Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2019 COMC 139

Date de la décision : 2019-12-23

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

 

DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS

 

Connors Bros. Clover Leaf Seafoods Company et Bumble Bee Foods, LLC

Opposantes

et

 

Jim Pattison Enterprises Ltd.

Requérante

 

 

1,640,561 pour la marque de commerce NO DRAIN & Dessin
1,640,562 pour la marque de commerce NO DRAIN

Demandes

 

Connors Bros. Clover Leaf Seafoods Company et Bumble Bee Foods, LLC

Opposantes

et

 

Jim Pattison Enterprises Ltd.

Requérante

 

 

1,640,561 pour la marque de commerce NO DRAIN & Dessin
1,640,562 pour la marque de commerce NO DRAIN

Demandes

[1]  Jim Pattison Enterprises Ltd. (la Requérante) vend du poisson et des fruits de mer en conserve. Ce faisant, elle a présenté ses marques de commerce NO DRAIN et NO DRAIN & Dessin (décrites ci-dessous) sur ses produits et dans la publicité :

NO DRAIN & DESIGN

[2]  Le 22 août 2013, la Requérante a produit des demandes d’enregistrement de chacune de ces marques de commerce en association avec du poisson et des fruits de mer en conserve sur la base de son utilisation au Canada depuis mai 2013.

[3]  Connors Bros. Clover Leaf Seafoods Company et Bumble Bee Foods, LLC (ci-après désignées collectivement comme étant l’Opposante) se sont opposés à ces demandes pour plusieurs motifs différents, y compris le fait que les marques sont clairement descriptives, que les marques sont le nom des produits, que la marque NO DRAIN a, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, été reconnue comme désignant un type ou une qualité de nourriture en conserve; et que les marques ne sont pas distinctives. L’Opposante allègue également que la demande n’est pas conforme à l’article 30 de la Loi, car la Requérante n’aurait pas pu être convaincue de son droit à l’utilisation des marques de commerce au Canada et n’avait pas l’intention d’utiliser NO DRAIN ou NO DRAIN & Dessin comme marque de commerce.

[4]  Pour les raisons qui suivent, j’estime que les marques sont clairement descriptives et que la preuve de la Requérante est insuffisante pour démontrer qu’elles ont acquis un caractère distinctif. En conséquence, je refuse les demandes d’enregistrement des marques NO DRAIN et NO DRAIN & Dessin.

Demande no 1,640,562 pour la marque NO DRAIN

[5]  J’examinerai d’abord l’opposition de l’Opposante à la demande d’enregistrement n° 1,640,562 de la marque NO DRAIN (la Marque).

Contexte

 

L’opposition

[6]  Le 20 août 2014, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition. La déclaration d’opposition soulève les cinq motifs d’opposition suivants en vertu de l’article 38 de la Loi, qui a été modifié le 17 juin 2019. Tous les renvois à la Loi concernent la Loi dans sa version modifiée, à l’exception des motifs d’opposition qui renvoient à la Loi dans sa version antérieure (voir l’article 70 de la Loi qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

a)  La demande ne respecte pas les exigences de l’article 30 de la Loi. L’expression NO DRAIN n’est pas une marque de commerce au sens de la Loi. De plus, la Requérante n’aurait pas pu être convaincue de son droit à l’emploi de la Marque au Canada en association avec les produits. En outre, la Requérante n’a jamais eu l’intention d’utiliser l’expression NO DRAIN comme marque de commerce.

b)  La Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)b) de la Loi parce que l’expression NO DRAIN, qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse du caractère ou de la qualité des produits.

c)  La Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)c) de la Loi parce que la Marque est le nom des produits.

d)  La Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)e) puisque l’expression NO DRAIN est devenue, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, reconnue comme désignant un type, une catégorie ou une qualité particulier d’aliments en conserve, à savoir ceux qui ne nécessitent pas d’être égouttés.

e)  La Marque n’est pas distinctive en vertu de l’article 2 de la Loi en ce qu’elle ne distingue pas réellement les produits alimentaires en conserve, à savoir le poisson en conserve et les fruits de mer en conserve de la Requérante, des produits d’autres propriétaires, y compris l’Opposante, ni n’est adaptée à les distinguer ainsi. L’expression NO DRAIN et ses variantes ont été adoptées par d’autres fabricants, dont l’Opposante.

