Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Référence : 2019 COMC 140

Date de la décision : 2019-12-23

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Fay G. Weisberg Medicine Professional Corporation

Opposante

et

 

Dre Marjorie Dixon

Requérante

 

1,743,791 pour la marque de commerce FIRST STEPS

Demande

 

Introduction

[1]  Fay G. Weisberg Medicine Professional Corporation (l’Opposante) s’oppose à la demande n° 1,743,791 (la Demande) d’enregistrement de la marque FIRST STEPS (la Marque) produite par la Dre Marjorie Dixon (la Requérante).

[2]  Pour les motifs qui suivent, l’opposition est accueillie, en partie.

Le dossier

[3]  La demande a été produite le 28 août 2015. Elle a été modifiée une fois en réponse à un rapport du Bureau concernant la description de certains services. Elle se fonde sur l’emploi de la Marque au Canada depuis aussi tôt que février 2008 en association avec les services suivants :

Exploitation d’une clinique de fertilité; services de thérapie d’amélioration de la fertilité; services de préservation de la fertilité, thérapie de reproduction assistée; exploitation d’une clinique de santé pour femmes; services de diagnostic par ultrasons; services de conseils médicaux dans le domaine de la fertilité; fourniture de services d’information sur Internet dans le domaine de la médecine de la fertilité; services de recherche et développement en fertilité et embryologie; services de laboratoire médical; services de banques d’ovules, de cellules et de tissus reproducteurs; services de don d’ovules humains; services de procréation avec la participation d’un tiers, à savoir, aider les couples qui ont besoin d’une tierce partie pour assurer une grossesse, qu’ils utilisent un donneur d’ovules (connu ou anonyme), un donneur de sperme (connu ou anonyme) ou une mère gestatrice; services d’acupuncture et de naturopathie, à savoir évaluation, traitement et conseil aux patients par l’application de la médecine naturopathique, thérapie naturelle et soins de santé naturopathiques; diagnostic et traitement chirurgical des anomalies utérines, des grossesses extra-utérines et des avortements manqués; prise en charge en début de grossesse (les services de fertilité);

et basée sur l’emploi projeté au Canada en association avec :

La distribution de médicaments sur ordonnance (les services de prescription)

[4]  La Demande a été publiée dans le Journal des marques de commerce le 14 décembre 2016 en vue de la procédure d’opposition.

[5]  Le 11 mai 2017, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition invoqués sont fondés sur les articles 30b), e) et i) (conformité) et 2 (caractère distinctif) de la Loi dans sa version antérieure à la date d’entrée en vigueur (telle que définie plus loin).

[6]  De nombreuses modifications à la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) sont entrées en vigueur le 17 juin 2019 (date d’entrée en vigueur). Dans le contexte de l’opposition, la date qui détermine la version applicable de la Loi est la date à laquelle la demande contestée a été annoncée dans le Journal des marques de commerce à des fins d’opposition. En l’espèce, la Demande a été publiée avant la date d’entrée en vigueur. Dès lors, conformément aux dispositions transitionnelles énoncées à l’article 70 de la Loi amendée, les motifs de l’opposition seront évalués en vertu de la Loi dans sa version antérieure à la date d’entrée en vigueur, exception faite de l’application, en cas de confusion dans l’évaluation, des articles 6(2) à (4) de la Loi tels qu’ils sont actuellement rédigés.

[7]  Sauf indication contraire, toute mention faite de la Loi dans les présentes vise la Loi telle qu’amendée à la date d’entrée en vigueur.

[8]  La Requérante a produit une contre-déclaration le 13 juillet 2017, réfutant chacun des motifs d’opposition.

[9]  L’Opposante a produit comme preuve les affidavits de Fay G. Weisberg, signés le 6 novembre 2017 et d’Amanda Gauthier signé le 3 novembre 2017. Aucun de ces déposants n’a été contre-interrogé.

[10]  La Requérante a produit une déclaration selon laquelle elle présenterait des preuves.

