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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2020 COMC 9

Date de la décision : 2020-01-29

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

Sim & McBurney

Partie requérante

et

 

en Vogue Sculptured Nail Systems Inc.

Propriétaire inscrite

 

LMC789,288 pour EN VOGUE DESSIN

Enregistrement

[1]  La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) à l’égard de l’enregistrement no LMC789,288 pour la marque de commerce ENVOGUE DESSIN (la Marque), indiquée ci-dessous, détenue par Vogue Sculptured Nail Systems Inc.

[2]  La Marque est enregistrée pour l’emploi en liaison avec les produits suivants :

Produits chimiques utilisés dans l’industrie et en photographie, en particulier gel durcissant à la lumière; adhésifs à usage industriel; adhésifs pour ongles artificiels; produits pour le soin des ongles, nommément faux ongles, ongles artificiels et colle sous forme de trousse, limes d’émeri, tous pour le soin des ongles; préparations de soins des ongles, nommément gels pour ongles à appliquer au pinceau, gels durcissants pour les ongles; dissolvants de vernis à ongles, ongles artificiels, adhésifs pour ongles; nettoyants pour pinceaux à ongles; formes d’ongles; brosses à poussière; appareil d’éclairage, nommément lampes UV (non pour fins médicales).

[3]  Pour les raisons exposées ci-dessous, je conclus qu’il y a lieu de maintenir l’enregistrement en partie.

Introduction

[4]  Le 12 juin 2017, à la demande Sim & McBurney (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi à en Vogue Sculptured Nail Systems Inc. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de la Marque.

[5]  L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer, à l’égard de chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, qu’elle précise la date à laquelle la Marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 12 juin 2014 au 12 juin 2017.

[6]  La définition pertinente d’« emploi » en liaison avec les produits en l’espèce est énoncée à l’article 4(1) de la Loi, lequel est libellé comme suit :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[7]  Il est bien établi que de simples allégations d’emploi d’une marque de commerce ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement pendant de la période pertinente [John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF) [John Labatt]].

[8]  En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit l’affidavit d’Arlene Janis Rushworth, présidente de la Propriétaire, souscrit le 7 septembre 2017. Seule la Propriétaire a produit des observations écrites. Les deux parties étaient représentées à l’audience.

La preuve de la Propriétaire

[9]  Mme Rushworth explique que la Propriétaire est une société qui fabrique et distribue des articles en résine de polymère pour la mise en valeur des ongles, et des produits connexes, utilisés par les techniciens en pose d’ongles. Elle déclare que la Propriétaire vend habituellement ses produits à des écoles de soins de beauté, à des centres de formation et à des distributeurs qui distribuent les produits à des salons de pose d’ongles, à des salons d’esthétique et à des spas pour qu’ils soient utilisés par des techniciens titulaires d’un permis pour la pose d’ongles. Elle ajoute que la Propriétaire vend aussi les produits directement aux techniciens en pose d’ongles, aux salons, aux spas et aux entreprises semblables.

[10]  Mme Rushworth affirme que durant la période pertinente, la Marque était affichée bien en vue sur les produits de la Propriétaire ou les emballages ou contenants de ces produits. À titre de Pièces A et B, respectivement, elle joint des photographies d’un certain nombre de produits arborant la Marque et d’un catalogue indiquant un certain nombre de produits arborant la Marque. Elle déclare que ces images sont représentatives de la façon dont la Marque était apposée sur les produits de la Propriétaire et leur emballage durant la période pertinente. Elle ne fait pas de corrélation entre les produits figurant dans ces pièces et les produits visés par l’enregistrement et, dans le cas de la Pièce A, les produits ne sont pas du tout désignés ou décrits; toutefois, voici un résumé des produits illustrés dans le catalogue de la Pièce B :

  • sur une page intitulée « UV HARD GELS » (GELS DURCISSANTS À LA LUMIÈRE UV), les articles suivants sont montrés dans un contenant arborant la Marque, étant vendue dans différentes tailles :

    • o un article désigné comme un « CONNECTOR » (CONNECTEUR) et décrit comme un « UV cured bonding agent » (agent de liaison polymérisé),

    • o un article désigné comme une « modeling resin » (résine de modélisation),

    • o un article désigné comme « ONE COMPONENT (3 in 1) » (UN ÉLÉMENT [3 en 1]) décrit comme un gel autonivelant;