[7]  La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration. L’Opposante a produit comme preuve les affidavits de Lorna Buchanan, Ana Pacheco et Diane Rooke. Mme Buchanan a été contre-interrogée. La Requérante a déposé comme preuve les affidavits de Greg Smith et Chris Nikiel. M. Smith et M. Nikiel ont tous les deux été contre-interrogés. En réponse, l’Opposante a déposé les affidavits de Mme Buchanan et de Mme Cobb. Aucun contre‑interrogatoire n’a été mené au sujet de ces affidavits. Les deux parties ont déposé un plaidoyer écrit et participé à une audience.

Questions préliminaires relatives à la preuve : l’admissibilité des contre-preuves

[8]  L’Opposante a déposé dans le cadre de sa preuve principale l’affidavit de Lorna Buchanan, vice-présidente du marketing de l’Opposante Connors Bros. Clover Leaf Seafoods Company, qui fournit la preuve de l’emploi descriptif par les tiers de « NO Drain » (para 15). À titre de contre-preuve, l’Opposante a présenté un deuxième affidavit de Mme Buchanan et un affidavit de Mme Cobb. Dans son affidavit en réponse, Mme Buchanan fournit des preuves de la vente de thon sans égouttage de marque STARKIST au Canada en 2001. Dans son affidavit, Mme Cobb expose en détail son achat d’une boîte de thon et un article en 2000 de Starkist. La Requérante s’est opposée à ces éléments de preuve au motif qu’ils ne constituent pas une réponse appropriée, car ils traitent du même sujet que le témoignage principal et la question de l’emploi par Starkist n’a pas été soulevée dans les éléments de preuve de la Requérante (arguments écrits de la Requérante, para 14 à 23).

[9]  Une preuve en réponse appropriée répond directement aux points soulevés dans la preuve de la Requérante, lesquels sont imprévus. Elle ne devrait pas comprendre de preuves qui auraient pu être déposées dans le cadre du témoignage principal de l’Opposante [Lemon Hart Rum Company Limited c Bacardi & Company Limited, 2015 COMC 75, au para 22; Halford c. Seed Hawk Inc., 2003 CFPI 141, aux para 14 et 15]. L’article 54 du Règlement sur les marques de commerce DORS/2018-227 permet la production d’une contre-preuve (voir également l’article 43 du Règlement sur les marques de commerce DORS/96-195, qui indique que la contre-preuve doit se limiter strictement aux matières servant de réponse). Il n’y a aucune raison pour que l’Opposante n’ait pas pu déposer la preuve dans la contre-preuve de Mme Buchanan et la preuve de Mme Cobb concernant Starkist en tant que sa preuve principale et pour cette raison, cette preuve est irrecevable.

Fardeau de preuve incombant aux parties

[10]  C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la demande est conforme aux exigences de la Loi. Cela signifie que si une conclusion déterminante ne peut être tirée en faveur de la Requérante après examen de tous les éléments de preuve, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1er inst.), à la page 298].

Les motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b)

[11]  J’examinerai d’abord le motif d’opposition alléguant que la marque NO DRAIN n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)b) de la Loi parce que, qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse du caractère ou de la qualité des produits. L’Opposante allègue ce qui suit :

[traduction]

[…] La marque alléguée donne une description claire ou une description fausse et trompeuse du poisson en conserve et de fruits de mer en conserve qui ne nécessitent pas d’être égouttés. La Requérante ne devrait pas être en mesure de s’approprier l’expression NO DRAIN et de mettre des concurrents légitimes dans une situation désavantageuse.

[12]  La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de production de la demande [Fiesta Barbeques Ltd. c. General Housewares Corp., 2003 CF 1021].

[13]  Pour déterminer si l’enregistrement de la Marque est interdit en vertu des dispositions de l’article 12(1)b) de la Loi, je dois considérer la Marque du point de vue de la première impression qu’elle produit dans l’esprit du consommateur moyen [voir Wool Bureau of Canada Ltd c. le Regitraire des marques de commerce (1978), 40 CPR (2d) 25 (C.F. 1re inst.)]. Le mot « claire » signifie « facile à comprendre, évident, simple », tandis que le mot « nature » désigne une particularité, un trait ou une caractéristique des marchandises [voir Drackett Co of Canada Ltd c. American Home Products Corp (1968), 55 CPR 29 (C. de l’Éch.), à la page 34].