[11]  Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit; aucune audience n’a eu lieu.

Remarques préliminaires

[12]  Il est important de noter que les déclarations de la Dre Weisberg contenues dans son affidavit n’ont pas été contredites par un témoignage par affidavit ou au moyen d’un contre‑interrogatoire.

Preuve de l’Opposante

Affidavit de Fay G. Weisberg

[13]  La Dre Weisberg est présidente de l’Opposante et médecin en Ontario. Elle est accréditée comme spécialiste en obstétrique et gynécologie depuis 1991. Elle est également professeure adjointe à la Faculté de médecine de l’Université de Toronto.

[14]  La Dre Weisberg déclare qu’à la fin de 2007, elle a décidé de se joindre à la Requérante et à la Dre Sony Sierra pour créer et exploiter une clinique de fertilité. Ainsi, le 3 décembre 2007 ou aux environs de cette date, First Steps Fertility Inc. (FSFI) a été constituée en société dans le but d’exploiter une clinique de fertilité. Les dirigeantes de FSFI étaient la Requérante en tant que présidente, la Dre Sierra en tant que vice-présidente et la Dre Weisberg en tant que secrétaire et trésorière. Elle a joint comme pièce A une copie du rapport sur le profil de la société pour FSFI.

[15]  La Dre Weisberg explique que FSFI exploitait une clinique sous le nom de First Steps à Toronto (la FSFI Clinic), spécialisée dans le traitement des problèmes de fertilité et de reproduction, à l’exclusion des services de fécondation in vitro qui étaient externalisés. Elle déclare que la Requérante, la Dre Sierra et elle-même ont ouvert un compte bancaire conjoint pour la FSFI Clinic et ont convenu que les revenus de la FSFI Clinic seraient mis en commun et que les bénéfices seraient répartis également entre elles.

[16]  La Dre Weisberg affirme que le 12 décembre 2007 ou aux alentours de cette date, elle a pris des mesures pour enregistrer le nom de domaine <firststepsfertility.ca> au nom de FSFI et en a informé la Requérante et la Dre Sierra. Elle a joint à titre de pièce B une copie du rapport Domain Tools Domain sur <firststepsfertility.ca> daté du 3 octobre 2017. Cependant, la lecture de ce document ne permet pas de déterminer clairement qui a enregistré ce nom de domaine. Dans le premier rapport daté du 23 janvier 2008, il n’y a aucune référence au « titulaire » de ce nom de domaine. Comme je l’ai déjà mentionné, la Dre Weisberg n’a pas été contre-interrogée et ses déclarations restent donc incontestées.

[17]  La Dre Weisberg déclare qu’en novembre ou décembre 2011 ou vers cette date, la Dre Sierra a quitté la FSFI Clinic pour continuer à pratiquer ailleurs. Malgré le fait que son nom apparaît toujours en tant qu’administratrice et dirigeante de FSFI, elle n’a plus été engagée de façon continue avec FSFI depuis lors.

[18]  La Dre Weisberg explique qu’en raison du départ de la Dre Sierra de FSFI, le 9 novembre 2011 ou vers cette date, la Dre Weisberg a formé une nouvelle société (2305151 Ontario Inc.) et le nom commercial First Steps Fertility a été enregistré sous cette société. Elle a joint, en tant que pièces C et D respectivement, une copie du rapport sur le profil de la société pour 2305151 Ontario Inc. et une copie du rapport sur les noms commerciaux pour First Steps Fertility. Son intention était que 2305151 Ontario Inc. poursuive les activités de FSFI au nom de la Requérante et d’elle-même. Elle a indiqué à la Requérante à l’époque que cette nouvelle société était disponible pour qu’elles puissent poursuivre leurs activités ensemble, mais finalement elles ont décidé de poursuivre leurs activités sous le nom de FSFI.