  • des articles désignés comme « Simply » et décrits comme des gels, figurant sur les contenants arborant le mot « Simply » et une lettre stylisée « V » et, dans le cas des contenants de 30 ml, arborant également la Marque (je note qu’un ensemble d’instructions figurant sur le catalogue renvoie aux gels « Simply » « durcissants » à la lumière UV ou LED);

  • un article décrit comme une « starter kit » (trousse de départ) indiquant une boîte arborant la Marque et qui contient des articles qui sont décrits comme de la résine, des gels, une brosse, une lime, une lampe UV/LED ainsi que « all necessary accessories and an in-depth instructional video on DVD » (tous les accessoires nécessaires et un DVD d’instructions) pour créer des ongles en gel;

  • un article décrit comme une « drop kit » (trousse de solution) montrant un sac qui contient des articles décrits comme de la résine de modélisation, un scellant, un connecteur et une préparation et un nettoyage, vendus dans des contenants arborant la Marque;

  • des articles semblant être des limes d’émeri, décrits comme des « Zebra Files » (limes zébrées) et des « Spongeboard » (plaques d’éponge) ainsi que des articles semblant être des brosses et des brosses à poussière, arborant tous la Marque;

  • un article indiqué comme un « 3g Tip Adhesive » (adhésif pour pointe – 3 g), des articles décrits comme un fluide nettoyant pour ongles et des articles semblant être des pointes d’ongle, décrits comme des « 50pk Refill Bags Sizes 0-9 Curved Half‑Well or Flat Full-Well » (sacs de recharge de 50 morceaux de taille 0 à 9, demi‑prothèse courbe, pleine prothèse plate), qui se trouvent tous dans des emballages ou des contenants arborant la Marque;

  • des articles semblant être des formes jetables, décrits comme des « 300pc Disposable Forms w/perforated ends » (formes jetables de 300 morceaux dont les bouts sont perforés) arborant une lettre stylisée « V » et la Marque;

  • un article décrit comme « en Vogue UV/LED Light Unit » (une lampe UV/LED en Vogue) qui ne semble pas arborer la Marque.

[11]  Je remarque qu’il y a un certain nombre d’articles dans le catalogue qui arborent d’autres marques de commerce, notamment « Simply », « Lac It » et une lettre stylisée « V ». Je remarque aussi que les articles illustrés dans les photographies de la Pièce A ne semblent pas comprendre d’articles qui ne figuraient pas dans le catalogue de la Pièce B.

[12]  Mme Rushworth déclare que les ventes des produits de la Propriétaire arborant la Marque durant la période pertinente étaient d’au moins 2,4 millions de dollars. À titre de Pièce C, elle joint un échantillon de factures de la Propriétaire pour des commandes passées par ses distributeurs et clients canadiens durant la période pertinente. Chaque facture est datée de la période pertinente, et la Marque y figure dans le coin supérieur gauche et est accompagnée des mots « Sculptured Nail Systems Inc. ». Sur chaque facture, l’adresse de facturation est la même que l’adresse d’expédition. Certains des éléments énumérés sont décrits en des termes semblables aux articles du catalogue de la Pièce B, ils comprennent ce qui suit :

  • « 30ml SIMPLY Clear » (SIMPLY Clear 30 ml);

  • « 15ml Connector » (Connecteur 15 ml);

  • « Drop Kit » (Trousse de solution);

  • « en Vogue Grey Spongeboard » (plaque d’éponge grise en Vogue);

  • « en Vogue Zebra Files » (limes zébrées en Vogue);

  • « 50ml Modeling Resin » (résine de modélisation 50 ml);

  • « 500ml Prep & Clean » (Préparation et nettoyage 500 ml);

  • « 50pk en Vogue FLAT Tips Size #3 » (bout d’ongle plat, taille no 3, 50 morceaux);

  • « Disposable Forms – 300pk » (formes jetables – 300 morceaux);

  • « en Vogue Sculpting Brush BLACK » (brosse à sculpter NOIRE en Vogue);

  • « en Vogue Fine Liner Art Brush » (pinceaux à ongles à pointe fine en Vogue);

  • « en Vogue INFUSION UV/LED Light Unit » (lampe UV/LED INFUSION en Vogue).

[13]   Je remarque que rien dans les factures ne semble correspondre à certains des articles figurant dans le catalogue et arborant la Marque, notamment « UN ÉLÉMENT (3 en 1) », la « trousse de départ » et l’« adhésif pour pointe – 3 g ». Je note aussi que certains des éléments figurant sur les factures sont aussi accompagnés d’autres marques de commerce, comme « Simply » et « Lac It ». De plus, les factures semblent comprendre certains produits provenant de différents fabricants, comme l’article « TRAPP Industries 9watt UVA Replacement Bulbs For Broken Ones » (Ampoules de remplacement UVA 9 watts TRAPP Industries).