[14]  L’interdiction prévue à l’article 12(1)b) vise à empêcher un commerçant de monopoliser un mot qui donne une description claire ou qui est habituellement employé dans le commerce, et de placer ainsi des commerçants légitimes dans une position désavantageuse [Canadian Parking Equipment Ltd c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1990), 34 C.P.R. (3d) 154 (C.F. 1re inst.)].

L’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait à l’égard de l’article 12(1)b)

[15]  Une opposante peut s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe à l’égard de ce motif d’opposition simplement par référence à la signification courante, indiquée dans les dictionnaires, des mots qui composent la marque de commerce [Flowers Canada/Fleurs Canada Inc c Maple Ridge Florist Ltd (1998), 86 CPR (3d) 110 (COMC)].

[16]  En l’espèce, les mots NO DRAIN décrivent clairement le poisson et les fruits de mer en conserve, à savoir que le poisson et les fruits de mer en conserve n’ont pas besoin d’être égouttés avant d’être consommés. Les définitions de DRAIN sont jointes à l’affidavit de Mme Rooke, bibliothécaire de référence principale employée par les agents de l’Opposante et comprennent ce qui suit [traduction] : prélever (un liquide) en particulier et retirer (le liquide) de quelque chose en le laissant s’écouler (Pièces J-M). J’ai examiné les définitions du dictionnaire trouvées par Mme Rooke même si elles ont une date postérieure à la date pertinente pour ce motif d’opposition puisque le registraire peut tenir compte d’une telle preuve, dans la mesure où elle peut indiquer une situation qui existait à la date pertinente [voir à titre d’exemple George Weston Ltd c Corporate Foods Ltd (1988), 11 CPR (3d) 566 (COMC)]. 

[17]  Le témoignage de Mme Buchanan dans son premier affidavit est [traduction] « qu’elle connaît très bien et comprend le fonctionnement particulier de l’industrie des aliments en conserve, en particulier le secteur des fruits de mer et du poisson » et que [traduction] « dans le cadre de [ses] fonctions [en tant que vice-présidente du marketing, elle] doit être personnellement familière et bien informée des tendances du marché des produits du poisson et des fruits de mer, y compris les produits concurrentiels » (para 2 et 3). Mme Buchanan déclare qu’elle a examiné le site Web de la Requérante à l’adresse www.goldenseal.ca qui comprend un libellé qui souligne la nature descriptive de l’expression « no drain » (pas d’égouttage) (para 10 et 11).). Elle souligne les passages suivants :

Le thon pâle entier « Pas d’égouttage » Gold Seal est tendre et consistant, et il regorge de saveur. Emballé dans quelques gouttes d’eau ou d’huile de tournesol, il est agréablement rafraîchissant dans des salades froides et savoureux dans des plats chauds.

 

Le thon blanc « Pas d’égouttage » Gold Seal est emballé dans quelques gouttes d’eau; avec son couvercle facile à ouvrir, il n’a jamais été aussi pratique. Garnissez-en des salades, votre sandwich préféré ou dégustez-le à même la boîte au bureau ou à l’école […]

[18]  Les propres preuves de la Requérante sont conformes à cela. La preuve de la Requérante comprend l’affidavit de Chris Nikiel, directeur général, Canadian Canned Foods de Calkins & Burke Limited, un fournisseur de fruits de mer. Dans le cadre de son travail, M. Nikiel achète du thon en conserve importé au Canada. M. Nikiel déclare dans son affidavit que « NO DRAIN » n’est pas un terme descriptif au Canada et n’est utilisé qu’en relation avec les produits de la mer en conserve fabriqués par Ocean Brands (para 8). Dans son contre-interrogatoire, cependant, M. Nikiel admet que le thon est souvent emballé dans du liquide (que ce soit de l’huile, de l’eau ou du bouillon de légumes) et que certaines personnes effectuent l’égouttage de ce liquide avant consommation (questions 46 à 48). M. Nikiel explique également que l’étiquetage d’une boîte pour indiquer qu’un égouttage n’est pas nécessaire est un moyen de signaler qu’il n’y a pas de liquide à l’intérieur et a confirmé que les mots « no drain » (pas d’égouttage) sur une boîte de thon signifieraient qu’elle contient moins de milieu de couverture à l’intérieur qu’une boîte de thon traditionnelle (contre-interrogatoire de Nikiel, questions 49 à 52). Plus tard dans l’interrogatoire, il concède que les mots « no drain » sur un emballage décriraient à quelqu’un qu’en fait, le produit à l’intérieur ne contient pas une quantité importante de liquide comme conditionnement (contre-interrogatoire de M. Nikiel, question 83).