[19]  La Dre Weisberg affirme que le 5 décembre 2014 ou vers cette date (deux jours avant son expiration), l’enregistrement du nom de domaine pour <firststepsfertility.ca> a été mis à jour pour changer le nom du titulaire à Dre Marjorie Dixon Medicine Professional Corporation et le contact administratif a été changé pour Tara McAteer, qui était à l’époque directrice de bureau à la FSFI Clinic. La pièce B de son affidavit étaye cette affirmation.

[20]  La Dre Weisberg déclare que, malgré des réunions régulières avec la Requérante et Mme McAteer pour discuter de diverses questions relatives à la FSFI Clinic, elle n’a jamais été informée de ces changements.

[21]  La Dre Weisberg affirme qu’au printemps 2015 ou vers cette période, la Requérante l’a informée qu’elle prévoyait démarrer une nouvelle entreprise à un endroit différent. Elle croyait comprendre à l’époque que la nouvelle entreprise serait complémentaire du travail effectué à la FSFI Clinic en ce qu’elle effectuerait des procédures de FIV, qui étaient jusqu’à lors externalisées.

[22]  La Dre Weisberg déclare que la Requérante lui a dit que les procédures de FIV se feraient dans le cadre de la nouvelle entreprise et qu’elles poursuivraient leurs activités actuelles à la FSFI Clinic sous le nom de « First Steps » par l’intermédiaire de leurs sociétés professionnelles respectives. La Requérante a proposé à la Dre Weisberg d’acheter une participation minoritaire dans la nouvelle entreprise, mais le 21 août 2015, elle a informé la Requérante qu’elle ne souhaitait pas rejoindre sa nouvelle entreprise en tant qu’actionnaire minoritaire.

[23]  La Dre Weisberg déclare que le 20 janvier 2016 ou vers cette date, la Requérante lui a remis des ébauches de documents intitulées [traduction] « Cession de marque de commerce » et [traduction] « Contrat de licence de marque » et elle a joint ces documents en tant que pièces E et F respectivement. Elle déclare que ces ébauches ont été préparées unilatéralement par la Requérante ou en son nom sans la contribution de Mme Weisberg. Elle n’a signé aucun de ces documents.

[24]  La Dre Weisberg affirme qu’en février 2016 ou vers cette date, la Requérante a publié des messages en ligne, notamment sur le site Web de la FSFI Clinic et sur les comptes de médias sociaux, indiquant que « First Steps Fertility » déménageait. La Dre Weisberg craignait que les patients puissent mal interpréter cette information et penser qu’elle déménageait sa pratique alors qu’en fait, ce n’était pas le cas.

[25]  La Dre Weisberg déclare avoir appelé la société d’hébergement Web de la FSFI Clinic pour leur demander de supprimer le message du site Web de la clinique. Elle a ensuite été informée que l’enregistrement du nom de domaine de <firststepsfertility.ca> avait été modifié pour inscrire la société professionnelle de la Requérante en tant que titulaire et Mme McAteer en tant que contact administratif. Ce fait est confirmé par le contenu du rapport du dossier WHOIS joint en tant que pièce B à l’affidavit de Mme Weisberg.

[26]  La Dre Weisberg affirme qu’au cours du printemps 2016 ou vers cette période, elle a découvert que le nom de domaine <firststepsfertility.ca> était redirigé vers Anova Fertility & Reproductive Health (Anova), ce qui avait été fait à son insu. Elle a joint en tant que pièce G une copie d’une capture d’écran de son téléphone qu’elle a prise le 13 mars 2016 ou vers cette date, montrant que le premier résultat d’une recherche Google pour « first steps fertility » dirigeait vers Anova. Elle a joint en pièce H une copie de la capture d’écran du site Web d’Anova, qui est le site Web vers lequel un utilisateur est redirigé lorsque le nom de domaine <firststepsfertility.ca> est saisi dans la boîte de recherche de Google.