[14]  Enfin, à titre de Pièce D et E, Mme Rushworth joint des échantillons de publicités imprimées et un instantané d’écran du site Web de la Propriétaire. Elle déclare que l’un des instantanés d’écran de la Pièce E est représentatif de l’apparence du site Web durant la période pertinente. Les publicités de la Pièce D ne montrent pas d’articles arborant la Marque qui ne figurent pas aussi dans le catalogue de la Pièce B. La marque figure dans le coin supérieur gauche de l’instantané d’écran de la Pièce E; toutefois, l’instantané d’écran est composé uniquement d’un certain nombre d’intitulés et d’un message de Mme Rushworth. Aucun produit n’est décrit dans le site Web.

Analyse

[15]  À l’audience, la Partie requérante a fait valoir que la preuve de la Propriétaire ne démontre pas l’emploi de la Marque en liaison avec l’un des produits pendant la période pertinente pour de multiples raisons. Ces raisons peuvent être en général classées dans les catégories suivantes :

  • Les photographies de la Pièce A et le catalogue de la Pièce B ne sont pas datés et ils n’établissent pas l’emploi de la Marque au moment du transfert.

  • L’apposition de la Marque sur les factures de la Pièce C n’établit pas l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement.

  • Il n’y a pas de corrélation entre les produits visés par l’enregistrement et les articles figurant dans le catalogue de la Pièce B et les factures de la Pièce C

  • Les publicités de la Pièce D et l’instantané d’écran de la Pièce E n’établissent pas l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement.

Je suis d’accord avec la Partie requérante sur le dernier point. Les Pièces E et D ne sont pas utiles à la Propriétaire; la Pièce D est simplement composée d’annonces, ce qui en soi ne suffit pas à établir l’emploi en liaison avec les produits [voir Gowling, Strathy & Henderson c 200219 AB Ltd (1997), 80 CPR (3d) 292, au para 23; 2077333 Ontario Inc c Logic Alliance Inc, 2012 COMC 221, au para 18], alors que la Pièce E fournit uniquement des renseignements généraux sur la Propriétaire et ne décrit pas du tout les produits. Je vais examiner les autres ces questions à tour de rôle.

 

Photographies de la pièce A et catalogue de la pièce B

[16]  La Partie requérante fait valoir que les photographies et le catalogue joints en tant que Pièces A et B, respectivement, ne sont pas datés et n’indiquent pas l’emploi de tous les produits visés par l’enregistrement. En outre, la Partie requérante fait remarquer que Mme Rushworth n’indique pas que le catalogue accompagnait les produits au moment du transfert.

[17]  Mme Rushworth déclare dans son affidavit que les Pièces A et B montrent les produits de la Propriétaire ainsi qu’ils existaient durant la période pertinente. Même si rien n’indique que le catalogue accompagnait les produits au moment du transfert, le catalogue et les photographies sont utiles dans la mesure où ils indiquent si la Marque était affichée sur les produits ou leur emballage durant la période pertinente, comme on le verra ci-dessous. Le catalogue est d’une plus grande utilité à cet égard puisqu’il montre un grand éventail de produits accompagnés de descriptions, alors que les photographies de la Pièce A indiquent uniquement des images en gros plan de certains articles figurant dans le catalogue.

Factures

[18]  La Partie requérante soutient que rien dans la preuve n’indique que les factures jointes à titre de Pièce C accompagnaient l’un des produits visés par l’enregistrement au moment du transfert et qu’en outre l’apposition de la Marque figurant sur les factures ne constitue pas un emploi au sens de l’article 4(1) de la Loi. À cette fin, la Partie requérante invoque Riches, McKenzie & Herbert c Pepper King Ltd (2000), 8 CPR (4th) 471, aux para 16 à 24, pour la proposition selon laquelle le registraire ne peut pas supposer que les factures accompagnaient les produits au moment du transfert lorsqu’un propriétaire inscrit ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir qu’il l’a fait; ainsi que Tint King of California Inc c Canada (Registraire des marques de commerce), 2006 CF 1440, au para 32, pour la proposition selon laquelle l’apposition d’une marque de commerce dans la partie supérieure de la facture mais non dans le corps de la facture, n’est la plupart du temps pas considérée comme un emploi en liaison avec les produits facturés.