[19]  Dans l’ensemble, les éléments de preuve décrits aux paragraphes 16 à 18 ci-dessus sont suffisants pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif d’opposition.

[20]  Il n’est pas nécessaire que l’Opposante démontre qu’elle-même ou des tiers ont employé NO DRAIN pour décrire leurs propres produits ou que cette expression est couramment employée [Molson Canada 2005 c Drummond Brewing Company Ltd, 2011 COMC 43; Alberta Government Telephones c Cantel Inc, 1994 CanLII 10102]. Dans ce contexte, étant donné que la Requérante s’est opposée au témoignage de Mme Rooke, Mme Pacheo, Mme Cobb et Mme Buchanan faisant référence à la preuve de l’emploi de « no drain » par des tiers, notamment CHICKEN OF THE SEA, John West, Starkist, Greenseas et Bumble Bee, comme il n’est pas nécessaire de le faire, je n’en aurai pas tenu compte.

Fardeau incombant à la Requérante de démontrer l’enregistrabilité suivant l’article 12(1)b) de la Loi ou l’article 12(2) de la Loi

[21]  La question est donc maintenant de savoir si la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime d’établir l’enregistrabilité de la Marque en liaison avec les Produits en vertu de l’article 12(1)b) et, dans le cas contraire, si la Requérante peut se prévaloir de l’article 12(2) de la Loi qui prévoit ce qui suit :

Une marque de commerce qui n’est pas enregistrable en raison de l’article (1)a) ou b) est enregistrable si elle a été utilisée au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenue distinctive à la date de la production d’une demande d’enregistrement la concernant.

 

La Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve en vertu de l’article 12(1)b)

[22]  Je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau d’établir que la marque NO DRAIN n’est pas clairement descriptive pour les raisons suivantes.

La signification de NO DRAIN est facile à comprendre et est simple

[23]  La Requérante soutient que la marque NO DRAIN n’a pas de sens grammatical et décrit la marque comme n’ayant pas de signification claire (para 33 de son plaidoyer écrit) :

[traduction]

Les mots « NO DRAIN » n’ont pas de sens grammatical et ne vont pas ensemble de manière naturelle, et en tant que tels n’ont pas de signification intrinsèque claire. « NO DRAIN » est plutôt un terme inventé […] Il s’agit d’une nouvelle construction linguistique qui ne fait pas partie d’un anglais parlé ou écrit normalement acceptable. Pour avoir un sens grammatical, le mot « DRAIN » dans les Marques doit agir comme un nom, pas un verbe – pour incorporer un verbe, la marque devrait être « NO DRAINING ». Et si « DRAIN » est un nom, alors « NO DRAIN » suggère des boîtes de fruits de mer qui ne contiennent pas de drains – ce qui n’a pas de sens, car bien sûr, aucune boîte de conserve de fruits de mer ne contient de drain. Par conséquent, la lecture grammaticalement correcte de « NO DRAIN » démontre qu’il s’agit d’un terme inventé et donc intrinsèquement distinctif.

[24]  Je suis plutôt d’avis que la marque NO DRAIN est une combinaison conceptuellement et grammaticalement logique de deux mots qui, lorsqu’ils sont utilisés avec des aliments en conserve, ont une signification simple et facile à comprendre indiquant que les aliments en conserve associés n’ont pas besoin d’être égouttés. À titre d’exemple, M. Nikiel admet durant l’interrogatoire que les mots « no drain » sur un emballage décriraient à quelqu’un qu’en fait, le produit à l’intérieur ne contient pas une quantité importante de liquide comme conditionnement (contre-interrogatoire de M. Nikiel, question 83).