[27]  La Dre Weisberg affirme que le 22 avril 2016 ou vers cette date, elle a reçu une lettre du ministère des Finances de l’Ontario, jointe en tant que pièce I à son affidavit, lui demandant son consentement pour dissoudre FSFI. Elle déclare qu’elle n’a pas participé à cette demande et n’a pas non plus donné son consentement à la dissolution.

[28]  La Dre Weisberg déclare qu’en juillet ou août 2016 ou vers cette période, elle a vu un message sur la page Facebook de First Steps Fertility indiquant que « First Steps Fertility n’existait plus » et elle a joint en pièce J une copie d’une capture d’écran qu’elle a prise de ce message.

[29]  La Dre Weisberg conclut son affidavit en déclarant qu’elle a continué d’exploiter une clinique de fertilité et de santé reproductive à Toronto. Cette clinique est gérée par l’intermédiaire de sa société professionnelle, mais la Dre Weisberg n’indique pas le nom de cette société. S’agit-il de l’Opposante ou une autre société? Elle ajoute que la Requérante n’a plus joué aucun rôle au sein de la clinique depuis le début de 2016 ou vers cette période et elle a joint en pièce K une copie d’une capture d’écran de la page d’accueil du site Web de sa clinique.

Affidavit d’Amanda Gauthier

[30]  Mme Gauthier est assistante juridique au cabinet de l’agent de l’Opposante. Son affidavit a pour objet principal de déposer au dossier certains documents et les résultats de diverses recherches, précisés ci-dessous :

Fardeau de la preuve

[31]  Il incombe à la Requérante de démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi. Toutefois, il incombe à l’Opposante de présenter une preuve suffisante et recevable, à partir de laquelle il est raisonnable de conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent. Une fois ce fardeau initial rempli, la Requérante doit convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition invoqués ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la marque de commerce en cause [Joseph E Seagram & Sons Ltd c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC); Christian Dior SA c Dion Neckwear Ltd, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155].

Motif d’opposition fondé sur l’article 30(b) de la Loi

[32]  L’Opposante allègue que la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30b) de la Loi en ce que la Requérante n’aurait pas employé la Marque depuis la date de premier emploi invoquée dans la demande, à savoir depuis février 2008 en association avec des services de fertilité.

[33]  Sur ce point, il convient de noter que la conformité à l’article 30b) exige que l’emploi de la marque de commerce soit continu dans le cours normal des affaires depuis la date de premier emploi revendiquée jusqu’à la date de production de la demande d’enregistrement [voir Benson & Hedges Canada Ltd c Labatt Brewing Co (1996), 67 CPR (3d) 258 (C.F. 1re inst.); Ivy Lea Shirt Co c Muskoka Fine Watercraft & Supply Co, 2001 CFPI 253, 11 CPR (4th) 489]. La conformité est évaluée à la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corporation c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)].

[34]  Le fardeau de preuve initial qui incombe à un opposant à l’égard de l’article 30b) est léger, étant donné que les faits pertinents se rapportant à l’emploi sont plus facilement accessibles au requérant [Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. Si un opposant réussit à s’acquitter de son fardeau de preuve initial, le requérant doit alors, en réponse, prouver le bien-fondé de sa revendication d’emploi. Cependant, le requérant n’est pas tenu de le faire si la date de premier emploi n’a pas d’abord été mise en doute par un opposant s’acquittant de son fardeau de preuve [voir Kingsley c Ironclad Games Corp, 2016 COMC 19, 2016 CarswellNat 644].

[35]  Si la Requérante a l’intention de s’appuyer sur l’emploi de la marque visée par une demande d’un prédécesseur en titre, cette entité doit être identifiée dans la demande [voir Servicemaster Company c 385 Mke Limited, 2015 COMC 188].

[36]  La preuve de l’Opposante établit les faits non contredits suivants :

[37]  Ces faits soulèvent de sérieuses questions sur la date alléguée du premier emploi de la Marque par la Requérante. La FSFI Clinic était exploitée par FSFI et non par la Requérante seule, car FSFI était une société constituée de trois médecins, dont la Requérante et la Dre Weisberg. De plus, la demande ne comporte aucune allégation d’emploi de la Marque par un prédécesseur en droit. La demande se fonde sur l’emploi de la Marque par la Requérante seule.

