Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 8

Date de la décision : 2020‑01‑29
[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

Longyear TM, Inc.

Opposante

et

 

Raymond J. Roussy

Requérant

 

1,594,052 pour SONIC

Demande

Introduction

[1]  Longyear TM, Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce SONIC (la Marque), qui fait l’objet de la demande no 1,594,052, produite le 13 septembre 2012 au nom de Raymond J. Roussy (le Requérant).

[2]  La Demande est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis 1979 en liaison avec les produits et services suivants (les Produits et Services) :

Produits

(1) Foreuses pour le forage géologique et pièces connexes.

Services

(1) Services de forage géologique.

(2) Vente de foreuses pour le forage géologique et de pièces connexes.

[3]   La Demande a été annoncée à des fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 20 janvier 2016.

[4]  Le 27 février 2016, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition contre la Demande en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi). Je fais remarquer que la Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Sauf avis contraire, les dispositions de la Loi mentionnées dans la présente décision renvoient à la Loi dans sa version modifiée, à l’exception de celles concernant les motifs d’opposition qui renvoient à la Loi dans sa version antérieure aux modifications (voir l’article 70 de la Loi, qui prévoit que l’article 38(2) de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019 s’applique aux demandes annoncées avant cette date).

[5]  L’Opposante soulève des motifs d’opposition fondés sur le caractère non distinctif en vertu de l’article 2, la non‑enregistrabilité en vertu des articles 12(1)b), 12(1)c) et 12(1)d), l’absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16 et la non‑conformité avec les articles 30a), b) et i) de la Loi. En ce qui concerne les motifs d’opposition fondés sur l’article 12(1)d) et l’article 16, l’Opposante allègue un risque de confusion avec sa marque de commerce TRUSONIC, qui fait l’objet de l’enregistrement canadien no LMC850,153.

[6]  À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Kristian Shayne Drivdahl, qui est examiné plus en détail ci-dessous. M. Drivdahl n’a pas été contre-interrogé concernant son affidavit. Le Requérant a choisi de ne pas produire de preuve.

[7]  Les deux parties ont produit des arguments écrits et étaient représentées à une audience.

Preuve

La preuve de l’Opposante

[8]  La preuve de l’Opposante comprend l’affidavit de Kristian Shayne Drivdahl établi sous serment le 8 novembre 2016 (l’affidavit de M. Drivdahl). M. Drivdahl est vice-président, Ingénierie, pour l’Opposante,; il occupe ce poste depuis 3 ans et est employé par l’Opposante depuis 10 ans. M. Drivdahl se décrit comme étant [Traduction] « généralement familier avec l’industrie du forage ».

[9]  M. Drivdahl décrit l’Opposante comme suit [Traduction] :

L’Opposante a été constituée le 5 mai 2005 pour détenir la propriété intellectuelle du groupe de sociétés Boart Longyear, que l’Opposante offre au groupe de sociétés Boart Longyear aux termes d’un contrat de licence. La propriétaire bénéficiaire ultime de l’Opposante est Boart Longyear Limited. Boart Longyear Limited a commencé ses activités il y a 125 ans sous l’appellation E.J. Longyear Company et est en activité au Canada depuis 1912.

[10]  Le paragraphe 5 de l’affidavit de M. Drivdahl décrit l’enregistrement canadien nLMC850,153 de l’Opposante pour la marque de commerce TRUSONIC, qui est déposée en liaison avec les produits et services suivants :

Produits

(1) Équipement de forage du sol et pièces connexes, nommément machines perforatrices de sol.

Services

(1) Services de forage de terrain, nommément forage angulaire et forage vertical, carottage au diamant, carottage orienté et carottage pour parois minces, forage de puits d’eau commerciaux, industriels et municipaux.

[11]  Notamment, l’affidavit de M. Drivdahl ne décrit pas l’emploi de la marque de commerce TRUSONIC au Canada, ou n’en donne pas d’exemples.