[19]  La Propriétaire soutient que le registraire peut inférer que les factures accompagnaient les produits au moment du transfert lorsque l’adresse de facturation est la même que l’adresse d’expédition, invoquant LIDL Stiftung & Co KG c Joseph Rutigliano & Sons, Inc, 2005 CanLII 91226 (COMC) et Riches, McKenzie et Herbert srl c KOM Networks Inc (2005) 51 CPR (4th) 65. De plus, la Propriétaire soutient qu’elle n’aurait pas été en mesure d’afficher une marque figurative dans le corps de factures et elle cite Iwasaki Electric Co Ltd c Hortilux Schreder BV, 2012 CAF 321, aux para 14 et 15 [Hortilux] pour la proposition selon laquelle l’apposition de la marque de commerce dans la partie supérieure d’une facture constitue l’emploi dans certains cas.

[20]  Même si les factures accompagnaient les produits au moment du transfert, je ne conclus pas que l’apposition de la Marque dans la partie supérieure de la facture constituait l’emploi en liaison avec les produits qui y sont énumérés. Hortilux énumère un certain nombre de facteurs à prendre en considération pour évaluer si l’apposition d’une marque de commerce dans la partie supérieure d’une facture établit l’emploi en liaison avec les produits énumérés, y compris la question de savoir si les produits de plus d’un fabricant sont énumérés et celle de savoir si d’autres marques de commerce figurent dans la facture. En l’espèce, comme les factures contenaient un grand éventail de produits (peut-être même ceux d’autres fabricants), y compris certains accompagnés par les mots « en Vogue » dans la description de produits et d’autres accompagnés par d’autres marques de commerce, je conclus que l’apposition de la Marque dans la partie supérieure de la facture serait perçue comme étant en liaison avec les activités de la Propriétaire, plutôt que les produits énumérés dans la facture [voir Hortilux, au para 12; Sim & McBurney c NIKITA ehf, 2015 COMC 222, au para 22; McMillan LLP c April Cornell Holdings Ltd, 2015 COMC 111, aux para 32 et 33]. Le fait que la preuve de la Propriétaire indique que ce ne sont pas tous ses produits qui arborent la Marque m’aide à parvenir à cette conclusion.

[21]  Je suis d’accord avec la Partie requérante pour dire que l’apposition des mots « en Vogue » à côté de certains articles énumérés n’établit pas en soi que la Marque figurait sur certains de ces articles ou leur emballage ni n’établit l’emploi de la marque figurative en liaison avec ces articles. L’emploi des éléments nominaux d’une marque figurative ne constitue pas nécessairement l’emploi de cette marque figurative; la question à poser est celle de savoir si les traits dominants de la marque de commerce ont été préservés [Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)]. En l’espèce, je conclus les éléments dominants de la Marque ne sont pas simplement les mots « en Vogue », mais également la grande lettre stylisée « V » et que le dernier élément n’est pas préservé par l’apposition des mots « en Vogue » sur les factures; conclure autrement reviendrait à permettre à la Propriétaire de convertir son enregistrement d’une marque figurative à un enregistrement d’un mot nominal [pour une conclusion semblable, voir Thompson Dorfman Sweatman LLP c CWI, Inc, 2017 COMC 152, aux para 27 à 31]. Par conséquent, à mon avis, l’utilité des factures revient à établir quels produits figurant dans les Pièces A et B ont été vendus durant la période pertinente.

Corrélation entre les produits visés par l’enregistrement et les articles figurant dans les pièces