[38]  Il n’y a pas de transfert de propriété de la Marque de FSFI à la Requérante. Au contraire, la Requérante a reconnu qu’elle n’était pas la seule propriétaire de la Marque, car elle a soumis à l’Opposante un document intitulé [traduction] « CESSION DE MARQUE » (pièce E de l’affidavit de la Dre Weisberg) dans laquelle nous trouvons les déclarations suivantes :

[traduction]

ET ATTENDU QUE, [l’Opposante] et [la Dre Marjorie E. Dixon Professional Medicine Corporation (la cessionnaire)] sont les cofondatrices de la First Steps Fertility Clinic […];

ET ATTENDU QUE [l’Opposante] a utilisé et continue d’utiliser les marques de commerce [y compris la Marque] figurant à l’annexe A […] en association avec les [Services de fertilité];

ET ATTENDU QUE, [l’Opposante] et la cessionnaire sont co-créatrices de la [Marque].

[39]  L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial en déposant des éléments de preuve qui remettent sérieusement en question l’allégation de la Requérante contenue dans la demande selon laquelle elle a commencé à elle seule à employer la Marque en association avec les services de fertilité en février 2008. Par conséquent, il appartenait à la Requérante de produire une preuve de son emploi de la Marque à la date revendiquée de premier emploi.

[40]  En l’absence de cette preuve, je tire une conclusion en faveur de l’Opposante et je maintiens donc ce motif d’opposition.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30i) de la Loi

[41]  L’Opposante plaide que la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30i) de la Loi parce que la Requérante ne pouvait pas être convaincue d’avoir droit d’employer la Marque au Canada en association avec les Services.

[42]  L’article 30i) de la Loi exige seulement qu’un requérant se déclare convaincu d’avoir droit d’employer sa marque de commerce au Canada en association avec les produits et services décrits dans la demande. En conséquence, lorsque, comme en l’espèce, la déclaration exigée est incluse dans la demande, un opposant ne peut invoquer l’article 30i) que dans des cas précis, comme lorsqu’il est allégué que le requérant est de mauvaise foi ou a commis une fraude, ou lorsqu’une loi fédérale empêche vraisemblablement l’enregistrement de la marque [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15  CPR (2d) 152 (COMC); et Interprovincial Lottery Corp c Western Gaming Systems Inc (2002), 25 CPR (4th) 572 (COMC)].

[43]  Il convient de lire une déclaration d’opposition conjointement avec les preuves produites. Bien que le motif d’opposition tel qu’il est invoqué n’allègue pas clairement la mauvaise foi ou la fraude, certains faits énoncés dans la déclaration d’opposition suggèrent au moins la mauvaise foi de la part de la Requérante. En particulier, je me réfère au paragraphe 4 des faits pertinents décrits dans la déclaration d’opposition, qui se lit comme suit :

[traduction]

La demande d’enregistrement de FIRST STEPS a été produite à l’insu ou sans le consentement des autres actionnaires de FSFI. À aucun moment, FSFI n’a cédé la marque de commerce FIRST STEPS ou le nom commercial First Steps Fertility à la Requérante, et la Requérante n’est pas un successeur en titre à FSFI de la marque de commerce FIRST STEPS ou de la marque First Steps Fertility.

[44]  En l’espèce, je considère que la description non contredite par la Dre Weisberg des mesures prises par la Requérante, et détaillées ci-dessus, constitue une preuve de mauvaise foi de la part de la Requérante. On peut en déduire qu’elle savait que la Marque avait été utilisée par au moins FSFI et pas par elle-même personnellement. C’est la raison pour laquelle elle a tenté d’obtenir une cession de la Marque auprès de la Dre Weisberg. Une relation commerciale antérieure entre les parties peut mener à une conclusion de mauvaise foi [voir Yves Levis c Mikhail Golubev, 2019 COMC 100].

