/ou les services, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce de l’Opposante, et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour l’examiner de plus près [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Clicquot Ltée (2006), 2006 CSC 23 (CanLII) au para 20].

[26]  Le critère que j’ai appliqué en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Après avoir examiné toutes les circonstances à chacune des dates pertinentes, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de commerce HAPPY FOOT et HAPPY de l’Opposante, en ce qui concerne tous les produits, sauf les couvre-chefs, nommément chapeaux, casquettes, visières. Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur les articles 12(1)d) et 16(2)c) de la Loi et les marques de commerce HAPPY FOOT et HAPPY de l’Opposante sont accueillis en ce qui concerne tous les produits, sauf les couvre-chefs, nommément chapeaux, casquettes, visières. Je tire la même conclusion en ce qui concerne le motif d’opposition en vertu de l’article 2 concernant la marque de commerce HAPPY FOOT, qui est affichée bien en vue sur les produits de l’Opposante.

[27]  J’estime que la requérante n’a pas démontré qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion avec les vêtements et les articles chaussants au motif que (i) la marque de commerce HAPPY FOOT de l’Opposante est bien connue et est employée depuis des décennies au Canada et, (ii) depuis 2015, elle utilise la marque de commerce HAPPY. De plus, il peut y avoir un chevauchement direct ou une relation étroite entre les produits de l’Opposante et les produits potentiels de la Requérante, qui peuvent comprendre des chaussettes. Enfin, rien n’indique que la Marque ou toute autre marque HAPPY, hormis celles de l’Opposante, sont employées en liaison avec des vêtements ou des articles chaussants. Ma conclusion aurait peut-être été différente si la demande avait expressément exclu les bas et les chaussettes de l’état déclaratif des produits, ou si la Requérante avait produit une preuve à l’appui de sa demande

Motif d’opposition restant

[28]  Ayant déjà rejeté la demande pour trois motifs en ce qui concerne la plupart des produits, je ne discuterai pas du motif d’opposition en vertu de l’article 16(2)c) en ce qui concerne cette demande.

Décision

[29]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en ce qui concerne les couvre-chefs, nommément chapeaux, casquettes, visières, et je rejette la demande no 1,775,271 en ce qui concerne les produits restants conformément à l’article 38(12) de la Loi.

 

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Lili El-Tawil


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience n’a été tenue

AGENTS AU DOSSIER

FARFAN LAW

POUR L’OPPOSANTE

LAVERY, DE BILLY, LLP

POUR LA REQUÉRANTE

 

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