[22]  Comme il est indiqué ci-dessus, Mme Rushworth ne fait pas de corrélation entre les produits énumérés dans l’enregistrement et les articles figurant dans le catalogue de la Pièce B ou les factures de la Pièce C et elle n’explique pas quels produits figurant dans le catalogue sont énumérés dans les factures. La Partie requérante faire valoir qu’en l’absence de cette corrélation, il n’est pas possible de déterminer quels produits visés par l’enregistrement, s’il y en a, correspondent aux articles figurant dans le catalogue ou aux articles énumérés dans les factures. À l’audience, la Propriétaire a tenté d’établir ces corrélations, ce à quoi s’est opposée la Partie requérante au motif que cela reviendrait à introduire de nouveaux faits qui ne font pas partie de la preuve. Toutefois, bien qu’il n’appartienne pas au registraire de conjecturer sur le genre de produits visés par l’enregistrement [Fraser Milner Casgrain LLP c Fabric Life Ltd, 2014 COMC 135 au para 13; Wrangler Apparel Corp v Pacific Rim Sportswear Co (2000), 10 CPR (4th) 568 au para 12 (COMC)], la preuve fournie permet de tirer des inférences raisonnables [Eclipse International Fashions Canada Inc c Shapiro Cohen (2005), 48 CPR (4th) 223 (CAF)]. Ainsi, à mon avis, bien qu’une corrélation ait été utile, il est possible de recueillir suffisamment de renseignements à partir de la liste des produits et des descriptions figurant dans le catalogue ainsi que des factures pour établir une corrélation entre certains des articles énumérés et les produits visés par l’enregistrement. En particulier, je suis disposé à conclure qu’il est possible d’établir une corrélation entre un grand nombre de produits visés par l’enregistrement et certains produits figurant dans le catalogue et les factures, comme l’indique le tableau ci-dessous. En établissant ces corrélations, je garde à l’esprit le principe selon lequel lorsqu’on interprète un état déclaratif des produits ou services dans une procédure visée à l’article 45, il faut se garder « d’examiner avec un soin méticuleux le langage utilisé » [voir Aird & Berlis LLP c Levi Strauss & Co, 2006 CF 654, au para 17] :

Produits visés par l’enregistrement

Article de catalogue

Article de la facture

Produits chimiques utilisés dans l’industrie et en photographie, en particulier gel durcissant à la lumière

Gels « Simply » (contenant de 30 ml)

« SIMPLY Clear 30 ml »

adhésifs pour ongles artificiels

agent de liaison polymérisé « CONNECTEUR » (contenant de 15 ml)

« Connecteur 15 ml »

produits pour le soin des ongles, nommément faux ongles, ongles artificiels et colle sous forme de trousse [...] tous pour le soin des ongles

trousses de solution (je remarque que la Marque figure sur les parties des trousses qui sont vendues comme un ensemble)

« Trousse de solution »

limes d’émeri

« limes zébrées » et « plaques d’éponge »

« limes zébrées en Vogue » et « plaques d’éponge grises en Vogue »

préparations de soins des ongles, nommément gels pour ongles à appliquer au pinceau, gels durcissants pour les ongles

résine de modélisation (contenant de 50 ml)

« résine de modélisation 50 ml »

dissolvants de vernis à ongles

fluide nettoyant d’ongles « Prep & Clean » (Préparation et nettoyage) (contenant de 500 ml)

« Préparation et nettoyage 500 ml »

ongles artificiels

« 50pk Refill Bags Sizes 0-9 Curved Half-Well or Flat Full-Well » (sacs de recharge de 50 morceaux de taille 0 à 9, demi-prothèse courbe, pleine prothèse plate)

« bout d’ongle plat, taille no 3, 50 morceaux »

formes d’ongles

« 300pc Disposable Forms w/perforated ends » (formes jetables de 300 morceaux dont les bouts sont perforés)

« formes jetables – 300 morceaux »

brosses à poussière

Brosses et des brosses à poussière

« Brosse sculptante NOIRE en Vogue » et « pinceaux à ongles à pointe fine en Vogue »

[23]  Comme ces articles figurent dans le catalogue et qu’ils arborent la Marque et puisque les factures indiquent que ces articles ont vendus au Canada durant la période pertinente, je conclus que la Propriétaire a établi l’emploi de la Marque en liaison avec chacun des produits visés par l’enregistrement énumérés dans le tableau qui précède au sens des articles 4(1) et 45 de la Loi.

[24]  La Propriétaire soutient que comme la majorité des produits visés par l’enregistrement sont liés aux produits de mise en valeur des ongles, la preuve devrait suffire pour me permettre de conclure que la Marque n’est pas du [traduction] « bois mort » en ce qui concerne l’ensemble des produits visés par l’enregistrement. La Propriétaire cite Saks & Co c Canada (Registraire des Marques de Commerce) (1989), 24 CPR (3d) 49 (CF 1re inst) [Saks], et Westinghouse Air Brake Co v Moffat & Co (2001), 14 CPR (4th) 257 (CF 1re inst), pour la proposition selon laquelle le fait d’exiger de la Propriétaire qu’elle fournisse une preuve documentaire précise pour chaque produit correspondrait à une surabondance d’éléments de preuve. En réponse, la Partie la requérante invoque Matthew S George c Dr’s Own, Inc, 2018 COMC 147, aux para 71 à 77, pour la proposition selon laquelle le principe Saks s’applique uniquement lorsque le propriétaire inscrit a fourni une preuve suffisamment détaillée et a expliqué cette preuve suffisamment clairement pour que le registraire puisse logiquement conclure qu’une marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits de l’enregistrement.