[12]  M. Drivdahl atteste plutôt de l’emploi descriptif du terme « sonic » dans l’industrie du forage géologique par l’Opposante et d’autres parties. Au paragraphe 8 de l’affidavit de M. Drivdahl, M. Drivdahl déclare ce qui suit [Traduction] :

Le mot « sonic » est un terme connu de l’industrie et couramment employé pour le forage terrestre et géologique. La recherche sur le forage « sonique » a commencé à la fin des années 1940. À la fin des années 1960, Shell Oil Company a appuyé d’autres recherches et, entre 1976 et 1983, une entreprise britannique a construit environ 10 plates‑formes de forage et 15 têtes « soniques ». Boart Longyear et ses prédécesseurs ont utilisé des foreuses « soniques » de 1985 à aujourd’hui. Un historique plus détaillé du développement du forage « sonique », y compris un diagramme sur le « Basic Principle of Sonic Drilling » [principe de base du forage sonique] (figure 1, page 4), est joint à mon affidavit comme pièce « A ».

[13]  La pièce « A » de l’affidavit de M. Drivdahl est un document non daté de Boart Longyear intitulé « Sonic Drilling » [forage sonique]. À la page 3 de ce document, dans une section intitulée « The Principle of Sonic Drilling » [le principe du forage sonique], on peut lire ce qui suit [Traduction] :

Sonic Drilling, Rotasonic, Rotosonic, Sonicore, Vibratory et Resonantsonic Drilling figurent parmi les nombreux noms donnés à un système de forage à deux boîtiers qui a recours à des vibrations mécaniques à haute fréquence pour prélever des échantillons de cœur continu de terrains de couverture et de la plupart des formations de roches‑mères, et pour faire avancer le boîtier dans le sol pour la construction de puits et à d’autres fins.

[…]

Le mot sonic apparaît dans la plupart de ces noms parce que cette technique de forage fait vibrer toute la colonne de forage à une fréquence située entre 50 et 150 hertz ou cycles par seconde. Cette fréquence se situe à l’intérieur de la plage inférieure de vibrations sonores pouvant être détectées par l’oreille humaine, de sorte que le terme sonic a été couramment utilisé pour décrire ce système de forage.

[…]

Une plate-forme de forage sonique est d’un aspect et d’un fonctionnement très semblables à ceux de n’importe quelle plate-forme d’entraînement rotatif ou de tarière classique. La principale différence est qu’une plate‑forme de forage sonique est dotée d’une tête ou d’un oscillateur de foreuse à puissance hydraulique spécialement conçus qui génère des forces vibrationnelles réglables à haute fréquence.

[14]  Le reste de l’affidavit de M. Drivdahl comprend d’autres exemples de l’emploi du terme « sonic » comme terme descriptif dans l’industrie du forage géologique. Les pièces « B » à « L » se rapportent à l’emploi descriptif du terme « sonic » par l’Opposante (ou les entités Boart Longyear liées), tandis que les pièces « M » à « W » se rapportent à l’emploi descriptif du terme « sonic » par des tiers.

[15]  Par exemple, la pièce « G » de l’affidavit de M. Drivdahl est un document promotionnel de Boart Longyear intitulé « PROJECT NEWS » [nouvelles sur le projet] daté de « ©2004 », qui décrit un projet de forage au barrage W.A.C. Bennett en Colombie-Britannique en 1996. Il se lit en partie comme suit [Traduction] :

Projet de barrage W.A.C. Bennett

Lieu :     Colombie‑Britannique, Canada

Service :     Barrage et digue

    Forage sonique

Longueur de forage :  Jusqu’à 435 pieds (132,59 m)

Achèvement :    Août 1996

[…]

La seule plate-forme au monde connue pour répondre à ces exigences était une plate-forme sonique. Le 18 juin, on a appelé Boart Longyear. Deux jours plus tard, nous avons répondu par une plate-forme, et une deuxième plate-forme a été ajoutée. […]

Le programme de forage sonique a connu un franc succès. […]

[16]  D’autres pièces à l’affidavit de M. Drivdahl sont examinées plus en détail ci-dessous dans l’analyse des motifs d’opposition.

La preuve du Requérant

[17]  Le Requérant n’a produit aucun élément de preuve.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[18]  C’est au Requérant qu’incombe le fardeau ultime d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, que la Demande est conforme aux exigences de la Loi. Cela signifie que, si une conclusion déterminée ne peut être tirée en faveur du Requérant après examen de l’ensemble de la preuve, la question doit être tranchée contre le Requérant. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter de son fardeau de preuve initial d’établir suffisamment de preuves admissibles à partir desquelles on pourrait raisonnablement conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst) à 298].