La marque n’a pas plusieurs significations

[25]  Je n’adhère pas à l’argument de la Requérante au paragraphe 35 de son plaidoyer écrit, selon lequel la Marque, sous l’angle de la première impression, peut, en plus du poisson ou des fruits de mer en conserve qui ne nécessitent pas d’être égouttés, suggérer plusieurs idées différentes, notamment :

[26]  S’il est vrai que des marques susceptibles d’avoir de multiples significations peuvent ne pas être considérées comme donnant une description claire, si chacune des significations est clairement descriptive, la marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)b) de la Loi [Canadian Tire Corp. c. Hunter Douglas Inc. (2010), 81 C.P.R. (4th) 304 (COMC)]. De plus, le registraire examinera si les significations avancées par un requérant sont plausibles et ne viendraient pas à l’esprit des consommateurs sous l’angle de la première impression [voir, par exemple, Société Financière IGM Inc. c EdgePoint Investment Group Inc., 2014 COMC 156, aux para 48 et 49]. En l’espèce, je ne pense pas que l’une des significations avancées par la Requérante soit plausible ou viendrait à l’esprit des consommateurs sous l’angle de la première impression. En ce qui concerne les significations 1 et 3, je ne trouve aucune de ces significations proposées plausible, car il n’y a aucune preuve que les fruits de mer en conserve auraient un effet sur les niveaux d’énergie des consommateurs (selon la signification 1) ou qu’il existe des boîtes de conserve dotées de mécanismes d’égouttage intégrés (selon la signification 3). En ce qui concerne la signification 2, je ne pense pas que l’idée de fruits de mer qui n’ont pas été égouttés viendrait à l’esprit des consommateurs sous l’angle de la première impression, car le saut entre l’absence d’égouttage par le fabricant et les fruits de mer qui ne sont ni secs ni desséchés nécessite une certaine réflexion.

Supprimer des mots du vocabulaire commercial

[27]  La Requérante soutient que rien n’empêche l’Opposante de faire référence à ses produits de la mer à médias réduits canadiens d’une manière qui n’utilise pas la marque NO DRAIN (plaidoyer écrit de la Requérante, para 39) et que l’Opposante n’a fourni aucune preuve de la manière dont l’enregistrement de la marque NO DRAIN mettra des concurrents légitimes dans une situation injustement désavantageuse. Il n’est pas nécessaire, cependant, que l’Opposante démontre qu’elle-même ou des tiers ont employé cette expression pour décrire leurs propres produits ou que cette expression est couramment employée [Molson Canada 2005 c Drummond Brewing Company Ltd; Alberta Government Telephones c Cantel Inc, précité].

Les marques antérieures sont sans importance

[28]  La Requérante soutient que la marque NO DRAIN est suggestive de la même manière que les marques déposées suivantes pour lesquelles elle a fourni des copies certifiées sont suggestives et, à ce titre, la marque NO DRAIN est également enregistrable : MINI-FILET (LMC176,228); PREMIUM Design (LMC412,283); NUTRITION…”NATURELLEMENT” (LMC197,420); and NUTRITION…”NATURALLY” (LMC197,419).

[29]  La Requérante fournit également des copies des marques suivantes dans son plaidoyer écrit : NO DRAIN MEANS NO MESS (LMC828,349); NO DRAIN MEANS NO MESS (LMC828,339); NO GLUE! NO NAILS! & Dessin (LMC609,144); NO FAT NO SUGAR ADDED SANS GRAS SANS SUCRE AJOUTÉS Dessin (LMC922,709); NO-RINSE & Dessin (LMC341,321); NO-BURN (LMC604,854); NO FIRE (LMC398,182); NO SKIDDING (LMC464,660); NO SKIP (LMC625,109); NO MORE NAILS (LMC509,628); NO LEAK (LMC702,163); et NO SUGAR ADDED POPSICLE (LMC372,692). Ces copies n’ont pas été produites en preuve. La preuve de l’état du registre ne peut pas être prise en considération sans production de copies certifiées des enregistrements ou au moins d’un affidavit présentant les détails des enregistrements pertinents [Papillon Eastern Imports Ltd c Apex Trimmings Inc (2007), 63 CPR (4th) 101 (COMC), au para 14]. Le registraire n’exerce pas son pouvoir discrétionnaire de prendre connaissance des demandes et des enregistrements autres que ceux invoqués à l’appui d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) ou l’article 16 (Quaker Oats Co. of Canada c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 C.P.R.(3d) 410 (COMC)]. On s’attend à ce que les parties à la procédure d’opposition démontrent chaque aspect de leur dossier, et les enregistrements énumérés dans le plaidoyer écrit ne sont pas admissibles [Unitron Industries Ltd c Miller Electronics Ltd (1983), 78 CPR (2d) 244, à la page 253 (COMC)]. Par conséquent, je ne tiendrai compte d’aucune des marques de commerce énoncées dans le plaidoyer écrit de la Requérante.