[25]  Je suis d’accord avec la Partie requérante sur ce point. La preuve de la Propriétaire décrit un vaste éventail de produits, certains arborant la Marque et d’autres arborant d’autres marques de commerce. Aucun fondement factuel ne me permet de conclure que l’un des produits visés par l’enregistrement non énumérés dans le tableau arborait la Marque plutôt que d’autres marques de commerce.

[26]  En particulier, je note qu’aucun produit du catalogue ne peut être facilement qualifié de « nettoyants pour pinceaux à ongles ». Par conséquent, je conclus que la Propriétaire n’a pas établi l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement « nettoyants pour pinceaux à ongles ».

[27]  De même, il me semble que dans le contexte des articles figurant dans la preuve de la Propriétaire, les produits visés par l’enregistrement « adhésifs à usage industriel » et « adhésifs pour ongles » sont simplement des formulations générales des produits visés par l’enregistrement « adhésifs pour ongles artificiels ». De façon générale, l’emploi attesté en liaison avec un produit précis ne peut pas servir à maintenir plusieurs produits dans un enregistrement [voir John Labatt au para 14]; en outre, lorsque l’emploi en liaison avec un produit précis pourrait appuyer deux produits dans un enregistrement, l’enregistrement plus précis sera maintenu par rapport à l’enregistrement plus général [Sharp Kabushiki Kaisha c 88766 Canada Inc (1997), 72 CPR (3d) 195 (CF 1re inst), aux para 14 à 16; DLA Piper (Canada) LLP c Huer Foods Inc, 2019 COMC 62, au para 19]. Comme rien dans la preuve n’est visé par la catégorie de certains produits adhésifs et non d’autres, je conclus que la Propriétaire n’a pas établi l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement « adhésifs à usage industriel » et « adhésifs pour ongles ».

[28]  Enfin, je ne peux conclure que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement « appareil d’éclairage, nommément lampes UV (non pour fins médicales) ». Bien que la lampe UV/LED figure dans le catalogue, la Marque ne semble pas être affichée sur la lampe elle-même et même si les factures indiquent que la « lampe UV/LED INFUSION en Vogue » a été vendue pendant la période pertinente, l’apposition des mots « en Vogue » sur les factures ne constitue pas l’emploi de la marque figurative, comme il est indiqué ci-dessus. Je note qu’une lampe UV/LED figure aussi dans le catalogue dans le produit « trousse de départ » dont l’emballage arbore la Marque; toutefois, les factures n’indiquent nulle part que la trousse de départ a été vendue pendant la période pertinente. Ainsi, je conclus que la Propriétaire n’a pas établi l’emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l’enregistrement « appareil d’éclairage, nommément lampes UV (non pour fins médicales) ».

[29]  Comme rien dans la preuve dont je suis saisi n’indique l’existence de circonstances spéciales justifiant le non-emploi de la Marque en ce qui concerne les « nettoyants pour pinceaux à ongles », les « adhésifs à usage industriel », les « adhésifs pour ongles » et l’« appareil d’éclairage, nommément lampes UV (non pour fins médicales) », l’enregistrement sera modifié en conséquence.

Décision

[30]  Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de supprimer les produits « adhésifs à usage industriel », « adhésifs pour ongles », « nettoyants pour pinceaux à ongles » et « appareil d’éclairage, nommément lampes UV (non pour fins médicales) » de la liste de produits visés par l’enregistrement.

[31]  L’état déclaratif des produits modifié sera libellé comme suit :

Produits chimiques utilisés dans l’industrie et en photographie, en particulier gel durcissant à la lumière; adhésifs pour ongles artificiels; produits pour le soin des ongles, nommément faux ongles, ongles artificiels et colle sous forme de trousse, limes d’émeri, tous pour le soin des ongles; préparations de soins des ongles, nommément gels pour ongles à appliquer au pinceau, gels durcissants pour les ongles; dissolvants de vernis à ongles, ongles artificiels; formes d’ongles; brosses à poussière.

 

G.M. Melchin

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Liette Girard


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

DATE DE L’AUDIENCE 2019-12-05

COMPARUTIONS

Jacky Wong

Pour la Propriétaire inscrite

Kenneth McKay

Pour la Partie requérante

AGENTS AU DOSSIER

Borden Ladner Gervais LLP

Pour la Propriétaire inscrite

Marks & Clerk

Pour la Partie requérante

 

 

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