[19]  Les dates pertinentes relatives aux motifs d’opposition sont les suivantes :

·  Articles 38(2)a) et 30 de la Loi – la date de production de la Demande, à savoir, le 13 septembre 2012 [Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC) à 475];

·  Articles 38(2)b) et 12(1)b) – la date de production de la Demande, à savoir le 13 septembre 2012 [General Housewares Corp c Fiesta Barbeques Ltd (2003), 28 CPR (4th) 60 (CF)];

·  Articles 38(2)b) et 12(1)c) – la date de ma décision [David Oppenheimer Co LLC c Imagine IP LLC, 2011 COMC 84, 96 CPR (4 th) 438, au para 46];

·  Articles 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3 d) 413 (CAF)];

·  Articles 38(2)c) et 16 de la Loi – la date d’emploi revendiquée dans la Demande, à savoir 1979 [article 16(1) de la Loi] – comme il est indiqué ci-dessous, cette date est traitée comme étant le 31 décembre 1979; et

·  Article 38(2)d) et 2 de la Loi – la date de production de l’opposition, à savoir le 27 février 2016 [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185, 34 CPR (4 th) 317 (CF)].

Motifs d’opposition rejetés sommairement

Article 30a)

[20]  Avec ce motif d’opposition, l’Opposante fait valoir que les descriptions « Foreuses pour le forage géologique et pièces connexes » et « Vente de foreuses pour le forage géologique et de pièces connexes » ne sont pas conformes à l’article 30a) de la Loi, puisque le Requérant n’a pas fourni de descriptions, dans les termes ordinaires du commerce, de chacune des « pièces connexes ».

[21]  À l’audience, l’Opposante a estimé que le Requérant aurait dû énumérer chacune des « pièces » visées par la Demande et, par exemple, identifier les diverses mèches et tarières ainsi que les divers assemblages de tête pour les foreuses qui sont énumérés dans le document promotionnel de l’industrie, aux pages 3 à 10 de la pièce « W » de l’affidavit de M. Drivdahl sous la rubrique « Sonic Drilling Tools » [outils de forage sonique].

[22]  Je ne suis pas d’accord avec les observations de l’Opposante sur ce point. Le fait que certains documents promotionnels de l’industrie peuvent inclure des précisions supplémentaires lorsqu’il s’agit de décrire certains produits ne suffit pas à lui seul à démontrer que les descriptions des Produits et Services dans la Demande, lorsqu’ils sont considérés dans leur ensemble, ne sont pas conformes à l’article 30a) de la Loi. De plus, je précise que la section du Manuel d’examen des marques de commerce de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, intitulée “Pièces et raccords”, porte sur cette question et stipule ce qui suit : « [e]n général, les “pièces et raccords” sont acceptables si les produits pour lesquels « pièces et raccords » sont destinés sont acceptables [...] ». En l’espèce, rien ne laisse entendre que les descriptions « Foreuses pour le forage géologique [...] » et « Vente de foreuses pour le forage géologique [...] » ne sont pas conformes à l’article 30a) de la Loi. Je ne vois donc aucune raison d’attaquer la référence par le Requérant à « et pièces connexes » dans la description des Produits et Services.

[23]  En conséquence, à mon avis, l’Opposante n’a pas rempli son fardeau de preuve initial, et je rejette le motif d’opposition prévu à l’article 30a).

Article 30 b)

[24]  Compte tenu de ce motif d’opposition, l’Opposante allègue que le Requérant n’a pas employé la Marque au Canada en liaison avec les Produits et Services depuis la date revendiquée dans la Demande, soit depuis 1979, ou n’a pas employé continuellement la Marque au Canada depuis cette date.

[25]  Cependant, ni l’Opposante ni le Requérant n’ont produit de preuve relative à l’emploi de la Marque par le Requérant ou à la date d’emploi revendiquée dans la Demande et il n’y a donc aucune preuve au dossier par laquelle l’Opposante peut remplir son fardeau de preuve initial pour ce motif [voir Labatt Brewing Co Ltd c Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 CPR (3 d) 2116 (CF 1re inst)].