[30]  Lors de l’examen des copies certifiées conformes des enregistrements énumérés au paragraphe 28 ou du scénario si j’avais pris en compte à la fois les copies certifiées conformes et les enregistrements dans le plaidoyer écrit, énumérés au paragraphe 29, je ne suis pas d’avis que ces éléments soient (ou auraient été) pertinents pour mon examen de la description claire, pour les raisons expliquées dans dans Simmons I.P. Inc. c. Park Avenue Furniture Corp. (1994) 56 C.P.R. (3d) 284, à la p. 288 (soulignement ajouté) :

[traduction] Dans la décision Reed Stenhouse [(1992), 45 C.P.R. (3d) 79, 57 F.T.R. 317, 36 A.C.W.S. (3d) 119 (T.D.)], le juge en chef adjoint Jerome a souligné qu’il appartient au registraire, en rejetant la demande à l’étape de l’examen, de concilier ce refus « dans une certaine mesure », compte tenu de l’existence de marques assez similaires dans le registre des marques de commerce. Toutefois, j’estime que les commentaires du juge en chef adjoint ne s’appliquent pas aux procédures d’opposition : voir les décisions relatives à des oppositions dans Thomas J. Lipton Inc. c. Boyd Coffee Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 272 (COMC), à la page 277, et dans Procter & Gamble Inc. c. Morlee Corp. (1993), 48 C.P.R. (3d) 377 (COMC), à la page 386. Il ne revient pas à la Commission d’opposition d’expliquer pourquoi l’enregistrement d’une marque en particulier a été autorisé par la section d’examen du Bureau des marques de commerce. Cette décision peut avoir été prise parce que l’examinateur ne disposait pas du type de preuve présenté dans le cadre d’une procédure d’opposition ou parce que le fardeau de présentation ou le fardeau ultime n’est pas le même à l’étape de l’examen.

[31]  De plus, comme l’a souligné le juge Kelen dans Worldwide Diamond Trademarks Limited c Canadian Jewellers Association, 2010 CF 309; conf. par 2010 CAF 326, bien que la Cour ait reconnu que le registraire doit examiner les enregistrements précédents lorsqu’il évalue le caractère descriptif d’une marque, il est bien établi en droit que si le registraire a commis une erreur dans le passé, il n’y a pas lieu de la perpétuer. 

La marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article12(2)

[32]  Bien que la référence à l’article 12(2) de la Loi n’apparaisse pas dans la demande ou la contre-déclaration, elle semble constituer un problème dans la présente instance parce que la contre-déclaration allègue que la marque est distinctive [Les brasseries Molson c. Registraire des marques de commerce (1992), 41 C.P.R. (3d) 234, à la page 242 (C.F. 1re inst.)]. De plus, la position de la Requérante est clairement énoncée dans son plaidoyer écrit :

[traduction]

[…] même si la [Marque est] jugée non enregistrable en vertu de l’article 12(1)b), elle est toujours enregistrable en vertu de l’article 12(2) parce que la Requérante a employé [sa marque] « NO DRAIN » à grande échelle à travers le Canada, de sorte que la [marque était] distinctive lorsque [la demande a été produite].

[33]  En vertu de l’article 12(2) de la Loi, un requérant doit démontrer que la marque qu’il cherche à enregistrer, bien qu’elle puisse être clairement descriptive, a acquis une signification seconde et distinctive prépondérante en liaison avec ses marchandises ou ses services à la date de production de telle sorte que l’association permette au propriétaire de la marque de distinguer les produits du propriétaire de ceux de tiers [Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, 2000, 3 CF 145 CAF].