[45]  Cependant, il n’y a aucune preuve d’un emploi antérieur par FSFI de la Marque en association avec les Services de prescription. En conséquence, la Requérante était libre, à la date de production de la demande, de demander l’enregistrement de la Marque en association avec ces services.

[46]  Par conséquent, je maintiens ce motif d’opposition uniquement pour les Services de fertilité.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30e) de la Loi

[47]  L’Opposante allègue que la Demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30e) de la Loi en ce que la Requérante n’avait pas et n’a pas l’intention d’employer la Marque au Canada, soit par elle-même ou par l’intermédiaire d’un titulaire de licence, soit par elle-même et par l’intermédiaire d’un titulaire de licence. Étant donné que la demande a été produite sur la base d’un emploi proposé en association avec les services de prescription uniquement, ce motif d’opposition est limité à ces services.

[48]  Le fardeau incombant à l’Opposante est moins lourd en ce qui concerne la question du non-respect de l’article 30(e) parce que les faits étayant l’absence d’intention d’employer la Marque relèvent précisément du savoir de la Requérante [voir Molson Canada c. Anhauser-Busch Inc. (2003), 29 C.P.R.(4th) 315; Labatt Brewing Co. v. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216].

[49]  La date pertinente pour déterminer la conformité à l’article 30e) est la date de production de la demande (28 août 2015). Cependant, on pourrait tenir compte de faits survenus après la date de production [voir Bacardi & Co Ltd c Jack Spratt Mfg Inc., 1 CPR (3d) 122 (COMC)].

[50]  L’Opposante est d’avis que la séquence d’événements suivante démontre que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque à la date pertinente, à savoir :

[51]  Sur la base de cette séquence d’événements, l’Opposante soutient que la Requérante avait l’intention d’ouvrir sa nouvelle entreprise en utilisant la marque de commerce ANOVA, si elle n’était pas en mesure d’obtenir le consentement de la Dre Weisberg en ce qui concerne l’utilisation de la Marque et, en fait, la Requérante a finalement ouvert une clinique de fertilité sous les marques http://www.ic.gc.ca/app/api/ic/ctr/trademarks/media/image/1747173/10  et ANOVA selon les pièces G et H de l’affidavit de Mme Weisberg. L’Opposante ajoute que la Requérante n’avait donc pas l’intention d’employer la Marque en tant que marque de commerce en sa qualité individuelle. Par conséquent, la demande produite par la Requérante à titre personnel n’est pas conforme à l’article 30e) de la Loi.

[52]  Je note que la Requérante déclare dans sa demande qu’elle avait l’intention d’employer la Marque [traduction] « par elle-même ou par l’intermédiaire d’un titulaire de licence, ou par elle-même et par l’intermédiaire d’un titulaire de licence ». Par conséquent, la demande ne se limitait pas à un emploi proposé de la Marque par la Requérante elle-même. Il est toujours possible pour un particulier de produire une demande d’enregistrement d’une marque en sa qualité personnelle et par la suite de concéder sous licence la marque visée par la demande d’enregistrement à une personne morale [voir Alltemp Products Company Limited c Bit Holder Inc, 2007, CarswellNat 3738 (COMC)].

[53]  De plus, le fait que la preuve montre que la Requérante exploite une clinique de fertilité sous une marque différente ne prouve pas nécessairement que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque à la date de production de la demande en association avec les Services de prescription. En effet, comme je l’ai expliqué ci-dessus, les services en cause concernant ce motif d’opposition ne sont pas les services de fertilité, mais les services de prescription. Je ne vois pas comment cette séquence d’événements établirait que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque en association avec les Services de prescription à la date pertinente.