[26]  À l’audience, l’Opposante a laissé entendre que la description de l’historique du [Traduction] « forage sonique » figurant à la page 3 de la pièce A de l’affidavit de M. Drivdahl était suffisante pour remettre en question la date d’emploi revendiquée dans la Demande et, par conséquent, pour satisfaire au fardeau de preuve initial de l’Opposante, puisque l’historique décrit dans ce document ne faisait aucune mention du Requérant ou de son emploi de la Marque. Respectueusement, cet argument est sans fondement. À mon avis, l’absence d’une référence précise au Requérant dans un document publié par l’Opposante (ou une entité liée de Boart Longyear) ne suffit pas pour lui permettre de s’acquitter du fardeau de preuve de l’Opposante pour ce motif. 

[27]  Compte tenu de ce qui précède, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial et le motif d’opposition prévu à l’article 30 b) est rejeté.

Article 30i)

[28]  Au paragraphe 2(iii) de sa déclaration d’opposition, l’Opposante soutient que, contrairement à l’article 30i) de la Loi, le Requérant n’aurait pas pu être convaincu d’avoir le droit d’employer la Marque, parce qu’à la date de production de la demande, le Requérant avait ou aurait dû avoir connaissance de la marque de commerce déposée de l’Opposante, TRUSONIC.

[29]  L’article 30i) de la Loi exige qu’un requérant inclue dans la demande une déclaration selon laquelle il est convaincu qu’il a le droit d’employer la marque de commerce au Canada. Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration requise, la jurisprudence suggère que le non-respect de l’article 30i) de la Loi ne peut être constaté que lorsqu’il existe des circonstances exceptionnelles qui rendent la déclaration du requérant fausse, comme la preuve de mauvaise foi ou de non-conformité à une loi fédérale [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2 d) 152 (COMC) p 155; et Société canadienne des postes c. Registraire des marques de commerce (1991), 40 CPR (3 d) 221 (CF 1re inst)]. La simple connaissance de l’existence d’une marque de commerce d’un opposant n’est pas suffisante pour étayer un motif d’opposition en vertu de l’article 30i) [voir Woot Inc c. WootRestaurants Inc, 2012 COMC 197].

[30]  En l’espèce, la Demande contient la déclaration requise et il n’y a aucune preuve qu’il s’agit d’un cas exceptionnel impliquant une mauvaise foi ou la violation d’une loi fédérale.

[31]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 30i) est rejeté.

Article 16

[32]  Au paragraphe 2e) de sa déclaration d’opposition, l’Opposante soulève un motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)c) conjointement avec l’article 16 de la Loi, alléguant que le Requérant n’est pas la partie ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce et le nom commercial TRUSONIC employés antérieurement par l’Opposante.

[33]  Je précise que la déclaration d’opposition ne précise pas le ou les alinéas précis de l’article 16 sur lesquels s’appuie l’Opposante; toutefois, étant donné que la Demande est fondée sur l’emploi antérieur de la Marque au Canada, il est évident que l’Opposante cherche à invoquer les articles 16(1)a) et c) de la Loi. Avec ce motif d’opposition, l’Opposante avait pour fardeau de preuve initial de démontrer l’emploi de sa marque de commerce et/ou de son nom commercial TRUSONIC au Canada avant la date d’emploi revendiquée dans la Demande du requérant, à savoir 1979 (qui, aux fins de l’évaluation de ce motif d’opposition, est traitée comme étant le 31 décembre 1979) [voir Khan c Turban Brand Products Ltd (1988), 1 CPR (3 d) 388 (COMC), au para 4].

[34]  Cependant, la preuve de l’Opposante ne démontre aucun emploi de TRUSONIC en tant que marque de commerce ou nom commercial au Canada en liaison avec des produits ou des services, à aucun moment, et encore moins avant le 31 décembre 1979. De plus, l’Opposante n’a aucun motif d’opposition à sa disposition en vertu de l’article 16(1)b) de la Loi, puisque la demande de l’Opposante pour la marque de commerce TRUSONIC est devenue la marque de commerce no LMC850,153 le 2 mai 2013 et n’était donc plus en instance lorsque la Demande du Requérant a été annoncée le 20 janvier 2016.

[35]  Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 16 est rejeté, puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) – La marque est-elle clairement descriptive?

[36]  L’enregistrabilité de la Marque en vertu de l’article 12(1)b) de la Loi doit être évaluée à la date de production de la demande – en l’espèce, le 13 septembre 2012.