[34]  La preuve de la Requérante ne satisfait pas à la norme de démontrer que la Marque a acquis une signification seconde et distinctive prépondérante en liaison avec les produits visés par la demande, au Canada, à la date de production de la demande. Compte tenu des éléments de preuve résumés ci-dessous, la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve selon la norme de la prépondérance des probabilités :

·  M. Smith est vice-président, Ventes et marketing d’Ocean Brands GP (para 1). Son témoignage est qu’Ocean Brands utilise la marque NO DRAIN depuis au moins aussi tôt que mai 2013 (para 8). Je note que cela ne fait que trois mois avant la date de production de la demande. La Requérante est l’associé directeur d’Ocean Brands et exerce un contrôle corporatif direct sur Ocean Brands et ses produits et activités commerciales (para 6).

·  La preuve antérieure à la date de production du 22 août 2013 n’est pas spécifique à la marque NO DRAIN. Dans l’affidavit, M. Smith définit les « marques de commerce » comme incluant les marques de commerce suivantes (para 8 à 12) :

NO DRAIN

NO DRAIN & DESIGN

NO DRAIN MEANS NO MESS

NO DRAIN MEANS NO MESS

GOLDSEAL & Solid Light Tuna & Design

Je ne suis pas d’avis que la marque NO DRAIN MEANS NO MESS et les versions figuratives de cette marque utilisent la marque NO DRAIN, puisque je ne suis pas d’avis que NO DRAIN se démarque des autres mots MEANS NO MESS et qu’elle demeure reconnaissable par le public à la première impression.

·  Tous les éléments de preuve antérieurs au 22 août 2013 concernent les « marques de commerce », y compris les ventes s’étalant entre 2011 et 2013 de plus de 976 000 $, 3,842 millions de dollars et 4,3 millions de dollars (para 17).

·  La preuve de M. Smith que des panneaux d’affichage et des affiches portant la marque NO DRAIN ont été présentés entre le 11 mai et le 25 octobre 2015 à un coût de plus de 2,8 millions de dollars n’est pas pertinente, car elle est postérieure à la date pertinente (para 22; pièces C-F). Les éléments de preuve concernant les publicités radiophoniques sont également postérieurs à la date pertinente (para 20).

·  M. Nikiel, directeur général de Canadian Canned Foods Calkins & Burke Limited, un fournisseur d’Ocean Brands, déclare dans son affidavit :

[traduction]

Paragraphes

 

5

Étant donné que je vis à Vancouver et que je voyage à travers le pays pour les affaires, d’après mon expérience, la marque NO DRAIN est très bien connue dans toutes les provinces du Canada.

6

D’après mon expérience, lorsque « NO DRAIN » est mentionné aux détaillants de grandes villes qui achètent et vendent des fruits de mer en conserve, ils identifient cette expression avec les produits NO DRAIN. D’après mon expérience, les produits NO DRAIN sont largement reconnus à travers le Canada pour ces caractéristiques.

8

L’expression « NO DRAIN » n’est pas un terme descriptif utilisé en association avec les fruits de mer en conserve au Canada. À ma connaissance, « NO DRAIN » n’est utilisé au Canada que pour les produits de fruits de mer en conserve d’Ocean Brands GP. Il n’y a pas d’autres marques sur le marché canadien qui utilisent « NO DRAIN » en association avec leurs produits.

Au cours de l’interrogatoire, M. Nikiel explique que son entreprise a réalisé entre 5 et 15 millions de dollars d’affaires par an avec Ocean Brands (questions 21, 84 et 85). Le fait qu’Ocean Brands soit un client important de la société de M. Nikiel réduit le poids de sa déclaration.

[35]  Bien que le témoignage de M. Smith puisse suggérer que certains Canadiens connaissaient la marque NO DRAIN, il ne démontre pas que la Marque a acquis un caractère distinctif ou une signification seconde prépondérante comme cela est requis. Par conséquent, la Requérante ne peut se prévaloir l’article 12(2) de la Loi et le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[36]  L’Opposante allègue ce qui suit dans la déclaration d’opposition :

[traduction]

La marque alléguée n’est pas distinctive en vertu de l’alinéa 38(2)d) et de l’article 2 de la Loi en ce qu’elle ne distingue pas réellement les produits alimentaires en conserve, à savoir le poisson en conserve et les fruits de mer en conserve de la Requérante, des [produits] d’autres propriétaires, y compris les Opposantes, ni n’est adaptée à les distinguer ainsi. L’expression NO DRAIN et des variantes de celle-ci ont été adoptées par d’autres fabricants de produits alimentaires, y compris [l’Opposante], pour décrire un type d’aliment en conserve qui ne nécessite pas d’être égoutté.