[54]  Pour toutes ces raisons, je rejette ce motif d’opposition.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2 de la Loi (absence de caractère distinctif)

[55]  L’Opposante allègue ce qui suit :

[traduction]

Contrairement à l’article 2 de la Loi, [la Marque] n’est pas distinctive du Requérant en ce qu’elle ne distingue pas et ne peut pas distinguer, ni n’est adaptée à distinguer les services de la Requérante des services fournis par des tiers, y compris, sans toutefois s’y limiter, l’Opposante.

[56]  La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de production de la déclaration d’opposition (11 mai 2017) [voir Bojangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd (2004), 40 CPR (4th) 553, confirmée par 2006 CF 657].

[57]  En lisant la déclaration d’opposition dans son ensemble, conjointement avec la preuve de l’Opposante, il est clair que l’Opposante s’appuie sur l’emploi allégué antérieur de la marque FIRST STEPS par l’Opposante et/ou FSFI et/ou toute autre entité professionnelle associée à la Dre Weisberg, mais non clairement précisé dans son affidavit autrement que par sa déclaration [traduction] « ...par l’intermédiaire de nos sociétés professionnelles respectives ». Compte tenu des éléments de preuve au dossier et décrits ci-dessus, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial pour ce motif d’opposition pour les raisons suivantes.

[58]  L’Opposante devait établir que la marque de commerce FIRST STEPS était connue au Canada dans une mesure suffisante à la date de production de la déclaration d’opposition (11 mai 2017) ou est devenue bien connue dans une région particulière du Canada (en l’occurrence la région de Toronto) pour enlever le caractère distinctif de la Marque [voir Bojangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd (2004), 40 CPR (4th) 553, confirmée par 2006 CF 657].

[59]  La Dre Weisberg fait référence à l’emploi de la marque FIRST STEPS par FSFI à partir de décembre 2007 sans déposer de preuve établissant l’utilisation de la Marque par FSFI ou toute autre entité, au sens de l’article 4(2) de la Loi.

[60]  Étant donné que FSFI exploitait une clinique de fertilité à Toronto seulement, selon la preuve au dossier, l’Opposante avait le fardeau initial de prouver que FSFI et/ou l’Opposante employaient la marque de commerce FIRST STEP assez largement dans la région de Toronto, de sorte qu’elle est devenue bien connue dans cette région à la date pertinente [voir Bojangles, précité]. Aucun élément de preuve au dossier ne pourrait mener à cette conclusion.

[61]  En conséquence, je rejette ce motif d’opposition.

Décision

[62]  Compte tenu de ce tout qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement pour les services suivants :

Exploitation d’une clinique de fertilité; services de thérapie d’amélioration de la fertilité; services de préservation de la fertilité, thérapie de reproduction assistée; exploitation d’une clinique de santé pour femmes; services de diagnostic par ultrasons; services de conseils médicaux dans le domaine de la fertilité; fourniture de services d’information sur Internet dans le domaine de la médecine de la fertilité; services de recherche et développement en fertilité et embryologie; services de laboratoire médical; services de banques d’ovules, de cellules et de tissus reproducteurs; services de don d’ovules humains; services de procréation avec la participation d’un tiers, à savoir, aider les couples qui ont besoin d’une tierce partie pour assurer une grossesse, qu’ils utilisent un donneur d’ovules (connu ou anonyme), un donneur de sperme (connu ou anonyme) ou une mère gestatrice; services d’acupuncture et de naturopathie, à savoir évaluation, traitement et conseil aux patients par l’application de la médecine naturopathique, thérapie naturelle et soins de santé naturopathiques; diagnostic et traitement chirurgical des anomalies utérines, des grossesses extra-utérines et des avortements manqués; prise en charge en début de grossesse

et rejette l’opposition pour les services de distribution de médicaments sur ordonnance.

Le tout conformément à l’article 38(12) de la Loi.

 

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Vanina Triest

 


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER

___________________________________________________

Aucune audience tenue

AGENT(S) AU DOSSIER

Hoffer Adler LLP

POUR L’OPPOSANTE

Ridout &Maybee

Pour la Requérante

 

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