[37]   La question de savoir si une marque donne une description claire ou une description fausse et trompeuse doit être examinée du point de vue de l’acheteur moyen des produits ou services liés à la Marque. De plus, le « caractère » désigne une fonction, un trait ou une caractéristique des produits et services, et « clairement » signifie « facile à comprendre, évident ou clair » [voir Drackett Co of Canada c American Home Products Corp (1968), 55 CPR 29 (C de l’É), à la p 34]. La Marque ne doit pas être analysée dans ses moindres détails, mais considérée dans son ensemble sous l’angle de la première impression [voir Wool Bureau of Canada Ltd c Registraire des marques de commerce (1978), 40 CPR (2 d) 25 (CF 1re inst), aux p 27 et 28; Atlantic Promotions Inc c Registraire des marques de commerce (1984), 2 CPR (3 d) 183 (CF 1re inst), à la p 186]. Enfin, l’interdiction prévue à l’article 12(1)b) vise à empêcher un commerçant de monopoliser à son profit un mot qui est manifestement descriptif ou communément employé dans un secteur d’activité, obtenant ainsi, par rapport à ses concurrents légitimes, un avantage indu [voir Canadian Parking Equipment Ltd c Canada ( Registraire des marques de commerce) (1990), 34 CPR (3 d) 154 (CF 1re inst) au para 14].

[38]  En l’espèce, la question clé en ce qui concerne le motif d’opposition prévu à l’article 12(1)b) est de savoir si l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial. Autrement dit, l’Opposante a-t-elle fourni suffisamment de preuves pour conclure raisonnablement que le terme « sonic » donne une description claire de la nature ou de la qualité des Produits et Services à l’acheteur canadien moyen de foreuses géologiques et de services de forage? Bien qu’il y ait des faiblesses dans la preuve de l’Opposante sur ce point, à mon avis, pour les raisons énoncées ci-dessous, l’Opposante s’est néanmoins acquittée de son fardeau de preuve initial en vertu de l’article 12(1)b).

[39]  Le mot « sonic » est un mot du dictionnaire anglais défini dans le Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., comme étant [Traduction] « de l’utilisation du son ou d’ondes sonores ou concernant le son ou l’utilisation d’ondes sonores » [voir Tradall SA c Devil’s Martini Inc 2011 COMC 65 (COMC) au para 29, qui précise que le registraire peut prendre connaissance d’office des définitions provenant de dictionnaires].  

[40]  Comme il a été mentionné plus haut, au paragraphe 8 de l’affidavit de M. Drivdahl, M. Drivdahl déclare que [Traduction] « [l]e mot « sonic » est un terme bien connu et est couramment employé dans l’industrie pour le forage terrestre et géologique ». Même si je limiterai le poids accordé à cette déclaration, étant donné que M. Drivdahl n’est pas désintéressé, M. Drivdahl n’a pas été contre-interrogé sur son affidavit et la déclaration ci-dessus n’est donc pas contestée dans la preuve. De plus, la déclaration est appuyée par d’autres éléments de preuve inclus dans l’affidavit de M. Drivdahl. 

[41]  L’affidavit de M. Drivdahl fournit de multiples exemples de l’emploi descriptif du terme « sonic » par l’Opposante (ou des entités liées de Boart Longyear) en liaison avec des foreuses géologiques et des services de forage. Par exemple, la pièce « A » explique que le terme « sonic » est employé pour décrire ce type de service de forage géologique [Traduction] « [...] parce que cette technique de forage fait vibrer toute la colonne de forage à un taux de fréquence situé entre 50 et 150 hertz ou cycles par seconde. Cette fréquence se situe à l’intérieur de la plage inférieure de vibrations sonores pouvant être détectées par l’oreille humaine [...] » Les pièces « E » et « G » de l’affidavit de M. Drivdahl décrivent toutes deux un projet de forage mené en Colombie-Britannique par Boart Longyear en 1996, dans lequel le terme « sonic » est employé pour décrire le service de forage (c.-à-d. [Traduction] « forage sonique ») et la plate-forme de forage elle-même (c.-à-d. une [Traduction] « plate-forme sonique »).