 

[37]  Le juge Denault a déclaré dans Clarco Communications Ltd. c. Sassy Publishers Inc. (1994), 54 C.P.R. (3d) 418 (C.F. 1re inst.), à la page 428 :

Bien que le caractère distinctif d’une marque de commerce soit très souvent apprécié lors de l’examen de la question de savoir si la marque de commerce projetée crée de la confusion avec une autre marque de commerce au sens de l’article 6 de la Loi, il est possible de rejeter une demande d’enregistrement au motif qu’elle n’est pas distinctive, indépendamment de la question de la confusion, à condition que ce moyen soit invoqué dans une opposition […] Le caractère distinctif est une caractéristique fondamentale et essentielle d’une marque de commerce. Le moyen fondé sur l’absence de caractère distinctif peut donc être soulevé en opposition par quiconque et s’appuyer sur le défaut de distinguer ou d’être adapté à distinguer la marque de commerce projetée des marchandises de tous les autres propriétaires.

 

L’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve

[38]  Une marque de commerce qui est considérée donner une description claire de la nature ou de la qualité des produits ne peut servir à distinguer ces produits des produits de tiers [Conseil canadien des ingénieurs professionnels c APA - The Engineered Wood Assn (2000), 7 CPR (4th) 239 (C.F. 1re inst.)]. Je conclus donc que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve en ce qui concerne son allégation selon laquelle la marque NO DRAIN n’est pas adaptée à distinguer les produits de la Requérante.

La Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve

[39]  Pour les mêmes raisons qu’en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b), je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau juridique de démontrer que sa marque NO DRAIN était adaptée à distinguer ou qu’elle distingue réellement les produits de la Requérante. Ce motif d’opposition est donc admis.

Motifs d’opposition restants

[40]  Étant donné que j’ai déjà rejeté la demande pour deux motifs, je n’aborderai pas les autres motifs d’opposition.

No de demande 1,640,561 pour NO DRAIN Dessin

[41]  La demande no 1,640,561 pour la marque NO DRAIN Dessin a également été produite le 22 août 2013 et est fondée sur l’emploi de la Requérante au Canada en association avec du poisson et des fruits de mer en conserve depuis au moins aussi tôt que mai 2013.

[42]  Les motifs d’opposition, les questions, les dates pertinentes et les éléments de preuve sont identiques à ceux analysés dans le cadre de la demande no 1,640,562 à l’exception du fait que la marque en cause en l’espèce est une marque figurative. Cela ne modifie toutefois pas mes conclusions concernant la question de savoir si la marque est clairement descriptive, car une marque figurative ne peut pas être enregistrée en vertu de l’article 12(1)(b) de la Loi si elle contient des éléments nominaux qui donnent une description claire et qui constituent également la caractéristique dominante de la marque [Best Canadian Motor Inns Ltd. c Best Western International, Inc. 2004 CF 135].

[43]  Étant donné que les éléments graphiques se limitent à la stylisation des éléments verbaux, je conclus que NO DRAIN est l’élément dominant et, comme ci-dessus, que l’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve initiale en ce qui concerne les motifs d’opposition de la description claire et du caractère distinctif étant donné que la marque NO DRAIN & Dessin est clairement descriptive sur le plan du son.

[44]  Pour les raisons exposées ci-dessus en ce qui concerne la demande d’enregistrement de la marque NO DRAIN, je conclus également que la Requérante n’a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités que sa demande n’est pas clairement descriptive et distinctive de la Requérante. En conséquence, j’arrive aux mêmes conclusions qu’en ce qui concerne la demande n° 1,640,562 et la présente demande est rejetée.

Motifs d’opposition restants

[25]  Étant donné que j’ai déjà rejeté la demande pour deux motifs, je n’aborderai pas les autres motifs d’opposition.


 

Décision

[45]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

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Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Vanina Triest

 


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