[42]  Comme l’a indiqué le Requérant dans son plaidoyer écrit et lors de l’audience, les faiblesses de la preuve de l’Opposante sont généralement doubles. Premièrement, la grande majorité de la preuve de l’Opposante concerne l’emploi descriptif du terme « sonic » aux États‑Unis plutôt qu’au Canada. Deuxièmement, une grande partie de la preuve est postérieure à la date pertinente, à savoir le 13 septembre 2012.

[43]  Cependant, à mon avis, l’Opposante a néanmoins fourni suffisamment de preuves pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial. En particulier, la pièce G de l’affidavit de M. Drivdahl porte sur un projet de [Traduction] « forage sonique » en Colombie-Britannique en 1996, tel qu’il est décrit dans un document daté de 2004. La pièce « E » de l’affidavit de M. Drivdahl – un document daté de 2002 – fait également référence au même projet de [Traduction] « forage sonique » en Colombie-Britannique et indique les coordonnées du bureau canadien de Boart Longyear.

[44]  De plus, le fait que la preuve de l’Opposante comprend des références provenant de l’extérieur du Canada ne les rend pas nécessairement non pertinentes, puisque la question n’est pas de savoir si le terme a été employé de façon clairement descriptive au Canada, mais si le terme est clairement descriptif en anglais ou en français [voir Canadian Inovatech Inc c Burnbrae Farms Ltd (2003), 31 CPR (4 th) 151 COMC) au para 13 (Canadian Inovatech); Guess? Inc c Slide Sportswear Inc (2005), 44 CPR (4 th) 380 (COMC)].

[45]  La pièce « M » de l’affidavit de M. Drivdahl a également fait l’objet d’une certaine attention lors de l’audience. Ce document est une copie imprimée du site Web d’un tiers qui semble être en activité aux États-Unis sous le nom commercial LAYNE. La page Web est intitulée « Sonic Drilling » [Forage sonique] et décrit la technologie comme suit [Traduction] :

La technologie de forage sonique a été appliquée pour la première fois il y a plus de 40 ans au Canada.

La tête sonique repose sur le principe de la vibration à haute fréquence. Les moteurs hydrauliques situés sur l’extérieur de la tête font osciller des poids de compensation à une vitesse atteignant les 5 000 tr/min. En raison de la compensation des poids, les vibrations sont supérieures à 140 Hz.

[46]  Lors de l’audience, le Requérant a laissé entendre que la déclaration à la pièce « M » selon laquelle [Traduction] « La technologie de forage sonique a été appliquée pour la première fois il y a plus de 40 ans au Canada » était une preuve qui favorisait le Requérant, puisqu’il s’agissait probablement d’une référence au Requérant et qu’elle était conforme à la date d’emploi revendiquée par le Requérant dans la Demande, à savoir 1979. Cependant, bien que les éléments de preuve obtenus de sites Web tiers montrant comment un mot ou une expression ont été employés puissent être pertinents par rapport à la question de savoir si une marque de commerce est clairement descriptive [voir Canadian Inovatech, supra], je ne peux accepter une copie imprimée d’un site Web tiers comme la pièce « M » comme preuve de la véracité de son contenu [voir ITV Technologies Inc c WIC Television Ltd, 2003 CF 106 au para 21]. De plus, à mon avis, je n’ai aucune raison de conclure que cette copie imprimée du site Web fait référence au Requérant. La pièce « M » ne mentionne pas le Requérant par son nom, et la pièce « M » ne semble pas attribuer de signification de marque de commerce au terme « sonic ». Au contraire, dans la pièce « M », le terme « sonic » semble être employé dans un sens descriptif, le terme « Sonic Drilling » [forage sonique] étant inscrit sur le côté gauche de la page Web, avec divers autres termes apparemment descriptifs comme « Specialty Drilling » [forage spécialisé] et « Well Drilling » [forage de puits].

[47]  Après avoir examiné l’ensemble de la preuve de l’Opposante, je suis convaincu que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial de présenter des faits qui suggèrent que le terme « sonic », dans l’industrie du forage géologique, décrit clairement un type de forage géologique et de technique de forage géologique, à savoir un type entraînant l’utilisation de vibrations à une gamme de fréquences particulière pouvant être détectée par l’oreille humaine. Étant donné que l’article 12(1)b) a pour objet d’empêcher un commerçant unique de monopoliser une expression qui est clairement descriptive, je suis convaincu que l’Opposante a fourni suffisamment de preuves pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial pour ce motif et, par conséquent, transférer le fardeau juridique au Requérant. Étant donné que le Requérant n’a produit aucune preuve pour réfuter l’allégation selon laquelle la Marque donne une description claire des Produits et Services, à mon avis, le Requérant n’a pas rempli son fardeau juridique et l’Opposante obtient gain de cause sur le motif fondé sur l’article 12(1)b).

[48]  Au paragraphe 39 de son plaidoyer écrit, le Requérant fait valoir que, même si la Marque devait être considérée comme donnant une description claire en liaison avec « Foreuses pour le forage géologique et pièces connexes » et « Services de forage géologique », elle n’est pas clairement descriptive en liaison avec le service « Vente de foreuses pour le forage géologique et de pièces connexes ». Toutefois, ayant conclu que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial en vertu de l’article 12(1)b) à l’égard des produits « Foreuses pour le forage géologique et pièces connexes » et des services « Services de forage géologique », et que le Requérant ne s’est pas acquitté de son fardeau juridique, à mon avis, la conclusion est la même pour le service étroitement lié « Vente de foreuses pour le forage géologique et de pièces connexes ».

[49]  Je précise que, si le Requérant avait produit une preuve que la perception du terme « sonic » pour l’acheteur canadien moyen de foreuses géologiques et de services de forage était différente de celle suggérée par l’affidavit de M. Drivdahl, ou que, par l’emploi au Canada de la Marque, celle‑ci avait acquis un sens secondaire, ma conclusion concernant ce motif d’opposition aurait pu être différente. À cet égard, au paragraphe 40 de son plaidoyer écrit, le Requérant, à titre subsidiaire, cherche à invoquer le caractère distinctif acquis dans la Marque en vertu de l’article 12(2) de la Loi (je fais référence à cette disposition telle qu’elle était lue avant le 17 juin 2019) en se fondant uniquement sur la date d’emploi revendiquée de 1979 dans la Demande. Cependant, comme le Requérant n’a produit aucune preuve de l’emploi de la Marque, je n’ai aucun fondement pour évaluer l’enregistrabilité en vertu de l’article 12(2) de la Loi. 

[50]  Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) est retenu.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2

[51]  La date pertinente pour ce motif d’opposition est la date de production de la déclaration d’opposition, à savoir le 27 février 2016.

[52]  Comme j’ai estimé que l’Opposante a rempli son fardeau de preuve initial consistant à démontrer que la Marque donne une description claire en vertu de l’article 12(1)b), j’estime de même que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial pour le motif d’opposition du caractère distinctif prévu à l’article 2. Autrement dit, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve consistant à suggérer que la Marque donne une description claire des Produits et Services et qu’elle n’est donc pas distinctive du Requérant. Une marque de commerce qui donne une description claire de la nature ou de la qualité des produits ou des services ne peut pas servir à distinguer les produits ou les services d’un requérant de ceux d’autres requérants [voir Conseil canadien des ingénieurs professionnels c APA – The Engineered Wood Assn (2000), 7 CPR (4th) 239 (CF 1re inst)].

[53]  Étant donné que le Requérant n’a produit aucune preuve pour répondre à ce motif d’opposition, l’Opposante obtient également gain de cause sur le motif d’opposition fondé sur l’article 2.

Motifs d’opposition restants

[54]  Étant donné que j’ai déjà conclu en faveur de l’Opposante en ce qui concerne les motifs d’opposition en vertu des articles 12(1)b) et 2, je ne considère pas qu’il soit nécessaire de discuter des motifs d’opposition restants en vertu des articles 12(1)c) et 12(1)d).

Décision

[55]  Compte tenu de ce qui précède et dans l’exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande en vertu de l’article 38(12) de la Loi.

 

Timothy Stevenson

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme
François Cyrenne, trad. a.


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE D’AUDIENCE 2019-12-04

COMPARUTIONS

Mark Timmis

Pour l’Opposante

Norman Cameron

Pour le Requérant

AGENTS AU DOSSIER

Mark Timmis Law Corp.

Pour l’Opposante

Cameron IP

Pour le Requérant

 

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